Isle Of Wight

Release Date
novembre 1971

Face 1

1. Midnight Lightning
2. Foxy Lady
3. Lover Man

Face 2

1. Freedom
2. All Along The Watchtower
3. In From The Storm

Dernier concert enregistré et filmé professionnellement de Jimi Hendrix, la première étape de son ultime tournée continue à susciter la controverse parmi ses admirateurs.
Le premier Live officiel issu de la performance est nettement moins controversé : la plupart des spécialistes s'accordent à dire que c'est un des pires albums officiels de Jimi.
C'est à ce jour le seul concert de Jimi ayant donné lieu à trois albums officiels différents (quatre même si on compte la version "Highlights", sur un seul CD, du dernier en date).
La pochette de l'album ne laissait rien présager de bon : la photographie provient non pas du concert de l'Ile de Wight mais de celui donné à Berlin quelques jours plus tard !
Ensuite, l'ordre selon lequel les titres sont présentés ne suit absolument pas la setlist du concert :
- God Save the Queen
- Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band
- Spanish Castle Magic
- All Along The Watchtower [Track 5]
- Machine Gun
- Lover Man [Track 3]
- Freedom [Track 4]
- Red House
- Dolly Dagger
- Midnight Lightnin' [Track 1]
- Foxy Lady [Track 2]
- Message To Love
- Hey Baby (New Rising Sun)
- Ezy Ryder
- Hey Joe
- Purple Haze
- Voodoo Child (Slight Return)
- In From The Storm [Track 6]
En tant que concert de rock, c'est un échec total, certains titres ne semblent pas assez répétés, Hendrix chante très mal, se trompe dans les paroles (Cf. All Along The Watchtower).
Si Mitch Mitchell est au top, Billy Cox joue de plus en plus mou.
Guitaristiquement, Hendrix n'est pas au top non plus : son son est moins beau qu’à l’accoutumée, mais étrangement, Hendrix l'improvisateur tire plutôt bien son épingle du jeu à Wight ! Il joue globalement (nettement) mieux que sur le reste de la tournée, Il n'a pas les problèmes de justesse de la plupart des autres concerts, et si les titres sont décousus, les improvisations sont dans l'ensemble intéressantes.
Hendrix a beaucoup d'idées, et Mitch Mitchell lui donne vraiment une réplique remarquable sur l'ensemble du concert, c'est tout le paradoxe de l'improvisation : on se cherche sans jamais vraiment se trouver, c'est terriblement frustrant, ce qui peut aussi expliquer son attitude au moment où il sort de scène ? (Il laisse tomber sa Stratocaster à terre).
Les considérations commerciales expliquent pourquoi l'album fut à ce point bâclé, Michael Jeffery voulait sortir au plus vite un Live afin de battre le fer pendant qu'il était chaud, avant que l'intérêt du public pour Jimi ne faiblisse, c'est Eddie Kramer qui mixa le concert dans un premier temps, mais il s'opposa à ce que le matériel issu de ce concert soit publié (il n'aura pas de tels scrupules trente ans plus tard).
C'est finalement Carlos Olms, un ingénieur de Polydor qui sélectionna les titres de cet album, et ajouta de l'écho au mixage (notamment sur All Along The Watchtower, en caricaturant un peu, cette sélection tient plus du "worst of" qu'autre chose...
Avant de rentrer dans le détail de l'album lui-même, il est important de noter que :
- Jimi ne voulait pas faire cette tournée (et plutôt travailler sur son dernier album à la place)
- le groupe n'avait pas répété avant d'entamer cette tournée européenne
- le groupe a connu pas mal de problèmes techniques lors de ce concert (dont certains étaient pour le moins originaux, voir infra)
- la performance de Jimi ne commença qu'à deux heures du matin, alors qu'il faisait froid
- Jimi était loin d'être au mieux à ce moment (décalage horaire, santé fragile, troubles du comportement...).
L'album s'ouvre sur Midnight Lightning, et c'est un choix littéralement surréaliste, c'est peut-être le pire titre de tout le concert, Jimi chante le texte de Keep On Grooving horriblement mal, sur une section rythmique qui n'est pas du tout en place, la seule explication quant à la sélection de ce titre me semble être sa rareté : il n'en existait alors aucune version officielle, puis le morceau tire sur Get My Heart Back Together sur la fin...
...avant d'enchaîner sur le feedback de Foxy Lady (contrairement à Blue Wild Angel où il y a un fondu), dont seule l'introduction retiendra notre attention, le reste est en effet totalement décousu, d’autant plus décousu que Jimi connaît de gros problème avec... son pantalon, ce qui l'oblige à quitter la scène pour régler le problème.
Dans ces conditions, le solo bruitiste qui occupe l'espace sonore n'a peut-être rien de volontaire, ce qui serait souhaitable car le résultat est particulièrement atroce.
Après de telles horreurs, la version de Lover Man est une bouffée d'air frais, même s'il faut reconnaître qu'elle n'est pas exceptionnelle, mais le service minimum est assuré sur ce titre, ultra rodé depuis les premiers concerts du groupe fin avril 70.
Sans être exceptionnelle, la face 2 relève tout de même le niveau incroyablement bas proposé sur la première face.
Elle s'ouvre sur Freedom, dont c'est une version honnête au regard de celles que Jimi proposait en concert cette année, mais il faut reconnaître que le gros point faible des prestations Live de Jimi en 1970 (même lors des concerts américains), c’est avant tout la voix, car guitaristiquement, ses progrès sont indéniables, mais vocalement, le chant est souvent moyen, voire faux.
Le fait de jouer sur scène à haut volume sonore rend les performances vocales plus hasardeuses, surtout s’il faut jouer en même temps des parties rythmiques (très) complexes.
En studio, les enregistrements sont là pour l’attester, Hendrix ne chante pas moins bien, mais les parties vocales des nouveaux titres sont plus complexes que celles des débuts, et plus difficiles à chanter, et force est de constater : aucune version Live de Freedom n'arrive à la cheville de la version studio.
La version de All Along The Watchtower qui suit est assez réussie, malgré de nombreuses imperfections (liées au manque de répétitions ?), que ce soit au niveau des paroles ou des transitions guitaristiques, Il faut dire que, là encore, la version studio est tellement travaillée qu'il est tout simplement impossible de reproduire sur scène un résultat aussi abouti.
Pour autant, contrairement à Freedom, le feeling est vraiment là, et les erreurs formelles cèdent sous le poids de l'émotion.
C'est le dernier titre du concert, In From The Storm, qui clôt l'album, et c'est un choix judicieux car c'est une version solide, l'introduction est constituée d'un solo de Mitch Mitchell, dont le rendu en terme de qualité audio est ici excellent, les couplets sont bien interprétés, et le solo montre que le travail de mise en place effectué lors de l'enregistrement ne s'est pas évaporé, le seul bémol concerne le pont, où le chant de Jimi est complètement raté.

En bref, Jimi était las de ces concerts Juxe-Box, il ne voulait pas refaire indéfiniment la même chose malgré que Billy Cox ne soit pas encore fin prêt n’ayant pas encore assimilé toute la musicalité de Jimi.
On préparait Wight avec les slogans de Woodstock, un festival organisé dans une ambiance sécuritaire transpirant des relents para-fasciste, le public situé loin de la scène est parqué dans une enceinte entourée de barbelés et patrouillé par des policiers accompagnés de chiens.
Les gens de la presse ces personnes de bonne augure, les critiques musicaux, le regarde effectuer son bal désespéré, pour eux pas de problèmes pour voir l’enfer que vit Jimi, ils sont au premier rang, juste devant la scène.
La fatigue, les tracas, l’heure tardive participent à ce désastre.
La technique non plus n’était pas au rendez-vous avec ces amplis qui ne veulent plus rien dire, captant une radio latino ou explosant dans un nuage de fumée blanche.
Jimi présente sa version de God save the queen à ce public assis qu’il ne voit pas, à ce parterre de VIP qui le toise du bas de la scène : Voilà un morceau que vous connaissez tous, et je pense que vous allez pouvoir vous lever pour saluer la Reine. Sinon allez-vous faire foutre ! , exclame t'il.
Une invitation au public à se lever, histoire de ne pas rester assis par terre à regarder pantois ce grand gringalet qui se démène , essayant d’accorder sa guitare, de mettre Billy Cox dans le bon chemin, remuant les baffles cherchant ce son qu’il adore tant et qui lui fait défaut.
Nous sommes loin de ce Monterey flamboyant et de son grand mouvement d’amour.
Une autre époque est déjà là !
Pour une fois, je laisse le mot de la fin à Mitch Mitchell :
"Pour être franc, c’était un mauvais concert. Je ne peux pas dire si le coeur de Jimi y était. Une chose est certaine, rétrospectivement, c’est que nous aurions vraiment dû répéter une fois. C'est étrange parce que le groupe jouait tellement bien, il était réglé comme une horloge. A ce stade, nous étions tous confiants vis-à-vis de nos jeux respectifs. Il n’y avait aucune raison que le concert soit peu réjouissant. Mais le feeling n’était pas au rendez-vous."
(Extrait de l’interview donnée à l’occasion de la sortie de "Blue Wild Angel")