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Publié le 30/12/2023 à 19h01 Écrit par Catherine Léhé
Une famille en vacances à Lherm du Lot a porté plainte pour mise en danger d'autrui après qu'une balle ait traversé leur fenêtre et atterrit dans leur cuisine, mercredi 27 décembre 2023, leur causant une grosse frayeur.
"On rangeait la cuisine, je me chauffais un café et c'est là que cela a explosé ! Et que le tir a explosé la fenêtre". Grosse frayeur pour Raphaël Boutin, sa femme et ses filles, en vacances dans le village de Lherm dans le Lot. Alors que la famille était tranquillement chez elle, mercredi 27 décembre 2023, une balle a traversé une fenêtre pour atterrir dans sa cuisine, en plein après-midi. "Heureusement, plus personne n'était dehors, plus personne n'était à table ! ", reprend Raphaël Boutin en montrant du doigt l'épais trou dans la fenêtre à notre équipe de France 3 Occitanie. Il y a un tir tombant qui a explosé la fenêtre et fini dans le mur d'en face."
L'impact de 15 centimètres dans ce double vitrage est impressionnant. Cette balle perdue a été probablement tirée par un chasseur participant à une battue aux sangliers, à plus d'un kilomètre de là. Quelques minutes avant le tir, leurs filles jouaient sur la terrasse, en pleine trajectoire.
"Où la balle est passée, il y aurait pu avoir une tête au passage et il n'y avait strictement rien à faire !", analyse encore secoué, le père de famille.
Dans le village de Lherm, c'est l'incompréhension, car justement, la chasse avait été interrompue pour cette période de vacances, assure le maire.
" Tout de suite, je me suis rapproché du président de la société de chasse de Lherm, qui m'a assuré que justement, ils avaient pris la décision de ne pas chasser pendant les fêtes, relate Jean Albert Reix. Justement ces fêtes sont l'occasion de regroupements familiaux, pour que ces gens puissent emprunter les chemins communaux, les chemins ruraux, traverser nos forêts et nos bois en toute sécurité." La battue aux sangliers aurait été organisée par une association de chasse d'une commune voisine.
Dans le Lot, l'accident de chasse qui a coûté la vie au jeune Morgan Keane il y a trois ans, est encore dans tous les esprits. Ce nouvel incident, heureusement sans gravité, pourrait raviver les tensions avec les chasseurs.
"Je suis très en colère, car depuis un an, on met en place des formations pour la sécurité. On se démène dans tous les sens pour la sécurité, s'agace Michel Bouscary, le président de la Fédération de chasse du Lot. Et un tel incident, remet au regard de tout le monde ce qu'on a pu mettre en place sur la sécurité."
Lire aussi : Mort de Morgan Keane : les deux chasseurs condamnés à de la prison avec sursis
"S'il y a eu un incident de chasse, ça veut dire qu'on ne peut pas être tranquille sur sa terrasse. Et s'il n'y a pas eu d'entorse au règlement, c'est presque encore pire"
Raphaël Boutin, résident de Lherm dans le Lot
La famille a porté plainte pour dégâts matériels et surtout pour mise en danger de la vie d'autrui. L'enquête menée par les gendarmes de Luzech devrait déterminer les circonstances exactes de ce tir dangereux.
https://actu.fr/occitanie/cahors_46042/tribunal-une-famille-recoit-une-balle-perdue-dun-chasseur-dans-son-salon-le-drame-evite-de-peu_63152899.html
Par Rédaction Cahors
Publié le 12 sept. 2025 à 10h46
Jeudi 11 septembre, le tribunal correctionnel de Cahors a jugé un accident de chasse qui aurait pu être fatal. Au cœur des débats : la trajectoire d'une balle perdue.
La famille s’en souvient comme si c’était hier, et le traumatisme est encore vif. Le 27 décembre 2023, alors qu’ils célébraient les fêtes de fin d’année dans leur maison secondaire de Lherm dans le Lot, Raphaël, sa compagne Jana, leurs deux petites filles et les parents de Jana ont vécu un accident de chasse qui aurait pu terminer tragiquement.
« On venait de terminer le repas dans le salon, il était environ 16 h, nous étions dans la cuisine en train de ranger et je me préparais un café. Quand soudain, j’ai entendu une énorme explosion qui résonne encore en moi aujourd’hui. On a cherché, on a regardé et tout de suite on a vu que la porte-fenêtre du salon avait explosé en bas et qu’une balle avait traversé la pièce pour se loger dans le mur en face.
« On a confiné nos filles à l’étage »
10 minutes avant, nous étions tous assis dans le salon, on aurait être touché par cette balle. Mon premier réflexe a été de sortir et de me manifester auprès des chasseurs, en criant, pour leur dire de ne pas tirer. On a confiné nos filles à l’étage loin des fenêtres. On a eu très peur » raconte encore marqué Raphaël au tribunal de Cahors ce jeudi 11 septembre.
Le père de famille est venu exprès de la Drôme pour assister au procès du chasseur qui a tiré cette balle, et se porter partie civile, accompagné de sa belle-mère, propriétaire de la maison, qui a fait le déplacement depuis l’Allemagne où elle vit.
Le chasseur de 68 ans, habitant à Belmontet, n’est pas un novice. Chasseur professionnel depuis 52 ans, il a de l’expérience et a lui-même dirigé des battues. Les analyses toxicologiques n’ont montré aucune trace d’alcool ou de stupéfiant. Tous ces papiers sont en règle et ses armes sont bien enregistrées dans les fichiers nationaux.
Devant le tribunal, le retraité explique le déroulement des faits mais reste perplexe quand à la trajectoire de sa balle, niant avoir tiré en direction de la maison. Ce jour-là, lors d’une battue aux sangliers, il était posté dans une combe à 1,1 km de la maison touchée. Oui, il savait qu’il y avait des habitations puisqu’avant chaque battue, les chasseurs étudient les cartes et revoient les règles de sécurité.
« Oui, ça peut se reproduire »
– « J’étais à mon poste en forêt, devant moi, je ne vois que la toiture d’un corps de ferme. C’est un vallon, il y a une prairie, je ne peux pas voir les habitations. Le sanglier sort, je tire une première balle, puis une seconde, ce sont des tirs fichants [N.D.L.R. : Un tir fichant est un tir pour lequel la balle doit obligatoirement se ficher dans le sol, donc un tir vers le sol]. Ça ne peut être que ma balle, elle a ricoché sur une pierre, il n’y a que ça comme explication » insiste-t-il.
– « Est-ce qu’un chasseur qui part s’installer avec un fusil qui a une portée d’un ou deux kilomètres, près d’habitations, pourrait toujours avoir ce genre d’accident ? » lui demande l’assesseur.
« Oui ça peut se produire. Ça peut arriver à tous mes collègues une balle qui ricoche, on ne peut pas savoir. Je ne suis pas divin ! »
– « Vous semblez dire ‘je n’ai pas commis de faute, j’ai respecté les règles’ mais comment font les habitants du coin alors, ils doivent se barricader ? »
L’affaire Morgan Keane dans toutes les têtes
– « C’est comme quand vous prenez la route, vous n’êtes pas à l’abri d’un accident, personne. Je n’ai pas le droit de vous dire le contraire, ça peut arriver. Je suis vraiment l’homme le plus confus de cette terre pour ce qui est arrivé à ces braves gens, mais c’est un accident. » martèle le chasseur.
L’assesseur rappelle que le Lot a déjà été lourdement endeuillé par l’affaire de Morgan Keane, Franco-Britannique de 25 ans tué par balle le 2 décembre 2020 par un chasseur à Calvignac alors qu’il se trouvait dans son jardin.
– « J’imagine qu’après cet accident, il y a eu des nouvelles règles pour éviter ces accidents ? »
– « On est très à cheval sur la sécurité, on est tous impliqué là-dedans, on est tous des vieux briscards de la chasse, on prend la sécurité très au sérieux » confirme le chasseur.
Les débats s’orientent alors sur la trajectoire de la balle dans des descriptions techniques. « Le projectile a atterri sur la fenêtre à 30 cm du sol et sur le mur à 8 cm de hauteur, c’était donc une trajectoire descendante. Comment avec un tir fichant, la balle peut arriver là ? » questionne l’assesseur.
La trajectoire de la balle au cœur des débats
Le chasseur se presse alors de lui montrer un croquis qu’il a lui-même réalisé pour montrer sa position dans la combe. « Oui, mais faites-moi la trajectoire de votre balle, prenez votre temps, réfléchissez, comment la balle peut arriver horizontalement ? » le relance l’assesseur dubitatif.
Le chasseur s’emporte : « Vous cherchez quoi exactement ?! La maison, je ne la vois pas, je suis dans un trou ! Il y a un rebond, je ne peux pas deviner sa trajectoire. » Son avocat de la défense bouillonne : « On a une expertise balistique, mais pas d’expertise de trajectoire et c’est bien dommage, c’est une enquête bâclée, je le redis. Cette balle va rebondir et va faire un trajet aléatoire, elle termine complètement écrasée, c’est une preuve d’un rebond » tonne-t-il.
Le père de famille, Raphaël, de la partie civile prend la parole. Il rappelle ce sentiment d’insécurité qui ne les lâche plus et cherche des réponses. « Qu’est-ce que je vais expliquer à mes filles ce soir ? Je ne comprends pas le fait qu’un accident comme ça puisse arriver à 1,1 km d’une maison, et que ça puisse arriver encore, sinon il n’y a pas beaucoup d’endroits en France pour se protéger. Il me semble qu’il y a eu un manquement pour en arriver là. Pour essayer de comprendre, je suis retourné sur les lieux ce matin même, car il n’y a pas de photo dans le dossier. C’est un terrain dégagé, il n’y a pas de rocher ! S’il y a eu un ricochet, il fallait vraiment trouver le seul caillou dans la prairie ! Je suis sidéré de cette théorie. »
« Il a enfreint des règles »
Mais ce qui sidère le plus la famille entière est qu’elle n’a jamais reçu d’excuses de la part du retraité. L’avocate de la partie civile se désole des propos du chasseur qui sont loin d’être rassurants pour la société : « ça peut recommencer ? Non, ce n’est pas acceptable, on n’a pas envie de revivre ce choc. Il a enfreint des règles notamment celles dans le code de l’environnement. Il est interdit de tirer à portée d’arbre vers un jardin ou une habitation : c’est rappelé à chaque début de battue. Il connaît les règles.
Autre règle : celle du schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC), un tir sur un gibier identifié, c’est un tir fichant qui va vers le sol. Est-ce que le tir est fichant ? La maison est en hauteur, donc ce n’est pas possible vu la configuration des lieux. Dans sa première audition, il dit aux gendarmes avoir des problèmes de santé. On ne chasse pas quand on n’a pas tous ses moyens. Je n’ai pas l’impression qu’il a conscience du dossier, qu’il met en danger les autres. Je demande une sanction sur le permis de chasse pour éviter un autre drame, 2 500 euros pour chacun des époux, et pour la propriétaire, le remboursement de la franchise de l’assurance pour le carreau cassé soit 75 euros, et 500 euros de réparation pour le préjudice moral. »
La procureure reprend les arguments de la partie civile. « En zone rurale, la chasse est une pratique courante mais ne doit jamais mettre en péril la vie d’autrui. Même sans blessé, c’est un accident inacceptable, une atteinte grave à la sécurité publique. On a un témoignage poignant du père de famille et très percutant sur les conséquences que ça a eues sur leur vie. »
« Une intention délibérée ? »
Elle demande une amende de 3 000 euros, l’interdiction de détenir ou porter une arme pendant 5 ans et la confiscation de l’arme sous scellée.
L’avocat de la défense ne se laisse pas abattre. « Bien entendu qu’il est désolé, c’est un homme de bien, ancien dirigeant d’entreprise, nous sommes tous d’accord là-dessus pour dire qu’il s’excuse. Par miracle, vous avez échappé aux blessures et à la mort. Mais il faut faire un peu de droit sur ce dossier : est-ce que vous pouvez dire que c’est dans une intention délibéré que celui-ci a commis une violation de la loi pour parvenir à la mise en danger de la vie d’autrui ?
« Je me serai pendu »
Non, c’est quand même flagrant cette enquête défaillante ! On a un homme qui a tiré des milliers de balles dans sa vie, expérimenté, son fils est guide de chasse en Afrique et en Europe, il a géré deux chasses, il donnait les consignes de sécurité, il était en première ligne, il sait ce que c’est ! Nous avons la certitude que si nous avons une balle aussi déformée, complètement explosée, elle a dû faire l’objet d’un rebond. Le rebond, c’est la question clé. Nous sommes en matière d’imprévisibilité avec une trajectoire aléatoire. Où est l’intention délibérée dans ce dossier ? C’est la relaxe qui s’impose.
Le chasseur reprend la parole pour clore les débats : « Je suis vraiment navré, et croyez-moi, ça me travaille encore ! Après 52 ans de tir, que l’une de mes balles aille dans un logement, s’il y avait eu un drame, je ne serai pas ici devant vous, je me serai pendu ! » lâche-t-il avec émotion.
Le délibéré est attendu le 25 septembre 2025.
Sarah NABLI