24 mai 1969

San Diego (Sports Arena)

Titres :
1. Intro Riffs
2. Fire
3. Hey Joe
4. Spanish Castle Magic/Sunshine Of Your Love
5. Red House
6. I Don't Live Today
7. Purple Haze
8. Voodoo Child (Slight Return)

La performance du 24 mai 1969 a été enregistrée dans l'optique de publier un album Live du Jimi Hendrix Experience, album qui ne verra jamais le jour, alors que trois concerts enregistrés dans cette optique fournissaient pourtant largement de quoi faire, Eddie Kramer travailla sur les extraits suivants en juin 1969 :
- Star Spangled Banner (San Diego 24/05/1969)
- Purple Haze (San Diego 24/05/1969)
- Little Wing (Royal Albert Hall 24/02/1969)
- I Don't Live Today (Los Angeles Forum 26/04/1969)
- Hear My Train A Comin' (Royal Albert Hall 24/02/1969)
Il remit les bandes à Michael Jeffery, mais Reprise Records préféra publier la version US de "Smash Hits" à la place...
C'est un des derniers concerts de l'Experience : le groupe ne se produira qu'à six reprises par la suite, et se séparera le mois suivant, si les biographes de Jimi s'accordent tous sur la détérioration considérable des rapports humains au sein du groupe, les avis divergent quant à la qualité des concerts de leur dernière tournée américaine, le concert donné le mois précédent au LA Forum est nettement moins fort que la performance du groupe au Royal Albert Hall deux mois plus tôt.
Mais autant l'avant-dernier concert du groupe à Newport, le 20 juin 1969 n'a rien d'inoubliable, autant le concert de San Diego est un grand concert, avec certes quelques faiblesses (Jimi rencontre des problèmes de justesse sur "Hey Joe" et "Voodoo Child (Slight Return)", mais il est globalement d'une tout autre qualité.
Le premier titre Intro Riffs, n'est pas à proprement parler un titre de l'Experience : après un prêche très Electric Church, Jimi joue un court instrumental a capella de quarante secondes dans un style très proche de sa fameuse "Woodstock Improvisation", Bien qu'il se contente de vérifier s'il est accordé, ses quelques traits de flamenco électriques sont savoureux.
Jimi dédie sa première "chanson à la fille du troisième rang avec les sous-vêtements jaunes."
C'est un Fire très compact, parfaitement interprété par un groupe bien en place, le solo central s'articule dans un premier temps comme celui de la version studio avant que Jimi n'extrapole sur la grille d'accords de manière inspirée, le solo final, court et énergique, n'est pas moins efficace que le premier, après quelques traits bluesy, Jimi annonce un titre "enregistré en 1738 aux Ben Franklin Studios."
C'est l'ultime performance de Hey Joe par l'Experience, malheureusement, si Mitch Mitchell y montre une forme éblouissante, Jimi est trop désaccordé pour que la performance en sorte indemne, le solo central diffère notablement de celui de la version studio, il en va de même pour le second, plus réussi d'ailleurs.
Après s'être ré-accordé, Hendrix constate que "seuls les cow-boys restent accordés" et que "nous ne sommes pas un groupe de cow-boys, n'est-ce pas ?"
La partie chantée de Spanish Castle Magic est là encore parfaitement interprétée, mais c'est surtout son fantastique solo qui retiendra tout notre attention, il est important de relativiser la perte de créativité que Jimi connaissait alors : s'il est vrai qu'il n'a pas réussi à donner une suite à "Electric Ladyland", il faut noter les progrès incroyables qu'il a effectué en tant qu'improvisateur : Jimi a repoussé ses frontières musicales, improvisant à un niveau digne des plus grands jazzmen.
Hendrix semble connaître un souci technique peu avant la quatrième minute (corde cassée ?), et termine son solo par une ligne de feed back qu'il module avec son vibrato, il laisse la place à Mitch Mitchell, coutumier de l'exercice, qui nous livre un solo efficace et sans longueur, Jimi lance le riff du Sunshine Of Your Love de Cream, dont il livre une interprétation énergique du thème (légèrement ternie par un problème de justesse), avant de reprendre un solo court et intense à puis de conclure avec le refrain de Spanish Castle Magic.
"Voilà ce qui arrive quand vous êtes fatigués de jouer tout le temps les mêmes vieilles chansons..." nous confie-t-il alors.
Jimi annonce ensuite Red House, dont cette version est considérée par tous les amateurs comme un des points d'orgue de sa carrière, l'introduction instrumentale, jouée sur un tempo très lent, montre un Jimi laissant respirer son jeu, lors du deuxième cycle, il crée l'illusion de jouer de deux guitares en même temps grace au feedback, avant de jouer une superbe figure rythmique très rapide en ternaire, sans effet, en son clair, on apprécie toutes les subtilités du jeu du virtuose, les deux premiers couplets sont agrémentés d'accords jazzy et de réponses guitaristiques à chaque phrase chantée, le premier cycle du solo central est relativement calme, même s'il fait monter l'intensité d'un cran dès sa cinquième mesure.
Dès le deuxième, Mitch Mitchell met le turbo en multipliant le tempo, forçant Jimi à le suivre dans cette joute musicale, Jimi reprend définitivement la main avec de fantastiques tirés en début de troisième cycle, le quatrième voit la tension retomber d'un coup : Noel joue un walking sur la batterie jazzy de Mitch, pendant que Jimi joue des accords percussifs, le cinquième cycle est joué a capella par Jimi, accompagné de sa seule wah wah, certains traits sont très terriens, d'autres oniriques.
Le groupe reprend avec lui pour un ultime cycle, sur les mêmes bases que les deuxièmes et troisièmes : l'intensité est phénoménale ! Il fait hurler sa guitare comme jamais, et semble même jouer avec les dents dans le feu de l'action...
Epoustouflant !
Jimi termine sans surprise par le dernier couplet, non sans nous offrir quelques superbes coups de vibrato...
Jimi présente ensuite un titre datant de "1444", qui traite de "l'incompréhension entre les générations", des désaccords conséquents puis le dédie aux "indiens d'Amérique, vous et nous.",, I Don't Live Today est époustouflant, littéralement propulsé par la batterie de Mitch Mitchell, lors de son premier solo, Jimi réussit à combiner technique outrancière et qualité mélodique. Un véritable challenge !
"Nothing but existing..."
Après une courte citation de l'hymne américain (et de petits soucis techniques) prolongé d'un lâché de bombes guitaristique, Jimi prend un dernier solo très bruitiste où il finit par citer le "Tomorrow Never Knows" autour duquel il tournait déjà lors du solo central, la version de Purple Haze est dantesque, presque comparable à celui de Woodstock en terme d'intensité, Jimi le présente comme étant "la même chose que "Love or Confusion",(...) il n'y aura pas d'amour sans vérité et compréhension d'abords (...) et le mec qui chante cette chanson ici ne les a pas eu d'abord."
Après deux premiers couplets survitaminé, Jimi livre un solo fiévreux, solidement soutenu par Mitch, qui propulse le dernier couplet vers le solo final alors que le son de Noel est plus apocalyptique que jamais, un son qui donnait une couleur inimitable à l'Experience, ultime exposé du thème avant un final de Jimi a capella hyper intense... Qui pouvait penser que ce groupe n'avait plus que quelques semaines à vivre ?
Le concert se conclut par Voodoo Child (Slight Return), dont c'est une excellente version, le solo central est particulièrement réussi : soutenu par une rythmique de fer, Jimi laisse libre cours à son inspiration qui ne retombe jamais, on est loin des versions revival de petits garçons bien propres sur eux qui fleuriront après sa mort...
Jimi met non seulement le feu à sa musique, mais aussi à la foule semble-t-il : il est obligé de demandé aux spectateurs "d'attendre qu'ils finissent" avant de s'attaquer au second couplet, après un petit couac en début de solo, Jimi repart sur des bases aussi intenses que lors du solo central, jouant des traits exceptionnels, malheureusement, Jimi semble rencontrer de sérieux problèmes techniques en fin de solo : d'un seul coup, il devient complètement faux...
Au final ? Un concert fantastique, à la hauteur du génie de Jimi. .