Qui a parlé?
Les récifs de la plage tombent sur mon front comme des mèches coupées juste avant l'explosion
Comme des mains tendues du ciel jusqu'à la terre
Qui a parlé?
dans ma tête l'autoroute s'est vidée
Au front des vitres les bêtes se révoltent à coups de fil de fer
Au front des avenues brusquement tailladées
des ponts fendus sous la hache saccadée des soupirs
s'enfuient dans la nuit en hurlant
Je vois la liberté
elle se dessine comme un paquebot dans le brouillard
comme un naufrage immense de vers luisants dans une bouteille
la liberté est une coulée de lave gelée quand elle sort de la bouche
Liberté
ta voix s'accroche à chacun de mes poils à chacun de mes coups de pied dans la porte nue
Je veux forcer la terre comme on force une serrure
pour m'échouer sur une plage au vu de tous les oiseaux morts de l'univers
Je veux forcer l'allure plonger dans l'océan de terre et surtout je veux voir
voir tout ce qu'on peut faire avec une vie
Sur la route un camion trisse avec plusieurs remorques un avion et quelques hirondelles sous la pluie
Et puis
une femme avec de jolis seins sous les doigts d'un pianiste
sous les cordes des guitares mortes nos amours sont enterrées avec les haches de guerre
Dans la rue, un homme tourne en rond avec un regard triste
Crisser des dents comme une fronde
enfouie au plus profond du monde
Tenir sur ses jambes effacer les tempêtes et la salive inepte des saisons
Nous sommes debout sous la pluie de la lampe au plafond
plus noirs que des oiseaux
C'est le très grand sommeil des murs et des artères
le grand cessez-le-feu
Enfin la mort des flasques espérances la mort de l'éternelle patience
Le saut de l'ange de la couleur au fond des airs
Je t'aime ma chinoise tes cuisses sont des branches de tamtam dans le désert
et je suis un cargo plombé de réverbères
l'issue du fond de la mer je la connais
les requins les bottes les baleines blanches dans les filets
tout ça remonte comme un bouchon dans la tempête
comme les bulles d'air d'une ultime expiration
Nous cherchons la noyade ou l'écrasement du corps
La patience attendra elle se tient droite le coude sur la bitte d'amarrage à peler des planètes avec son vieux canif
Je crois en vous, vagues, envolées, je crois en vous figures taillées dans l'heure, têtes de pierre
Le désir souffle mon doigt remonte en gémissant la griffure du bas noir
Trou
Trou tissé d'algues et de draps d'aube où l'on s'endort dos contre dos dans un même cauchemar
Dehors les coeurs ouverts roupillent ils ont des gueules de chiens battus regarde-les leurs faux trempées d'azur quelle nuit profonde entre leurs dents
Délire tu es l'attache de fer de mes trois lèvres mon haleine mon silence effondré
ma face de blanc hideux jetée dans le miroir
L'âme sort ses dents cette scie sauteuse
Nous bondissons par-dessus les trottoirs les périphs les douches de glace les boulevards des chutes de reins sur la grève
Sous ton fard c'est la communication de la peau contre la peau
Nous souffrons atrocement de la solitude
Ramène ta peau bleue mon amour
Les volets battent dehors le monde a soif il pleut de la vodka
Ecarte grand les lèvres j'ai un besoin de pain de rêves.
26 janv. 2009, 01h30
Pablo Picasso, Nu bleu