(poème automatique et pâle)
Humer des peaux jusqu'à la moelle
la queue trempée dans les étoiles
Il fait nuit j'y peux rien
J'ai oublié les jours anciens
Des vers de terre comme des miroirs
luisent sur le bord du trottoir
Et toi
qu'est-ce que tu fais là à bêler
tu n'as même pas vu le grand trou dans ton front
Le ciel a sauté par la fenêtre
La première sorcière venue
vous le dira
braves gens
braves gens
contemplez la pluie qui ruisselle
de vos oreilles
de vos cervelles
ça sent la sève et la scierie
comme en Amazonie
où on découpe des planches à pain pour nos futures
saisons de pourriture
*
Viens avec moi petite princesse
mon océan de fesses
ma statue de lucioles agglutinées
C'est minuit
rassure-toi
le paradis n'est plus très loin
de l'extinction
déjà les videurs célestes
ferment les portes
expulsent les derniers buveurs ressuscités
pleins d'ambroisie qui tache
et les coups de pied qu'ils reçoivent au derrière
dessinent des trajectoires d'or dans le ciel
*
Viens petite soeur de mes cauchemars
et des plongeons la nuit dans des marées de rhum
avec la lune voyeuse pour nageoire
pour boulet de noyade
comme les grosses pierres qu'on met dans les sacs de petits chats
à la campagne
pour les délivrer
nous ne touchons pas le fond
non
nous ne touchons pas le fond
Ceci n'est pas la fin
et vous n'avez encore rien vu
les oiseaux existent encore
et l'air que l'on respire
c'est encore de l'essence
bien vraie et bien crasseuse comme la glaise de Prométhée
Tous ces enfants croûteux toutes ces peaux accrochées
aux ronces nous en habillons des statues
de terre de pierre de viande séchée
pour les faire hommes
toujours hommes
car l'homme restera homme
Dieu
et babouins, et ribauds, oiseaux perchés au mât de cocagne
tous les pendus sur vos gibets
tous les anges dans vos campagnes
Écoutez la merveilleuse histoire de l'homme sous les nuages
et sous la lune, lune, lune,
J'ai tendu des fils électriques entre des arbres morts
des guirlandes de building à building
Et je danse
Je fais des signes aux avions
comme le docteur Müller dans l'Île noire
avec de grosses lumières rouges
qui sont mes yeux Et rien ne bouge
Ah que la lune se barre
la ville deviendra noire
j'ai mis une prothèse à ma douleur
qui ne peut plus marcher toute seule
j'ai sucé des bouteilles j'ai fumé des fleurs mortes
plongé la tête dans des mares d'eau croupie au seuil des portes
tâchant de comprendre le mal
et l'agressivité
mais je me suis trouvé ignorant et lâche
tu sais
peut-être qu'il faudrait plusieurs vies pour comprendre
le doigt d'honneur que cette femme de trente ans m'a lancé
pour un bonjour
dans lequel je n'avais pas mis plus de sens que la pluie et le beau de temps
ou peut-être
que la haine n'est rien
qu'un petit tas de crotte sur un trottoir
rien de plus
qu'un miroir
tout couvert de crachats
et qu'elle ne mérite pas tout le mal qu'on lui donne
pour faire marcher
Toutes ces machines dans les coulisses
à faire vibrer la peau comme un piano désaccordé
*
Et dans la nuit les autoroutes
nous montrent les chemins de dieu
pour peu qu'en dormant on écoute
le chant nocturne des zombies
endormis loin sur leur klaxon
Tu sais toutes ces choses
le lyrisme tout ça
jamais on ne s'en sortira
C'est comme si on jouait aux fléchettes sur les têtes d'enfants sages
que l'on portait jadis sur nos épaules
Dans l'arrière-salle d'un garage
Nous restons allongés
tendus en file de feux-follets
entre les choses comme des ponts de singe
Nous nageons nus dans les volcans
et la combustion de nos chairs
allume sous terre chez les taupes
d'invisibles lumières
*
On a parlé aux pierres des murs
aux portes aux résidus de plâtre aux tas d'os
On a parlé à la parole même
de bouche en bouche fusant
et s'éteignant
anémique SOS
naine blanche
poumon crevé
"Et toi alors
qu'est-ce que tu racontes de beau
paumé(e) sous les comètes qui ressemblent à des chiens
après l'à peine jouissance de tous les soirs
quelle musique pourrait encore jaillir
du grand trou dans ton front
quelle musique
quelle musique
...
(2009)