Date de publication : Nov 24, 2015 9:17:56 AM
LES MOUVEMENTS D’OPPOSITION AUX GRANDS PROJETS INUTILES IMPOSES DEVANT LA COMMISSION RICHARD
Audition du 14 mars 2015 devant la Commission Spécialisée de Conseil National de la Transition Energétique. Compte-rendu des points exposés à partir de la rédaction de Françoise Verchère.
Après le drame de Sivens, François Hollande a souhaité la création d’une commission d’étude pour faire des propositions de modernisation de la « démocratie participative », en soulignant que pour chaque grand projet, tous les points de vue devraient être considérés, toutes les alternatives être posées, tous les enjeux pris en compte, que l’intérêt général devrait être dégagé, avec toutes les garanties afin d’ éviter que les contestations prennent des formes violentes inacceptables. Cette commission a été présidée par le sénateur Alain Richard et a reçu ensemble 13 représentants de mouvements citoyens opposés à des projets inutiles et imposés (centre d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure, Aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Ligne Lyon-Turin, Barrage de Sivens, Center-parc de Roybon, ferme des Milles vaches, etc)
Ces représentants se sont attachés à montrer au cas par cas comment les dispositifs officiels pour s’opposer à un grand projet étaient pipés d’avance : les procédures de concertation, d’enquête publique ou de recours devant le tribunal administratif ne permettaient pas de contrecarrer un projet décidé en amont par des élus, souvent sous l’influence directe ou indirecte d’intérêts financiers.
Ils dénoncent ainsi :
- les déclarations d’ « utilité publique » pour des projets qui ne relèvent pas de l’ « intérêt général » mais plus d’intérêts électoraux ou privés,
- les pseudo-concertations qui ne portent que sur les modalités d’aménagement et non sur la réelle utilité sociale du projet,
- la difficulté d’accès aux informations, complexité des dossiers et accès limité du lieu de consultation, absence de transparence et rétention fréquente de certaines pièces du dossier, condamnée par la CADA,
- les pratiques de saucissonnage des enquêtes publiques lorsque la première procédure d’enquête n’a pas validé le projet,
- l’absence d’indépendance de l’étude environnementale, le bureau d’étude mandaté étant financé par le porteur du projet,
- l’absence d’équité dans l’étude de solutions crédibles et alternatives,
- la sous-estimation fréquente de l’impact environnemental du projet et le renvoi à des études ou des autorisations ultérieures dont les conclusions ne seront pas prises en compte,
- le caractère mensonger des estimations des bénéfices annoncés, les projets réalisés sont très rarement évalués après fonctionnement pour en vérifier la véracité des hypothèses, la réalité des coûts, l’impact sur l’environnement, l’utilité sociale attendue,
- l’absence de spécialisation des commissaires-enquêteurs qui sont plutôt favorables au « développement » et se contentent souvent d’émettre des recommandations ou des réserves qui ne seront pas imposées,
- le démarrage des travaux avant le traitement des recours devant le tribunal administratif qui ne se prononce qu’après la fin du chantier,
- l’absence de moyens pour le T.A. afin d’avoir une position d’expertise indépendante, les contre-expertises produites par les opposants sont « par principe » discréditées, les opposants ne pouvant être que motivés par des intérêts particuliers (syndrome « NIMBY »)
- les fréquents conflits d’intérêts présents à plusieurs niveaux, entre décideurs et instructeurs d’un dossier, que cela concerne les commissaires-enquêteurs, les experts, les bureaux d’études, les entreprises,
- la sous-information ou la désinformation des assemblées d’élus qui font confiance au porteur du projet ou aux « grands élus », sans compréhension éclairée des conséquences du projet, sans avoir entendus sérieusement les différents points de vue.
Le groupe des opposants a rédigé et transmis 20 propositions concrètes afin d’imposer, dans les procédures de décision et de validation, des mesures qui garantissent « la loyauté des débats, la transparence et l’honnêteté, (…) seuls fondements d’une véritable démocratie participative ».
Notre opposition au projet de LEOL nous a permis de faire exactement les mêmes expériences, à une échelle moindre, puisque nous avons pu constater les mêmes abus, à toutes les étapes :
- Projet concocté par un élu pour désenclaver Vaugneray, sans que les services techniques du SYTRAL ou de Keolis n’osent le contredire.
- Concertation bidon lors d’une réunion publique où Delphine a pu lire la position de l’association mais où elle n’a plus eu la parole ensuite et ne pouvait plus contester les affirmations mensongères du Président du SYTRAL
- Etude d’impact très approfondie mais les atteintes à l’environnement sont autorisées puisque les mesures dites de « compensation » prescrites cautionnent les destructions.
- Etudes des Alternatives mensongères et orientées pour démontrer que le projet est le seul réaliste et efficace, avec des dégâts les plus réduits.
- Enquête publique qui confirme tout de même le projet malgré une grosse mobilisation et un très grand nombre d’avis hostiles au projet ; les recommandations du Commissaire reprenant nos contre- propositions, peut-être à but d’apaisement, n’ont jamais été suivies par le maitre d’œuvre
- Recours devant le tribunal Administratif non suspensif, échec de la procédure d’urgence pour stopper les abattages des arbres, procédure judiciaire qui traine plusieurs années et audience finale un an après la mise en service qui valide la DUP du préfet sans véritable prise en compte du fond, sans aucune mesure pour évaluer de façon indépendante la réelle utilité et la qualité du projet. Si les associations ont été reconnues comme fondées à agir et n’ont pas eu de dommages à payer au SYTRAL, elles ne possèdent, aux yeux du tribunal, du SYTRAL ou du préfet, aucune compétence qui légitimerait sa position, les associations de riverains restant pour eux forcément opposées du fait du dérangement occasionnés et de la protection de leur petit confort.
Les analyses du groupe d’opposants aux grands projets inutiles imposés convergent absolument avec nos propres constats : on retrouve dramatiquement la même surdité, la même perversion des procédures, ce à quoi on peut souvent rajouter les conflits d’intérêt, la part énorme de l’influence des opérateurs privés directement intéressés par la réalisation des chantiers qu’ils ont souvent eux même prescrits (comme pour le projet de barrage de la Roussille).