30 mai 1970

Berkeley (Berkeley Community Theatre) [Soundcheck]

Titres :
1. Message To Love
2. Blue Suede Shoes
3. Hey Baby (New Rising Sun) [Introduction uniquement]
4. Star Spangled Banner
5. Earth Blues
6. Room Full Of Mirrors [Premier couplet uniquement]
7. Villanova Junction
8. Keep On Groovin'
9. Freedom
10. Power Of Soul [Introduction uniquement]
11. Machine Gun
12. Ezy Ryder

Contrairement aux premières dates du "Cry Of Love Tour", les performances du nouveau groupe de Jimi Hendrix données au Berkeley Community Theatre le 30 mai 1970 ont été enregistrées professionnellement et filmées, bien que peu coutumier du fait, l'importance de l'évènement poussa Jimi à faire une longue balance, l'Experience avait procédé de même l'année précédente avant sa performance historique du 24 février au Royal Albert Hall.
Il va sans dire que la critique de tels enregistrements implique de rappeler leur contexte : les quarante minutes de musique produites par le groupe n'étaient pas destinées à un public, pour autant, si certains titres sont en fait des répétitions à l'intérêt musical limité, d'autres morceaux sont particulièrement réussis, ce qui n'est pas surprenant venant de Jimi, qui n'a pas besoin d'audience pour s'impliquer complètement musicalement.
Même si l'enregistrement de Message To Love ne débute qu'avec le riff consécutif au premier couplet, nous sommes là en présence d'un enregistrement de premier ordre, c'est une des meilleures versions soundboard jamais enregistrées par Jimi, le solo central est extraordinaire, vraiment remarquablement bien construit.
La qualité de l'enregistrement permet de profiter pleinement de la puissance du groupe, qui tourne à plein régime, les cassures rythmiques de Mitch Mitchell sont une alternative réussie au jeu plus groove de Buddy Miles.
Le seul titre publié officiellement tiré de la balance des concerts donnés à Berkeley est Blues Suede Shoes, publié dès février 1972 sur le célèbre "Hendrix In The West" (dans une version éditée), le classique de Carl Perkins est désormais disponible sur le coffret pourpre, le destin discographique post mortem de ce titre est d'ailleurs surprenant : il en existe trois versions officielles alors que Blues Suede Shoes n'a fait l'objet que d'une Jam informelle du Band Of Gypsys (que l'on retrouve sévèrement éditée sur "Loose Ends", puis entièrement remontée sur "Midnight Lighning") et donc de cette répétition lors de la balance des shows de Berkeley.
Blue Suede Shoes est d'ailleurs loin d'être le titre le plus enthousiasmant de "Hendrix In The West", mais il semble qu'un des critères retenus pour la compilation de ce recueil fut la rareté des titres (lors de sa sortie, l'album présentait ainsi quatre morceaux dont il n'existait aucune autre version dans la discographie hendrixienne).
Dans le cadre d'une répétition, c'est un titre assez réussi, même si on est plus proche de la jam que d'un titre travaillé et destiné au grand public. Hendrix assure le service minimum en guitare rythmique lors des couplets, mais il chante plutôt bien (mais il ne chante pas tous les refrains)., le solo de Jimi est un des plus rythmiques qu'il ait enregistré, les nombreux tirés de Jimi rappelle eux sa langue maternelle : le blues, contrairement à la version officielle, il n'y a pas de fondu en fermeture : on entend la suite de la jam, qui tourne plus à la répétition, Billy Cox essaie de se caler sur les riffs de Jimi, qui joue quelques phrases mais ne développe rien : on comprend la décision d'éditer ce passage, par contre, avec le recul, on peut trouver étonnant d'avoir publié officiellement ce titre, et non le précédent !
Après un court passage flamenco de Jimi en solo, le groupe entame l'introduction de Hey Baby (New Rising Sun), le thème n'est pas encore maîtrisé par Billy Cox : il essaie de suivre Jimi, qui n'hésite pas à revenir sur tel ou tel passage pour aider son bassiste à mémoriser l'introduction, musicalement peu intéressant, il faut prendre cet enregistrement pour ce qu'il est : l'occasion d'entrer dans l'intimité d'une répétition du groupe, bien que non indiqué sur deux des principaux sites de référence (Just ask the Axis & Plug Your Ears), ma version contient un court extrait de "Star Spangled Banner", a priori "audience".
Le titre suivant est particulièrement intéressant : c'est l'unique version Live de Earth Blues connue du dernier groupe de Jimi, la bonne surprise de cette version vient du chant de Jimi, nettement plus convaincant que lors des concerts donnés au Fillmore par le Band Of Gypsys, où sa voix était trop monocorde, le groupe s'interrompt malheureusement au moment du solo puis reprend au début du pont, dont la saveur est différente des versions du Band Of Gypsys : ni Billy, ni Mitch ne se chargent des chœurs de Buddy Miles, Jimi fait un cours solo et enquille directement le dernier couplet, moins bien chanté que les premiers, pour autant, on peut regretter que le groupe n'ait pas persévéré, il ne manque pas grand chose pour que la sauce prenne vraiment.
A l'inverse, Room Full Of Mirrors était désormais bien intégré au répertoire du "Cry Of Love Tour", le groupe ne joue que le premier couplet, et s'arrête après les "Yeah Yeah" de Jimi (il appelle Eric Barrett, son roadie, à ce moment) : étrangement, le groupe ne jouera "Room Full Of Mirrors" à aucun des deux concerts donnés quelques heures plus tard !
Autre titre intéressant joué ici, car rare : c'est Villanova Junction, a près quelques mesures a capella, Hendrix joue des traits en octave et lance le thème de "Villanova Junction" (déjà revisité un mois auparavant au Los Angeles Forum), la version est assez légère, et, avouons-le, loin d'être inoubliable, elle n'a ni l'intensité dramatique de la version immortalisée à Woodstock, ni la puissance de feu de la version studio gravée par le Band Of Gypsys.
Sans interruption, le groupe enchaîne sur Keep On Groovin', un autre titre en devenir de Jimi, c'est un thème que Jimi Hendrix a souvent travaillé en 1970, sans toutefois aboutir à une version définitive puis le groupe revient sur "Villanova Junction" le temps d'un cycle, avant que Jimi reprenne "Keep On Groovin'" et s'interrompt après seulement quatre vers, l'idée du medley était peut-être à creuser, mais le résultat n'est pas vraiment abouti (ce qui, répétons-le, n'a rien de surprenant dans le cadre d'une répétition).
Freedom a plus d'un point commun avec "Room Full Of Mirrors" : c'est un titre en devenir intégré dans le répertoire du groupe, mais dont les versions Live gardent souvent un goût d'inachevé, après un faux départ, le groupe livre une version complète du titre, le chant des deux premiers couplets manque d'investissement de la part de Jimi, le premier refrain est mieux chanté que le deuxième, le pont est quant à lui toujours aussi mal chanté... mais c'est désormais une habitude.
Le solo central montre une Hendrix cherchant à s'émanciper, le riff funky joué sur la ligne de basse des couplets est particulièrement réussi... mais la reprise du chant, évitée en concert lors des dernières performances, n'est pas à la hauteur : le groupe conclut assez rapidement d'ailleurs.
La présence de Power Of Soul est intéressante : Jimi a peut-être envisager de jouer un autre titre de son dernier album en date ? Le groupe ne développe guère : il ne joue que l'introduction, sur un peu plus d'une minute, le son de Jimi est moins saturé qu'au Fillmore lorsqu'il passe en solo, Mitch Mitchell ne semble pas avoir d'idée arrêtée sur ce qu'il doit jouer : il est à coté de la plaque, peut-être est-ce pour cela que Jimi n'insiste pas......et enchaîne directement sur Machine Gun, Jimi attaque le riff d'introduction avec un son assez peu saturé, tout en ayant l'Uni-Vibe en marche, dès le premier couplet, il corrige le tir, et nous gratifie de tirés très intenses., le solo central où il nous livre un condensé réussis de ses soli, généralement nettement plus longs puis Jimi lance le riff "No Quarter", et chante avec une implication telle qu'on oublie sans problème que c'est dans le cadre d'une balance, le solo final est construit sur quelques variations autour du riff en cours, la suite est dans un esprit plus proche de ce Jimi lance une rafale de guitare-mitrailleuse quand la bande s'arrête d'un seul coup.
Le dernier titre présent sur ce recueil est Ezy Ryder : l'enregistrement audience, qui prend au moment du pont, ne dure malheureusement qu'une poignée de secondes...
Au final ? Un document à connaître, ne serait-ce que pour "Message To Love" et "Machine Gun".

Berkeley (Berkeley Community Theatre) [Premier concert]

Titres :
1. Fire
2. Johnny B. Goode
3. Get My Heart Back Together
4. Foxy Lady
5. Machine Gun
6. Freedom
7. Red House
8. Message To Love
9. Ezy Ryder
10. Star Spangled Banner
11. Purple Haze
12. Voodoo Child (Slight Return)

Le concert n'a jamais été publié in extenso officiellement, mais la majorité des titres qui le composent sont sortis au fils des années :
- Fire : "Live Forever (Sacred Sources 1)" (1993) [Recueil d'inédits Live de divers artistes compilé par Carlos Santana]
- Johnny B. Goode : "Hendrix In The West" (1972)
- Get My Heart Back Together (Hear My Train A Comin') : "Rainbow Bridge" (1971)
- Freedom : "Jimi Plays Berkeley" (1991) [CD trois titres accompagnant la VHS, à ne pas confondre avec le LP publié en 1973, dont le titre ne correspond pas au contenu]
- Red House : "Variation On A Theme - Red House" (1989)
- Message To Love : "Live Forever (Sacred Sources 1)" (1993)
- Ezy Ryder : "Band Of Gypsys 2" (1986)
- Purple Haze : "Jimi Hendrix (Film Soundtrack)" (1973)
Les versions de "Johnny B. Goode" et de "Hear My Train A Comin'", désormais respectivement sur le coffret MCA et "Jimi Hendrix :Blues" sont considérées comme définitives par plus d'un amateur, seuls "Foxy Lady", "Machine Gun", "Star Spangled Banner" et "Voodoo Child (Slight Return)" n'ont jamais été édités officiellement à ce jour, Radioactive a toutefois publié en 2005 un "Live At Berkeley - 1st Show" qui reprend la (presque) intégralité du concert : "Purple Haze" et "Star Spangled Banner" sont absents du recueil, sans doute pour que le tout tienne sur un seul CD.

Les performances du nouveau groupe de Jimi Hendrix données au Berkeley Community Theatre le 30 mai 1970 ont donc été enregistrées professionnellement... et filmées, mais le film, monté en dépit du bon sens après la mort du guitariste, est plus frustrant qu’autre chose.
C'est avec
Fire que le groupe ouvre (sans surprise) le bal, la qualité audio de l'enregistrement permet de se faire une idée très précise de l'évolution des arrangements de ce classique de l'Experience, la présence de Billy Cox donne à cette version une couleur nouvelle, son chant tranche singulièrement avec celui de Noel Redding : il est plus "neutre" car peu expressif, si la ligne de basse qu'il joue pendant les refrains est calquée sur celle de Redding, son approche des couplets est totalement différente, il place en effet des petits riffs très complexes, loin de la ligne carrée de Redding, techniquement, c'est sans conteste le groupe le plus mûr sur lequel Jimi ait pu s'appuyer, le solo central de Jimi, très énergique, est une extrapolation assez classique de celui de la version studio et la citation du "Outside Woman Blues" consécutive à la reprise du riff d'introduction est particulièrement réussie : le groupe fait superbement monter la pression, le solo final reprend là où le premier nous avait laissé. Il n'y a que le riff final du morceau qui laisse à désirer, en raison d'un problème de justesse.
Déjà joué le 16 mai à Philadelphie, le groupe reprend ensuite
le Johnny B. Goode de Chuck Berry dans une version thermonucléaire, immortalisée dans le film "Jimi Plays Berkeley", l'introduction, reprenant quasiment à la note près celle de Chuck Berry, montre tout ce qui le sépare de son aîné en termes de tranchant et d'agressivité, couplets et refrains sont joués dans la même veine : l'intensité ne retombe jamais, le solo central est construit selon le même schéma que celui de Berry, avec le fameux riff qui occupe les quatre premières mesures de chacun des trois cycles de douze mesures, les deux tirés qui suivent ce riff aux deuxième et troisième cycles de solo sont tout simplement phénoménaux ! Le feed back qui est en embuscade décuple leur puissance.
Le solo final est l'occasion d'une dernière décharge rock'n'roll (trois cycles là encore), avec un passage joué avec les dents lors du deuxième cycle...Un classique.

"Bon, ok alors, voici une autre histoire que beaucoup d’entre nous avons vécu à un moment ou un autre de notre vie, d’une manière ou d’une autre, l’histoire d’un mec qui traîne en ville et sa gonzesse pense qu’elle ne veut plus de lui et il y a plein de gens de l’autre côté des rails/de l’autre rive [connotation sociale] qui le méprisent et personne ne veut admettre que ce mec a quelque chose en lui, mais tout le monde est contre lui parce qu’il est peut-être un peu différent, alors il prend la route pour être un Voodoo Chile ["Enfant Vaudou"] (Jimi joue quelques notes) et il revient, devenu un Magic Boy [garçon magique]. (Il rejoue quelques notes). Bon en ce moment, on accorde les instruments pendant une minute, en attendant à la gare, en attendant que son train arrive pour qu’il puisse faire son truc."

Jimi commence Get My Heart Back Together seul, il y a quelques flottements lors de l'introduction : quand le groupe rentre en jeu, Jimi alterne fulgurances et tentatives de s’accorder mais la saturation devient presque palpable tant elle est importante, le chant débute à la deuxième minute, il n'est pas toujours appliqué, mais il est tellement urgent ("Hear freedom coming !") qu'on ne peut y rester insensible, Hendrix entame un premier solo d'anthologie, il joue un blues incroyablement dense, connaît même quelques problèmes de justesse mais il est tellement dedans que ceux-ci n'ont pas prise sur lui, il monte une montagne de feed back avec une intensité qu'il culmine au maximum pour ensuite faire ensuite retombé la tension 'un coup avant de taquiner sa wah wah... ou la nous pouvons (enfin !) pleinement profiter du jeu de cymbales de Mitch.
Le chant reprend un court instant de répit avant un solo final pas moins fort que le solo central, mais dans un style plus sauvage encore : déluges de notes, feed back, coups de vibrato, tirés blues... Hendrix surfe librement avec le langage qu'il a créé, tout en interagissant en permanence avec Mitch, la tension retombe une deuxième fois avec un second passage à la wah wah, Hendrix reprend brièvement le chant avant de conclure cette version dantesque de "Hear My Train A Comin'".
Meilleure version ? Je ne sais pas. Mais elle résume bien l'Art Hendrixien : au-delà des imperfections formelles, la puissance émotionnelle. Immense.
Jimi met un peu de temps à s’accorder et s'en excuse, puis dédie le titre suivant à Colette et Devon.
La version de
Foxy Lady est plutôt moyenne : le chant est limite, la justesse pas toujours au rendez-vous, mais l'énergie est là, on notera d'ailleurs que le jeu de Cox était plus puissant alors que par la suite...
Encore une fois,
Machine Gun est un des points d'orgue du concert, la construction du morceau est dans le droit fil des interprétations de mai 1970, le chant n'est pas toujours de premier ordre.. mais la guitare compense largement ce bémol : si le solo central est excellent... que dire du solo final ?
La version qui suit de
Freedom (présentée comme un "titre de travail") est très décevante, le premier couplet est mal chanté, à partir du deuxième couplet, les problèmes de justesse sont tels que l'écoute devient limite pénible, aussi mal embarqué, Jimi aurait mieux fait de s'arrêter : "Freedom" ne fait pas partie des titres s'accommodant de tels problèmes, les choses ne s'améliorent pas avec le pont. Hendrix tente de s’accorder pendant le solo... mais la (très) légère amélioration ne sauve pas le final du désastre, penser que ce titre fut disponible officiellement un moment laisse rêveur...
Après une petite séance où il s’accorde, Jimi précise qu'il va jouer un blues lent, joué "pendant 99 000 ans" et appelé
Red House, dédié lui aussi à Colette et Devon, lors de l’introduction (deux cycles), la guitare n’est pas parfaitement juste, mais ça passe sur un contexte blues, le premier couplet est assez moyen, et Hendrix chante assez mal sur le second, le solo commence en son clair, les traits blues cèdent la place à des phrases assez nerveuses en fin de premier cycle, la rythmique s'emballe lors du second cycle, mais Jimi reste en son clair, il s'arme de sa wah wah pour le troisième, pas toujours très juste…Le quatrième cycle est peut-être le plus inspiré, même s’il y a toujours des problèmes de justesse mais le chant s’améliore lors du dernier couplet… pour une version loin d’être inoubliable.
Le groupe se reprend avec
Message To Love : même si la version est inférieure à celle jouée quelques heures plus tôt lors de la balance, c'est tout de même du solide, le chant n'est certes pas toujours au top, mais le solo central est vraiment enthousiasmant, de même que la partie instrumentale finale, le jeu de Mitch Mitchell apporte véritablement une dimension supplémentaire : à chaque pattern joué par Billy Cox, il propose un rythme idoine, et colle en permanence à la structure en parfaite interactivité.
En introduction d'
Ezy Ryder, Jimi joue en percussion par dessus le rythme installé par Mitch Mitchell, c'est sans conteste une des meilleures versions jouées par le trio Hendrix/Cox/Mitchell : rythmique cohérente, chant réussi, Jimi connaît malheureusement de gros problèmes techniques avant même de commencer son solo : d'un seul coup, il est complètement désaccordé, et après une tentative de remplissage avec les moyens du bord, il cède la place à Mitch pour un solo de batterie lui laissant le temps de gérer le problème, le groupe reprend sur le riff de l'introduction avant d'enchaîner directement sur un très court solo puis sur le dernier couplet.
L'interprétation de
Star Spangled Banner est magnifique... comme d'habitude depuis le début du "Cry Of Love Tour" serais-je tenté de rajouter, Hendrix mêle là encore lyrisme et chaos avec génie, après un commentaire cinglant ("Big deal !"), il caricature à l'extrême la phrase suivante en forçant le trait comme rarement au vibrato, reprenant l'enchaînement de Woodstock, Jimi joue une version incendiaire de Purple Haze, qu'il termine par une coda a capella jouée avec les dents, à ce stade, on peut d'ailleurs s'interroger sur les choix effectués par Radiocative pour le "Live At Berkeley - 1st Show"...
C'est désormais une habitude, le groupe clôt sa performance avec
Voodoo Child (Slight Return), l'introduction et le premier couplet sont assez moyens : Hendrix connaît là encore des problèmes de justesse, qu'il tente de régler tout en jouant en même temps, par contre, le solo central est réussi, l'enregistrement soundboard permet de saisir les échanges entre Mitch et Jimi, qui sont au cœur du type d'improvisation pratiquée sur "Voodoo Child (Slight Return)", la guitare de Jimi est loin d'être juste lors du second couplet, mais le métier permet de sauver les meubles, dès le début du solo final, l'intensité monte d'un cran, avec des tirés magnifiques, mais la tension retombe rapidement : toujours ses problèmes de justesse...Suit un passage flamenco a capella qui contraste singulièrement avec ce qui précédait... puis des variations autour du riff de l'introduction.
L'énergie que dégage le groupe lors de la reprise est à peu près aussi impressionnante que les problèmes de justesse de Jimi... Le meilleur alterne décidément avec le (nettement) moins bon tout le long de cette version.
Au final ? Un concert très inégal. Le génial ("Get My Heart Back Together", "Johnny B. Goode", "Machine Gun") l'emporte sur le médiocre ("Freedom")... mais on comprend les réticences justifiant l'absence de publication officielle de l'intégralité du concert.
Selon McDermott, Kramer estimait qu'il n'y avait pas matière à un album sur l'ensemble des deux concerts donnés à Berkeley, le jugement est incroyablement sévère... mais il n'en reste pas moins qu'il traduit le sentiment mitigé qui se dégage de ce premier concert.

Berkeley (Berkeley Community Theatre) [Second concert]

Titres :
1
. Pass It On (Straight Ahead)
2
. Hey Baby (New Rising Sun)
3.
Lover Man
4
. Stone Free
5. Hey Joe
6. I Don't Live Today
7. Machine Gun
8. Foxey Lady
9. Star Spangled Banner
10. Purple Haze
11. Voodoo Child (Slight Return)

De nombreux titres du second set joué à Berkeley étaient disponibles officiellement... mais éparpillés au hasard des albums (certains étant introuvables), l'album "Jimi Plays Berkeley" publié en 1973 portait bien mal son titre : quelle ne fut pas ma déception de reconnaître des extraits du concerts donné au Royal Albert Hall lors de la première écoute !
Il faudra attendre 2003 avant de pouvoir officiellement écouter le second set du nouveau groupe de Jimi à Berkeley, dans l'une de ses meilleures performances de 1970.
Pass It On sert d’introduction au second set du trio Hendrix/Cox/Mitchell, et c’est une très bonne surprise, on retrouve la structure de ce qui va devenir "Straight Ahead", avec des différences notables cependant : si l’introduction est identique, les couplets n’ont rien à voir (paroles et structures rythmiques sont différentes), le couple guitare/batterie est exceptionnel : en interaction permanente, la rythmique est totalement fluide, le jeu de cymbales de Mitch Mitchell est un véritable régal, et les breaks qui se suivent à sont dignes d’un Tony Williams, techniquement, le jeu de Jimi sur les couplets est en fait très proche de celui de "Machine Gun", alternant unisson avec la voix et ponctuations rythmiques, cette capacité à transformer en titre cohérent une Jam améliorée est tout de même étonnante…Un grand moment pour les amateurs du Hendrix cuvée 70.
Le groupe enchaîne directement sur
Hey Baby (New Rising Sun), la version studio étant incomplète, les rares versions live soundboard sont autant de témoignages de ce que Jimi pouvait avoir en tête pour ce titre, en l’occurrence, c’est certainement la meilleure version Live soundboard que je connaisse, la voix de Jimi est posée, magnifiquement servie par une rythmique relâchée à souhait, l’interprétation est relativement resserrée : le solo ne connaît pas de longs développements; A noter nonobstant le son utilisé par Jimi à 4:22 : lui mis à part, quel guitariste ne sombrerait pas dans un triste bruitisme avec l’Univibe poussé à ce point ?
Lover Man est joué là encore dans la foulée, présente sur "In The West", cette version est particulièrement impressionnante, c’est un brûlot rock joué de façon carrée, où l’improvisation ne tient qu’une place réduite (la seconde partie du solo contient la traditionnelle partie "Vol Du Bourdon" jouée sur une seule corde).
Avec un jeu plus dans la lignée de
Tony Williams que d’un batteur de rock classique, Mitch Mitchell propulse la section rythmique au premier rang de ses contemporaines.
L’interprétation de
Stone Free, désormais devenu un classique du répertoire Live Hendrixien, est là encore très rock, propulsée par un Mitch Mitchell collant parfaitement à la rythmique de Jimi, le solo a tout ce qu’on peut attendre du Hendrix des bons jours.
Hey Joe (disponible initialement sur "The Jimi Hendrix Concerts") est joué avec un feeling presque blues, et chanté avec conviction, les petits problèmes rencontrés au début du titre lui donnent un petit coté Ile de Wight !
Le groupe continue avec un quatrième titre des débuts de l’Experience :
I Don’t Live Today, là encore, la version est relativement carrée : si le solo central laisse une certaine place à l’improvisation, il conclut rapidement après le dernier couplet, solo relativement étonnant : Hendrix ne joue pas avec beaucoup de saturation, de façon posée, moins agressive que d’habitude avant de tenter des variations harmoniques là encore assez surprenantes.
Seul rescapé du
Band Of Gypsys, Machine Gun est devenu le point d’orgue de nombreuses performances live de 1970, l’approche de Mitch Mitchell est totalement différente de celle de Buddy Miles, là où ce dernier s’appuyait sur la basse de Cox pour produire un rythme groove ou martial selon les moments, Mitchell au contraire ne s’en sert guère plus que comme pulsation rythmique, à l’image d’Elvin Jones avec John Coltrane, il se lance dans une interaction perpétuelle avec Hendrix rendant le titre d’un abord certainement très difficile aux non-initiés, (cette prise était disponible sur l’album "Johnny B. Goode", publié pour le moins discrètement dans les années 80) le solo central est globalement moins intense que sur la version légendaire du Band Of Gypsys, le petit passage en accords de la huitième minute me touche beaucoup, et ce qu’il propose à partir de 9:35 est tout simplement unique, totalement avant-gardiste et d’une force émotionnelle incroyable en même temps.
"
Those are sounds we really don't want to hear anymore except in cartoons and circuses..."
Foxey Lady est sans conteste le moment faible du concert, d’une part le jeu de Billy Cox est moins efficace que celui de Noel Redding sur ce titre, mais surtout Jimi Hendrix rencontre des problèmes de justesse importants, pour ce qui est de la suite, sans le visuel, le solo joué avec les dents perd de son mordant.
"
You can do this, you can do that. This is for everybody together, that actually is. Like to do a ah, the American anthem the way it really is in the air, which you breathe everyday, the way it really sounds."
Star Spangled Banner n’a pas la même charge émotionnelle qu’à Woodstock (dont la violence tellurique reste inégalée), mais reste une excellente introduction à Purple Haze, décharge rock ultime où Hendrix et Mitchell donnent tout ce qu’ils ont, un petit bémol toutefois : le jeu de Billy Cox est un peu en deçà sur ce titre, le jeu plus puissant de Noel Redding convenait mieux au répertoire le plus rock de Jimi, Billy Cox est plus groove… mais est-ce vraiment utile sur "Purple Haze" ?
Voodoo Child (Slight Return) est un des rares titres rescapés du montage catastrophique du film "Jimi Plays Berkeley", lors du solo central, jouant sur les climats, l'intensité et la tension, il nous embarque dans une fabuleuse aventure aux nombreux rebon


dissements, ce qui est le propre des grands improvisateurs, "Keep On Groovin", cité avant le second couplet, fait partie de ces titres malheureusement jamais achevés.
Au final, un concert plus court que celui donné l’après-midi, mais plus dense aussi, ce qui explique sans nul doute le choix des producteurs, il n’en reste pas moins qu’il y a matière à un double album bien rempli (mais inférieur) en compilant la balance et le premier set…

Complément :
"Lover Man" - à l'origine sur "Hendrix In The West"
"Machine Gun" - à l'origine sur "Johnny B. Goode - An Original Video Soundtrack"
"Stone Free" - à l'origine sur "Band Of Gypsys 2"
"Hey Joe" - à l'origine sur "The Jimi Hendrix Concerts"
"Hey Baby" - à l'origine sur un pressage japonais rare du "Band Of Gypsys 2".
"I Don't Live Today" - à l'origine sur "Sacred Sources I - Live Forever"