Une vision décisive

Une vision décisive

À 19 ans, Robert Dupuis, dit "Bob", s'engage dans la marine et rejoint le dépôt de Brest en mars 1940. Il sert alors comme canonnier sur le cuirassier "Paris" puis sur le "Courbet. Instruit au maniement du canon anti-char de 37 m/m, il débarque à Landerneau en juin 1940 avec mission de faire face à l'ennemi et défendre la rade de Brest afin de permettre le départ des derniers bateaux pour rejoindre l'Angleterre.

" Ce fut la surprise de voir les Allemands ! Le premier que j'ai vu était debout dans un char noir, pistolet à la main. Il nous a dit en français de ne pas bouger et nous avons obéi. Nous étions prisonniers".

Deux chasseurs anglais sont passé à 100 m au dessus d'eux : "Ce passage d'avions amis m'a fait prendre conscience que la guerre n'était pas finie et que je devais aussi continuer le combat".

Le 22 juin 1940, il apprend que la guerre est finie et que l'armistice signée partage la France en deux et limite considérablement les effectifs de l'Armée française. Emprisonné dans une ancienne caserne à Lambézellec aux murs trop élevés pour tenter une évasion, il se porte volontaire à la construction d'un terrain d'aviation pour la Luftwaffe près de Daoulas. Bob n'admet pas que la guerre se termine ainsi sans combattre et de servir l'ennemi pour qu'il poursuive son action néfaste. Avec l'aide d'un camarade originaire de Lyon, ils constatent qu'il y avait qu'une sentinelle pour dix prisonniers et que les mouvements sur le terrain étaient nombreux d'autant que certains souffraient de dysenterie et partaient se soulager. C'est cette opportunité qui permet l'évasion. Ils s'évadent en juillet 1940. Ils ont l'appui de la population qui, comme eux, ne tolère pas l'invasion. Nos deux évadés s'en retournent à Landerneau où ils avaient des connaissances, Ils se changent en civils puis se reposent. A pied ils traversent le Finistère, l'Ille et Vilaine, la Sarthe, la Mayenne et une partie de l'Indre-et-Loire, pour atteindre la ligne de démarcation.

La ligne de démarcation est franchie à Bléré (Indre et Loire) avec l'aide d'un boucher.

" A la barrière contrôlée par les Allemands, le boucher qui transportait des cochons, un habitué, descend de la camionnette pour discuter et présenter ses papiers alors que je me ratatinais dans le véhicule évitant de faire du bruit. Le passage a été aisé et j'ai pu rejoindre mes grands-parents près de Lyon, non loin du petit village de Charbonnière-les-bains, où j'y ai vécu quelques années et travaillé aussi dans différents petits métiers et en aidant parfois mon grand-père à vendre ses pigeons au marché. Monsieur Lièvre, mon ancien instituteur, me conseilla de rejoindre mon unité pour régulariser ma situation et éviter les ennuis avec les autorités. Fin août 1940, je suis affecté au 5ème dépôt à Toulon et sers ensuite sur le croiseur de bataille "Strasbourg".

Le croiseur "Strasbourg" fait feu de toutes ses bouches à feu pour quitter Mers el Kébir

Le croiseur " Strasbourg" est un rescapé de la destruction par la Royal Navy. En effet, le 3 juillet 1940, elle avait menacé par un ultimatum de détruire toute la flotte française à Mers el Kébir si celle-ci ne se ralliait pas. Ce bâtiment se trouvait être le navire amiral de la flotte de Toulon. C'est là que Bob est affecté en tant que canonnier, puis maître d'hôtel. Cette dernière fonction lui permet de descendre à terre tous les jours et d'entretenir sa condition physique dans différents sports. Les jours s'écoulent sans trop de soucis dans ce décor prestigieux de la rade. Il néglige les affres de l'occupation dans la zone occupée comme beaucoup de ses camarades.

Coup de tonnerre dans cette fausse sérénité, on apprend que les Anglo-américains ont débarqué en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et que les Allemands, dès le 11 novembre, envahissent la zone sud (non occupée) et se rendent dans les ports de la méditerranée pour empêcher la flotte française de s'allier aux Anglo-américains. C'est méconnaître l'état de la flotte qui était incapable d'appareiller par manque de mazout et d'entraînement de ses équipages et quelques bâtiments en cours de réparation.

Le croiseur sabordé ( photo du net)

Les Allemands investissent le port et positionnent des canons de 88 m/m en appui. Le croiseur s'écarte du quai afin d'empêcher l'infanterie d'y pénétrer. Le "Strasbourg" réagit à l'attaque d'un char ennemi qui lui tire deux obus par un mitraillage d'une pièce de petit calibre. Malgré le largage de l'aviation allemande de mines magnétiques pour couper la route à la flotte française, quelques sous-marins gagnent la haute mer. L'Amiral qui attend la réponse du gouvernement de Vichy qui ne vient pas, donne l'ordre de se saborder. Les marins se rendent sur ordre, frustrés d'être ainsi livrés à l'ennemi sans combattre. Mais c'est la démobilisation qui s'effectue et chacun regagne son foyer pour une permission libérable.

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