Publié le 27/02/2013 à 06h00 | Mise à jour : 27/02/2013 à 11h38

Par Jean-Pierre Tamisier

Mort d'un chasseur à Saint-Laurent-Médoc (33) : la balle a-t-elle ricoché ?

Accident malheureux ou non respect des règles lors d'une battue, le débat est devant le tribunal depuis la mort d'un chasseur en novembre 2010.

C'est lors d'une battue que Pierre Porquier a été tué par une balle destinée à un cerf. (arch. j.-c. sounalet)

Pierre Porquier a trouvé la mort, atteint par une balle en pleine poitrine, au cours d'une battue au grand gibier le 6 novembre 2010, en bordure d'un champ, au lieu-dit Sérignan. Selon les premières constatations, le sexagénaire, qui demeurait sur l'île d'Oléron et chassait à Saint-Laurent- Médoc, avait été atteint par la première des deux balles tirées en direction d'un cerf par son voisin de battue, un jeune chasseur de 23 ans. Très vite, l'hypothèse que la première munition Brenek, utilisée dans ce genre de battue, ait été déviée en touchant le sabot de l'animal a été évoquée.

Tous les dépistages d'alcoolémie effectués immédiatement par les gendarmes avaient été négatifs. Toutefois, un homme étant mort, ils ont poussé les investigations au maximum et demandé l'intervention des spécialistes en balistique de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Leur rapport a profondément remis en cause les certitudes du moment et conduit le parquet à poursuivre le jeune chasseur pour homicide involontaire.

Les conclusions de cette expertise ont été longuement évoquées lundi après-midi devant la 5e chambre du tribunal correctionnel de Bordeaux, présidée par Frédérique Gayssot. Il a longuement été question du « tir au rembucher », qui consiste à suivre l'animal jusqu'à l'orée du bois en observant un angle de 30° de part et d'autre pour tirer. Le jeune chasseur assure qu'il a respecté toutes les règles. Cependant, les spécialistes de l'IRCGN parviennent à des conclusions qui affirment que le canon du fusil a été, à un moment donné, dirigé vers la victime.

Pour la vice-procureur Anne-Cécile Dumonteil, « les faits sont parfaitement établis. Le prévenu, jeune chasseur, a peut-être manqué d'expérience et de lucidité en voyant arriver l'animal et il a pu commettre une imprudence ou une négligence. »

Deux ans avec sursis requis

Elle poussait à plusieurs reprises le jeune homme à le reconnaître en lui rappelant les conclusions de l'expertise des gendarmes. Celle-ci démontre notamment que « les éléments du premier tir, stabilisateur de la munition comme la bourre à jupe, se trouvent dans le fossé », donc en direction de Pierre Porquier. Néanmoins, une trace a été relevée sur l'une des pattes antérieures de l'animal, mais pas au niveau du sabot. Pour Frédérique Gayssot, « si la balle avait ricoché sur cette partie de la patte, elle aurait dû, selon les experts, sectionner les tendons ».

« Vous savez très bien que vous avez commis une faute mais vous ne voulez pas le reconnaître, accusait Anne-Cécile Dumonteil. Au moins un de vos deux tirs s'est produit alors que l'animal se trouvait entre vous et la victime. » Elle demandait deux ans de prison avec sursis.

Le jeune prévenu qui, depuis cette journée du 6 novembre 2010, a décidé d'abandonner la chasse, maintient pourtant qu'il n'a pas tiré en direction de son voisin de droite, qu'il appelle « Pierrot ». Il dit être toujours affecté par ce qui est pour lui un accident, « parce que la balle a ricoché ».

Son avocat, Me David Bergeon, convient que l'analyse balistique présente des conclusions défavorables à la thèse du ricochet. Il demande néanmoins sans détour la relaxe de son client. « Je ne remets pas en cause le sérieux de cette expertise. Mais elle a aussi ses failles. Dans ce dossier, il y a également des témoignages fiables qui affirment que mon client n'a pas fait d'erreur et qu'il a tiré dans la bonne direction. »

Pour l'avocat, on ne peut exclure que la balle ait ricoché sur l'une des pattes antérieures du cerf. Ce qui aurait dévié sa course en direction du malheureux sexagénaire. « Les chasseurs disent que les balles Brenek ricochent comme qui rigole. »

La présidente du tribunal a choisi de se donner du temps avant de rendre la décision du tribunal. Elle a été mise en délibéré jusqu'au 17 avril.

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