XVI - Les représentations de l'huissier

XVI - LES REPRESENTATIONS DE L'HUISSIER

I - Le paradoxe de l'huissier

D'un point de vue sociologique, l'huissier a toujours eu une condition ambiguë. Cette singularité est ancienne puisqu'elle remonte au sergent médiéval. A l'origine de la fonction, celui-ci était recruté parmi le peuple et n'exerçait pas son office à temps plein. Il s'agissait en effet d'un commerçant ou d'un artisan qui était occasionnellement appelé à prêter main-forte à la justice et qui, à cette occasion, endossait son habit de sergent et recevait des gages pour ses fonctions. Lorsque l'office est devenu exclusif d'autres activités professionnelles, le sergent restait d'extraction modeste. On voit, par exemple, dans l'histoire des sergents du Châtelet de Paris, que les premiers baillis et sénéchaux employaient leurs serviteurs à exécuter leurs mandements, tandis que le prévôt de Paris commettait ses domestiques pour l'application de ses décisions et de son sceau (1). De la sorte, ces officiers occupaient une place vile, à peine supérieure à celle des gens de bras et des mendiants.

Même s'il avait parfois exercé auparavant des fonctions de geôlier ou de clerc de ville, l'huissier présentait la particularité d'être à la fois un sujet ordinaire (à l'exception de certains huissiers des cours supérieures, dont la charge était anoblissante, il ne bénéficiait d'aucun titre honorifique et d'aucune exemption fiscale en raison de ses fonctions) et un officier investi d'un pouvoir de contrainte qu'il était amené à exercer à l'encontre de personnes de même condition que la sienne, voire de rang supérieur. Cette position sociale a rapidement suscité l'hostilité de la population, accrue par l'impopularité des actes d'exécution forcée et par les abus d'autorité, voire les méfaits, dont certains sergents ou huissiers se sont rendus coupables.

Ce phénomène a été clairement résumé par Valérie Toureille : « Les relations entre sergents et justiciables se dessinent en demi-teinte, entre la haine et le respect. Elles tiennent à l'ambiguïté constante de ceux qui, issus du peuple, continuent de participer à la sociabilité tout en usant et abusant d'un pouvoir pour mieux s'extraire de leur condition première ». (2)

Traditionnellement donc, l'huissier est un personnage détesté par le public. Bien plus, il a aussi été pendant longtemps méprisé par les autres professionnels du droit qui voyaient dans ses fonctions un caractère subalterne par rapport à la juris dictio. Placé sous l'autorité de magistrats et dépourvu d'autorité propre, assurant le service des tribunaux mais étranger au débat judiciaire, chargé d'appliquer les décisions de justice à l'élaboration desquelles il ne participe pas, il a longtemps été considéré comme un simple exécutant (3). Dans l’ordre des offices d'Ancien Régime, les huissiers et les sergents faisaient partie, avec les annonceurs, priseurs et autres vendeurs, des officiers inférieurs des juges. Ils étaient d’ailleurs nettement distingués des praticiens de longue robe et arrivaient loin derrière dans la hiérarchie sociale, après les marchands – derniers dans le peuple à porter qualité d'honneur – les gens de métiers et les laboureurs. Dans la vieille société française, ils étaient compris sous le vocable « gens d'affaires » commun à tous ceux qui participaient à la Justice sans être juges ni avocats.

Il en a résulté, dans la culture populaire, des représentations souvent caricaturales de l'huissier.

II - Le personnage de l'huissier dans la littérature et la caricature

Déjà à la Renaissance, le sergent était vilipendé. Pour Rabelais (4), il ne méritait rien d'autre que la bastonnade qui était le châtiment réservé aux gredins : dans une farce fameuse, les trois chicanous (huissiers) qui venaient exploiter contre un seigneur furent pris au piège dans une fausse noce de mariage, reçus à coups de gantelets de joute et molestés sans ménagement ; le premier fut « eslourdy et meurtry, un oeil poché au beurre noir, huit coustes freussées, le brechet enfonfré » ; le deuxième repartit « courbattu, espaultré et froissé » ; le troisième eut la tête « rompue en neuf endroictz », tandis que ses records eurent l'un « le bras droict défaucillé », l'autre « la mandibule supérieure démanchée ».

Ronsard n'était pas plus tendre envers ceux qu'il considérait comme des gibiers de potence dans ces vers célèbres :

« De trois sergens pendez-en deux,

Le monde n'en vaudra que mieux.

Quand le tiers sera pendu,

Le monde n'aura rien perdu ».

D'ailleurs, selon un vieux proverbe (5), la présence d'un sergent était aussi néfaste et indésirable que celle d'un animal ou d'une plante nuisible :

« Un advocat en une ligne,

Un noyer dans une vigne,

Un pourceau en un bled,

Une taulpe dans un pré,

Un sergent dans un bourg,

C'est pour achever de gaster tout. »

Détestés, les huissiers étaient assez naturellement malmenés par ceux qu'ils venaient ajourner ou saisir. Un auteur comique du XVIème siècle expliquait comment ces mauvais traitements pouvaient leur être profitables : « Ces gens-là gaignent leur vie à être battus ; de sorte que si ils demeuroient longtemps sans être battus, ils mourroient de male mort, eux, leurs femmes et leurs enfants. La manière est telle : quand un moine, prêtre, usurier ou advocat veut mal à quelque gentilhomme de son pays, il envoie vers lui un de ces hommes. L'huissier le citera, l'adjournera, l'outragera, l'injuriera impudentement, suivant son record ou instruction, tant que le gentilhomme, s'il n'est paralytique de sens et plus stupide qu'une grenouille, sera contrainct de lui donnes bastonnades et grands coups d'épée sur la tête, ou la belle jarretade, ou mieux le jeter par les cresneaux et fenêtres de son chasteau. Cela fait, voilà l'huissier riche pour trois mois, comme si les coups de bâton feussent ses vraies moissons. Car il aura du moins, de l'usurier ou advocat, salaire bien bon et réparation du gentilhomme, quelquefois si grande et si excessive que le gentilhomme y perdra tout son avoir, avec danger de misérablement mourir en prison, comme s'il eût frappé le roi ».(6)

Au XVIIème siècle, l'huissier est naturellement présent dans les comédies de Molière qui avait maintes fois eu affaire avec des membres de cette profession. Sous sa plume, l'huissier est toujours ridiculisé : dans le Tartuffe, l'huissier Loyal se dit « natif de Normandie » - car les Normands étaient réputés pour leur tempérament chicaneur - et « huissier à verge, en dépit de l'envie ». Dans un autre passage, Damis le menace du châtiment réservé aux coquins : « Vous pourriez bien ici... Monsieur l'huissier à verge, attirer le bâton ».

Dans la littérature du siècle suivant, la présence de l'huissier est le plus souvent liée à une scène de saisie : tel personnage rentre chez lui et « il y trouve des huissiers qui démeublaient sa maison de la part de ses créanciers » (7) ; « Des huissiers déménagent la maison de Monsieur et de Madame ; tout est saisi par des créanciers » (8). Suite logique de la saisie, la vente publique était confiée aux huissiers-priseurs dont les travers étaient aussi dépeints, notamment par l'écrivain Louis Sébastien Mercier qui soulignait pour commencer que leur charge devenait de plus en plus lucrative car « plus il y a de luxe, plus il y a de nécessiteux ». Ces huissiers, écrivait-il, se nourrissaient de tous les malheurs - banqueroutes, décès - qui agitaient la vie humaine, « et lui, et la bourse de la communauté, prélèvent avant tout leur dû ». L’auteur dénonçait les pratiques malhonnêtes de ces officiers : « Il y a ensuite les petites ruses du métier. Tel huissier-priseur est souvent marchand tacite ou bien associé avec des marchands ; et dans les adjudications, il fait souvent couper la broche à propos, c’est-à-dire, adjuger suivant qu’il lui plaît, d’après ses vues secrètes ou celles de ses commettans cachés » (9). Les huissiers, acteurs impopulaires des saisies et des ventes forcées, critiqués tant pour la nature de leurs actes que pour leurs dérives, étaient aussi brocardés dès qu'une occasion s'en présentait, comme la montre des huissiers durant laquelle la mauvaise tenue à cheval des huissiers du Châtelet ne manquait pas d'être remarquée.

Haï pour ses exactions, méprisé pour ses fonctions contraignantes, l'huissier apparaissait aussi comme un oiseau de mauvaise augure, annonciateur du déshonneur et de la ruine des familles. Une vieille chanson exprimait ainsi ce sentiment :

« Jacques, il me faut troubler ton somme,

Dans le village, un gros huissier

Rôde et court, suivi du messier.

C'est pour l'impôt, las ! mon pauvre homme.

Lève-toi, Jacques, lève-toi ;

Voici venir l'huissier du roi.

Regarde : je jour vient d'éclore ;

Jamais si tard tu n'as dormi.

Pour vendre chez le vieux Rémi,

On saisissait avant l'aurore.

Lève-toi, Jacques, lève-toi ;

Voici venir l'huissier du roi. »

Au XIXème siècle, la sale besogne est toujours mise en avant : Maître Hareng saisissait les biens d'Emma Bovary sous la plume de Flaubert, tandis que Victor Hugo faisait intervenir un huissier à cheval d'un autre temps lors du supplice de Quasimodo : « Enfin, un huissier du Châtelet vêtu de noir, monté sur un cheval noir, en station à côté de l'échelle depuis le commencement de l'exécution, étendit sa baguette d'ébène vers le sablier ». (10)

Si l'huissier n'était pas forcément tourné en ridicule, ce qui témoigne d'un certain respect et peut-être aussi d'une évolution des fonctions et des conditions de leur exercice, il était toujours replacé dans le cadre d'interventions impopulaires. En outre, l'accent a très souvent été mis sur son austérité, son opiniâtreté ou sur son inflexibilité. Baudelaire écrivait : « Et puis un spectre est entré. C'est un huissier qui vient me torturer au nom de la loi » (11). Chez Marcel Aymé, Maître Malicorne, huissier impitoyable, se voit refuser l'entrée au Paradis à cause de ses mauvaises actions envers les pauvres gens et renvoyé sur Terre pour se racheter (12) ; sous la plume de Saint-Exupéry, le terme huissier est entièrement chargé d'inhumanité : « Les hommes ne se respectent plus les uns les autres. Huissiers sans âme, ils dispersent aux vents un mobilier sans savoir qu'ils anéantissent un royaume ». (13)

A la fin du XIXème siècle pourtant, plusieurs écrivains ont reconnu l'existence de « bons huissiers ». Champfleury dépeint un huissier de province débonnaire, M. Tête : « L'huissier était une petite tonne joyeuse qui parlait et chantait. Aussi, exerça-t-il de tout temps son ministère, à Dijon, sans choquer les gens saisis, peu disposés à trouver un huissier aimable » (14). Ce personnage est parfaitement conforme à la description que faisait Balzac de l'huissier de campagne, dans Les Français peints par eux-mêmes : « Représentez vous une bonne figure d'homme paisible, figure souriante, joviale, surmontée d'une casquette et encadrée dans un col de chemise qui semble vivre en parfaite intelligence avec les deux oreilles qui le caressent : c'est l'huissier de campagne qui, étalé dans son fauteuil, rédige à la hâte les exploits du jour, ou écoute gravement les doléances de quelques plaideurs qu'il tâche de mettre d'accord avant que la justice n'ait fourré le nez et la griffe dans leurs affaires. Car l'huissier de campagne n'est pas un de ces fauteurs de chicanes comme on en rencontre encore parfois dans les grandes villes. Il est lui-même une espèce de juge de paix, et joue souvent le rôle de conciliateur... Quelquefois il faut saisir le mobilier d'une pauvre famille, mission pénible et douloureuse qu'il n'accomplit qu'avec dégout... ».

L'huissier de campagne (illustration).

A la même époque, la littérature populaire prenait conscience de l'utilité des huissiers et de la légitimité de leurs fonctions : « L'huissier mérite-t-il tant de colère et tant de haine ? Est-ce lui le vrai coupable, comme il est vraiment parfois le martyr ? Les fonctions sont peu relevées, mais le but est utile et bon ; car, en somme, ce sergent, de qui est-il le serviteur ? De la Loi. Qui l'envoie ? La Justice. A quelle porte veille cet huissier ? A la porte du tribunal. Voilà ce qui relève singulièrement son rôle, ce qui l'a mis justement, de nos jours, dans un rang plus honorable et plus digne ». (15)

L'huissier-audiencier, in MOINEAUX (Jules), Les tribunaux comiques illustrés, Paris, 1881.

Ces tempéraments n'ont toutefois pas suffi à effacer dans l'esprit du public l'image de l'huissier austère et implacable. Bien au contraire, à partir du XIXème siècle, une autre forme de caricature a accentué le phénomène par le biais de l'imagerie populaire. Daumier, dans la série Les gens de justice, fut sans doute le premier dessinateur à s'attaquer publiquement aux huissiers.

Daumier : L'huissier, 1845.

« ...et parlant à sa portière ainsi déclarée, lui ai signifié qu'il eut à obtempérer à la dite sommation, sinon et faute de ce faire, qu'il y sera contraint par toutes les voies de droit, et lui ai, parlant comme dessus, laissé copie du présent...»

« Attendrir un huissier ! ... vous n'êtes donc pas français mon brave homme ?»

(Daumier, Le Charivari, 14 avril 1845)

Ces productions furent relayées au siècle suivant par des dessins, chromos et cartes postales humoristiques dont les auteurs étaient toujours animés par la volonté de mettre en exergue des traits négatifs des huissiers :

A. Willette, Soirée Artistique du 26 avril 1913, coll. Le Vieux Montmartre.

« Un huissier tenace » (chromo).

Carte postale, vers 1924.

ou de les ridiculiser :

« Monsieur l'Huissier, vous oubliez le vase » (chromo, vers 1910).

« V'lez'vous, maître Rapace noute huissier qu'é j'vous disions une grosse menterie ? ... Et ben, foi d'Sicot, jettes un honnête homme maître Rapace »

(carte postale de G. Lemée, v. 1930)

« L'huissier : Je viens chercher mon argent : Madame Jules est-elle ici ?...»

« Si vous ne me payez pas Madame, je tirerai sur vous à quinzaine ».

Qu'en est-il aujourd'hui ? Depuis le décret de 1955, les huissiers portent le titre d’ « huissier de justice ». D’un point de vue sociologique, il n’est pas douteux que cette lexie a contribué à redorer le blason d’une profession longtemps mal considérée par le public. L'huissier de justice se distingue indiscutablement du vulgaire exécuteur de jadis : son titre moderne rappelle qu'il est pour l’essentiel le sceau de l'autorité publique lorsqu'il constate des faits, qu'en contraignant les justiciables à se présenter à leurs juges et à exécuter les décisions de ces derniers, il assure finalement l'application de la loi et s'inscrit dans un processus indivisible dont il emprunte le prestige : la Justice. S'il sont toujours brocardés par des humoristes, dans certains films et par des dessinateurs de presse, les huissiers modernes s'efforcent, depuis quelques décennies, de se débarrasser de leur ancienne image, en s'ouvrant et en communiquant.

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(1) Cf. FERRIERE, Dictionnaire de droit et de pratique, v° Sergent.

(2) Les sergents du Châtelet ou la naissance de la police parisienne à la fin du Moyen Age, in Entre justice et justiciables : les auxiliaires de justice du Moyen âge au XXème siècle, Presses de l'Université de Laval, 2005, p. 70.

(3) Sur l'image de l'huissier dans l'opinion publique et le « complexe du sous-juriste », voir Alexandre Mathieu-Fritz, Les représentations sociales de l'huissier de justice, in Droit et Société, 54/2003, p. 491.

(4) Quart Livre, chap. 12 à 15.

(5) Cité par Des Périers (Contes et joyeux devis, LXVII, 239) et par Guillaume Bouchet (Sérées, Poitiers, Bouchet, 1585), ce proverbe varie sensiblement sous la plume de J. Boullay : « Une taupe dans un pré, un sergent dans un village, et dans la vigne un noyer, sont capables de tout gâter » (Manière de bien cultiver la vigne, Orléans, Rouzeau, 1723, p. 400). Une autre version est citée dans le Magasin Pittoresque de 1879 : « Un mauvais gouverneur en une ville, un noyer en une vigne, un pourceau en un blé, un amas de taupes dans un pré, un sergent dans un bourg, c'est assez pour gaster tout » (p. 155).

(6) Cité dans le Magasin Pittoresque de 1879, p. 186.

(7) VOLTAIRE, Memnon ou la Sagesse humaine.

(8) Jeannot et Colin.

(9) Le tableau de Paris, chap. CCCCLIV, Amsterdam, 1783 donne aussi une intéressante description de la vente publique, à travers les paroles de l'huissier, les vociférations de son crieur et le comportement de la foule : « L’huissier-priseur est obligé d’avoir un crieur à gages, un stentor. On n’entend que cette répétition éternelle des acheteurs, un sol, un sol, tandis que l’huissier de son côté crie, une fois, deux fois, trois fois. On diroit que l’objet crié va être adjugé sur-le-champ ; car l’huissier dit toujours, pour la dernière fois, en voulez-vous, n’en voulez-vous pas ? Un sol, un sol, répète l’assemblée. Et voilà l’objet qui de sol en sol remonte subitement à mille livres au-dessus du premier prix. Un sol a fait pencher la balance ; un sol la fixe invariablement. L’huissier en habit noir, avec sa voix flûtée, et le crieur déguenillé, mais gorgé d’eau-de-vie, dont le timbre fait trembler les vitres, usent leurs poumons à parler en public (…) Les paix là du stentor enroué surmontent à peine le bruit confus de la multitude qui se passe de main en main les objets, les regardant, les dédaignant, selon l’envie ou le besoin (…) On adjuge de cette manière depuis un tableau de Rubens jusqu’à un vieux juste-au-corps percé par les coudes. La valeur intrinsèque des objets apparaît là dans son évidence philosophique ; et d’après leur utilité, les chemises, les matelas, les chaises, les redingottes, etc., trouvent beaucoup plus de partisans que les diamans, les bijoux, les livres, etc. Dans les ventes après décès, les chauderonniers en cheveux plats ouvrent toujours la séance ; car on commence ordinairement par la batterie de cuisine., le mort n’en ayant plus besoin. Ils se trouvent dans la salle du défunt avec ceux qui viennent pour acheter ses diamans, ses meubles de Boulle, et ses dentelles. Toutes les nippes du mort, depuis sa tabatière jusqu’à sa seringue, passent sous les regards attentifs du public acheteur. Il apprend quels étoient les goûts particuliers du décédé, et la révélation de ses obscures fantaisies se fait après son enterrement (…) Les livres licentieux et les estampes obscènes sont mis à-côté par l’huissier-priseur., et ne se vendent pas publiquement (…) Les huissiers-priseurs sont sujets à gagner des fluxions de poitrine ; l’air étouffé d’une salle pleine de chauderonniers, de revendeurs, de revendeuses, etc. leur infecte les poumons. Plus heureux, dans un ministère de rigueur, lorsqu’en plein-air, sur la place Saint-Michel, ils vendent les meubles saisis d’un pauvre débiteur, qui regarde en soupirant le lit où il ne couchera plus. L’inexorable huissier l’adjuge au profit des créanciers du même ton qu’il adjugea la veille les bronzes, les diamans, les vins exquis du traitant, de l’évêque et de la duchesse morts de trop d’opulence. Au décès de l’homme de lettres, l’huissier-priseur n’a qu’une seule vacation ; il n’a pas besoin du secours de son crieur ; la foule empressée ne se rassemble pas ; l’appartement est désert, ou peu s’en faut ; les affiches n’ont annoncé ni dentelles, ni diamans, ni même batterie de cuisine. Des portraits d’anciens philosophes, estampes enfumées, quelques livres latins étalés sur des ais et des manuscrits que la critique respectera, voilà son héritage. Le libraire d’un pas furtif vient et examine ; rien chez lui ne tentera le désir des vulgaires mortels (…) »

(10) Notre Dame de Paris, Paris, Hetzel, 1853.

(11) La chambre double.

(12) Le Passe-Murailles.

(13) Ecrits de guerre.

(14) Les Oies de Noël, Paris, Hachette, 1853.

(15) Le Magasin Pittoresque, 1879, p. 155.

Dernière mise à jour le 15 décembre 2016

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