Novembre 2015

Sommaire: Edito, "Justice excessive devient injustice"; Recouvrement des pensions alimentaires à l’étranger; CEAM et mobilité des soins; Actualités (Remboursement CSG CRDS; Session AFE d'octobre; Imposition des retraites franco-allemandes; Contrôle d'existence et certificat de vie; Election au Conseil d’administration de la CFE; Agenda des tournées et permanences consulaires…).

Edito

Madame, Monsieur, chers compatriotes,

"Summum jus, summa injuria" Cicéron (justice excessive devient injustice)

La France et l’Europe feraient bien de se remémorer cette maxime lorsqu'elles empilent des lois, ignorées du citoyen, et régissant pourtant, souvent à son insu, ses droits les plus fondamentaux. En voulant simplifier, juste aspiration, on complique encore un peu plus dans une Europe à plusieurs vitesses. Les nouvelles concernant les Français de l’étranger ne font que confirmer cette impression. Notre Assemblée s’est réunie début octobre. Vous trouverez sur mon site un résumé détaillant les points marquants de chaque commission. Malheureusement notre assemblée n'est que consultative. Notre parole n'est pas relayée autant que nous le voudrions et nous devons insister auprès de l'exécutif pour que nos résolutions soient prises en compte. Notre volonté est de faire bouger les choses dans l'intérêt de ceux qui nous ont élus. L'information est primordiale pour donner un écho à nos travaux. C’est le but de cette lettre.

Voici deux exemples pour illustrer ces propos:
- La CSG CRDS, qui sont des cotisations sociales, sont prélevées aussi sur les revenus locatifs des Français de l’étranger, alors qu’en règle générale ceux-ci ne bénéficient pas de la couverture sociale française mais de celle de leur pays de résidence. La Cour de Justice européenne a donc condamné ce prélèvement auquel la France a assujetti les non-résidents... mais il est évident que le gouvernement veut rembourser le moins possible voire continuer à prélever à l’avenir. C'est pourquoi il laisse dans le flou le plus longtemps possible les modalités de remboursement… Sachant que la rétroactivité de l’impôt est de 3 ans le temps travaille contre le contribuable et l’année 2012 ne sera pas remboursée. Il réfléchit à fusionner impôt sur le revenu et CSG qui ne sera donc plus une cotisation sociale mais un impôt. C’était d’ailleurs une promesse du candidat Hollande. A ce moment là, rien n'empêchera plus de taxer les Français de l’étranger et ...pour peu que la progressivité de la CSG soit adoptée, ils seront taxés en proportion de leurs revenus même étrangers!
- La nouvelle loi sur les successions en Europe, dont je vous ai parlé dans ma lettre info de juin-juillet dernier: depuis le 17 août 2015, pour les pays signataires (Etat de l’UE sauf Irlande, Royaume-Uni et Danemark) la loi du dernier domicile du défunt définit la loi successorale. L’unicité successorale résout, certes, des problèmes épineux de conflit de lois successorales lors d’un décès mais elle risque de désavantager les héritiers du point de vue fiscal. L’unicité successorale ne signifie pas, en effet, modification de la fiscalité de l’héritage. Un exemple: si vous résidez dans un pays signataire considérant l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers comme relevant de sa loi successorale, le fisc de ce pays imposera la succession globale ce qui n’empêchera pas le fisc d’un pays considérant que les biens immobiliers doivent être imposés dans le pays où ils sont situés de réclamer aussi des droits de succession sur les biens situés sur son territoire. De surcroît en cas de mobilité professionnelle en UE, la loi successorale change de facto avec chaque changement de domicile! Heureusement il existe la possibilité de rédiger une "professio juris" qui permet de choisir que la loi successorale de sa nationalité s’applique. C’est dire la nécessité de consulter un fiscaliste ou un notaire spécialisé pour évaluer à temps sa propre situation voire la réévaluer lors d'un changement de domicile. Pour en savoir plus, voir les liens ci-contre.

Recouvrement des pensions alimentaires à l'étranger

Pas si simple de recouvrer une pension alimentaire à l'étranger quand le débiteur est défaillant et qu'il se cache derrière une frontière. Des instruments juridiques existent, encore faut-il les connaître pour pouvoir les utiliser. La commission des lois de l’assemblée des Français de l’étranger (AFE) s'est penchée sur le sujet et vient de publier un rapport intitulé «Recouvrement des créances alimentaires à l’étranger». On y apprend que le taux de divorce ou séparation de couples français ou mixte à l'étranger est de 40% supérieur au taux observé dans l'hexagone. Les conflits qui en découlent (partage de l'autorité parentale, garde des enfants, exécution des jugements) évoluent dans un cadre de droit international pas facile à appréhender. Dans le cas de couples avec enfants, la question du recouvrement des créances alimentaires (RCA) impayées est d'autant plus compliquée que les parents résident dans des pays différents.

L’obligation alimentaire, une notion quasi-universelle:

L’obligation alimentaire envers les enfants mineurs (ou majeurs dans certains cas) est en général mensuelle et indexée, fixée par le juge en fonction du revenu des parents. Le parent qui n’a pas la charge de l’enfant ne peut se soustraire à cette obligation. Le non-paiement de la créance alimentaire est sanctionné pénalement par le délit d’abandon de famille. Le parent créancier dispose de cinq ans pour procéder au recouvrement de chaque mois de créance alimentaire impayée. Le parent débiteur a, de son côté, la possibilité de demander une révision du jugement en cas de modification de sa situation financière.

Des instruments juridiques adéquats:

Les pays développés ont majoritairement adhéré aux conventions internationales qui déterminent la loi applicable (en général la résidence habituelle du parent créancier) et établissent une coopération entre les Etats en matière de reconnaissance des jugements et décisions étrangères. La France et l’Allemagne ont adhéré aux trois instruments juridiques en vigueur: la Convention de New-York du 20 juin 1956, la Convention de La Haye du 23 novembre 2007 et le Règlement européen n°4/2009 du 28 décembre 2008. Ce dernier s’applique dans les Etats membres depuis le 18 juin 2011 sauf au Danemark et au Royaume-Uni qui ne l’ont pas ratifié. Dans ces deux pays, la loi applicable est déterminée par leurs lois nationales respectives. La France a désigné comme autorité centrale le Bureau du Recouvrement des créances alimentaires (RCA) du ministère des affaires étrangères, et l’Allemagne le «Bundesamt für Justiz».

Ces autorités peuvent être requérantes ou requises. Elles se substituent aux débiteurs défaillants pour verser la pension alimentaire aux parents créanciers et se chargent ensuite de recouvrer la dette auprès des débiteurs. Mais le taux de recouvrement atteint rarement 30%. C’est donc un coût pour les Etats et des difficultés financières au quotidien pour ceux des parents qui ont la charge seuls de leurs enfants.

Des procédures récemment accélérées:

Pour recouvrer une pension alimentaire, deux cas de figure se présentent:

- Si vous résidez hors de France et que le débiteur de votre pension alimentaire est domicilié en France, vous devez saisir l’autorité centrale en matière de recouvrement d’aliments de votre pays de résidence. Le bureau du RCA sera ensuite saisi par l’autorité étrangère pour rechercher le débiteur et accomplir éventuellement la procédure de force exécutoire.

- Si vous résidez hors de France et que le débiteur de votre pension alimentaire est domicilié hors de France, le bureau du RCA n’est pas compétent pour connaître de votre situation. Votre dossier relève de la compétence des autorités centrales des pays où vous-même et votre débiteur résidez.

La France a pris récemment des initiatives pour accélérer et fluidifier les procédures, comme l’a rappelé le Secrétaire d’Etat aux Français de l’étranger M. Matthias Fekl devant les élus de l’AFE en octobre.

Vers la création d’un pôle dédié:

Parmi les évolutions positives, il est intéressant de se référer à une loi de 2014 qui a instauré la Garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA). Celle-ci correspond à une pension alimentaire minimale versée. Les Caisses d’allocations familiales (CAF) peuvent avoir désormais recours à des saisies sur comptes bancaires ou via le Trésor public. A terme, le futur pôle se verrait confier les missions de fixer le montant des pensions alimentaires, recevoir le versement mensuel des pensions et appliquer un taux de pénalité aux mauvais payeurs. Une agence nationale pourrait être abritée au sein de la CNAF qui comprendrait un département chargé du recouvrement des créances à l’étranger. Des propositions de loi ont été déposées. Un dossier à suivre donc.

CEAM et mobilité des soins

A quoi sert la carte européenne d’assurance maladie (CEAM) et comment se la procurer ? La commission des affaires sociales de l’AFE a auditionné sur ce point Mme Fanny Richard, responsable du département de la réglementation à la CNAMTS (caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés). Une information sur cette carte, qui existe depuis le 1er juin 2004, est sûrement utile.

La CEAM est gratuite pour l’utilisateur (la production revient à environ 1 euro/pièce ce qui explique qu'elle ne soit attribuée que sur demande et que sa validité ait été prorogée de 1 à 2 ans). La carte européenne permet de bénéficier des soins de santé d'un système public, lors d’un séjour temporaire dans l’un des 28 États membres de l'UE, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège ou en Suisse, selon les mêmes conditions et au même tarif que les personnes assurées dans ce pays. Elle est valable quelle que soit la nature du séjour (professionnel ou non professionnel) ou la qualité du titulaire de la carte (travailleur, pensionné, chômeur, étudiant, etc.).

Qui délivre la CEAM et pour quels types de soins?

Les cartes sont délivrées par les services d'assurance maladie de chaque pays. Il faut savoir que la carte européenne d'assurance maladie:

Le modèle de la carte est identique dans toute l’UE et présente les mêmes caractéristiques techniques dans chaque État membre afin de permettre une reconnaissance immédiate. La CEAM est individuelle, nominative et gratuite pour l'utilisateur. Chaque personne de la famille doit avoir sa propre carte. Les cartes délivrées par la France sont valables actuellement 2 ans mais la durée de validité varie en fonction de l'Etat qui l'émet. Certains pays disposent de cartes à puce nationales d’assurance maladie au verso desquelles figure la CEAM. La durée de validité des deux est dans ce cas identique. Si la carte ne peut pas être délivrée avant le départ (car demandée trop tardivement), un certificat provisoire de remplacement valable 3 mois peut être remis.

Les Français établis hors de France dépendant de la CNAREFE peuvent obtenir cette carte, comme tout assuré affilié au régime général, et cette demande peut être effectuée:

Exceptions:

L’existence de la CEAM simplifie la prise en charge des soins inopinés des citoyens mobiles en UE. Le principal frein à son application est dû au fait qu'ils ne pensent pas à la demander avant un déplacement en UE et au fait qu’ils n’ont pas toujours une pièce d’identité sur eux lors d’une consultation ce qui empêche, dans les pays où le système de santé est gratuit, de prendre la CEAM en compte.

Pistes à envisager pour améliorer les choses:

Disposer d’une carte de sécurité sociale à puce avec au verso la CEAM, ce qui n'implique bien évidemment ni gratuité des soins ni tiers-payant, ces deux prestations relevant de la législation de chaque Etat membre.

Actualités...

. Remboursement de la CSG CRDS: le secrétaire d’Etat au budget, M. Christian Eckert, a précisé dans un communiqué de presse daté du 23 octobre les modalités de remboursement des sommes indûment perçues au titre des prélèvements sociaux, qui ont fait l’objet d’une condamnation par la Cour de justice européenne et le Conseil d’Etat. Mais attention, seuls les contribuables qui ont déposé une réclamation avant le 31 décembre 2015 pourront être remboursés. J’invite ceux de mes compatriotes concernés à consulter la page de mon site qui détaille la démarche à suivre. L’AFE a adopté à l’unanimité une résolution de sa Commission des finances demandant que tout Français non affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale français, résidant ou non dans l’Union européenne, bénéficie du dispositif de remboursement. Téléchargez le modèle de lettre de réclamation ici

Pour l'avenir, le gouvernement semble avoir trouvé le moyen de continuer à soumettre les non-résidents aux prélèvements sociaux sur leurs revenus immobiliers en France. Le produit de cet impôt serait affecté à des prestations non contributives - telles que le minimum vieillesse - et non plus aux différentes branches du régime général de sécurité sociale. Cette disposition est contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en cours d’examen au Parlement.

. Session d'automne de l'AFE: l'assemblée des Français de l'étranger s'est réunie à Paris du 5 au 9 octobre. Je vous invite à lire le compte-rendu détaillé de nos travaux et l'intervention du Secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger sur mon site ici.

. Retraites franco-allemandes: fin de la double imposition des retraites des anciens travailleurs frontaliers. Le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale franco-allemande a été présenté en Conseil des ministres. Le texte prévoit que l’imposition des pensions perçues de l’assurance retraite allemande par des personnes résidant en France sera à l’avenir uniquement imposée en France. A l’inverse, les contribuables percevant une retraite française en Allemagne ne seront taxés qu’en Allemagne (entrée en vigueur le 1er janvier 2016). Par ailleurs, l’accord pérennise le régime des travailleurs frontaliers. A noter que deux journées d’information sur les retraites franco-allemandes, organisées par la Caisse d’Assurance Vieillesse en coopération avec la Deutsche Renteversicherung, auront lieu à Nuremberg les 1er et 2 décembre 2015. En savoir plus

. Contrôle d'existence et certificat de vie: fin de l'envoi répété de certificat de vie! Les formalités seront simplifiées par la mise en place d'un système d'échange de données automatiques qui avertira directement la CNAV (caisse nationale d'assurance vieillesse) lors d'un décès. Cela est prévu fin 2015 entre la France et l'Allemagne, puis ultérieurement avec l'Espagne, l'Italie et le Luxembourg.

. Election au Conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger: l’alliance de la droite, du centre et des indépendants remporte la majorité des sièges. Parmi les 21 administrateurs dont le mandat vient à échéance le 31 décembre 2015, 15 représentent les assurés et 3 représentent l’AFE. Ils ont été élus le 8 octobre par les 90 conseillers à l’AFE pour un mandat de 6 ans. Trois autres membres représentant les employeurs et la Mutualité sont désignés par le ministre des Affaires sociales sur proposition des organisations syndicales. La prochaine étape sera l’élection du Président du CA, poste qu’occupe depuis de nombreuses années le sénateur Jean-Pierre Cantegrit (Français de l’étranger, LR), fondateur de la CFE. La caisse aura à relever plusieurs défis: trouver la place de la CFE en Europe, adapter les remboursements des soins hospitaliers à l’étranger sur la base des tarifs réels dans la limite des tarifs négociés par la Caisse, orienter sa politique d’avantages tarifaires vers les PME plutôt qu’en direction des multinationales et trouver des solutions tarifaires innovantes pour les retraités qui font peser un risque sur l’équilibre financer général.

. Agenda: les prochaines tournées consulaires à Fribourg/B auront lieu le lundi 30 novembre 2015 (14h-18h) et le mardi 1er décembre (9h-13h15); à Stuttgart le mardi 10 novembre 2015 (10h15-16h30) et le mardi 8 décembre 2015 (10h15-16h30. Voir toutes les dates pour l’année 2016 ici

Pour les permanences consulaires de Nuremberg et Mannheim, voir les dates ici

Les réunions du Conseil consulaire ont lieu le 3 novembre 2015 à Munich et le 5 novembre à Stuttgart.