Avril 2020

Editorial

Il est impossible de décrire les ravages de ce fléau; il sévissait avec une violence inexprimable et comme inhumaine Thucydide à propos de la peste d’Athènes (430 av. J.-C.)

Madame, Monsieur, chers compatriotes, 

Avec le Covid-19 le monde redécouvre les grandes pandémies. Un mal inconnu surgit tout à coup sème l'épouvante puis disparaît, et le scénario de son passage est étonnamment constant depuis l'Antiquité: panique face à un mal venu d’un pays lointain, comportements irrationnels, catastrophe économique et démographique, migrations des villes vers les campagnes supposées plus sûres. 

Devant cette pandémie mondiale chaque pays a pris 1° des mesures sanitaires d'ampleur pour protéger la population, 2° des mesures économiques fortes pour éviter qu'après la crise sanitaire ne survienne un tsunami économique. Je détaille celles qu'a pris l'Allemagne, pays où nous résidons. J'aborderai également le déconfinement avec ses aspects frontaliers et les conséquences des mesures prises par le gouvernement français sur ceux d'entre nous qui peuvent être impactés par les décisions françaises: familles dont les enfants sont scolarisés dans un établissement franco-allemand, délai supplémentaire de dépôt des demandes de bourse scolaire jusqu'au 15 mai pour les nouvelles demandes et 29 mai pour les modifications de dossiers déjà déposés, délai supplémentaire pour la déclaration d'impôt de ceux qui perçoivent des revenus d'origine française et taux, frontaliers, etc. Il serait souhaitable d'utiliser cette période de parenthèse Covid-19 pour reconquérir autonomie et sens des limites. 

L'Allemagne dès le début de la pandémie a réagi très rapidement

1° Sur le plan sanitaire malgré au départ un déficit en masques de protection (sauf pour les soignants) elle a entrepris de:

• • Pratiquer des tests massifs (500 000 par semaine) de la population dans des drive in mis en place partout sur le territoire dès mi-mars avec confinement des cas positifs et de leurs contacts. Pour avoir moi-même pratiqué ces tests je peux affirmer que ce dépistage a été capital pour prévenir une explosion des cas.

  • Fermer rapidement les frontières avec la France et la Suisse.

  • Mettre en place grâce à l'organisme de gestion des médecins de ville "Kassenärztliche Vereinigung" des consultations dédiées aux cas suspects dans de vastes locaux mis à disposition pour cela (halls d'exposition, gymnases, etc). Ces "Fieberambulanz" où l'on n'accède que muni d'une demande de son médecin traitant et où tout le personnel est en tenue de protection, permet diagnostic rapide et décision de traitement sans mettre en danger le personnel et les autres malades des cabinets médicaux de ville ou des consultations d'urgence à l'hôpital. Ces "Fieberambulanz" provisoires enregistrent d'ailleurs actuellement une forte diminution de leur fréquentation.

  • Augmenter la capacité en lits hospitaliers pour cas Covid-19 de gravité moyenne (établissements de cures réquisitionnés, libération de places dans les services hospitaliers publics ou privés en repoussant les dates d'opérations planifiées mais non urgentes). Résultat, il y avait des lits disponibles aussi bien dans les services de soins usuels qu'en réanimation. Cela a même permis à l'Allemagne d'accueillir des patients français et italiens en réanimation. Le ministre de la santé allemand J. Spahn a précisé récemment que ces soins ne seraient pas facturés à l'autre Etat. Geste généreux et signal fort en faveur de la solidarité européenne.

  • Augmentation du nombre, déjà conséquent, de places en réanimation et augmentation du nombre de respirateurs disponibles pour les cas graves.

  • Mise en place de traitements expérimentaux (par ex. transfusion de plasma contenant des anticorps anti covid-19 (recueilli chez des malades guéris) chez les malades gravement atteints. Les cliniques universitaires recherchent actuellement des donneurs de plasma guéris du Covid-19.

• Possibilité depuis le 23 avril de doser les anticorps sanguins spécifiques Cor-SARS2 pour connaître les personnes déjà immunisées.

Le résultat est au rendez-vous car l'Allemagne enregistre un taux de mortalité Covid-19 relativement faible (5 700 environ) par rapport à la France (22 300) ou l'Italie (26 000). Cependant personne ici ne crie victoire mais redouble de précaution après la réouverture des petits commerces depuis le 20 avril (port d'un masque obligatoire même "fait maison" dans les transports en commun ou dans les magasins, réouverture progressive des établissements scolaires à partir du 4 mai en Bade-Wurtemberg et 8 jours plus tard en Bavière…) car une deuxième vague n'est pas à exclure et, ici, on veut l'anticiper.

2° Sur le plan économique, aussi bien l'Allemagne que la France ont pris des mesures de soutien pour faire face à la crise économique et sociale engendrée par la pandémie: 345 milliards pour la France et pas moins de 1,100 milliards pour l’Allemagne.

Concrètement il s'agit en Allemagne de la promulgation d'une loi sur la simplification et l'élargissement du droit au chômage partiel d'une part et la mise en place d'un fonds de solidarité "Corona Soforthilfe" pour les petites entreprises et les travailleurs indépendants. Le chômage partiel apporte une aide rapide lorsque les entreprises subissent une perte de temps de travail en raison de la pandémie de façon à éviter les licenciements économiques. Elles y sont éligibles à partir de 10% de travail en moins. Les salariés qui travaillent à titre temporaire ou intérimaire y ont droit également. Les Minijobs pour lesquels l'employeur ne paie pas de cotisation sociale n'y ont pas droit.

• • Le "Kurzarbeit" donne droit à 60 à 67% du salaire net au lieu de 80% en France. Par contre il est simple à demander en téléchargeant le formulaire de l'agence allemande pour l'emploi ("Arbeitsamt"). Voir en lien Kurzarbeitergeld ci-contre.

  • Les cotisations aux régimes d’assurance sociale sont entièrement remboursées par l’Agence fédérale pour l’emploi en cas de chômage partiel. Pendant la pandémie et jusqu'à la fin de l'année 2020, l'employeur a aussi la possibilité de verser une indemnité non imposable à ses salariés d'un montant maximum de 1 500 €.

  • Le fonds de solidarité "Corona Soforthilfe" s’adresse aux micro et petites entreprises et travailleurs indépendants confrontés à des problèmes de liquidité suite à la crise sanitaire exceptionnelle. Les métiers artisanaux reçoivent cette aide du Land concerné et les professions libérales du Bund. Le Bund a mis à disposition près de 50 milliards. Les moyens provenant des Etats fédéraux et municipalités viennent en sus et sont importants, ils peuvent légèrement varier d'un "Bundesland" à l'autre. Le fonds versé sera imposable mais n'aura pas à être remboursé à condition qu'il ait été utilisé. Cela sera vérifié.  

  • Une petite entreprise jusqu’à 5 employés peut prétendre à 9 000 €, une petite entreprise jusqu’à 10 employés à 15 000 € d'aide. La date limite de demande est le 31 mai. La demande se fait très simplement en ligne en donnant le numéro d'enregistrement de l'entreprise et son numéro fiscal. Les contrôles se feront ultérieurement.

    • • Demande pour la Bavière

• • • Demande pour le Bade-Wurtemberg

En France le montant est de 1 500 € pour les entreprises ayant jusqu'à 10 salariés et impactés au niveau d'au moins 50% du chiffre d'affaire. Pour ceux qui en ont bénéficié un fonds de solidarité TPE peut être demandé en sus (2 000 à 5 000 €) et sera attribué après étude du dossier.

On le voit; la pandémie Covid-19 a ébranlé le fonctionnement de nos sociétés dans le monde entier et a été un grand révélateur du fonctionnement des institutions régaliennes destinées à protéger le citoyen et de la personnalité de chacun d'entre nous face au danger. Tirons-en les leçons car toute pandémie a toujours une fin. Nous nous retrouverons.

Le déconfinement et ses aspects frontaliers