La lutte continue
La lutte continue
Arrivé sans encombre en gare de Charleville, Gaby se rend le plus discrètement possible chez sa sœur installée rue Bourbon. Il y est hébergé quelques temps dans le plus grand secret et sans lui dévoiler son passé de résistant. "Pour visiter ma mère, à Manchester, précise-t-il, j'évitais de passer par la rue Monge, gardée par un contrôle allemand. Je longeais le bord de Meuse et, au café Schatz, j'empruntais la promenade de la Warenne. J'attendais la tombée de la nuit pour éviter de rencontrer du monde. J'écoutais aux volets avant de m'infiltrer dans la maison." Rester dans la clandestinité compromet la sécurité de la famille et en particulier celle de son frère, employé de chemin de fer, qui habite la maison voisine. Il lui faut trouver une autre solution. Grâce à la complaisance d'un employé de mairie de Mézières, Gaby obtient un emploi de bûcheron à Thin le Moutier, ainsi que de vrais papiers qui le sort de la clandestinité. " J'ai effectué le trajet de 18 km mi à pied, mi à vélo, en alternance avec mon frère qui m'accompagnait et retourna seul à Manchester avec le vélo qui lui appartenait." Se souvient Gaby. Mais l'annonce à la TSF du débarquement allié, le 6 juin 1944, en Normandie, donne bientôt envie à notre patriote de reprendre de l'activité. Il quitte Thin le Moutier et rencontre par hasard Jules Bourgeois, vieux copain du quartier qui lui ouvre les portes du maquis qu'il commandait dans la vallée de la Meuse.
Cartes d'identité et du travail au maquis Judex
Le maquis "Judex"
Après un bref séjour au maquis de Bourg-Fidèle dont il ne s'accordait pas sur la manière d'agir de son chef, Gaby rejoint Jules Bourgeois. Celui-ci, avec le grade de sous-lieutenant, commandait la 1ère Compagnie de FTPF à laquelle il avait donné son nom de maquisard "Judex". Depuis janvier 1944, la Compagnie "Judex" avait à son actif un bilan non négligeable de déraillements de trains et de sabotages de voies. "Je savais faire !" précise Gaby. Il esr ravi d'être parmi eux et d'avoir l'honneur de servir "Judex" qui a fait spontanément confiance. Il participe ainsi aux plus hauts faits de la Résistance ardennaise. En effet, "Judex" s'est fixé comme mission d'empêcher les Allemands de faire sauter le pont de service du chemin de fer à Château-Renault, seul passage sur la Meuse entre Givet et Charleville. Cela permittra à une Division américaine de gagner un temps précieux pour poursuivre l'ennemi et libérer le département.
Les actions des 1,2 et 3 septembre 1944
Le pont de Château-Regnault (actuellement Bogny sur Meuse)
Vendredi 1er septembre, 6 h du matin. Les maquisards et les habitants de Braux sont brusquement réveillés par une forte explosion : la passerelle sur la Meuse vient de sauter. Bien vite, le constat est fait : c'est l'œuvre de l'armée allemande qui poursuit la destruction des ponts. Une section d'une douzaine de FTP tire sur les soldats ennemis qui posent des mines, interrompant leur œuvre. Dans l'après-midi, c'est un officier allemand qui est abattu lors de son inspection du pont de service à Château-Renault, le dernier pont qu'il faut à tout prix sauver.
Samedi 2 septembre au matin. Le groupe de Gaby reçoit l'ordre de s'installer sur les rochers au-dessus de la voie ferrée car l'on vient de leur signaler qu'une compagnie d'Allemands soutient un groupe d'artificiers minant les piles du pont de chemin de fer. A peine sont-ils installés que la fusillade éclate, tuant et blessant des hommes sur le pont. Le minage est interrompu et les pionniers se replient avec la compagnie chargée de leur sécurité vers le tunnel en direction de Deville-Monthermé. Les explosifs et le matériel de minage sont abandonnés sur place. Gaby reçoit l'ordre, avec d'autres camarades, de récupérer des chariots de la compagnie de chemin de fer pour le transport de la dynamite récupérée ainsi que celle encore en place dans la gare de Bogny. Une partie des explosifs est stockée au blockhaus dont l'accès est facilité en empruntant la rue du cinéma. " J'étais très excité par cette action et conscient de l'importance de l'évènement. J'ai passé la nuit à surveiller le pont et à garder la dynamite, ajoute Gaby. J'en avais l'habitude. Depuis mon incorporation dans ce maquis, nous couchions dans une baraque de chasseur alors que nos camarades de Braux descendaient chaque soir à leur domicile."
Dimanche 3 septembre, fin de matinée. Gaby, toujours à son poste d'observation, voit apparaître à Château-Renault un nombre important d'Allemands qui patrouillent près de la gare ainsi que des mouvements de chars. Des coups de feu crépitent de toutes les positions dominant la Meuse. Foury et son chargeur-pourvoyeur, l'Algérien Amar, tirent sur l'ennemi regroupé sur la place. Le chargeur de la mitrailleuse "Hotchkiss" passe mal. Gaby tape dessus pour engager les cartouches. Sa main est en sang et le résultat plutôt décevant. Amar disparaît pour chercher d'autres chargeurs. Pendant ce temps, Foury abandonne l'arme défectueuse et utilise son mousqueton. C'est à ce moment qu'un coup violent de 77 mm éclate à proximité. Il constate que sa veste est déchiquetée. Il continue malgré cela son action. Un nouveau obus éclate près de lui. Gaby se souvient : "J'ai ressenti un choc violent, des brûlures sur tout le corps. C'était indéfinissable. Repéré, j'ai abandonné ma position pour me protéger des coups. Amar revient avec des chargeurs devenus inutiles. Il m'aide à rejoindre les autres du groupe et constate alors mes blessures et mon état de choc. Il me traîne dans la première maison de la petite cité ouvrière, chez le père "La pipe". Ce dernier m'oblige à rester sur le lit que j'inonde de mon sang. C'est finalement le docteur Frank qui me prodiguera les premiers soins."
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