Malleval avec les FTP
A Malleval avec les FTP
Tant bien que mal, nos trois clandestins connaîtront deux camps avant de se fixer définitivement. Une sérieuse mésentente avec un de leurs chefs va leur faire choisir l'action spontanée aux dépens de l'ennuyeuse stratégie.
Le plateau de Sornin, trop élevé en altitude et trop froid l'hiver, ne présente pas les meilleures conditions d'hivernage. En octobre 1943, la demi compagnie qui comprend environ cinquante hommes déménage par sizaine pour le bourg de Malleval. C'est un petit village en Isère, situé sur le flanc nord-ouest du Vercors dans un cirque de falaises et de forêts de feuillus et de résineux, à une altitude de 900 m environ. Cette commune présente l'avantage d'être très étendue, aux maisons espacées les unes des autres, dont beaucoup sont inhabitées. Elle possède en outre de nombreuses fermes aux alentours ainsi qu'un moulin isolé qui permet de surveiller la seule route carrossable venant de Cognin dans la vallée. Soixante personnes y vivent, presqu'en autarcie. C'est là que nos trois Ardennais avec leur nouveau chef "Kim" prennent possession de leur territoire.
Installation et missions
Une identité parmi tant d'autres
On les affecte au ramassage des noix dans la vallée. La population apprécie cette main d'œuvre nouvelle et peu onéreuse et se charge d'assurer leur ravitaillement en échange. Les uniformes saisis dans les camps de jeunesse équipent l'ensemble du maquis placé sous l'autorité de "Raoul", lieutenant de carrière, originaire des Ardennes. De son vrai nom Pierre Godart, il assurera le commandement jusqu' au 7 janvier 1944, date à laquelle il rejoindra un autre maquis. Cet officier rappelle à l'ensemble la mission du détachement : "se préparer militairement en vue d'un éventuel débarquement des Alliés en Provence et paralyser les arrières de l'ennemi par des coups de main répétés, conformément aux ordres de Londres qui préalablement devrait assurer un parachutage d'hommes aguerris pour renforcer le maquis."
Dans l'attente, il faut se prémunir pour survivre. Alors on débite pour la saison froide des arbres morts et on aménage peu à peu les locaux investis. Au début, la nourriture est commune à l'ensemble du détachement et présente le grave inconvénient d'arriver froid, tant les hommes sont dispersés. On décide alors que des sizaines deviendront autonomes, ce qui a pour effet d'augmenter les corvées. L'instruction militaire reprend, les armes manquent car les parachutages promis sont rares. Les hommes sont toutefois déterminés.
Le détachement "Chant du départ"
Gagy, chargé de négocier des pommes de terre à la ferme des Belles, sise au nord du bourg, rencontre un maquisard du groupe FTP (1). Au cours de la conversation, ils s'apprécient. Le courant passe entre les deux hommes et le partisan lui raconte les actions réalisées. Gaby est subjugué. Vers le 10 novembre, Kim part en permission et laisse le commandement à Roland, bien plus jeune que nos trois héros qui ont déjà un long passé militaire et une solide expérience de la clandestinité. Ces derniers n'acceptent pas la rudesse de leur chef de sizaine qui accumule à leur égard bien des maladresses. D'un commun accord, Gaby, Titi et Mathieu souhaitent quitter le groupe et le font savoir à Roland. Celui-ci, après une vive altercation, leur demande de rendre les souliers, ce que font Titi et Mathieu en reprenant leurs chaussures de ville. Gaby s'entête et refuse... Il gardera ses souliers. D'emblée nos trois amis rejoignent le FTP à la Lia, lieu de cantonnement. Leur chef accepte volontiers sans leur poser de questions. Il leur explique que les missions confiées au groupe FTP, baptisé "Le Chant du départ", sont dissociées de celles de l'Armée secrète qu'ils viennent de quitter. Ils cohabitent néanmoins dans les limites du bourg de Malleval et agissent uniquement sur l'ordre d'un chef FTP, ignoré des personnels du groupe. Seul le responsable se rend une fois par semaine au briefing et rend compte de ses actions et des difficultés rencontrées.
La Lia
Le lieu-dit la Lia (alt. : 780 m) est un solide refuge pour berger construit en pierre. Il est situé au nord-ouest de la ferme des Belles et domine l'Isère qui coule plus bas et longe la voie ferrée et la route Grenoble /Valence. Trop petit pour abriter la totalité du groupe qui compte neuf hommes, il est aménagé à l'aide d'un châlit fait de perches et de vieilles planches que l'on couvre de paille et de foin. "Au dessus de nous, trois partisans prennent possession de leur nouvel emplacement, le reste s'installe contre le mur opposé, se souvient Gaby. J'ai descellé une pierre pour y loger ma grenade, ma seule arme, au cas où... Pour gagner en chaleur, nous nous serrions les uns contre les autres." L'armement et l'outillage du groupe comprend alors un FM (2), quelques revolvers et des grenades à main, une clé tire-fond et une éclisse qui servent au sabotage des voies de chemin de fer. Le ravitaillement se fait par la vallée grâce à la camionnette de ramassage du lait qui dépose le nécessaire à la Vorcières (alt : 268 m). Pour s'y rendre, les maquisards empruntent le sentier de la Lia (alt. : 800 m) et traverse la forêt de Molène pour récupérer le précieux bien. Transporté ensuite à dos d'homme pour la remontée des 500 m d'un dénivelé à vous couper le souffle et rompre les jarrets. D'autres personnes, souvent des bûcherons, prêtent leur concours et montent le ravitaillement plus haut, voire à demeure, mais c'est l'exception. Pour lutter contre le froid et la pluie, ils se sont confectionné des vestes taillées dans des bâches usagées. C'était lourd et sans confort, mais d'une utilité avérée. Déjà, on leur annonce leur première mission pour le lendemain.
(1) Francs-tireurs et Partisans : organisation militaire de résistance créée en 1942 et constitué en majorité de communistes, elle fut intégrée en 1944 aux FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) sous commandement unifié.
(2) fusil Mitrailleur : Arme automatique légère pouvant tirer au coup par coup ou par rafales.
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