MAGNIFICENT ZERO
(texte rap)
Silence de ma rue
Vacarme de ma chambre
Sous la dingue armada des buildings-dinosaures
j’entends parler ces chaînes qui me sanglent
à chaque étoile échouée
à chaque ampoule qui luit sur l’ulcère du fleuve
( celui où je voulais me noyer tout à l’heure )
La nuit fait de nous des sauvages
remontant leurs propres veines
en quête d’un rêve qui n’en a pas fini de se vêtir de verre
de tictacs ou d’ossements
et qui s’élève en nous
trop haut pour nous
jusqu’aux abîmes jamais compris de nos propres pensées
qui se balancent en fourvoiements
sous des branches où la pluie nous berce et nous endort
Je m’éloigne du port
Je suis couché dans l’herbe au-dessus de moi près d’un cimetière désert qui me ressemble
J’effeuille à coups de dents les soleils qui pourrissent
entre la mer et une caisse de police
Les ancres tremblent les plombs sautent
Le sel s’incruste entre les côtes
La marée marche vers la plage
Le vent se lève
À coups de pioche les colombes gagnent les nuages
tout là-bas
sur la grève
les vagues se réveillent
et ce bruit
c’est l’orage
ou bien c’est moi qui rêve
L’océan est blindé d’écueils
c’est du béton qui gicle
en proue des caravelles
les sunlights-océans aveuglent nos cervelles
on écoute craquer
les coutures
du linceul où s’emmêle
ce fil de funambule où tenait l’univers
Sur le périph on entend les sirènes
La mer est retournée à ses vagues lointaines
nous laissant pour radeau
ce sable qui n’est plus qu’une nostalgie de sable
où dansent sans musique
le Vide
et sa gueule rouge
et je la reconnais
La mort
glissante et calme
Muette comme une voie ferrée qui traverse la nuit
une petite gare mal éclairée
La vicieuse me talonne jusqu'aux plus bas étages
de mes rêves
où je regarde
les yeux baissés de faim de honte
les dents luisantes de ma pauvre vie
qui me mate à bout portant
dans la vitre d’un train de banlieue
La mer s’est retirée
au centre de la gorge
Chacun porte sa charge de plomb
La vue dérape je ne veux plus savoir
si j’y vois clair si j’y vois rouge
Le corps se perd mais rien ne bouge
L’homme est comme un fantôme
sans voix qui claque des dents
enlisé dans son jean
Je n’attends rien de cette aurore qui vient
traîner ses pieds sur nos cauchemars
Et macache de l’amour
Et macache de l’avenir
ce sale mendiant attifé de dollars
qui chaque jour nous cache un peu plus son visage
zarma, « les cages nous apprennent à voler »
comme le silence à entendre
le bruit de nos propres pieds foulant cette ombre
qui nous colle au cul comme une queue comme une faux
il n’est pas question de liberté
l’échelle s’est écroulée mais les loups n’ont pas d’ailes
sinon celles qui leur poussent
quand une nuit d’hiver ils se prennent à pleurer
sous le ciel noir à l’infini
pour une femme au bord d’un quai qui leur découvre
son corps comme une table desservie
Qui peut comprendre nos rêves d’astres
notre cloaque s’abreuve au styx du fond des baffles
les mains s’accrochent au murs glacés
les dents sont lasses
tout chute encore
plus bas que terre
plus bas
que mer
tout au bout du rouleau
la vague asséchée clamse et rabat nos mâchoires
sous la dingue armada des buildings-dinosaures
craquez mes os
craquez
mes allumettes noires
Cramez flambeaux du soir
ce sacré cimetière de sel et d’eau
où croupissent nos puretés clochardes
Cramez.
(2008)