1946 - " Le cristal automatique ", Aimé Césaire

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http://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9phone#Le_t.C3.A9l.C3.A9phone_automatique

cristal : idée de cristallisation, d'agglutinement, sans doute des images poétiques, c'est peut-être ainsi qu'il conçoit la notion d'écriture automatique des surréalistes, une idée en appelant une autre. (cf l.13)

automatique est polysémique : "écriture automatique", "arme automatique" (cf titre du recueil qui évoque la poésie engagée), "téléphone automatique", nouveauté de l'époque -> "allo"

Le poème est parsemé d"allo allo" qui forment une sorte de refrain récurrent.

La forme : anti-alinéa, absence de ponctuation, prose -> l'auteur se démarque fortement des formes habituelles.

Rythme : pas de strophe mais une reprise de souffle à chaque allo. Quelques anaphores (lignes 2 et 3 et 10 et 11 et 14, 14, 15 et 17) et répétitions (ex. pluie)

L'accumulation des groupes introduits par des prépositions "coule".

Images : souvent obscures, on a parlé au milieu du XXe pour certains poètes dont Césaire de leur hermétisme, c'est à dire de la difficulté voire de l'impossibilité dans laquelle on est d'en comprendre le sens. L’effet est accentué par cette "cristallisation".

Thèmes :

- la nuit au sens large d'absence de lumière comme de zone d'ombre

- la femme aimée : espoir (l'aube) Les dernières images indiquent qu'elle est sans doute martiniquaise

- l'eau -> à connotation plutôt négative malgré l'image des lagunes et des yeux de rivière

- la mort

- la couleur : nuancer le noir qui n'est pas vraiment noir est une préoccupation récurrente des poètes de la négritude.Du point de vue de la physique, le blanc et le noir sont des non-couleurs -> paradoxe.

Ex. du bout des seins couleur de terre (c-à-d marron) ; "même noyé, je n'aurai jamais cette couleur-là " : le vert des cadavres de blancs.

"la journée blonde" donne peut-être la clé du poème : l'opposition. (blanc/noir, amour/mort, jour/nuit, l'eau agréable ou désagréable) -> beaucoup de nuances à chaque fois, pas de manichéisme.

Le poète exprime ses ambiguïtés, ses espoirs et ses angoisses mais n'est jamais dans revendication simpliste : le poème pose des questions davantage qu'il ne lance des slogans.

Enonciation :c'est celle d'une conversation téléphonique : "je" parle à "tu". Le "je" est nettement lyrique, le poète exprime des sentiments personnels qu'il extériorise. Les sentiments sont pour partie amoureux puisque le "tu" est explicité par le mot "absente". Le téléphone évoque la séparation. Verbes dans le système des temps du présent. Le choix de la conversation téléphonique pour un échange amoureux est étonnant pour l'époque.

Sonorités : On est dans un jeu de sonorités poétiques. Allitération en "b" ligne 14 et 15 qui établit un lien entre absente, baigneuse, lombric, aube -> le lien est cohérent pour trois de ces mots et le lombric est perturbant et accentue le côté écriture automatique et hermétisme.