1942-1943 - Broadway Boogie-Woogie de Piet Mondrian

La syncope — tout comme le contretemps — est perçue par l'auditeur comme un déplacement de l'accent attendu. Elle peut être considérée comme un élément rythmique en conflit avec la mesure.

synesthésie : association de sensations diverses.

exemples : une couleur criarde, un parfum savoureux...

Mise au point lexical : peinture figurative / peinture abstraite

Il semble a priori bien difficile d'analyser une toile abstraite comme celle-ci. En effet, de quoi peut-on parler ?

Etonnamment, un tableau abstrait peut cependant s'analyser de la même façon qu'un poème au sens mystérieux.

Le titre est le premier indice qui va nous guider : ici, il renvoie à deux éléments : Broadway, un quartier de Manhattan connu pour ses théâtres et sa vie nocturne, très animé et clinquant de néons et le boogie-woogie, une musique dansante très joyeuse et rythmée des années 40. Ainsi sont suggérés un lieu, une ambiance, un rythme, des sonorités. Autant d'éléments que l'on pourrait retrouver dans un poème.

-> FRITES

Formes : les formes de bases sont le carré et le rectangle : tout est à angle droit, il n'y a aucune courbe, aucune pointe. Il y a cependant deux sortes de motifs : les uns sont en bandes courte et régulières verticales et horizontales, les autres sont des surfaces plus importantes prises entre les bandes dans lesquelles se superposent plusieurs rectangles. (orange : composition)

Ces formes ne sont pas sans rappeler le plan à angle droit des rues de New York et il est donc intéressant de souligner que l'abstraction n'est pas complète puisque l'on peut associer formes du tableau et plan.

Elles peuvent également évoquer les buildings de la ville dans lesquels on retrouve des bandes horizontales et verticales.

Enfin, il n'est pas impossible d'imaginer des voitures, taxis, feux tricolores et autres sujets qui évoquent la circulation dans les artères de Manhattan.

Les formes utilisées et la composition bien qu'abstraites, renvoient donc à des images évocatrices de la ville et en sont une sorte de métonymie.

Rythme.

Le titre indique que la toile doit s'imaginer sur un rythme de boogie-woogie, très particulier et très reconnaissable. -> la toile est une métaphore de la musique.

Mondrian joue également sur le rythme de trois couleurs, bleu, rouge, blanc sur les bandes jaunes : les similitudes et les irrégularités sont comparables aux usages rythmiques que peut avoir un poète mais le rythme est ici visuel et non sonore.

Les effets d'empilements des gros carreaux donnent un relief à l'ensemble et amplifient les effets rythmiques.

Thèmes : ville musique

Enonciation : il est difficile de parler d'énonciation au sens propre pour un tableau abstrait, pour autant, on ne peut s'empêcher de penser qu'il est à la première personne et s'inscrit dans un registre lyrique : en effet, il est indéniable que de nombreux éléments du tableau (titre, jaune, sa composition aérée...) expriment l’allégresse de Mondrian et deux détails biographiques le confirment : d'une part, ce tableau est une rupture par rapport à son style habituel où tout est cloisonné de larges traits noirs, d'autre part, à l'époque où il l'a peint, il vient de quitter sa Hollande natale en guerre et est émerveillé par l'énergie et la joie de New York.

Sonorités : Là encore bien sûr, pas vraiment des sonorités mais par synesthésie, comment ne pas associer le jaune d'or, préféré par Mondrian à son habituel jaune primaire au son chaud et joyeux des cuivres des grands orchestres qui interprétaient les boogie-woogies ?

Mondrian s'apprêtait à explorer cette nouvelle voie artistique davantage dans sa toile Victory Boogie-Woogie mais l'attaque cardiaque qui l'a terrassé ne le lui permit pas...

L'analyse d'un autre tableau de Mondrian ici.