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VI - SERGENTS ET POLICIERS

L'étude des fonctions des anciens sergents montre que les ancêtres des huissiers de justice remplissaient aussi des fonctions de police. C'est ce que l'on constate à travers les attributions policières des sergents médiévaux (I) et les attributions secondaires des sergents de justice (II).

I - Les attributions policières des sergents médiévaux

Dans les premiers siècles de l'histoire de France, les rois faisaient assurer l'ordre dans leur domaine par leurs baillis, prévôts et sénéchaux, qui avaient sous leurs ordres des sergents, à la fois hommes d'armes et préposés à l'exécution des ordres de justice. De même, à partir du XIIème siècle, parmi les fonctionnaires qui assistaient le corps municipal des grandes cités soumises au régime communal, des bas-officiers portant le titre de sergents exerçaient en même temps les fonctions d'huissier et d'officier de police (Luchaire, Manuel des institutions françaises. Période des Capétiens directs, Paris, 1892, p. 419).

On constate donc à cette époque, un cumul de fonctions entre les mains d'officiers subalternes qui étaient à la fois les préposés à l'exécution des commandements donnés par leur seigneur dans le cadre de son pouvoir juridictionnel et les hommes d'armes de ce même seigneur, chargés du maintien de l'ordre. A ce titre, ils étaient habilités par exemple, comme l'indiquait Boutillier à plusieurs reprises lorsqu'il exposait les obligations des sergents, à constituer prisonnier sans commission ni commandement exprès toute personne qu'ils trouvaient en train de commettre un méfait dans leur ressort (Somme rural, liv. II, tit. 2).

La confusion des fonctions de police et de justice existait encore à la fin du Moyen Age, dans la prévôté de Paris, où les sergents du Châtelet exerçaient de véritables fonctions policières et criminelles.

Les sergents de la douzaine, créés par Louis IX avant 1288, étaient détachés pour deux mois du corps des sergents à verge ou à pied pour assurer la garde du prévôt (ordonnance du 12 juin 1309). En 1529, ils obtinrent les privilèges et franchises dont jouissaient les archers de ville.

Les sergents à cheval et les sergents à verge du Châtelet constituaient aussi la seule garde dont la ville de Paris était dotée pendant la journée (le Guet prenant le relève pour la nuit). A ce titre, ils devaient accourir au cri à la justice le roi, se mettre à la disposition du prévôt en cas d’arrivée ou de départ du roi, de même qu’en cas d’incendie ou d’assemblée, et dénoncer au prévôt toute atteinte à la législation royale constatée au cours de leurs rondes ou tournées. Les écrous du XVème siècle regorgent d'exemples de prévenus arrêtés par ces sergents et conduits par eux dans les geôles ou devant le juge. A cette époque, les sergents étaient également chargés de conduire les condamnés au lieu de l'exécution.

Tant que la police et la justice n'ont pas été distinctes, les sergents ont naturellement cumulé des fonctions afférentes aux deux sphères, du moins dans les villes. Dans celles du nord de la France, au XVIIIème siècle, existait une catégorie de sergents spécialisés dans la police municipale, peu à peu détachée des sergents royaux compétents en matière civile : ces sergents criminels ou sergents de ville assuraient la police des marchés et celle des jeux, veillait au respect des règles d'hygiène et, plus largement, de l'ordre public. Parallèlement, ils exerçaient des fonctions d'auxiliaires de la juridiction municipale telles que la garde et la conduite des prisonniers, les citations des témoins, les prises de corps...

II - Les fonctions secondaires du sergent de justice

Lorsque la différenciation des sergents d'armes et des sergents de justice a été effectuée, les seconds ont généralement perdu toute fonction militaire et ont été affectés au service des juridictions.

Seuls les sergents de la douzaine cumulaient à Paris des fonctions militaires (gardes du prévôt, ils portaient la livrée prévôtale et le hoqueton des gens de guerre) et des fonctions judiciaires (ils exploitaient concurremment avec les autres huissiers du Châtelet).

Toutefois, les sergents de justice ont conservé des fonctions de police qui caractérisaient autrefois les hommes d'armes. Certains étaient statutairement auxiliaires des officiers de police (A), d'autres exerçaient de telles attributions en vertu de commissions spéciales (B).

A - Le sergent, auxiliaire des officiers de police

De par leur établissement, c'est-à-dire depuis le Moyen-Age, les huissiers à pied du Châtelet de Paris ont été chargé d'un service de police. Il faut croire toutefois que les fonctions judiciaires avaient pris le dessus et que l'abondance des exploits à effectuer avait conduit les intéressés à négliger ce service, puisque plusieurs textes des XVIIème et au XVIIIème siècles ont été consacrés aux fonctions policières des huissiers du Châtelet.

Un arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 1692 confirmé par Lettres-Patentes du 22 juillet de la même année, a enjoint aux sergents à verge du Châtelet d'assurer un service de police auprès du lieutenant criminel, du procureur du roi et des commissaires du Châtelet. Pour cela, leur communauté devait nommer des officiers avec lesquels ce service pourrait être organisé.

Les sergents à verge tentèrent de s'exempter de ce qui constituait pour eux une charge supplémentaire et dangereuse. A cette fin, ils empêchèrent la mise en place du service en s'abstenant de doter leur communauté des officiers sensés l'organiser.

En réaction, un arrêt du Conseil du 27 janvier et des Lettres-Patentes du 21 février 1693 décidèrent que les 236 sergents à verge du Châtelet composeraient une communauté et nommeraient incessamment leurs officiers. Chaque année, 180 d'entre eux feraient le service des magistrats et des commissaires du Châtelet pour la police. De même, parmi les 130 huissiers à cheval résidant à Paris, 80 feraient chaque année le service de la police avec les commissaires, dans des quartiers qui leur seraient assignés séparément des sergents à verge.

Au sein du Châtelet, l'organisation du service faisait l'objet d'un règlement particulier entre huissiers à cheval et sergents à verge : chaque semaine, deux huissiers à cheval et deux sergents à verge devaient être désignés (à tour de rôle) pour faire le service de la chambre criminelle et auprès du lieutenant de police. Chaque dimanche, un certain nombre d'entre eux étaient affectés au service de la police assuré par les commissaires du Châtelet.

Ce service comportait des risques et des contraintes. En particulier, un huissier ne pouvait, au cours de son année de service, s'absenter de Paris que durant deux mois et à condition d'en avoir préalablement informé les commissaires auprès desquels ils serviront et de leur avoir présenté un confrère en remplacement, le tout à peine de 200 livres d'amende. Mais en contrepartie de ces obligations, les huissiers à cheval et les sergents à verge reçurent le monopole des exploits de police et l'exclusivité de l'assistance des jurés des corporations marchandes et artisanales dans leurs visites et saisies.

On trouve encore, rapportée par Fréminville (Dictionnaire ou traité de la police générale, Paris, 1771, p. 556, v° Officiers de police), une sentence du Châtelet de Paris du 30 juin 1719, condamnant deux sergents à verge à 50 livres d'amende chacun, pour ne pas avoir rejoint le commissaire auprès duquel ils avaient été affectés pour le service de la police dans plusieurs quartiers de Paris.

B - Les commissions spéciales

Il arrivait aussi qu'un sergent royal fît fonctions d'officier de police dans les lieux qui en étaient dépourvus. C'est ainsi que le nommé Georges Clériée, sergent royal au bailliage de Vire, exerçait en 1777 les fonctions de commissaire de police dans lesquelles il avait été établi par Messieurs les gens du Roi dudit siège. C'est à ce titre qu'il fut amené à recevoir les plaintes d'un couple d'habitants d'une famille de boulangers de Vire contre une marchande de grains injurieuse.

« L'an mil sept cents soixante dix sept le vingt neuf du mois de septembre, Georges Clériée, sergent royal au bailliage de Vire faisant les fonctions de commissaire de police...»

Dernière mise à jour le 20 août 2009

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