Devassine résistant ardennais

Christian Devassine

Fils unique né le 27 février 1923 à Liart (Ardennes). Employé SNCF aux Ateliers de Mohon (Ardennes), réside chez ses parents, rue Gustave Gailly à Charleville (Ardennes).

Le 5 novembre 1942, Devassine se soustrait au STO afin de régulariser sa situation il prend un engagement dans l'Armée d'Armistice (1). Il accomplie son service à GAP au 159e RIA (Régiment d'Infanterie Alpine). Il côtoie de nombreux Alsaciens-Lorrains qui ont fuit leur région pour ne pas être incorporés dans l'Armée allemande. Le 11 novembre 1942, les Italiens franchissent la zone libre faisant fi des clauses de l'armistice. Ils mettent fin à sa situation d'active. Christian, par le biais d'une permission renouvelable s'en retourne dans les Ardennes. Placé en congé d'Armistice le 1er mars 1943 il reprend son emploi à la SNCF.

Photo du net

Jusqu'en janvier 1944, la situation de Devassine était semblable à tous ses compagnons de travail agrémenté de quelques sabotages de matériel pour freiner la bonne marche des convois nécessaires aux ravitaillements et aux transports des troupes ennemis. Aux ateliers de Mohon, le 13 janvier 1944, avec l'aide de Petitqueux, ils utilisent des engins explosifs pour mettre hors d'usage 3 chariots transbordeurs et 3 cabestans (2). La fréquentation avec une jeune fille d'un cheminot à l'esprit de résistant, fait qu'il s'engage spontanément dans un maquis. Chaque matin et chaque soir, sa fiancée l'accompagne à bicyclette lors de ses déplacements domicile-travail afin de profiter un peu de sa présence. Rien ne présageait une rupture brutale. Un soir de mai, sur le trajet du retour, il lui avoue ne plus la revoir avant la libération des Ardennes. Devassine rejoint à temps plein le maquis franco-belge "Roseline" qui s'active sur la frontière près de Nouzonville. Le père de la fiancée lui donne de temps à autre de ses nouvelles, ce qui la rassure. Certaines missions font que Devassine fréquente le père de sa fiancée lui-même engagé dans un maquis du lieu de sa résidence, le maquis de Montcy, sur les hauteurs de Charleville.

Début juillet 1944, O. apprend par une collègue de travail, la mort d' André Marchand, fusillé au fort des Ayvelles. Elle l'avait croisé, un soir, au domicile de ses parents, discutant à voix basses avec son père. Il était attendu dehors par Devassine faisant le guet à la porte du jardin. Tous deux disparurent dans la nuit. Elle ne le connaissait pas particulièrement, il était le chef de secteur FFI de Charleville. Il fut surpris, avec deux autres compagnons, à l'issue d'un parachutage route de Monthermé par une unité allemande.

Après le débarquement du 6 juin 1944, les missions des maquis s'intensifient et réclament du monde. Une opération commando est organisée rue de Tivoli à Charleville. Il s'agit de délivrer un agent de liaison du commandant Delys prit par les Allemands et que l'on transporte en voiture vers le siège de la gestapo. Une manœuvre de la voiture des maquisards permet à l'agent de s'échapper. Un milicien en faction aperçoit le véhicule des maquisards et voit le fuyard s'orienter vers lui, il fait feu et le tue.... La mission échoue, il faut rentrer.

Les Manises en 1944 après le massacre.

Une autre fois, son fiancé pénètre chez elle et lui demande de camoufler un lourd paquet contenant des révolvers à remettre à l'un de ses hommes le lendemain. Il lui précise qu'il l'a déposé près des latrines dans le jardin afin de ne pas éveiller les soupçons des parents complètement étrangers à la résistance. Bien après son départ, prétextant une envie pressante, O, s'enquiert du paquet et le glisse dans son lit. Il lui précisera plus tard que vu l'urgence, il n'avait pas eu le choix.

Ce jour là, le père de O. n'a pas d'autres options que d'employer sa fille comme agent de liaison tant la pression se fait sentir et que les hommes font défaut. Il lui tend un pli à remettre au maquis "Roseline" stationné en bordure des Hautes Rivières dans une enclave belge dite "Les baraques". Ce n'est pas la porte à côté, surtout en bicyclette. Arrivée Sur les hauteurs de la commune dominant la Belgique, elle laisse son vélo et emprunte un sentier forestier qui descend directement à la barrière qui en interdit l'accès. Derrière celle-ci la baraque des Poirson, bien connu des français qui viennent se ravitailler en tabacs, chocolats malgré les interdictions. Sur sa gauche un camion bâché stationne sur la voie carrossable. Il est chargé de militaires allemands accompagnés du traite "D" notoirement connu à Charleville. Elle poursuit son chemin vers la baraque en faisant mine de ne pas y prêter attention. Dans le même temps, à droite de la baraque, elle aperçoit furtivement des hommes tapis dans les taillis. A l'intérieur de la boutique elle cherche à gagner du temps en s'intéressant aux produits. Si proche du but il fallait redoubler de prudence. Madame Poirson en bonne observatrice avait compris le manège et de sa position ne quittait pas des yeux le camion. Puis elle annonça son départ et ouvrit la porte de derrière en interpellant un des hommes en embuscade. Ce fut une très brève rencontre avec son fiancé. Elle lui remit le pli destiné au maquis et s'en retourna par le chemin inverse.

Le 3, 4 et 5 septembre 1944

La veille est une longue journée bien remplie par O. Au petit matin son père lui donne l'ordre d'aller chercher les brassards FFI pour équiper les hommes de son maquis de Montcy. Elle se rend chez le Commandant XXXX qui réside dans le Bd Gambetta et lui remet le paquet. Le pont de Meuse de Montcy est détruit par les Allemands en débandade. Que faire, alors qu'elle est à deux pas de son but ? Son père l'attendait sur l'autre rive. Il envoya deux de ses hommes en barque pour la traversée de la rivière. Son père refuse qu'elle se compromette davantage. Mais alors comment faire pour rejoindre son domicile. Elle tente par la passerelle du Mont olympe qui est fortement interdite de passage par un élément allemand. Alors elle pense au barrage du Varidon. O. cache sa bicyclette dans un creux de la falaise et entame à pied le chemin de halage. Près du chemin de Chaumont, elle aperçoit un groupe de maquisards tapis dans les fouillis. Poursuivant son chemin, elle est stupéfaite de voir qu'un char allemand stationne près du barrage pour en interdire l'accès. Malgré ses protestations en expliquant qu'elle voulait rentrer chez elle l'autre côté de la Meuse, rien n'y fait. Débitée, elle reprit son vélo et d'un coup de pédale elle rejoignit Montcy-Notre-Dame par la rue de la Corvée logeant la Meuse. Elle constate, ravie, que la passerelle n'a pas sauté.

Le 3, de bon matin, de retour à Charleville, elle rejoint les maquisards regroupés qui logent depuis la veille au collège de la rue d'Aubilly, réquisitionné pour la circonstance par les soins de Lidia Collin. Les FFI s'organisent en créant des postes de surveillance sur la rive gauche de la Meuse, en particulier en direction du plateau de Berthaucourt qui est encore tenu par les Allemands et qui le font savoir en bombardant sporadiquement la ville. C'est là, dans cette rue, qu'elle aperçoit, éberluée, un char US qui est investi et entouré par les maquisards. Il poursuit, néanmoins, sa mission en disparaissant dans l'avenue Forest accompagné de Lidia promise guide qui se débrouillait bien en Anglais.


Les deux tués au plateau de Berthaucourt le 3 septembre 1944

Au repas prit en commun à l'hôtel de France près du pont des deux villes, elle proposa ses services en tant que serveuse. Dans le brouhaha général, une voix s'élève pour annoncer la prise du plateau de Berthaucourt, puis de préciser que : " C'est Devassine qui a planté le drapeau français sur le stand de tir". Ce drapeau, plus personne ne sait ce qui est devenu.

En effet, elle apprendra que les deux maquis, d'un commun accord, se donnent pour mission de nettoyer le Plateau de Berthaucourt. Ils ont l'avantage de leur emplacement. Dans la progression pour investir le plateau, le père de O. neutralise in extrémiste la mise à feu des charges d'explosives par deux Allemands chargés de faire sauté le petit pont enjambant les voies ferrées qui donne accès au plateau. Touché par leur âge de grand-père, il les désarme et les fait prisonniers. Dans la progression et pour assurer leurs arrières, ils laissent deux compagnons, l'un d'eux se fera tué par des Allemands en fuite qui répliquent à leur feu de neutralisation. Cependant les US en ville tentent de nettoyer le plateau et envoient un commando avec des guides maquisards traverser la Meuse en canot et par la voie de Mézières de se positionner en observateur. Leur mission est de renseigner les nids de résistance ennemis et de permettre un feu de neutralisation par l'artillerie. Ce manège n'échappe pas à deux jeunes gens étudiants au Château des fées qui ont suivi les US dans leur déplacement. Ils se feront tués à proximité du plateau.

Conjointement avec d'autres groupes de FFI et avec l'appui feu des US, l'opération de nettoyage du plateau est à son terme et la reddition assurée, les deux maquis "Roseline" et "Montcy" pénètrent dans Montcy pour libérer la commune de la présence des derniers allemands.


Le maquis "Roseline" à Montcy après la libération du plateau le 3 septembre 1944.

Devassine, toujours sous contrat de son engagement initial continuera le combat du 28 septembre 1944 au 8 mai 1945. Ne souhaitant pas servir en Allemagne, il ne renouvelle pas pas son engagement. Il sera rayée des contrôles de l'armée d'active le 8 décembre 1945 avec le grade se sergent-chef. Titulaire de la Médaille Militaire et de la croix de guerre 1939/45, remises sur la place de l'hôtel de ville de Mézières dès la Libération. Il garde une amertume concernant son passé de maquisard volontaire dans toutes les actions, il n'obtiendra pas la Médaille de la Résistance comme ses camarades du maquis 'Rosine" à cause de son statut de militaire sous contrat.


Mariage en novembre 1944
Mariage des Devassine-Demissy en novembre 1944

Campagnes effectuées (selon son livret militaire)

France Campagne simple du 22.10.42 au 27.11.42

France Campagne double du 01.01.44 au 15.09.44

France Campagne double du 29.09.44 au 08.05.45


(1) Armistice : L'armistice signé le 22 juin 1940 laisse à la France une armée de 100.000 hommes dont les troupes Alpines font partie. Elles se préparent dans le sport et la discipline à la reprise des combats. L'armée française dissoute fin novembre à la suite du débarquement des Anglo-américains sur les plages d'Afrique du Nord, la zone libre est envahie le 11 novembre 1942 par les armées allemandes et Italiennes qui surprennent les militaires français et les désarment.

(2) Cité dans "La Résistance dans les Ardennes" de Jacques Vadon.