Mai 2015

Edito

Madame, Monsieur, chers compatriotes,

L’AFE s'est réunie en mars dernier. Rapporteur thématique sur les retraites au sein de la commission des affaires sociales et anciens combattants, j’ai pensé utile de rédiger un article sur la question complexe des retraités multi-frontières. Un vade-mecum avant d’envisager une mobilité dans plusieurs pays successivement.

Vous trouverez par ailleurs un résumé des travaux des six commissions (en lien ci-contre), qui portent sur des sujets aussi importants que les droits électoraux, les questions juridiques, fiscales, sociales, l’enseignement, la sécurité et l’environnement. Chacun pourra, s'il le souhaite, se renseigner plus à fond sur le sujet de son choix en cliquant sur les liens ad hoc.

La commission des lois s'est ainsi interrogée sur la trop faible participation des Français de l’étranger aux dernières élections de 2014, et a émis quelques hypothèses sur ce qui a pu constituer un frein dans la mise en œuvre du processus électoral après la réforme de 2013. Je mettrais l’accent sur trois causes principales: la suppression de l’envoi des professions de foi à domicile, les graves dysfonctionnements du vote par internet et les modifications à répétition des lieux de vote pour les Français de l'étranger (européennes et législatives). Le rapport "Bilan des élections 2014" peut être consulté en ligne (en lien ci-contre).

Sur un autre plan, nous voyons arriver avec satisfaction la résolution de deux questions épineuses, celle du prélèvement CSG CRDS sur les revenus immobiliers des non-résidents jugée incompatible avec le droit européen et celle de l’imposition des retraités frontaliers qui ne seront plus ponctionnés des deux côtés du Rhin. Les conséquences concrètes de ces résolutions sont développées dans mon article Conventions fiscales, du nouveau.

Je ne peux passer sous silence la réforme actuelle du collège dont la description en "novlangue" est assez hallucinante! On cherche à supprimer l'excellence et tout ce qui différencie, l’apprentissage du latin et du grec y compris. Je me dois de mentionner que l'on envisage, chose qui ne peut laisser indifférents les Français vivant dans un pays germanophone, la suppression des classes de 6èmes bi-langues qui marchaient et avaient permis de redonner sa place à l'apprentissage de l'allemand (15% des élèves). A contrario, nous constatons tous les jours que les petits Allemands, eux, apprennent le français. Espérons que le questionnement officiel de l'Ambassadeur d'Allemagne à Paris fera réfléchir le gouvernement. Comme le dit très justement J-M Blanquer, "l'égalitarisme nuit à l'égalité" et ces raisonnements égalitaristes absurdes sont de nature à " faire le lit du déclin du secteur public" (cf. article dans le magazine "Le Point" du 23.4.15).

Enfin je souhaite évoquer que sur le plan sanitaire, déformation professionnelle oblige, dans le sud de l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie, certains endroits en Pologne, dans les pays baltes, en Russie, en Roumanie, en Albanie, les tiques peuvent transmettre non seulement la borréliose mais aussi une méningite virale printanière contre laquelle il n’existe pas de traitement mais qu’on peut prévenir par une vaccination chez son médecin traitant. Le vaccin n’est pas commercialisé en France mais les services médicaux du ministère des Affaires étrangères en disposent, si besoin. Bien entendu le vaccin est disponible dans les pays concernés. Voir la fiche d'information en lien ci-contre.

Je souhaite à tous mes lectrices et lecteurs un agréable printemps et une bonne lecture en espérant n’être pas tombée dans ce qu’on appelle l'infobésité" c’est-à-dire la surinformation médiatique par mails.

Retraités multi-frontières

Quels sont vos droits, les formalités à accomplir pour percevoir votre retraite, de quelle façon vous sera-t-elle versée, quelles sont les solutions en cas de situation précaire, quelle pourrait être l'évolution de votre couverture sociale à l'étranger?

Voici un point de la situation des retraités ou futurs retraités à l'étranger, à la lumière des derniers travaux de la commission des affaires sociales de l'AFE. Nous avons auditionné sur cette question la directrice juridique du CLEISS (Centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale) et la directrice des relations internationales de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

La première question à se poser est de savoir si le retraité a été salarié expatrié au sens de la législation de sécurité sociale ou non. Hormis les cas particuliers, il est soit détaché d'un régime français de sécurité sociale (durée de 2 à 6 ans au maximum) soit expatrié cotisant à un régime local de sécurité sociale.

Les textes qui s'appliquent à chaque situation sont régis par:

- les règlements européens 883/2004 et 887/2009 (qui ont succédé aux règlements

1408/71 et 574/72);

- des conventions internationales;

- des décrets de coordination (collectivités territoriales).

Les nouveaux règlements européens ont été adoptés progressivement après 2010 pour la Suisse, les trois pays de l'EEE et la Croatie. Quand les nouveaux règlements ne sont pas en vigueur, c’est le 1408/71 qui s'applique (cas du Royaume-Uni vis-à-vis des ressortissants d’Etats tiers par exemple).

En Union européenne là où les règlements 883/2004 et 987/2009 s'appliquent, deux cas de figure se présentent :

- Si le pensionné a cotisé uniquement à un régime français, l'Etat compétent est la France qui lui délivre un formulaire portable S1 (ancien E121). Il est pris en charge pour le compte de la France par une caisse publique locale. Si le retraité va se faire soigner en France, il aura droit à une carte vitale délivrée par sa dernière caisse de rattachement ou celle la plus proche de son domicile (CPAM). La France lui délivre une Carte européenne d’assurance maladie (CEAM) valable pour tous les pays de l’Union sauf pour l’Etat de résidence et pour la France;

- Si le retraité a travaillé dans plusieurs pays de l'UE et a résidé dans l'un d'entre eux, c'est en règle générale le pays de résidence qui est l'Etat compétent. Il délivre alors la CEAM pour les autres pays européens. Si le retraité veut aller se faire soigner en France de façon programmée, il doit demander à sa Caisse locale le formulaire S2 (ancien E112).

Hors Union européenne: peu d'Etats prévoient des dispositions sur la prise en charge des retraités. Grâce à des accords, l'accès aux prestations de l'Etat de résidence est possible avec le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Turquie, les États issus de l'ex Yougoslavie, Andorre, Monaco, le Chili. Cela se fait sous réserve de payer des cotisations au régime local (Chili par exemple).

En tout cas, depuis le 1er janvier 2015 tout retraité du régime français hors UE peut bénéficier d'une prise en charge de ses soins en France sur présentation de la carte vitale délivrée par le Centre national des retraités français à l’étranger (CNAREFE)*.

Les retraités concernés pourront effectuer leur demande d'affiliation à l'assurance maladie:

        sur le site ameli.fr ici

        par téléphone: + 33 811 701 005, du lundi au vendredi, de 8h à 17h (heures françaises)

        par courrier : *CPAM de Seine-et-Marne CNAREFE, 77605 MARNE-LA-VALLEE CEDEX 03

Le site du CLEISS est très bien fait et présente le système français ainsi que les autres systèmes de sécurité sociale avec lesquels la France a des conventions. Ce site dispose également d'une plateforme de traduction.

1. Droit à l’information: depuis le 1er janvier 2015, il existe un droit à l'information et un entretien spécifique pour les futurs expatriés est possible. Il porte sur:

- les règles générales des droits d'acquisition à pension

- les possibilités de cotisations volontaires ou de rachats

- les modalités de prise en compte des activités professionnelles accomplies à l'étranger.

2. Prime pour les petites retraites: versement d'une prime unique de 40 euros aux retraités titulaires d'une retraite du régime de base au 30 septembre 2014 et dont la retraite ne dépasse pas 1200 euros/mois. Cette prime n'est pas soumise aux cotisations sociales CSG/CRDS mais fait partie du revenu imposable.

3. Contrôle d'existence et certificat de vie: les formalités seront simplifiées par la mise en place d'un système d'échange de données automatique qui avertira directement la CNAV lors d'un décès. Cela est prévu fin 2015 entre la France et l'Allemagne puis avec l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg. La mutualisation des envois de contrôle d'existence est en cours.

4. Attestation fiscale: le montant annuel des retraites versé n'est plus envoyé par courrier mais est accessible via le compte personnel en ligne sur le site  https://www.lassuranceretraite.fr et par téléphone.

5. Paiements internationaux: ils s’effectuent en euros pour l'UE et l'Algérie vers la BRED et en monnaie locale pour les autres pays. Trois acteurs interviennent:

- la Bred qui reçoit les virements de la CNAV,

- le coordonnant bancaire local de la BRED qui le réceptionne et le transmet,

- et enfin la banque du retraité.

Les taux de change sont homogènes pour un pays donné mais sont soumis aux variations du marché des devises. La CNAV ne prend pas de frais différenciés selon le montant de la pension et les frais locaux ne dépendent pas d'elle. Cependant si ceux-ci paraissaient abusifs, il conviendrait de le lui signaler.

Seule l'adhésion à la CFE (Caisse des Français de l'étranger) permet de continuer de cotiser au régime français de retraite pendant l'expatriation. Les périodes de prise en compte pour la retraite des activités effectuées à l'étranger sont cumulables en UE ce qui est important pour le taux. Elles sont cumulables aussi entre 2 pays hors UE s'il existe des conventions bilatérales mais les conventions bilatérales ne sont pas cumulables entre elles sauf pour les nouvelles conventions telles que celle en cours avec le Brésil qui prévoit que l'accord englobera un 3ème Etat si celui-ci a déjà un accord avec la France et le Brésil. Des accords de ce type sont en cours avec l'Uruguay, la Serbie et la Chine.

Les règles deviennent de plus en plus compliquées, aussi bien pour le retraité que pour les administrations, dans un monde où les citoyens sont de plus en plus mobiles. Il convient donc de bien s'informer de ses droits et des possibilités existantes avant de s'expatrier dans plusieurs pays de façon à ne pas avoir des surprises désagréables le moment de la retraite venu.

Lire le rapport de mars 2015 de la commission des affaires sociales et anciens combattants de l’AFE ici

Lire mon rapport de la réunion du 13 mars 2015 de la Commission permanente pour la protection des Français de l’étranger en téléchargement ci-dessous.

Conventions fiscales, du nouveau

Le chaud et le froid soufflent sur le sort fiscal des non-résidents. En principe les conventions fiscales sont là pour éviter les situations de double imposition. On a vu que certaines taxations sont passées entre les mailles du filet, et ce à la lumière de deux dossiers: l'imposition des retraités frontaliers en Allemagne et le prélèvement CSG CRDS sur les plus-values immobilières des non-résidents. Si ces dossiers sont réglés ou en voie de l'être, on peut s'inquiéter d'une nouvelle disposition introduite dans la récente convention signée par la France avec Andorre et qui pourrait préfigurer les futurs accords que signera la France. Soit une imposition sur la nationalité!

A la suite de l’accord trouvé entre la France et l’Allemagne pour régler la situation inique de double imposition des retraités frontaliers ayant travaillé dans l’un des deux Etats et vivant dans l’autre, un avenant à la convention fiscale de juillet 1959 a été signé le 31 mars à Berlin en marge du Sommet franco-allemand. Son texte stipule que les retraités sont uniquement imposés là où ils résident. Traduction: les Français percevant une retraite allemande et résidant en France ne seront plus taxés qu’en France. Quelques 70.000 anciens travailleurs frontaliers de l’est de la France sont concernés. L’accord pérennise par ailleurs le régime des travailleurs frontaliers, qui compte-tenu des flux inégaux entre les deux pays, donnera lieu à une compensation versée par la France, de l’ordre de l’ordre de 30 millions d’euros d’ici 2020 dont bénéficieront principalement les Länder frontaliers du Bade-Wurtemberg, de la Rhénanie-Palatinat et de la Sarre.

L’entrée en vigueur du nouveau dispositif interviendra après la ratification de l’avenant par les parlements respectifs, vraisemblablement le 1er janvier 2016. C'est à ce moment là que tous les détails seront vraiment connus. S’il faut se réjouir de la solution négociée entre les deux Etats, je regrette la non-rétroactivité de la mesure qui ne permet pas d’effacer les arriérés d’impôt réclamés par le fisc allemand, d'autant que la rétroactivité des impôts est de 5 ans en Allemagne contre 3 ans en France. Voir le dossier de mon site à ce sujet ici

Le prélèvement CSG CRDS sur les revenus immobiliers (loyers et plus-values) que les non-résidents fiscaux tirent d’un bien immobilier situé en France n’a pas lieu d’être. C'est l'avis de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt du 26 février 2015 et qu’a confirmé le Conseil d’Etat dans son arrêt du 17 avril 2015. Ces jugements ont deux conséquences: 1/ Le prélèvement CSG CRDS, assimilé aux prélèvements sociaux, est contraire au droit européen. La France devra mettre son droit en conformité avec les règlements européens et modifier sa loi de juillet 2012 sur ce point. 2/ Les sommes indument prélevées devront être remboursées aux contribuables qui en font la demande. Pour l’heure, la procédure de remboursement n’est pas encore définitivement tranchée mais on sait qu’une provision de 291M€ est prévue dans la prochaine loi de finances rectificative. Il faudra veiller à ce que les Français de l’étranger ne soient pas exclus d’un éventuel dispositif de remboursement, le tribunal de Montreuil (lieu des recours) se déclarant incompétent pour eux. Attention, la demande de remboursement est à faire avant le 31 décembre 2015. J’ai détaillé sur mon site les modalités de recours ici 

Une petite révolution s’est produite dans le processus d’adoption des conventions internationales, qui intéressent peu les sénateurs hexagonaux mais que nos sénateurs des Français de l’étranger scrutent à la loupe. Ces derniers ont incité le Sénat à refuser de ratifier la convention fiscale franco-andorrane. Pourquoi? Pour ne pas entériner un accord qui contient une véritable «bombe» à retardement fiscale, selon les orateurs de l’opposition. En cause l’article 25, qui stipule que la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française qui résident en Andorre, comme si la convention n’existait pas. Et de signifier que le champ d’application de la loi fiscale ne procèderait plus de la territorialité mais de la nationalité. Or l’impôt n’est pas la contrepartie de la nationalité dans la tradition française. La procédure parlementaire interdisant d’amender une convention, les sénateurs UMP et UDI ont voté contre. Une façon d’alerter les Français d’une insidieuse évolution de notre droit fiscal! Le ministre se défend en indiquant que la clause 25 D est particulière à cette convention et qu’elle n’est pas en train d’être intégrée aux autres révisions de conventions. Elle est conforme aux grandes lignes de l’OCDE. Il ajoute que la convention avec Andorre est bénéfique pour les Français qui y résident notamment pour l’imposition des plus-values immobilières (19% au lieu de 75%, taux d’imposition pour les pays non coopératifs). Malgré ces déclarations de bonnes intentions, il faudra rester vigilants !

Actualités...

. Conseil consulaire des bourses scolaires: les 28 avril 2015 à Munich (école de Giesing) et 30 avril à Stuttgart (Institut français). En savoir plus ici

. Session AFE: du 16 au 19 mars 2015 à Paris. Je rends compte des travaux de notre Assemblée ici

. Assemblée générale UFE Monde le 14 mars 2015 à Paris: l'ambassadeur François Barry Delongchamps, ex directeur des Français à l'étranger, élu président-délégué pour assurer la mise en œuvre du plan de développement aux côtés du président Gérard Pélisson. En savoir plus