136e RIF, mai 40,
4e Cie des Avancées
La 4e Compagnie des Avancées du 136e RIF
Roger LOUIS
Wikipédia
Le 136e Régiment d'Infanterie de Forteresse est mobilisé le 22/08/1939 à Mouzon (Ardennes) à partir du I/155e R.I.F. du temps de paix. Ce régiment s'installe à l'ouest de la ligne Maginot (Secteur Fortifié de Montmédy). Après un choc frontal avec l'ennemi qui tente de le déborder, le gros du régiment se replie sur ordre dans la nuit du 14/05/1940 pour s'installer sur la bretelle d'INOR (Meuse), protégeant les arrières de la ligne Maginot. Après de longs et durs combats en localité et dans les bois, il est relevé par un régiment de la Légion étrangère le 11e RE et deux régiments de Tirailleurs algériens et marocains (21e RTA et 9e RTM). À partir du 21/05/40, le 136e RIF se replie sur Stenay (Meuse) et se réorganise sur un type allégé. De nouveaux replis émaillés de combats le portent finalement à Crépey (Meurthe et Moselle) où le surprend l'armistice le 25/06/1940.
Le quotidien au 136e RIF du 22 mars au 2 septembre 1939.
Une demi-section du 155e RIF à Mouzon en mars 1938 (photo R.Louis)
(Extraits des notes du sous-lieutenant Watelet (instituteur) rappelé à l'activité en septembre 1939 à Mouzon.)
" Les disponibles d'abord rappelés à Stenay gagnèrent leurs régiments effectifs, les uns au 155e RIF de Montmédy, les autres au 136e RIF à Mouzon, d'autres au 147e RIF à Sedan.
Avec nous sont arrivés des hommes de troupe, des caporaux, des sous-officiers disponibles comme nous. Il faut les avoir vus pour y croire. D'abord la tenue. Vêtus de bric à brac, une seule tenue difficilement trouvée dans les stocks. Pour les chaussures même difficulté pour trouver la pointure idéale, un casernement trop exigu, manque de lits, chauffage au poêle, pas de réfectoire approprié, vraiment pris au dépourvu. D'ailleurs je crois qu'au début on ne pensait pas que cette situation allait durer. En 1938 pareille convocation n'avait duré que quelques jours. Mais cette fois cela dure.
MOUZON : Le casernement de sûreté sur la route Sedan-Verdun
Alors on a trouvé de quoi s'occuper car il avait du pain sur la planche.
Il y avait un long réseau de barbelés à faire tout le long de la ligne de soutien; il y avait à enterrer les lignes téléphoniques ; il y avait à faire une route stratégique de la ferme de Baybel à Amblimont ; il y avait un parc d'obus à protéger par des merlons à Autrecourt. Dès lors on n'a pas chômé.
On partait tôt le matin sur les différents lieux de travail, on ne rentrait qu'à la nuit tombante, on emportait un repas froid. Par tous les temps qu'il pleuve ou qu'il fasse beau. Nos disponibles n'avaient rappelons-le qu'une seule tenue. On les éloignait, on ne voulait pas les voir au casernement de sûreté. Inutile de dire et de décrire leur état d'esprit. Ce n'était pas facile à commander. Pourtant on était nous aussi des disponibles. Nous avons trouvé la bonne solution. On leur disait : vous avez tant de mètres de barbelés à poser, tant de mètres de route à établir. Débrouillez-vous. Une fois la tâche faite, repos, allongez-vous dans les bosquets voisins jusqu'au coup de sifflet du retour le soir. Et ça a marché. Le réseau s'est fait, la route s'est établie, les merlons ont été dressés. Mais cette façon de commander n'était pas militaire pour le capitaine, et on avait beau dire que seul le résultat comptait.
2 septembre 1939 : c'est la guerre et la mobilisation générale. Il n'y a pas eu, durant les mois précédents, une heure d'instruction, d'exercice de tir, de manœuvres, de mise au point. Les mobilisés arrivent et étoffent les hommes d'active et les disponibles. Calmement, correctement, qu'elle différence avec 1938. Le régiment s'organise. Il a pour mission de tenir le secteur de la Chiers. Celui-ci s'étend sur un front de 20 km, de Villy (exclus), à droite, au barrage de Villers-devant-Mouzon sur la Meuse, (exclus) à gauche. Face à Margut, Linay, Blagny, Carignan, Sachy, Pouru-St-Rémy, Douzy.
Carte au 1/50.000e entre Meuse et Chiers.
L'ordre de bataille est le suivant :
- À droite : le 1er bataillon du commandant Ferron, de la casemate de Villy, en liaison avec le 155e RIF, au ruisseau de la Valette.
- Au centre : le 2e Bataillon du capitaine Feyfant, du ruisseau de la Valette au ruisseau de Vaudimé.
- À gauche : le 3e Bataillon du commandant Langlet, du ruisseau de Vaudimé à la route d'Autrecourt en liaison avec le 147e RIF sur la Meuse au PA du chemin de fer.
Le PC du Colonel, sa section de commandement reste à Mouzon.
Source : Les sodats du béton de Guiliano
Devant ce dispositif, à la frontière belge, la 4e Compagnie des Avancées du capitaine Roux, puis du capitaine Pressoir, tient la ligne des maisons fortes.
La Ligne Principale de Résistance (LPR) est tenue par le 136e RIF en permanence. La ligne de soutien est tenue par la 3e DINA (12e Zouaves, 14e RTA, 15e RTA, qui seront relevés régulièrement.)
Jusqu'au 14 mai 1940, ce système de défense tenue par le 136e RIF a été "peaufiné". Nous avons passé tout notre temps à creuser des emplacements de tir, des abris pour le personnel, des tranchées, des boyaux. Nous avons aidé le génie à couler de petits abris dits "Barbeyracs" pour FM et mitrailleuses. On travaillait même de nuit, à la lueur de lampes électriques, on coulait du béton sans arrêt.
Au 10 mai 1940, une soixante de nouveaux blocs étaient encore en construction.
Tout le temps passait à l'entretien des armes, à leur démontage et remontage rapides, et avec des tirs fictifs pour familiariser les servants avec les appareils de pointage des différents canons de 47, 25, mortiers de 81.
Cependant un point noir : les effectifs des bataillons avaient été sérieusement réduits par le renvoi à l'intérieur des affectés spéciaux et par la création de la Compagnie des Avancées. Il manquait donc environ 20 officiers et près de 600 hommes. De plus le commandement avait prescrit des échanges de personnel entre le 136e RIF et deux régiments de la 55e DI (Sedan). Ce nouveau personnel venu d'unités de type campagne était insuffisamment amalgamé et transformé en mitrailleurs et en spécialistes d'engins des unités de forteresse, au moment de l'attaque allemande."
Ce que l'on sait de la 4e Compagnie des Avancées du 136e RIF
( Source : Extraits du Hors série de la revue de Terres Ardennaises = Maisons fortes des Ardennes 1939/1940 de février 2001).
Création : La 4e Compagnie des Avancées créée le 31 janvier 1940 à Mouzon, fait partie du 1er bataillon du 136e RIF sous les ordres successifs des capitaines Roux et Pressoir. En janvier 1940, elle rejoint sa ligne de défense à la frontière belge ponctuée par les 7 maisons-fortes (MF) qui lui sont assignées. Elle remplace alors la Compagnie des Gardes Frontaliers. et garde les mêmes missions.
Le PC de la Compagnie des Avancées siège à l'école des filles à Carignan, sous le commandement du capitaine Pressoir. Cette compagnie comprend 5 sections :
- Section de Pouru- aux- Bois (MF de Grand Hez), adjudant Henry, puis lieutenant Petit,
- Section de Pure - Messempré (MF de la Réunion des Eaux et celle de Route Pure-Florenville), sous-lieutenant Petit,
- Section de Matton (MF des Mattenets et des Rappes), lieutenant Trichelot,
- Section de Mogues (MF de Paquis le Frappant et de Williers) lieutenant Rondeau,
- Section de Puilly- Charbeaux, lieutenant Rambourg.
Ces officiers (instituteurs du cru ) connaissent parfaitement le secteur, ainsi que le capitaine Pressoir, originaire de Carignan.
Entre la Ligne Principale de Résistance se trouvent également des éléments de reconnaissance de la 2e Division de cavalerie prêts à foncer en Belgique au cas où les Allemands violeraient la neutralité de ce pays. A Tremblois au nord de Carignan, le 1er Hussards (remplace le 31e Dragons) tient les sous-quartiers jusqu' au décrochage selon les ordres des destructions et de retrait sur la ligne occupée par le 136e RIF.
Les travaux de défense des Maisons fortes se poursuivent en y incluant des petits postes dont le but est de contrôler les accès des layons ou chemins de terre. Tout un travail de terrassement comprenant des abris enterrés pour le personnel, les éléments de tranchées et les emplacements de tirs. Mise à part les 5 privilégiés habitant les MF, tout le reste du personnel est à l'air libre. Il faut aussi installer des lignes téléphoniques, construire des guérites pour abriter les sentinelles, édifier des barrages routiers ou de ruisseaux, entourés les points d'appui de barbelés.
Les services de garde occupent les hommes qui ne sont pas au travail afin de surveiller les MF , les petits postes, les barricades, les puits de mines. Les tours de garde sont affichés. Chaque sentinelle doit exercer une surveillance effective et connaître les signaux de reconnaissance.
Les patrouilles sont nombreuses et s'ajoutent au tour de garde, elles sont organisées conjointement avec les troupes de couvertures cantonnées dans les villages voisins. Nous en arrivons tout naturellement à une autre mission, le filtrage des individus entrants et sortants de la frontière. et cela n'était pas une mince affaire connaissant l'activité industrielle de la région : usines de Margut, Blagny, Carignan, Messempré, Brévilly pour ne citer que les plus importantes. S'y ajoutent les consignes concernant les voyageurs français, belges, luxembourgeois, hollandais, polonais désirant franchir la frontière.
Emplacements des 7 maisons fortes aux avant-postes du 136e RIF
-1 Chenois-Grand Hez, -2 De la Douane de Messempré, -3 Route de Pure-Florenville, -4 des Mattenets, -5 Des Rappes au Balnel, - 6 De la Douane entre Tremblois et Villiers, -7 Williers.
( Source : Hors série de la revue de TA = Maisons fortes des Ardennes février 2001)
Mission : Occuper la ligne des maisons-fortes sur la frontières belge en liaison avec la 15e Compagnie du 147e RIF sur sa gauche et à la hauteur du fort de Villy-la-Ferté sur sa droite. Ce fort est le dernier ouvrage d'infanterie réalisé sur la ligne Maginot. Au sud, la rivière Chiers est défendue par le 136e RIF.
Le 136e RIF s'organise sur la ligne principale de résistance, dans ses blockhaus et abris bétonnés, comprise en Villy (exclus) à l'est et Douzy (exclus) à l'ouest. Il est sous les ordres des unités d' intervalles qui sont : les 12e Zouaves, 14e RTA, 15e RTA et le 246e RI complétant le 12e Zouaves lors d'une mission de soutien en Belgique dès le début des hostilités.
Actions : aucun témoignage à ce jour ne peut révéler le quotidien de la 4e Compagnie des Avancées. Ce qui suit permet d'émettre une hypothèse quant à servir les maisons fortes et à organiser leurs environs pour une défense des points de communications. Quant au logement des personnels autres que ceux des maisons fortes pour l'équipage, il est probable qu'ils occupaient soit un baraquement (comme vu sur une photo allemande) soit des abris de fortune comme en témoigne le soldat Martinet (147e RIF) à la maison forte de St Menges :
[...] Ordre du lieutenant : "Lorsque j'enverrai une fusée éclairante, vous aurez cinq minutes pour évacuer les lieux, car le gros de l'Armée, qui est de l'autre côté de la Meuse doit tirer où nous sommes pour arrêter l'armée ennemie". Alors, courageusement, c'est vrai, car j'étais dans le milieu de la forêt, j'ai, avec les copains, avec du fil de fer et en faisant couper de petits arbres, tracé un chemin à travers bois pour arriver à la sortie. Oui, cinq minutes, c'est peu. Le lieutenant a pris modèle sur moi et en a fait faire autant aux autres. On avait aussi fait une cahute. Moi, je ne savais pas, mais un copain avec pas mal d'arbres abattus nous a fait une bonne cahute. On y avait chaud. Et puis, il y avait des barbelés devant nous en cas que... Tout cela a été inutile. Un beau jour, on me dit : "Martinet, prends une pioche et abats ce coin de maison". C'était une belle petite maison, mais enfin, c'était un ordre. Après quelques coups de pioche, je vois une grande plaque de fonte ou d'acier avec un gros trou pour y passer l'affût d'un canon. Ce canon nous a été livré, mais le trou et les gros boulons pour le fixer ne correspondaient pas. Qu’importe, on l'a calé avec des traverses de chemin de fer. Notre vrai canon était à la Hatrelle, un peu plus loin, et on nous avait donné le leur. Étrange, mais vrai ! Mais quand même, on n'avait pas invité les Allemands à venir passer plus de quatre ans des vacances chez nous. Alors, pour les empêcher de venir, nous avons reçu l'ordre de mettre dans les bois des bombes antichars. On faisait des trous dans les bois d'environ 60 ou 65 cm de profondeur et on y a introduit des bombes. Elles pesaient, je crois, vingt à vingt-cinq kilos. Il y avait sur le dessus une vis où l'on devait, en cas d'avance des ennemis, mettre un percuteur. Bien sûr, on ne pouvait pas le faire avant, c'était trop dangereux. Les Belges comme les Français, les marchands de bois auraient fait sauter ces bombes. Combien avant nous en avaient mis des centaines ? Eh oui, on se disait : "Qu'est-ce qu'ils vont prendre, les Allemands, s'ils ont le culot de venir piétiner notre beau sol de France. Ils vont y laisser des plumes. Eh bien non, ils n'y ont rien laissé, car le vendredi, les hommes ont reçu l'ordre de déterrer ces bombes antichars pour les remettre en peinture. Ce qui n'a jamais été fait, bien sûr. Mais cela voulait dire : "Les troupes de Hitler peuvent entrer. La porte de France est grande ouverte". [...]
Maison Forte :
Les Ardennes étant réputées infranchissables, un seul ouvrage sera édifié, le fort de Villy-la Ferté. Cet ouvrage sera appuyé le long de la frontière belge par ce qu’on a appelé des Maisons Fortes.
La Maison Forte est un ouvrage typiquement ardennais… De quoi s’agissait-il ?
C’était ni plus ni moins un blockhaus déguisé en vulgaire maison d’habitation avec un étage, de façon à lui donner un air inoffensif. Ces maisons étaient construites sur les principaux axes de communications, aux points de passage obligés, à partir de 1938. On en comptera 22 dans le département.
Leur rôle consistait à donner l’alerte en cas d’infiltration ennemie. Elles étaient toutes construites sur le même modèle : une surface au sol d’une quarantaine de mètres carrés (un rectangle de 7,20 m sur 5,50m) et une hauteur de 7,20 m. Le rez-de-chaussée constituant le soubassement est en réalité une salle de combat avec des murs en béton armé de 0,50 à 1 m d’épaisseur, avec bien évidemment des ouvertures de tir sur tous les côtés. Le premier étage est l’appartement destiné à loger les 6 occupants-combattants. Tout est minutieusement calculé : une chambre de 5 m sur 3 m ; un réfectoire de 3,60 m sur 2,50 m ; une cuisine de 2,35 m sur 1,65 m ; ajoutons des W.-C et un vestibule d’entrée. L’escalier extérieur est un leurre de plus…
Lorsqu’un danger se présente, les soldats ferment les volets de fer, les portes blindées et descendent dans la salle de combat par une trappe située dans la chambre. Si le danger se fait plus pressant, les défenseurs peuvent évacuer la maison par un étroit tunnel qui débouche sur la nature extérieure. Bien entendu des mines, des fossés antichars et des tranchées, des chicanes et barbelés, protègent les environs immédiats de la maison.
Le 10 mai :
"La drôle de guerre, c'est fini". L'alerte générale est déclenchée.
Les trois rivières : Meuse, Chiers et Semois
Pour les cavaliers de la IIe Armée, il n'est pas question d'attendre. Alertés dès 7 heures, ils franchissent la frontière et se portent à la rencontre des Allemands. Leur mission : "prendre contact au plus loin avec les forces ennemies dans l'Ardenne belge et le Luxembourg et renseigner le commandement sur l'axe et les zones d'application de l'effort ennemi"; il s'agit également de "retarder l'ennemi par une action aussi étoffée que possible en vue lui faire subir le maximum de pertes au cours de la progression". Mais leur puissance matérielle est réduite, l'armement antichars est insuffisant. Le 19e Corps blindé de Guderian fonce sur Sedan avec une masse de près de 900 chars et autres engins blindés et régiments d'artillerie, fortement appuyé par une aviation omniprésente et agressive.
Pendant que les cavaliers français éprouvent la puissance des Panzerdivisionen, les populations civiles belges et luxembourgeoises entament l'exode et encombrent toutes les routes.
Le 1er Hussards cantonné à Osnes, Matton et les Deux-Villes reçoit l'ordre de franchir la frontière belge pour occuper les emplacements prévus sur la Semoy.
A la Compagnie des Avancées le réveil est très matinal.
A 5 h du matin, ronflement d'avions, vacarme de la DCA qui tire du côté de la Chiers. De nombreux avions de bombardements à croix noires y circulent en toute quiétude, certains appareils volent à moyenne altitude, d'autres plus bas, la DCA n'existe pas entre la frontière et la Chiers (10 km environ).
6 h 30 , l'Alerte, est donnée, branle-bas de combat. La barricade est ouverte pour permettre l'accès des troupes en Belgique, de leur côté les Belges en font autant. Le 1er Hussards passe en premier la frontière suivi par un bataillon du 12e Zouaves qui doit occuper les ponts de la Semoy en Belgique. C'est un flot continue de troupes qui dure toute la matinée. L'après-midi, les premiers réfugiés belges et luxembourgeois arrivent en voitures automobiles. Le flot des réfugiés grossis en soirée et au cours de la nuit. La garnison des MF et des PF passe sous les ordres tactiques de la cavalerie au moment où celle-ci se repliera. Les postes de garde sont doublés. La surveillance des puits de mines est renforcées, on vérifie la mise à feu qui sera donné par la cavalerie.
Le 11 mai :
Devant l'inégalité des forces en présence et les essais de contournement, les cavaliers n'ont pas d'autre choix que de se replier peu à peu sur la Semoy. En ce qui concerne le secteur du 136e RIF: amalgamés aux fantassins des 1/295e RI et 3/12e Zouaves venus en renfort, ils tentent d'organiser la défense des points de passage.
A la Compagnie des Avancées, le défilé des réfugiés s'accentue. Cette fois ce sont des voitures hippomobiles, des bicyclettes lourdement chargées et qui créent parfois des ralentissements. Les villages frontaliers eux aussi se vident de leurs habitants. Mais déjà les bombardements commencent par des avions en piqué sur Messincourt, Messempré (MF des Sart). Les ripostes des armes automatiques ne sont pas efficaces, tout va trop vite. Pour tous c'est le baptême du feu. on gagne les abris et on en ressort que lorsque le calme revient. Malgré les mauvaises nouvelles colportées par les Belges sur l'avance rapide des Allemands on est rassurés de savoir que les Hussards et les Zouaves sont toujours devant.
Le dimanche 12 mai 1940 :
La matinée est calme aux Avancées à part quelques incursions d'avions qui s'obstinent à mitrailler les maisons fortes (MF) et les environs. des bombes éclatent encore dans les mêmes secteurs qu'hier. C'est en avant que les choses se corsent. Vers 7 h, un bombardier Junker est abattu par 2 Curtiss sur la rive nord de la Semoy, Face aux positions du 1er Hussards à Laiche. Un nouvel ordre de repli arrive, car plus à l'ouest, à Bouillon, Cugnon et Herbeumont la 1ère et la 2e PanzerDivision ont franchit la Semoy à l'aube. A 13h30, le 1er Hussards s'installe provisoirement sur la ligne des maisons fortes en avant des cantonnements de la Compagnie des Avancées. Le 4e escadron est à Deux-Villes (basse), le 3e escadron sur Waumont, les 1er et 2e Escadrons entre Matton et Aurimont avec le 8e Chasseurs. Le PC s'installe dans un verger à Deux-Villes, l'ensemble est couvert sur la frontière, au bois du Banel (MF) par une arrière-garde composée de 4 pelotons, d'une section de mitrailleuses et d'un canon de 25 m/m aux ordres du chef d'escadron Pernel. A 15 h 30 arrive l'ordre de poursuivre le repli car la 10e PanzerDivision vient de s'emparer de Bazeilles et de Balan. Le 1er hussards, qui a récupéré ses éléments de la frontière, prend alors la route de Carignan pour y franchir la Chiers par un pont gardé par une section du 136e RIF, pour se regrouper vers Mouzon. Son PC reste à Deux-Villes. Cependant la Compagnie des Avancées pratique les destructions prévues. Les premières ont lieu vers midi, elles se succèdent jusqu'à 22 h 00. Toutes ont été effectuées. sur la route de Matton, le peloton de Torquat en arrière-garde avec les pelotons Oberkamp et Boule, se heurte à une destruction de route que le 60e GRD a fait jouer prématurément et qui constitue un obstacle difficilement franchissable. 7 chevaux refusent de passer dont celui du chef de peloton qui perd sa monture et son harnachement. 6 cavaliers démontés doivent rejoindre à pied. Sur ordre, le PC et l'arrière-garde se retirent à 20 h 00 en direction de Carignan où le dernier élément, le peloton de Torquat passent à 21 h 15. Le colonel de Groulard, commandant le 1er Hussards, donne l'ordre de faire sauter le pont à 21 h 50. Quand à la Compagnie des Avancées, les destructions assurées, se replie suivant les itinéraires prévus pour chaque section. Les ponts sur la Chiers sont franchis aux endroits prévus : à Douzy, à Brévilly, à Tétaigne, à Carignan et à Blagny . La compagnie se regroupe à la Ferme de la FOLIE (hauteur boisée au NE de Mouzon, appelée "Les Horgnes"). Il manque à l'appel une dizaine d'homme dont Fernand Béchard. Sa destruction a bien joué mais on ne sait ce qu'il devenu.
Les batteries de 155 entrent en action interdisant les débouchés en Belgique. À 21 heures ce sont les 75 du 38e RAD installés à la Truche (près d'Amblimont), qui ouvrent le feu. Cela durera toute la nuit.
Les Allemands, aux portes de Carignan, font face à la ligne de résistance du 136e RIF installé derrière la rivière Chiers et ses aménagements. ( Source : Hors série de la revue de TA = Maisons fortes des Ardennes février 2001).
Le 13 mai :
Les tirs d'artillerie sont ininterrompus. Les avions ennemis tournent toujours au-dessus de Mouzon malgré l'activité de la DCA. Ils lâchent leurs bombes sur la voie ferrée, les ponts de la ville sans causer trop de dégâts. Dans la soirée, 3 avions de chasse français apparaissent, l'un d'eux abat un bombardier ennemi qui s'écrase sur les hauteurs de Mouzon. Toutes les lignes téléphoniques sont hachées, les liaisons se font par motos. La TSF est interdite pour ne pas faire repérer les emplacements. Vers 21 heures une violente canonnade en direction de Sedan présume une lutte acharnée.
MOUZON : 1 - Destruction. 2 - Exode de la population. 3 - Occupation allemande.
Le 14 mai :
La 4e Compagnie des Avancées achève de se regrouper à la ferme de la Folie. La compagnie reçoit la mission d'assurer des patrouilles en ville, tandis que la Compagnie de Commandement assure la garde des ponts et une vigie au clocheton de l'hôtel de ville.
Le canon tonne sans arrêt, un des chasseurs fait une courte apparition et abat un avion allemand qui s'écrase près d'Amblimont. Vers 18 heures les Allemands qui ont dépassé Sedan ont atteint Raucourt et la Besace. Alors qu'une préparation d'artillerie ennemie se réalise à Euilly et qu'une compagnie attaque le pont de Tétaigne, le Lt Lahalle aidé du corps franc du 14e RTA fait 27 prisonniers. La liaison avec la casemate d'Artillerie du Grand Paquis est rompue.
L'ordre est donné de se replier pour éviter l'encerclement, direction Stenay. Mouzon est sous le tir de l'artillerie ennemie. Cette retraite en pleine nuit du 14 au 15 mai est si rapide qu'il y eut des oubliés sur la position. À 2 heures du matin, le PC du régiment est installé près de la ferme Heurtebise près d'INOR. À midi la nouvelle ligne de résistance qui fait face à Mouzon s'articule ainsi : des "7 fontaines" (sud de Malandry) à la Meuse : 15e RTA en liaison avec le 3/14e RTA et dans les bois d'Inor et Neudan, au centre, le 2/14e RTA aux lisières N et O du bois de Soiry. À gauche la 6e Cie du 136e RIF au bois de la Hache (face au village d'Autreville) qui comble l'espace réservé au 1/14e RTA encore absent, en liaison avec le 246e RI (dont une partie seulement vient d'arriver), pour couvrir la route d'Inor-Martincourt. En réserve les éléments du 12e Zouaves et du 1/14e RTA. Le 38e RAD, en l'absence de l'ennemi, n'a pas le temps de préparer ses tirs. Il se rassemble à Martincourt aidé par des éléments de fantassins (dont la 4e Compagnie des Avancées), de tirailleurs et du génie. La protection de l'artillerie du capitaine Lamy est assurée jusqu'au 21 mai. La Compagnie des Avancées suit le mouvement de relève du 136e RIF qui la mène dans les bois de Stenay pour y être réformé en 136e Régiment d'Infanterie. Le personnel de la Compagnie des Avancées sera réparti dans les différents bataillons du régiment.
Carte 1/50.000e secteur Inor et Martincourt
PS : Rappelons que le 136e RIF est sous les ordres des RTA et RI comme suit : le 1er bataillon avec le 15e RTA, le 2e bataillon avec le 14e RTA et le 3e bataillon avec le 246e RI (initialement avec le 12e Zouaves dont le 1er bataillon avait eu pour mission de franchir la frontière le 11 mai en renfort des divisions de la cavalerie, il a été remplacé par le 246e RI et un élément restant du 12e Zouaves.)
15 mai 1940 :
Vers 12h00, profitant de l’espace laissé libre par l’absence du 246e RI (incomplet) et malgré les tirs de flanc de la gauche du 14e RTA, des éléments motorisés allemands arrivent à Inor. Cette progression est finalement enrayée par un bouchon établi à Martincourt par le 38e RA et un bataillon du 246e RI encore en état de combattre plus la Compagnie des Avancées du 136e RIF. (Source : Site des Tirailleurs)
16 mai 1940 :
Martincourt où la Compagnie des Avancées s'est retranchée, à huit heures du matin, les Allemands, probablement persuadés que le village de Martincourt-sur-Meuse avait été transformé par le commandement français en réduit fortifié, entreprennent de l’écraser par des tirs d’obus de 105. Les dégâts, déjà considérables, sont encore accrus par l’explosion de quelques charges incendiaires. Inor et Martincourt sont littéralement pulvérisés. (Wiki)
Dans la nuit, un bataillon du 74e RI, venant de Mouzay, arrive en renfort à Martincourt, fatigué et lourdement chargé. Il trouve sur place l'artillerie du 38e RAD du lieutenant Lami, couvert par quelques éléments du 246e RI, le lieutenant Bernadac et son groupe Franc, une section du 14e RTA sous le commandement de l'adjudant Khelifa, une Compagnie des Avancées du 136e RIF repliée de Mouzon à Martincourt commandée par le capitaine Pressoir avec le lieutenant Rondeau et les soldats Rambourg, Petit, Trichelot. Ce sont ces unités appuyées par les cinq canons de 75 du capitaine Lamy qui ont interdit au groupe de reconnaissance ennemi d'aller plus loin que Inor. Ces dernières voient avec joie le groupement Maisse du 74e RI surgir dans la nuit dans l'unique rue de Martincourt encombrée d'hommes et de véhicules en retraite et où règne un désordre extraordinaire.
Le groupement entame une reconquête du village d'Inor en débordant de part et d'autre afin dévaluer les forces ennemies. Inor est bien occupé par les Allemands qui se manifestent tout à coup violemment. La surprise est totale et on dénombre de nombreuses pertes dans les compagnies engagées du 74e RI. Sur la droite le 3/36e RI, enfin arrivé en renfort, lui aussi, les soulage et évite une débandade généralisée, il passe sous le commandement du groupement Maisse.
Une nouvelle attaque est prévue vers les 11 heures avec l'appui, cette fois, de l'artillerie divisionnaire. Les obus s'abattent sur le village d'Inor afin que les éléments d'infanterie amis fortifient leurs positions et tentent une attaque. Elle est rejetée par un feu nourri des Allemands qui sont toujours terrés dans les ruines. Malgré les pertes importantes, les unités restent sur le terrain conquis et maintiennent le contact.
Les comptes-rendus des attaquants (196 e IR allemands) relatent les difficultés de l'un de ses bataillons à maintenir sa position autour et à Inor. Les tirs d'artillerie de Martincourt et les feux latéraux venant des bois, puis les assauts répétés des Français venant de Martincourt, empêchent les nombreuses tentatives pour établir la liaison avec leurs éléments motorisés. Les demandes réitérées d'aide de leur artillerie demeurent vaines. Malgré les pertes humaines et grâce à l'appui de leurs mitrailleuses, ils parviennent néanmoins à nouer le contact avec les éléments motorisés. Au cours d'une accalmie, ce bataillon fait prisonnier des combattants français, isolés, épuisés ou à cours de munitions. (La Compagnie des Avancées n'est plus citée, qu'elle-t-elle devenue ?).
Pour mémoire :
La pression de la 68e ID (Division d'Infanterie allemande) s'exerce impitoyablement sur l'ensemble du front établi par les unités françaises* qui ne lâchent pas un pouce de terrain sous la pluie incessante de l'artillerie allemande qui crache des obus de 210 et les attaques terrestres. Le front est maintenu jusqu' à la nuit du 21 mai, date de la relève de la 6e DINA** qui continuera à résister jusqu' à l'ordre de repli imposé par la situation militaire derrière la ligne Maginot. Le fort de Villy, à l'est, est tombé le 19 mai 1940.
Les renforts allemands (Photo du net)
*Unités françaises, région d'Inor du 15 au 21 mai 1940 : 15e RTA, 14e RTA, 12e Zouaves, 136e RIF, 246e RI et 38e RAD. En renfort du 16 au 21 mai 1940, en éléments d'un bataillon par corps sous commandement unique : les 74e RI, 36e RI et 103e RI.
**La relève de la 6e DINA du 22 mai au 9 juin 1940 région d'Inor et Stenay : les 21e RTA, 9e RTM et 11e RE. (Extraits des notes du lieutenant Watelet du 2/136e RI et du 74e RI, extraits du livre de Guiliano "Les soldats du béton")
La relève vue de la 3e Division d'Infanterie Nord Africaine.
" L'élaboration de la relève se fait péniblement, le mélange des unités en ligne étant inimaginable. 14e RTA et 12e Zouaves, 136e RIF, élément du 246e RI, bataillon de la 41e DI et de l'autre côté, 15e RTA, 136e RIF, 23e Colonial, 119e bataillon du 63e DI et divers débris... Demeurant vint-quatre heures de plus en position, l'artillerie (38e RA) ne sera relevée que dans la nuit du 22 au 23 mai. Dans l'après-midi, l'ennemi pousse une nouvelle attaque sur le 14e RTA et la corne du bois de Neudan. Le 14e tient, mais le 119e - que le commandant Montillot a mis en lisière du bois - perd la corne. Le téléphone marche - heureusement! - et le même dialogue que le 19 mai se répète entre le général et le fameux "Simon David" (indicatif du 15e RTA). Cette fois, le morceau semble plus dur encore à avaler, personne n'en peut plus, il est grand temps qu'on nous relève. Enfin, vers 19 heures, la voix de Montillot : " Que diriez-vous si la corne était reprise ?" Ma réponse tient dans le mot : bravo ! "Et bien ! reprend Montillot, elle l'est. Donnez-nous un bon cantonnement en échange."
Ainsi, alors qu'on nous disait le 15e RTA : " Tenez à tout prix", nous avons tenu. Inor est à nous, les bois sont tenus, la division a bien travaillé. Nous allons être relevés et, demain, nous ferons nos comptes : 45 officiers et 2000 hommes tués. C'est dur, et c'est cher, mais l'enjeu en valait la peine.
(Source : "Chronique d'une guerre perdue" tome 3 de Rémy, page 132)
Voir aussi le récit du Sergent Lanotte du 136e RIF
D'autres recherches sont en cours pour compléter cet article..... Roger LOUIS
Quelques photos et documents retrouvés sur le net
Maison forte de Mogues ( 4e Cie des Avancées)
Maison forte d'Olly, au fond à droite : le château (15e cie des Avancées)
Le Beau Terme (4e CIE des Avancées) du Chesnois - Ecombes. Photo : CJ. Vermeulen.
Au début de l’après-midi du 12 mai, La forêt résonne d’un vrombissement sourd. Les chenilles éventrent le mauvais chemin, le sol se met à trembler et les Panzer de Guderian se présentent en file indienne devant la maison forte de Saint-Menges. Les occupants du petit édifice et les maigres troupes venues en renfort ne sont pas de taille à lutter. Le fossé antichar, les barbelés ou les chicanes ne se montrent d’aucune utilité. Un obus éventre l’étage et des salves de mitrailleuses visent les multiples orifices. A l’intérieur, les défenseurs sont terrassés par la puissance du feu ennemi et doivent finalement se rendre. Le lieutenant Boulanger, le brigadier Colette, le pointeur Guilbert et les canonniers Bellenou et Le Gleut ne se relèvent pas (*). Ils sont les premiers morts recensés sur le sol français pendant la bataille de France.
(*) 10e batterie antichar du 78e Régiment d'Artillerie.