Missions ardennaises

Missions ardennaises

Bob, nommé officier des opérations aériennes, c'est sous ce nom de guerre qu'il travaille avec les responsables des Ardennes, de l'Aisne et de la Marne. Ses papiers sont au nom de Lièvre Bernard (nom en reconnaissance de son instituteur), employé SNCF résidant à Versailles délivré en janvier 1942, ainsi que d'une fausse carte de travail d'agent SNCF lui permettant de circuler à bicyclette de jour comme de nuit. La mission Bob est d'assurer la liaison entre les maquis locaux, de coordonner les actions armées de la Résistance, de préparer les terrains de parachutage, de les faire homologuer pour le jour "J" dans le cadre du plan "Paul". Avec les hommes du maquis Il forme des trentaines ou des centaines, il les équipe et les arme grâce aux parachutages reçus. Il peut aussi recevoir des équipes Jedburgh afin d'encadrer les maquis. Il obtient une dizaine de parachutages au profit des maquis des Ardennes à l'indicatif "Canard".

fausses cartes lui permettant de circuler librement sans autorisation de l'occupant.

Parachutages

Bob m'avoue avec un sourire malicieux, que lors des parachutages, il n'était nullement inquiet, même si dans le fond de la nuit, au loin, circulaient des convois allemands. Comme ceux-ci n'étaient pas au courant d'un largage effectué par deux avions dans une région assez éloignée d'une route carrossable et qu'en cette année 44, des centaines d'aéronefs sillonnaient le ciel de jour comme de nuit, il était peu probable que cela les alerte. "Notre atout était d'évacuer rapidement les lieux et de ne pas laisser d'indices probants. Les zones retenues étaient proches d'un maquis qui en avait la demande. Dès réception, le bénéficiaire se chargeait du transport, souvent à bout de bras et quelques rares fois avec une camionnette. Le maquis disparaissait très rapidement par des sentiers forestiers. Sur les lieux de leur hébergement, le butin, commun à toutes les actions, était partagé". Bob n'assistait pas à tous les parachutages car ses missions étaient multiples, il les déléguait aux chefs de secteur parfaitement documentés par ses soins, car lui seul était en liaison radio avec Londres et parfois conjointement avec le maquis "Prisme" sous la responsabilité du Lieutenant colonel La Bollardière.

Décrochage d'un container du parachute photo du net

Sur la zone de largage, il prenait soin de guider l'avion à l'aide d'une lampe de poche, deux hommes munis également de lampe s'alignaient derrière lui à des distances bien définies. Après avoir donné la lettre convenue transmise en morse avec sa lampe, le pilote lui répondait avec son code alloué. C'est alors que le largage s'effectuait dans le bruit assourdissant d'un puissant quadrimoteur en rase motte. Les novices se jetaient au sol craignant un crash. En général 12 containers et autant de paquets étaient la règle à chaque livraison. La première vérification de Robert était d'ouvrir le container le plus proche pour avoir la liste précise de l'envoi, il comptait ainsi le nombre prélevé afin de ne rien laisser sur le terrain.

Quand un largage était effectué pour plusieurs maquis, il fallait s'assurer de la bonne répartition. Il n'était pas rare de les voir se chamailler autour de colis.

Poste émetteur dit "la valise" d'une portée de 1000 km (La pratique du codage)

Bob, en liaison avec son radio (Adrien GRAFEUILLE, dit "Maurice" qui logeait à Bourg-Fidèle, protégé par le maquis local) regrettait lui aussi le temps consacré au codage et au décodage des messages. Ce laborieux travail était sous son entière responsabilité. Les messages d'exécution étaient diffusés par la TSF (Radio Londres) aux maquis concernés. Un premier message vers midi et un second (éventuel) vers 20 heures répétés deux fois. L'exécution était immédiate.

Une voilure blanche

Au largage de Sévigny-la-Forêt, près de Rocroi, Bob s'aperçoit que deux parachutes sont blancs. Il en ramasse un pour l'emporter à Charleville en fin de mission. Est-ce bien raisonnable ? Il trouvera bien un prétexte lors d'un contrôle routier! Il enfourche donc son vélo pour gagner son domicile chez les Berthelot au 21 rue Waroquier. Tout se passe bien jusqu'à la montée de la Mal campée à Warcq. Le jour se lève. Il aperçoit une faction allemande tendant un barrage routier. Tant pis, il faut y aller. Un instant il regrette d'avoir emporté le parachute. Soudain un rugissement d'enfer, des chasseurs anglais mitraillent tout ce qui bouge, des impacts l'encadrent et poursuivent leur labourage vers les Allemands qui se sont jetés dans les fossés. Sans même s'arrêter, Bob poursuit son chemin et arrive hauteur des Allemands totalement indifférents à sa présence. Ouf !

Berthelot père s'assure d'une cachette pour ce cadeau inattendu qui pourrait servir ultérieurement. L'occasion viendra plus tard lors du mariage en avril 1946 de Daliane BERTHELOT avec Robert DUPUIS. dit "Bob" La robe de mariée fut réalisée avec l'étoffe de soie d'une blancheur immaculée. En 1946 il manquait de tout. La robe, retaillée, servit aussi à leur fille communiante.

Au début de septembre 1944, Bob, entre en contact radio avec les éléments avancés des troupes blindées américaines.

Libération de Charleville

Avec le maquis de la région de Rocroi, Robert donnait le coup feu aux troupes allemandes en retraite avec l'intention de faire le plus de dégâts possible. Il était en liaison constante par radio pour fournir du renseignement. Pour la circonstance, voulant ne pas être considéré comme terroriste par l'ennemi, il revêt son uniforme perçu lors du dernier parachutage (1). Le 1er septembre 1944, il reçoit un message du commandement interallié pour fournir d'urgence des guides pour accompagner les troupes US et obtenir un maximum de renseignements sur les Allemands. Bob possédait le mot de passe pour entrer en contact avec les Américains.

Ayant à sa disposition ce maquis commandé par PEUBLE, riche de 200 hommes, bien équipés et convenablement habillés grâce aux uniformes, récupérés par un coup de force, au chantier de jeunesse de la Havetière, c'était une valeur sûre. Les autres maquis étaient trop éloignés pour accomplir rapidement la mission, car l'unité blindée US était à Tournes et ne souhaitait pas aller plus avant sans l'appui de son infanterie qui était à plusieurs jours de marche. Après une négociation serrée, Bob propose au chef du détachement US d'intervenir rapidement à la libération de Charleville avec l'appui du maquis de PEUBLE qui avait récupéré des camions et une citerne d'essence aux Allemands.

Très tôt le matin du 3 septembre, près de Tournes, un convoi est formé de Résistants de Bourg-Fidèle qui ouvre la marche vers Charleville. Bob est dans le premier camion tandis que son radio Maurice est en queue de convoi pour sa sécurité.

A la Mal Campée de Warcq, Robert interpelle un civil sur le bord de la route et lui demande des précisions sur les activités allemandes dans la ville. Monsieur Bogard, charcutier, rue de la République, surpris de voir des FFI, est tout heureux de lui préciser que les Allemands avaient abandonné la ville et s'étaient réfugiés de l'autre côté de la Meuse et sur le plateau de Berthaucourt. (2)

Une automitrailleuse M8 à la Place Ducale photo du net

Les maquisards, appuyés par des éléments légers US, empruntent l'avenue Gambetta, puis la rue Thiers, les éléments surgissent sur la Place Ducale sans coup férir. Les ponts avaient sauté la veille pour retarder toute progression des troupes de libération, néanmoins il s'avérait qu'un élément retardateur avait investi le plateau et canonnait la ville. Une reconnaissance paraît nécessaire pour sonder les forces de la résistance. Un commando US accompagné de FFI de Charleville traversent la Meuse en barque, puis s'infiltrent sur le plateau par Montcy. D'après les renseignements obtenus par ce raid, l'artillerie US pilonnait le plateau pour permettre à un groupe de FFI de réduire la résistance ennemie. Cependant pour progresser, les blindés US dans la rue de la Gravière, construisent une rampe d'accès pour franchir le pont de chemin de fer qui conduit à Montcy et permet d'atteindre le plateau. Une autre formation de maquisards ( Rosine et Montcy) en position favorable sur l'autre rive de la Meuse, neutralise deux vieux allemands qui minent le pont de chemin de fer. Elle investit ensuite Berthaucourt pour nettoyer le plateau de toute réplique armée. Dans l'action, elle perd l'un des hommes en couverture qui est tué lors d'une pression allemande pour se libérer de l'étau. Deux d'entre eux accrochent le drapeau français sur le stand de tir. La ville est enfin libérée.

Entre-temps, loin de toutes actions guerrières, lors de ses déplacements dans Charleville, près de l'ancienne Kommandantur, Bob rencontre Fournier, le responsable pour la Résistance Ardennaise, auprès duquel il avait eu des contacts par messages et par les agents de liaison. Après les félicitations et remerciements d'usage, Bob ne se mêlera pas aux actions combattantes dirigées par ce chef.

Bob est cependant témoin de la réalisation de la rampe d'accès par le génie US et est subjugué par la bonhomie de ces sapeurs qui œuvrent en toute sérénité malgré le danger. Il admire l'équipement de ces militaires et les engins nouveaux très efficaces pour ce genre de réalisation. Puis il présente le Major HORNADEY, avec qui il est en relation, à la famille Berthelot qui va loger pour quelques jours encore Bob. Sa future belle-mère s'enquiert auprès de l'officier US de son impression lors du débarquement du 6 juin. La réponse est nette et n'encourage pas à insister : " Terrible !".

Le 5 septembre Bob reçoit l'ordre du major HORNADEY, conjointement avec le message de confirmation de Londres, de lui restituer les cinq postes émetteurs qu'il avait dissimulés à travers les Ardennes. Maurice, le radio, avait bien sûr le sien qu'il utilisait à Bourg-Fidèle, ainsi qu'un Broadcast (petite TSF pour la réception des messages codés de Londres, indécelable par l'ennemi). Pour les quatre autres émetteurs, il faut une bonne journée de jeep, pilotée par le major lui-même, pour les récupérer dans leurs lieux de sauvegarde. Seuls Bob et Maurice connaissent de mémoire les noms des personnes, dévouées pour le camouflage des émetteurs, résidant dans les cantons de Monthois, de Rethel et de Douzy.

L'officier US après avoir récupéré les cinq postes émetteurs dresse un laissez-passer pour Bob et Maurice pour rejoindre Paris. Il tient à les piloter lui-même une fois encore, avec le même moyen de locomotion. Déposés ensuite sur un aérodrome militaire près du Bourget, ils sont pris en charge, avec d'autres, par un avion de la RAF pour Londres où aura lieu le débriefing.

Bob avoue son état d'épuisement et de délabrement physique tant les missions étaient fréquentes jours et nuits. Ses moyens de locomotion, souvent aléatoires comme l'auto-stop, le train et quelquefois une camionnette de propriétaires engagés pour la cause, mais c'est surtout la bicyclette qui lui était habituel. Il roulait par tous les temps, malgré les distances et les terrains aux reliefs épuisants, par les mauvaises routes, par les chemins pierreux et les layons forestiers que son rôle imposait. Il ne se rebutait pas, trop conscient de la tâche à assumer et du devoir à accomplir. Son souci majeur était d'être présent lors des émissions radio ou de transmettre au plus tôt les renseignements obtenus. Il remercie notamment les transporteurs d'avoir pris beaucoup de risques en lui facilitant soit son transport, soit la prise en charge de matériels.

Il a encore en mémoire les entreprises Richard de Rethel par le biais de son dévoué monsieur Brasseur, monsieur Gilles de Sault-les-Rethel et les transports de Reims de monsieur Walbaum.

(1) Bob avait demandé à Londres de parachuter des uniformes, pour son radio et lui-même. Ils les ont portés dès le 15 août. Le sien portait le grade de colonel qu'il changea en celui de lieutenant, grade qu'il avait alors. Comme précise Bob : "Personne ne savait le grade que j'avais et je suppose qu'ils m'ont mis ainsi le plus haut grade pour éviter un quiproquo ". En plus des barrettes d'épaule, un écusson tricolore, et plus bas, un autre représentant l'insigne des parachutistes clandestins ornaient l'une des manches.

(2) Quand monsieur Bogard prononça le mot de FFI (Forces Françaises de l'Intérieur), Bob lui précisa qu'il portait l'uniforme des FFL (Forces Françaises Libres).

Libération de Charleville : Complément en cours

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