Zombie Jazz
(impro nocturne, avec Pierre Saunier)
I
Dresse la liste de ce que tu aimes.
• Trouver les mots
• Les taire
• Se combler par des accidents
Mène-moi dans un lieu que j'aurai plaisir à connaître.
L'arbre bouffé aux vers au sommet de l'immeuble
Et la chambre aux sauterelles
Ce n'est pas grave si cela prend des années pour en voir seulement le premier horizon.
L'horizon
Croupit au-delà de la vitre
Et le soleil de midi, en passant au travers, apparaît bleu à ceux qui s'éveillent
Est-ce encore toi qui me fais signe, là haut ?
Je n'y vois rien.
Est-ce mon nom que tu appelles, est-ce un nom ?
Mon nom
est un muscle sans tendon
qui se contracte comme un gant de boxe
Défais les liens qui me retiennent attaché ici
Je t'en prie.
Je suis entouré par un conciliabule d'ombres et compte chaque jour
Comme si tout allait recommencer, à nouveau.
Dresse la liste.
***
Chaque coup de poing
Si fort soit-il
Ne produit pas la moindre détonation
Et une voix numérique
Au bout du téléphone
Me dit que la ligne est coupée
Ou quelque chose de semblable
Dans une langue que je ne connais pas
Dresse la liste des mots qui ont compté
peut-être trois ou quatre
ont résonné
Est-ce toi qui grésilles
qui bous avec l'aube ?
Comme j'aimerais te rejoindre
Où
Là
Oui
Dans cette région de l'homme propre à couper le souffle
L'enfer est cette chaleur aux molécules figées
Patientes
Qui ne me tuent que par l'attente
Qu'elles m'imposent
Mène-moi sans un regard pour le fantôme
grimaçant dans le rétroviseur
Je confierai au prochain barrage
tous mes bagages les plus sordides
Je ne rentrerai plus chez moi
Plus de portes
Chaque seuil embrassé
La force poursuit l’œuvre de mes antennes
Réceptrices
Guide, tu m'as pris sous ton aile
Vers
Ces mers criblées de pilotis qui ne supportent rien
***
Succinctement je m'horrifie
Devant le passage d'une mouette
Je porte ma couronne avec fatigue
et lassitude
Quelle route est celle de ce refuge
où
les plafonds sont comme des miroirs
qui me connaissent
Un geste pour chasser les oiseaux de l'angoisse
Et nous nous sommes endormis côte à côte
Partout respirait le parfum inoubliable de cette nuit
Quel parfum
Je le tais
Je n'ai pas encore appris l'art de parler
Sur le tas je me réveille
Quel rêve
Si ce n'est un autre rêve, plus terrible
Plein du manque de quoi
Que je ne saurais dessiner
Et je goûte de mes mains cette oisiveté trouvée
dans le terrier de tes cheveux
croulant pour moi en cascade immobile
sous le plafond qu'ensemble nos quinze yeux regardent
d'un même mouvement
sans lumière et sans mot
je me gratte un peu
tant ma peau ne peut plus me contenir
***
Dresse la liste de ce que tu aimes
Les jolies filles pour s'en souvenir
pour se nourrir
Et les copains qui passent
et qui s'arrêtent
qui nous modèlent un masque qui nous va bien
avec la bouche qui se lève par endroits
ça nous épate tant le temps passe lentement
posés la tête à l'air dans le hamac
suspendus sans un bruit au milieu des buildings
Si tu ne dresses pas la liste tu es seul et si tu es seul
Un peu de terre,
Un peu de combustible,
Et repars à zéro. Neuf. Tu saisis :
tous les chiffres, toutes les combinaisons,
Tout le rythme de notre passage ?
Zéro. Hein. Tout commence déjà par ne pas se comprendre.
L'enfance aide-moi à l'étouffer
L'adolescence aide-moi à la brûler.
Le reste, je m'en occuperai.
Vaines prières
Si quelqu'un entend
Qu'il n'hésite pas à me
Mordre les lèvres comme si sa vie en dépendait /
Ce que j'aime vient
***
Nous avons la compréhension du feu. Il bouge au même rythme que nous.
Il vacille
Comme nous
Il brûle
comme nous brûlons
Le froid l'éteint
comme l'hiver vient en cette saison de coeurs hagards
qui ne veulent rien pas même eux-mêmes
II
Et si soudain mon esprit swingue
et pétille,
histoire de me surprendre
Qu'as-tu jeté au feu qui soit si
bon,
Sans plus t'occuper des saisons ?
Ton château est un havre
Une halte,
Bien plus que ses pierres,
C'est son hôte qui résonne
Quand je ronfle trop ivre et
Chante trop ivre et
Danse trop
Ian Curtis
L'atmosphère se retourne comme une crêpe
Un petit hasard se glisse
Entre nos jeux
Nous reprenons de l'altitude
Les fées du jazz impactent nos ondes
L'ami
Nager la nuit
Dans la mer du grand nord
Courir le jour
dans le désert brûlant le long de l'équateur
et habiter des heures durant
le ciel comme un papillon mort
au gré des airs de saxophone
Voilà qui s'appelle le swing des os et des chairs et des cellules sans cesse renouvelées
mais pas à cent pour cent
voilà la faille
dans laquelle courent les larmes
***
Dur de faire face à la musique
Sans se payer des heures de jeunesse à l'oeil
L'abandon de la peau
Jusqu'au réveil
Plantes malsaines contre plaintes
Ambroisie du mont Derviche
Jusqu'au réveil
Jusqu'à la première gorgée de terre évaporée
Bois moi
Bois moi
Grandis, Jette Moi
Reviens moi
Plus joyeux et confiant
Plus triste et déconcertant
Elle a perdu tout contrôle
De ses jambes
Elles se sont mises à courir sur la mer
Et ses mains sur les murs
et sa tête
est devenue si petite qu'il a fallu rayer de tous les dictionnaires
les mots de réflexion
de pensée
et d'ennui
On la tenait
l'immortelle jouissance
immortelle parce que pas encore née
Et nous l'avons rendue mortelle
à coups de burin
en lui sculptant un corps aux fesses astronomiques
des mollets comme des dunes
une nuque où glisser toute sa vie
une bouteille de Jack au poing
en totale érection
***
Je jardine avec la Faux
Je flâne dans la Barque
Les Reliques bronzent avec moi
J'ai jeté les Clefs
J'aime l'Idiot
Et crypte le Poème
Afin de pimenter vos Odyssées
Je m'absente dans le Jardin
Un air de malice à la main
Les rimes reviennent plus naturelles
Accompagné du chant de Tes sauterelles
Odes hissées
comme chapiteaux de part et d'autre de mon nombril
qui me résonnent et qui me gonflent
de son plus que de sens
je deviens moi-même musique
sans comprendre ce que cela signifie
je le sais
Il faut être au moins aussi vivant que ça
que la musique
que le parfum et la forme qui s'y rapportent
exactement ou non
selon qu'on veut mener une vie qui soit
galbée
ou dure
dans tous les cas elle sera
téméraire
***
J'ai reconnu ce lieu :
un palais des glaces, un autre pays.
Cela fait du bien.
Je me sens drôle. Un peu humble enfin.
Le vertige s'est fait ascendant
Les signes se forment et se déforment
Parce qu'ils n'ont pas d'autres
Ambitions dans la vie.
Je suis ces signes je
ris et ce rire a une forme
une couleur, un parfum
inoubliables,
bien plus riches que l'absurde.
Cela peut durer une minute.
Une minute entière !