Frontière marocaine- Merchiche- Maroc

Frontière marocaine - Merchiche - Maroc

Le 18 mars 1960, j'effectuais un guidage "bombing" près de la frontière marocaine. Cette opération avait pour but d'intimider les rebelles stationnés de l'autre côté en leur montrant ce qui les attendait au cas où ils franchiraient le barrage. Je commençais par deux patrouilles de T 6 en roquettes T 10 (105 mm). J'ignorais que l'une des 2 patrouilles était équipée de roquettes au phosphore et je fus surpris par le nuage de fumée blanche résultant de la mise à feu de cette matière que je connaissais bien depuis St MAIXENT. Ensuite arriva une première patrouille de P 47 "Thunderbolt" en roquettes H.V.A.R. de 127 mm suivie d'une autre en bidons spéciaux. L'un de ces bidons ayant percuté au bord d'un thalweg, je vis la boule de napalm enflammé "survoler" le dit thalweg et atterrir de l'autre côté. C'était très impressionnant et j'espérais que les spectateurs avaient été nombreux côté marocain.

Nous ne nous contentions pas de les impressionner, nous leur lancions aussi des tracts dans la région de MARTIMPREY DU KISS où ils étaient nombreux. Ne pouvant survoler le Maroc, nous devions monter assez haut et faire nos largages en tenant compte du vent pour que celui-ci entraîne les tracts vers leur destination. A la vue de personnes courant dans les champs, nous savions que nous avions atteint l' objectif. Au retour à la base, les mécanos pestaient contre les lanceurs de tracts qui n'arrivaient pas à éviter qu'une partie d'entre eux restent accrochés dans les empennages ou leurs haubans.

Le 6 avril, opération dans mon ancien fief. Les troupes au sol étaient accrochées de près et en étaient à lancer des grenades à main pour se dégager. Je disposais de la patrouille de T6 "Manège vert" (indicatif du Lt CASTERA Cdt l'escadrille de ZENATA). Il me proposait d'intervenir mais je lui fis remarquer que les trosols et les fells se trouvaient à 20 ou 30 mètres les uns des autres et que les distances de sécurité n'étaient pas respectées. Je lui demandais s'il pensait pouvoir tirer dans ces conditions. Il me répondit qu'il le ferait seul, sans faire intervenir son ailier. Je lui donnais mon accord et je donnais les consignes au pilote pour qu'il me place en bonne position de balisage, en piqué accentué. J'avais ouvert la fenêtre gauche et dégoupillé une grenade fumigène que je tenais à l'extérieur prêt à la larguer en fin de piqué, à 20 m d'altitude sur l'objectif. Je regardais le F.M. que j'allais baliser, je le vis tirer sur nous puis l'avion se mit en chandelle moteur à fond; regardant à l'intérieur je vis le pilote affalé sur son siège. Prenant le manche de double commande, je diminuais l'angle de montée et pensais que le pilote avait été touché. L'appelant à l'interphone, il me répondit et reprit une position normale. Je lui demandais ce qui s'était passé. Il me dit que, voyant le F,M. nous allumer, il avait cabré l'avion pour échapper au tir et qu'il s'était abrité derrière le tableau de bord. Je le secouais un peu et lui ordonnais d'y retourner sous peine de prendre des coups de manche sur la tronche (le manche de la place arrière était démontable pour donner plus d'aisance à l'observateur mais se remettait en place instantanément); il y avait au sol des gens qui avaient besoin de nous et ce n'était pas le moment de se dégonfler. Cette fois je pus baliser le F.M. et au moment où je lâchais ma grenade une autre arme automatique (sans doute une MG 42 vue la cadence de tir, 1000 à 1100 coups/minute) nous prenait à partie, sans plus de résultat que la première. J'avais expliqué au pilote que sa manœuvre d'évasion n'était pas la bonne puisqu'elle nous amenait à perdre de la vitesse en montant juste au dessus de l'arme qui nous allumait; j'avais ajouté qu'il fallait continuer à piquer pour prendre de la vitesse et quitter la zone au plus vite en radada, ce que nous avions fait la deuxième fois. Le T6 avait pu tirer avec précision et les amis reprendre leur progression. Ce n'était pas passé loin pour nous mais nous avions eu la baraka (elle ne m'abandonnera pas pendant tout mon séjour puisque malgré tous les tirs dirigés contre mon appareil, je ne ramènerais jamais un impact au cours de mes missions).

Le 9 avril, opération avec mon ancien bataillon dans l'ouest de MERCHICHE. Je survolais mon ancien commando par une météo tangente. Vers 11 heures, au moment où je découvrais des fells, mon poste radio tombait en panne, je tentais de refaire un passage pour les signaler aux "trosols" mais le brouillard était arrivé et je me trouvais enfermé sous les nuages dans une cuvette assez vaste. Je demandais au pilote s'il pouvait se poser sur la petite route d'AZAIL. Il effectuait un passage de reconnaissance, donnait son accord et nous prenions contact avec le sol sans problème. Après avoir tiré le Piper dans un champ pour dégager la route, je prenais le poste défectueux et rejoignais le P.C. OPS à environ 800 m. Arrivé là je prenais un savon pour ne pas avoir prévenu en larguant un message lesté. Après m'être expliqué sur l'urgence de l'atterrissage, compte tenu de l'évolution rapide de la météo, et de la panne radio, je pus faire réparer le poste par les radios du PC (Les postes montés sur nos appareils étaient les mêmes que ceux des trosols) et faire prévenir la base de mon atterrissage en campagne. J'envisageais de passer la nuit sur le terrain au cas où la météo ne s'améliorerait pas et demandais au Chef de bataillon s'il pourrait me laisser une section de protection. A voir sa tête, cela ne l'enchantait guère. Vers 15 heures, un trou apparut vers le sud dans le brouillard et il me pressa d'en profiter pour tenter de rejoindre la base. Nous re-décollâmes sans problème et après un passage d'adieu, nous plongions dans le trou en direction de SEBDOU et, en suivant la route vers LAMORICIERE, nous quittions les monts de TLEMCEN pour déboucher dans la plaine où la météo était meilleure et nous retrouvions ZENATA sans autre problème. Je sus par la suite que les fells que nous avions trouvés avaient blessé un membre de mon ancien commando.

Courant avril, une mission un peu particulière me fut confiée : il s'agissait de pénétrer au Maroc de 30 à 40 km dans la région sud d'OUJDA pour rechercher une station radio fellagha qui émettait depuis cette zone dans les djebels sud de GUENFOUDA. Je me demandais comment je reconnaîtrais une station radio sous une khaïma mais je ne discutais pas. La mission, devant rester discrète, nous volerions en très basse altitude pour éviter les radars américains qui surveillaient l'espace aérien marocain. Passant au sud du RAS-AS-FOUR (1588 m) nous plongions vers le djebel MAHSSOR (1354 m) et nous commencions notre recherche en radada. Comme prévu, je ne découvris rien de particulier et nous rentrâmes, bien heureux que le moteur ne nous ait pas fait de misère. Il est à noter que, durant toutes mes missions, je n'eus jamais un problème de moteur sur L21, hormis les débuts de givrage imputables au manque d'attention des pilotes. (il faut savoir que nous pouvions avoir un givrage carbu avec des températures extérieures de +10 voire +12 ou 13 degrés). C'était une machine très fiable qui avait toute notre confiance. Par la suite j'appris que cette mission avait été reprise par des commandos terrestres du 11° Choc, sans en connaître le résultat. Je participais une fois au recueil, à la frontière, de l'un de ces commandos qui, en urgence, rentrait de jour avec les fells aux fesses! La présence du piper avait dû dissuader ceux qui les poursuivaient d'aller plus loin.

Mascottes et EVASAN