Rencontre déterminante
Une rencontre déterminante
Mouilleron (Vendée) en 1941, de g à d : André Lahaye, X, Anette et René Mazzolini, Mathilde Vergoni, René Lahaye, Madeleine Mazzolini, un couple de vendéens et André Mazzolini.
Rien ne prédisposait Gabriel Foury et les frères René et André Lahaye à vivre un destin hors du commun. Pris dans la tourmente de l'occupation, ils sauront prendre un jour une décision lourde de conséquences pour se rendre utiles à la Nation et refuser de se soumettre à la barbarie.
Les Frères Lahaye
André et René Lahaye résident chez leurs parents, boulevard Bronnert à Manchester. Leur quotidien est tout à fait semblable à celui de leurs camarades du même âge. Avant la guerre, ils organisaient dans leur cave des projections de films en 8 mm. Bien qu'illicites, ces séances attiraient un public nombreux. Passionnés aussi de photographie, les deux frères proposaient leurs services pour développer des négatifs et réaliser des tirages sur papier. André, en service dans l'Armée de l'air à Reims, revenait toutes les fins de semaine en permission. En 1940, ils ont respectivement 26 et 24 ans. Évacués à Mouilleron, en Vendée, ils reviendront dans les Ardennes en 1941, laissant leur jeune frère Robert à Mouilleron où il s'installera et fondera une famille. André et René travaillent comme requis par la Préfecture à la reconstruction du pont de chemin de fer, quai du Parc à Mézières, entre le plateau de Berthaucourt et la gare. C'est un dur labeur que de décharger depuis les péniches du sable et des sacs de ciment nécessaires à la réfection des piles à réaliser en béton armé. Avec d'autres camarades, ils améliorent leur ordinaire en pratiquant de petites ponctions dans les wagons de charbon destinés à l'Allemagne en guise de frais d'occupation, charbon qu'ils revendent à des prix défiants toute concurrence. Dans le deuxième semestre de 1942, ils œuvrent à la réfection du pont de Donchery et de la passerelle Bayard à Mézières avec le concours du 1/12ème régiment du Génie, cantonné à Bazeilles.
Gabriel Foury en 1941
Les secrets du sergent Coquard
En avril 1943, les deux frères sont affectés à Revin au redressement du tablier métallique du pont. Ils ont la joie de retrouver Gabriel Foury, lui aussi de Manchester, qui depuis 1936, est en perpétuelle errance. Il vient de l'Yonne où, réquisitionné lui aussi, il remplaçait les poteaux télégraphiques longeant les voies ferrées et détruits pendant les combats de 1940. Hébergés à 16 ou 18 dans un wagon équipé de lits superposés, ils sont sous la responsabilité du chef de chambrée. Ils apprécient les repas chauds assez copieux et le salaire honorable pour des célibataires ce qui leur permettait de faire quelques extras malgré la pénurie régnante. Ils tirent profit de quelques permissions pour se rendre à Manchester, ce qui rompt un peu la monotonie de leur existence. Ils coulent ainsi des jours tranquilles et attendent la fin de la guerre. Cependant, une ombre entache leur quiétude : un jour ou l'autre, ils seront enrôlés de force au STO (Service du Travail Obligatoire) comme bon nombre de leurs camarades ramassés à l'improviste sur leur lieu de travail et embarqués sous bonne garde dans les trains en partance vers l'Allemagne. Mademoiselle Patuel, de la fenêtre de son bureau, en a vu défiler, sur le pont d'Arches, des requis se rendant à pied à la gare, en chantant à tue-tête la Marseillaise, par provocation.
Reconstruction d'un pont à Revin en 1943. Foury est marqué d'une croix, au 2ème rang en 6 et 9ème position André et René Lahaye.
Pour les trois amis, le besoin d'action se fait à nouveau sentir. Ils rejettent la routine et veulent se rendre utiles à la France humiliée. Mais comment ? Il n'y a plus d'Armée. On parle bien secrètement d'une résistance qui s'organise mais qu'y a-t-il de vrai là-dedans ? Ils doutent, jusqu'au jour où le sergent Jean Coquard, l'un des sous-officiers de l'encadrement, devine leurs intentions et prudemment distille quelques propos significatifs qui laissent nos trois prétendants circonspects. Chaque soir, le gradé les sonde par quelques entretiens dirigés et quand il sent que les gras sont déterminés et sûrs, il leur livre le secret d'une filière possible pour rejoindre la résistance.
D'un commun accord, nos trois futurs rebelles adhèrent à l'aventure en suivant scrupuleusement les indications verbales de leur nouvel ami qui s'arrangera pour leur octroyer une permission de 72 heures afin qu'ils se rendre à Lyon par le train. C'est encore un changement d'horizon pour Gabriel et un attrait de l'inconnu pour les frères Lahaye.
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