Harmonie harmonie
quelles sont ces ombres qui nous lient
Le ciel est noir de monde on entend les débris de nos masques qui tombent
en claquant sur les murs
et les peaux qui susurrent
Les cœurs
claquemurés dans les poitrines
ressurgissent en foules de pieds martelant les routes
Et les mégots comètes brumeuses meurtries déchirées de rires jaunes ou d’or
titubent chancellent de fièvre et de chaleur jusqu’à maudire la terre et les cafards nombreux qui grouillent
dans les fleuves dans les rigoles tordues tronquées infestées de colombes
que certains appellent mon sang
mes jambes
mes tempes ruisselantes de naufrages
mes silhouettes bleues de vautours
marées d’yeux que les songes ont brûlés sous la pluie
Harmonie harmonie
quelle est cette ombre qui nous suit
quelles sont ces machineries immenses de chair
d’albâtre d’os
rassemblées en troupeaux de lépreuses étincelles
qui nous supportent
qu’on voit déambuler dans ces couloirs de mort
sans but
sans cesse
bâillonnées attifées de masques lunaires
à l’abandon
Au-devant de l’énorme nuit délabrée
toute résonnante des mots qu’on n’a jamais criés
ces mots
plus grands qu’eux-mêmes
qui sont comme des cicatrices sur des paupières closes
Au milieu du roulis où fermentent
nos carcasses
nos caresses
claires écorchées mêlant brume et soleil
embrassant de mille étreintes fumeuses le ciel, les mers et toutes nos tentatives ratées
d’entendre
de comprendre
cette langue pleine de sécheresses
de racines
d’autoroutes sans lumière
sans réponse
à rien
cette langue qui nous démange
Et jusqu’au travers du papier asphyxié d’encre et de peinture
nous connaîtrons l’exil
les malhabiles fragments de corps
qui s’entrechoquent
et les verbeuses couleurs de cinq cent mille visages
disposés à la file sur la grande chaîne grinçante de la peur
nous connaîtrons surtout
la noyade abstraite
et froide
dans l’ennui
et l’immobilité sans fin des appontements
des passerelles
des tarmacs
nous connaîtrons l’exil
et nous saurons peut-être
un soir
quand il sera bien tard
ce que c’est que partir
vers ces tunnels du ciel qu’on dit comblés de néons électriques
Et puis
languissamment
le crash nous envahit
murmure infini d’ailes délicatement pendues
aux yeux des cigarettes
soudaines lunes griffées d’envols transparents
maculées d’oiseaux tapageurs échappés des nasses
Serré c’est serré j’entends mes dents qui gèlent qui crissent comme des pneus sur la digue ce matin
on utilise toutes les issues
toutes les poignées forcées
portent mon empreinte
et les arbres crevés
ont dans leurs branches de bien vieilles mélodies
Harmonie harmonie
quelles sont ces ombres qui nous strient
Les paroles ne s’entendent plus qu’en claquements
Claquements d’os sur l’eau en ricochets
claquements obliques raturant l’âme à peine
claquement des mains sur les hanches nues
la nuit
il y a comme un goût de tocsin qui remonte
de nos bouches
résonnantes et nulles
Il y aura toujours quelque chose qui grince au fond de nous
Yeux déchirés yeux fixés yeux en cages
La nuit corrode les grillages
Et en tirant nos yeux vers le plafond
comme les marées attendent le soir pour se vêtir de plaintes et d’alcools noirs
nous aurons presque l’impression
de sentir
d’éprouver
cet air nouveau qui tremble en nos dernières minutes
cet air
plus dénué de raison que les paroles d’un homme qui meurt
plus dénué d’horizon
que le regard d’une femme qui jouit
Aucune douche assez brûlante aucune faim assez proche du ciel pour crever cet abcès si lent
si gracieux si désincarné
de nos jours sur la Terre
sous les ampoules noyées de chagrins et de lunes
Feues nos saisons d’amour s’étranglent sous la route
Déjà il n’y a plus rien
que quelques rêves morts
des macchabées multicolores
pendus
aux rides de nos fronts
grands nœuds coulants chemins de fer grands claquements des phalanges sur les yeux
Train d’ongles sur la digue ouverte de tes lèvres
train de baisers suffocants tu transportes
l’obscure liberté liqueur langoureuse liqueur infirme
ô langueurs épuisées
langue
spectaculaire lasso du vent
(EN BONUS POUR CE TEXTE : VIEUX RAP MAL DIGÉRÉ DE KWIZERA SUR UNE INSTRU D'AKH.)