57e Génie escapade en Tunisie par Dutto

Mr Michel Dutto

Quartier Bétoride

129 chemin des Bréguières

83170 Brignoles

Officier dans l'Ordre National du Mérite

Brignoles le 19 juin 2017

Monsieur le directeur service "L'Ancien d'Algérie"

Rubrique "Nos lecteurs écrivent"

Suite à l'article "Soldats clandestins en Tunisie de Jacques Pravie 31470 Fonsorbes sur le N° 557 de mai 2017.

Je me permets de vous adresser ce courrier, qui retrace une expédition en Tunisie plus que clandestine et exceptionnelle.

"Arrivés le jeudi 27 décembre 1956 à Alger de retour de l'expédition "Mousquetaire", nous étions le 1er groupe d’aconiers du 57e Bataillon du Génie ayant depuis les premières heures du débarquement à Port Saïd en Egypte, effectué le déchargement de nombreux bateaux "Liberty Chip" puis au rembarquement jusqu'au dernier jour de cette expédition.

Le lendemain nous apprenons qu'il nous faut partir pour la Tunisie !

Ceci se confirme le samedi 29, dans l'après midi, lors de la prise d'armes qui a lieu sur le boulevard d'entrée de l'Usine Altérac à Maison-Carrée où est stationnée notre compagnie.

Maison-Carrée siège de notre Compagnie occupant l'usine Albérac.

C'est le Général Huet Commandant la 7e Division Mécanique Rapide, qui, après avoir transmis les félicitations des Généraux Beaufre, Massu et de L'Amiral Barjot à tous ceux qui ont participé à cette expédition, demande au 1er groupe de sortir des rangs pour nous serrer la main, nous poser des questions sur notre travail à Suez et nous dire que Bourguiba faisait des siennes en refusant l'embarquement des unités Mobiles de Gendarmerie de Sousse et Sfax et que nous allions montrer ce que nous étions capables de faire.

Maison-Blanche en attente d'embarquement en Dakota

Le 31 décembre 1956, départ de 11 hommes comprenant (S/L Pelette un Appelé)- Sergents Bertrand et Carglielutti (de Carrières) - Tagiacco-Groc-Garau-Aciari- Palhes-Sautel- Perez et moi (des Appelés). Il manque de notre 1er groupe le radio Avril Jacques car sans doute cela était inutile.

Départ de l'aéroport militaire de Maison Blanche à bord d'un Dakota plus 6 passagers, envol à 08 h 55, escale à Télerma (Constantinois) où descendent les 6 mentionnés et monte un officier, je pense de l'armée de l'Air. Redécollage à 10 h 12. Vol normal, chacun bavarde, puis à 11 h 05 surprise ! Le moteur droit est en panne, le copilote arrive à toute vitesse, ouvre la porte latérale et nous dit que pour alléger l'avion il faut jeter par-dessus bord les choses inutiles. L'avion vibre, une partie se détache que je reçois venant de l'arrière, c'est une partie métallique qui passe aussi par la porte, ensuite changement de place pour certains afin d'équilibrer l'avion. Il nous dit que l'on ne peut faire demi-tour car il y a des vents contraires et que nous allons sur Tunis.

Notre marseillais Tagiacco à haute voix implore notre Dame de la Garde, des appels à la Bonne Mère, sans doute pour d'autres au bon Dieu mais en leur fort intérieur.

Nous ignorions notre destination exacte. Était-elle à Sousse ou Sfax, seul le sous-lieutenant devait savoir... 11 h 35 nous apercevons les pistes d'un aéroport militaire, mais aussi des camions de Pompiers, des ambulances pour nous attendre. Nouvelles consignes, bien serrer la ceinture. Pour pour moi, ayant peur de ne pouvoir l'ouvrir si l'on culbutait, je n'ai point exécuté, j'ai tenu fermé avec ma main. Atterrissage en coupant des pistes mais tout finit bien, sans dégât.

Aéroport militaire de Tunis le 31 décembre 1956

Pour rejoindre les bâtiments de l'aéroport certains de nous profitons des véhicules des pompiers, mal nous en prit, en arrivant un Général est là, grosse engueulade à tous, puis nous sommes regroupés dans le hall.

L'on nous apprend que nous ne sommes pas attendu ici et que l'on va nous amener à l'ambassade de Tunis par voitures civiles, (nous abandonnons nos paquetages à l'aéroport), les véhicules arrivent nous embarquons 2 ou 3 passagers par voiture et nous arrivons à destination à l'ambassade de Tunis.

Quel branle-bas : des militaires en armes ! (pour ma part mon U-S-M 2 avec mes 8 chargeurs de 15 unités, pour les autres le pistolet mitrailleur avec aussi les chargeurs.

Nous ignorions qu'en Tunisie à cette époque les militaires Français n'avaient pas le droit de sortir avec les armes. Palabre de notre sous-lieutenant avec les autorités, il nous dit que nous allions être transférés à Bizerte par des camions bâchés, que ceux-ci passeront lentement, au pas devant l'ambassade, et qu’il nous faudra sauter dedans et ne point se montrer. (C'est pour cela que nous ne connaissons rien de Tunis, seulement pour ma part d'avoir vu sur la chaussée des rails au travers la jointure de la bâche !)

Confirmation par (3 anciens) Marcel Sautel que j'ai eu au téléphone le 24 mai 2017, Pierre Acciari le 27 mai et Claude Tagiasco le 1er Juin.

Cela se réalisa très bien et nous arrivons à Bizerte, distance parcouru en environ 1 heure. C'est à la caserne Fabre que nous sommes reçus par le Colonel qui nous amène à l'armurerie pour être désarmés immédiatement, (Nous retrouvons nos paquetages arrivés par un transport depuis l'aéroport) Une grande piaule est à notre disposition pour nous héberger.

Voici le parcours clandestin et mouvementé de cette journée de fin d'année, des 11 hommes qui ont tout de même pu sortir pour réveillonner dans un restaurant de la vieille ville de Bizerte.

Repas du jour de l'an à Bizerte

Notre occupation débuta dès le jeudi 3 janvier 1957 au port de la Pêcherie pour décharger le bateau St Thomas du matériel militaire et d'apprendre en même temps à des soldats du 34e Génie la manutention des grues de bateaux.

Port de la Pêcherie à Bizerte de G à D : Les sapeurs Sautel, Garrau, Perez et Dutto.

Puis c'est le bateau Malgache que nous déchargeons jusqu'au 9 janvier au soir; le lendemain arrivent les unités de gendarmerie Mobiles de Sousse et Sfax avec de nombreux véhicules blindés, nous les chargeons au fil des arrivages jusqu'au dimanche 13. Il s'ensuit une Prise d'Armes sur le terre plein du port de la "Pêcherie" en présence du Général Rambran.

Pour notre part nous allons prendre nos paquetages et notre armement à la caserne Fabre où le Colonel nous félicite pour notre travail et nous offre un pot amical avant notre départ.

Retour à bord du Malgache où déjà les gendarmes mobiles ont pris place et sans tarder départ pour Bône (Algérie) que nous atteignons le lendemain à 6 heures du matin.

Déchargement rapide d'une partie des véhicules, rechargement de caisses de savon ! Descente à terre en début d'après midi, simplement pour faire le tour de quelques rues et boulevards, nous retournons à bord et départ en soirée pour Alger.

Bône le déchargement.

Le port d'Alger, fin de notre escapade en Tunisie

Après une nuit mouvementée où l'on a “jeté” par-dessus bord, nous touchons Alger à 11 heures, (le déchargement sera fait par des dockers) nous rentrons ce 15 janvier 1957 à notre cantonnement de Maison-Carré. Fin de cette expédition clandestine !

(Avec l'aimable autorisation de Michel Dutto, le webmaster Roger LOUIS.)

Voir la suite du séjour en Algérie du caporal-chef Dutto Michel Au 117e RI