Mascottes et une mission d'EVASAN
Les mascottes
Je constatais que peu à peu je reprenais du poids (en quittant le commando je faisais 63 kg). Passer toutes les nuits dans un lit y était sans doute pour quelque chose, ainsi que la nourriture du mess de l'Armée de l'Air. Ce n'était pas les quelques rondes nocturnes que j'effectuais sur la base, lorsque j'étais de service, qui allaient beaucoup me gêner. Au cours de ces rondes, j'étais parfois accompagné par "Attila", un jeune sanglier apprivoisé qui vivait avec nous. C'était un cadeau du 7° RI qui l'avait ramassé sur le terrain, tout jeune marcassin, après que sa mère ait été tuée. Il grandissait tranquillement et profitait des bontés de tous. Tous les jours vers 17 heures il se rendait au foyer où il y avait toujours une bonne âme pour lui fournir de la bière qu'il aimait beaucoup. Une fois qu'un plaisantin avait mis de l'eau dans la canette, il avait eu une réaction brutale, montrant qu'il n'avait pas apprécié la farce. A l'époque, l'écologie n'était pas à l'ordre du jour et l'huile de vidange des avions était déversée dans les fossés à côté des hangars. Attila adorait se rouler dans cette huile noirâtre et encore tiède. Ensuite il essayait de se frotter contre ceux qui passaient à proximité. Cela déclenchait un sauve-qui-peut général sur la base. Nous allions parfois au cinéma sur la partie Armée de l'Air. Attila nous suivait en prenant la voie directe, c'est à dire qu'il coupait à travers les réseaux de barbelés qui n'avaient pas l'air de le gêner beaucoup. Pendant la séance, on voyait quelquefois tout un rang de spectateurs monter debout sur leurs sièges; cela était dû aux réactions de l'animal qui n'appréciait pas le film et le faisait savoir.
Attila et Messaoud, deux mascottes très appréciées à la Base. Messaoud aimait le sucre et le tabac mais tout comme Attila il avait aussi un préférence pour la bière, on le voit, sur la photo 3, attendre son tour.
Nous avions aussi, comme pensionnaire, une atèle qui nous avait été donnée par un régiment colonial. Cette guenon, d'aspect gracile avec des membres très longs, se faisait câliner comme un jeune enfant. Un jour où elle avait été enfermée par inadvertance dans le magasin des pièces d'aéronefs, elle avait visité tous les tiroirs, ne laissant pas une pièce par terre mais les mélangeant toutes dans les tiroirs. Le magasinier en fut très heureux!...
Chita (Avant qu'elle ne devienne "La Vieille") avec son protecteur et qui se manifeste lorsque le lieutenant "Canon" l'ennuie. Elle aime jouer avec son compagnon le chien.
EVASAN
Le 11 mai 1960, PTS au profit du 5ème RI dans la région du RAS-ASFOUR près de la frontière marocaine. Un half-track avait sauté sur une mine. La roue avant droite avait été arrachée avec un morceau du pont et il y avait des blessés à évacuer. Je devais guider l'evasan et assurer la protection du secteur en attendant l'enlèvement du véhicule H.S. Tout le PC du régiment était rassemblé au bord de la piste en attendant la fin des opérations. Les blessés avaient été évacués par Siko H 19 et je survolais la zone en observant et en recherchant des éléments suspects. Le half-track enfin enlevé, le PC levait l'ancre, les véhicules se suivant sur la piste. Comme le voulait la tradition, nous nous préparions à faire un passage d'adieu aux trosols (passage à basse altitude en battant des plans). Nous nous étions alignés sur la piste et prenions la colonne par l'arrière à environ 15 m de haut. Nous étions à 100 m du dernier véhicule, une jeep occupée par deux personnes, et je faisais mes adieux par radio lorsque soudain il y eut une gigantesque explosion devant nous avec un nuage de terre montant jusque vers 100 mètres et des objets apparaissant dans ce nuage. Le pilote mit l'avion "sur la tranche" à gauche pour éviter de traverser le nuage et nous revînmes sur les lieux. Sur la piste, il y avait un cratère de 7 à 8 mètres de diamètre et il ne restait que la partie arrière de la jeep coupée au niveau des dossiers des sièges avants. Le reste était dispersé sur une grande surface. Horrifiés, nous découvrions les corps des occupants du véhicule à plus de 30 mètres du lieu de l'explosion, c'étaient un capitaine et son conducteur. La mine avait sauté là où se trouvait auparavant tout le PC. Je demandais une EVASAN urgente et une relève pour moi-même car l'essence commençait à baisser. On m'annonça une alouette de l'Armée de l'Air pour l'evasan mais pas de relève pour moi, pas d'appareil disponible. Je prévenais le PC que devrais bientôt le quitter mais il insista pour que nous restions sur zone jusqu'au départ de l'hélico. Le pilote prit immédiatement un régime d'économie maxi et rechercha un terrain de secours où nous pourrions compléter le plein pour rejoindre la base. Il en trouva un dans la région de MARNIA, à côté d'un poste, et je fus un peu rassuré. L'alouette arriva enfin et dès que les deux corps furent embarqués dans les civières latérales nous quittâmes la zone pour aller nous poser sur le terrain où nous devions trouver du carburant pour rentrer. Il était temps, les billes indiquant le niveau des réservoirs commençaient à disparaître dans leurs tubes. L'essence arriva en fûts de 200 1 sur un 4x4 Dodge avec une pompe Japy accompagnée d'un entonnoir muni d'une peau de chamois pour filtrer l'essence. Nous pompâmes environ 120 litres (le plein complet faisait 136 litres !) et nous re-décollâmes pour ZENATA. La mission avait été longue et éprouvante. Le génie nous fit savoir que, d'après ses calculs, il devait y avoir au moins 30 kg d'explosif sous la piste !... Je m'en suis souvenu le jour où je pris connaissance d'une soi-disant proposition de citation, dont l'origine était attribuée à un observateur-pilote de l' ALAT, qui se résumait à ceci : "N'a pas hésité à survoler à très basse altitude une piste qui aurait pu être minée !....".
Le 3 octobre, je suis cité à l'ordre de la Division (Croix de la Valeur Militaire avec étoile d'argent) pour trois opérations où je me serais "particulièrement distingué" (Dans les djebels NADOR, TAKSEMPT et CHEIK) et 315 heures de vol en 112 missions depuis ma dernière citation.
15 mai, départ en permission et retour le 12 juin. Ma mutation au PMAH 2/12 est arrivée et je vais rejoindre MECHERIA.