Le tourisme et ses espaces

Deux plages au Vietnam, Mui Ne et Hon Ron

« Mui Ne fait figure de petit paradis touristique : la plage de sable blanc et fin, les cocotiers, les transats au bord d’une mer turquoise… ne nous y trompons pas : aussi préservée qu’elle puisse paraître, la plage a bien été aménagée à des fins touristiques, en respectant des codes esthétiques occidentaux. L’électricité, l’eau courante, des sanitaires (WC) à l’occidentale et Internet ont été installés. La nature a été apprivoisée : des cocotiers ont été abattus et les cocoteraies agricoles ont cédé la place à des cocotiers ne faisant plus office que de décor sur la plage ; les liserons de sable (une plante) ont été arrachés pour éloigner les puces de mer ; le sable a été égalisé et la piste est devenue une route goudronnée équipée de feux tricolores. Ce sont surtout des hébergements touristiques qui s’étirent le long de la plage, des restaurants, des agences de voyage et des boutiques de souvenirs.  Les langues des enseignes commerciales est le vietnamien mais aussi l’anglais, voire le russe et le japonais. Une nouvelle activité nautique y a également vu le jour, inconnue jusqu’alors au Vietnam : le surf, la planche à voile et le kitesurf. Les clubs de surf sont une invention touristique récente à Mui Ne, correspondant à une pratique balnéaire occidentale et mondialisée : on pourrait en effet retrouver ce même club dans bien d’autres pays que le Vietnam.

Quelques kilomètres plus loin, l’espace touristique est bien différent. Hon Ron est une plage qui n’accueille que des Vietnamiens, et pour cause : elle a été pensée pour eux. L’aménagement intègre des éléments de la plage occidentale, la mer, le sable et le soleil, mais le rapport que les vietnamiens entretiennent avec eux est différent. Les Vietnamiens cherchent surtout à se protéger du soleil, pour des raisons médicales et esthétique : une peau blanche est pour eux plus belle qu’une peau bronzée. Cela explique que la plage, dont le sable est considéré comme désagréable, voire sale, soit un espace répulsif. Ce n’est ni un espace de détente, ni un espace de sociabilité, mais seulement un espace de passage entre la mer et l’établissement balnéaire couvert qui est à l’abri du soleil. Ils vont à la mer pour se baigner : il ne s’agit pas de nager (la plupart ne sachant pas) mais de se rafraichir et de jouer dans l’eau sur les premiers mètres, là où les baigneurs ont encore pied. Une halle centrale assure confort et fraîcheur. Les Vietnamiens y restent une bonne partie de la journée : ils y mangent à table, y boivent, y discutent, y jouent, y dorment (hamacs et transats). De nombreuses vendeuses ambulantes y circulent pour vendre des souvenirs, des billets de loterie ou de quoi boire et manger. »

D’après E. Peyvel, « Mui Ne : deux approches différenciées de la plage par les touristes occidentaux et domestiques », Géographie et cultures, 2008.