Dr Nadine Fouques Weiss Conseillère des Français de l'étranger Allemagne du Sud
Editorial
« La maladie vient à cheval, elle s'en retourne à pied » Proverbe guadeloupéen
Madame, Monsieur, chers compatriotes,
Nous avons, selon les mots du Président de la République "retrouvé le plaisir d'être ensemble". Ceci est une très bonne chose, qui ne doit pas faire oublier que, d'une part nous devrons affronter les problèmes économiques post-Covid19, et d'autre part le virus SRAS Cov2 n'a pas, hélas, disparu.
La crise sanitaire est-elle derrière nous ? Rien n'est moins sûr!
Un sondage en ligne effectué par le laboratoire pharmaceutique Stada (Stada Health Report) montre que 67% des personnes interrogées en Allemagne sont satisfaites de la prise en charge médicale pendant la crise du Coronavirus contre 7% de mécontents, mais aussi qu'ils attendent avec impatience un vaccin. Je fais le point sur la question des vaccins dans l'article ci-après.
Y aura-t-il une deuxième vague à l'automne ? Pour cela il suffirait: 1/ que les "clusters" qui apparaissent ne soient pas circonscrits, 2/ qu'avec la reprise progressive en juillet des vols en UE et, au cas par cas de vols internationaux, ne surgissent des cas réimportés, 3/ que certains pays n'autorisent trop tôt des rassemblements importants ou que des manifestations avec un grand nombre de personnes ne se tiennent malgré les interdictions, 4/ que le virus ne mute vers une forme plus agressive encore...
En Allemagne, les grands rassemblements sont interdits jusqu'en décembre. Malgré les précautions, le pays n'a pas pu éviter un "cluster" chez Tönnies, le plus grand abattoir d'Europe dont la moitié des effectifs est touchée, soit 1550 porteurs du virus (sur 6139 testés) immédiatement mis en quarantaine ainsi que les sujets contacts. Pour circonscrire la circulation du virus, un reconfinement a été décidé le 23 juin dans deux cantons de la région de l'abattoir (Rhénanie-du-Nord, Westphalie) qui concerne plus de 600 000 habitants.
Difficulté des rassemblements, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), après l'annulation de sa session de mars pourrait bien ne pas se réunir non plus en septembre/octobre 2020. En effet, certaines régions (Inde, Brésil, USA, Afrique…) n'ont même pas encore atteint actuellement le pic épidémique. Un rassemblement fin septembre à Paris de conseillers élus venant de tous les pays du monde comporterait, à mon sens, un risque non négligeable de ré-import de cas Covid19.
Qu'en est-il des vaccins ?
Plus de 100 vaccins sont en train d'être développés dans le monde entier. Certains en sont déjà à la phase de test chez l'homme, tels ceux de Astra-Zeneca et de Pfizer pour tenter de contrôler une maladie qui a, malgré le confinement, infecté 8 millions de personnes et en a tué 430 000 dans le monde. A Singapour, on teste actuellement sur les souris un vaccin avec une technologie nouvelle basée sur le mRNA (Messenger RNA) du laboratoire "Arcturus Therapeutics". Un premier essai chez l'homme est prévu en août 2020. Même dans l'hypothèse la plus optimiste un tel vaccin, avec cette nouvelle technologie, ne pourrait pas être disponible avant un an. Il est donc possible, pensent les chercheurs à Singapour, que l'on développe un traitement qui serait disponible avant le vaccin, par exemple à base d'un anticorps monoclonal qui imiterait les anticorps naturels et pourrait être produit en laboratoire en grandes quantités.
Une inconnue est aussi la durée de la protection conférée par la maladie. Des scientifiques de Wenzhou en Chine ont étudié des personnes ayant été infectées par la Covid19 (37 avec symptômes et 37 sans).
Ils ont publié leurs résultats dans le journal en ligne "Nature Medicine". Il en résulte que 8 semaines après leur guérison les anticorps ne sont plus détectables chez 40% des personnes qui n'avaient pas eu de symptômes et chez 13% de ceux qui en avaient eu.
Cette absence d'anticorps et donc probablement d'immunité après avoir eu la Covid19 interpelle:
- sur la pertinence de "passeports immunitaires" envisagés par certains pays,
- sur la durée de protection que pourra conférer un éventuel vaccin.
En conclusion, n'ayons pas peur mais, en attendant d'en savoir plus, soyons vigilants et respectons les gestes-barrière!
Actualités...
. Le pilotage du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en question:
La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur le pilotage par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) des opérateurs de l’action extérieure de l’Etat (programme 185 de la loi de Finances). Il s’agit de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), l’Institut français, Campus France et Atout France. Il est question aussi de huit autres opérateurs dont le MEAE a la co-tutelle: l'Agence française de développement, Business France, Expertise France, France Volontaires, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, l’Institut pour la recherche et le développement, Canal France International et France Médias Monde. Autant de structures hétérogènes, au périmètre d’intervention différent, avec des gouvernances, un pilotage et des objectifs propres. Le rapport souligne ainsi la difficulté de coordination, de mise en cohérence des actions de ces entités, notamment au sein de l’administration centrale du MEAE. La Cour formule donc des recommandations afin de mettre en œuvre un pilotage stratégique de tous ces organismes, de façon à ce que leurs orientations gagnent en lisibilité et en cohérence.
Il faut souligner que malgré la multiplication d'instances dédiées, le commerce extérieur de la France est en déficit chronique (58,9 milliards d'euros l'an passé, en léger redressement par rapport à 2018). Cette imbrication de structures, empilées en couches successives, est souvent au cœur des lourdeurs françaises. On l’a vu dans la gestion de la Covid19 pour les masques et les tests, où les collectivités locales ont dû prendre le relai d’un Etat-paquebot difficile à manœuvrer. Lire le rapport en lien ci-contre.
. Un référendum en France sur de grandes questions écologiques?
La Convention citoyenne sur le climat, mise en place par le Président Macron par tirage au sort de 150 citoyens qui ont planché pendant neuf fois sur les questions liées au réchauffement climatique, vient de rendre sa copie. Un catalogue de 149 propositions dont certaines font déjà polémique (voir les propositions en lien ci-contre). Par exemple l'introduction dans la Constitution du crime d'écocide, ou plus léger, la réduction de la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h au lieu de 130. Le Président avait indiqué qu'à l'issue des travaux certaines propositions pourront être soumises à référendum. Tirant les leçons de la taxe carbone qui avait déclenché l'indignation des gilets jaunes des semaines durant, le chef de l'Etat semblerait ne plus vouloir prendre seul les décisions en la matière... Mais quelle forme prendra un tel référendum, sachant que dans sa forme classique il s'agit de répondre par "oui" ou "non" à une question bien définie ? S'il s'agit d'un référendum à questions multiples, quelles propositions parmi les 149 seront retenues et qui les sélectionnera, le Président, le Parlement? Les parlementaires ruent déjà dans les brancards en fustigeant la mise à l'écart de la représentation nationale...
M. Macron ne s'est-il pas mis dans un piège? Il existe dans la Constitution depuis 2008 le référendum d'initiative partagée, disposition entrée en vigueur en 2013 et qui n'a jamais servi et pour cause: seuls les parlementaires, et pas les simples citoyens, peuvent le demander à condition de représenter au moins 1/5e du parlement soit 185 parlementaires (actuellement seul le Groupe LaREM le peut). Ensuite, examen par le Conseil constitutionnel pour contrôle puis la proposition de loi référendaire doit recueillir le soutien de 1/10e des électeurs inscrits sur les listes électorales via le site internet "Referendum.interieur.gouv" soit environ 4,6 millions d'électeurs. Puis la proposition de loi retourne au parlement qui "peut" l'adopter et sinon le Président de la République peut "soumettre le texte aux Français par référendum". On comprend mieux pourquoi cette disposition n'a jamais servi ! Pourtant la mise en place du site internet dédié a coûté énormément d'argent public.
Comme il y a un monde entre la production d’idées et de solutions et leur transformation en règles de droit s’imposant à tous, gouvernants compris, nous saurons très bientôt si la Convention citoyenne aboutira à un référendum à questions multiples ou représentera une sorte de QCM pour faire émerger les propositions les plus consensuelles. Un référendum classique même à questions multiples peut entraîner le risque du contre-plébiscite du style "the answer is no, what is the question", surtout dans le contexte actuel de crise économique post-pandémie.
A quand la mise en place d'un vrai référendum d'initiative populaire au périmètre bien défini sur des sujets clairs, précis et décisifs, dont l'écologie fait bien évidemment partie, comme cela existe dans d'autres pays (Suisse: 100 000 signatures suffisent et Italie: 500 000 pour le référendum abrogatif) ?
Cela donnerait à tous le sentiment d'être non seulement écoutés mais entendus.
Rappelons que les Français inscrits sur la liste électorale consulaire peuvent voter aux référendums.
En savoir plus
Ministère de l'Europe et des affaires étrangères: Rapport de la Cour des compte
Convention citoyenne pour le climat:
Référendum: