Clandestinité
Clandestinité
Les solides connaissances militaires de Gabriel Foury et des deux frères Lahaye leur permettront de rejoindre sans trop de problèmes leur premier maquis et de s'adapter aisément à la dure loi de la clandestinité. Nos trois célibataires se rendent à Lyon, comme convenu avec le sergent Coquard, qui, lui, reste à Revin, avec comme indication : Voir Régis à la Régie place Grenelle. Contact établi, Régis leur conseille de prendre un billet à leur frais pour Grenoble et là, de se rendre à pied à Sassenage, puis de développer la suite de l'itinéraire à apprendre par cœur. En suivant scrupuleusement les consignes de Régis, nos trois amis, au café David, empruntent à gauche de l'établissement le chemin de montagne et suivent les marques rouges tracées discrètement à la peinture sur le sol pierreux. Pendant ce long déplacement, Foury regrette d'avoir entraîné les deux frères dans cette aventure mais bien vite, il se déculpabilise en constatant leur franche détermination, marque d'un caractère bien trempé. " Par dérision, nous jouions au "Petit Poucet" pour nous rassurer car, au fond, une terrible angoisse nous tenaillait. Nous échafaudions aussi des tas d'hypothèses dans le cas d'une mauvaise rencontre", précise Gabriel.
Une sévère sélection
Au bout du chemin, deux civils les prennent en charge, non sans s'être assuré de la concordance du récit. Puis il les oriente vers le camp du village d'Engins. Hébergés près d'une ferme, ils sont sous une surveillance constante pendant deux jours, fréquemment interrogés par un Ardennais des environs de Givet, appelé Raoul et qui s'avérera être le chef du maquis. Le recrutement des candidats maquisards est facilité par l'apport de patriotes rebelles au STO et à la déportation. Une sélection sévère est pratiquée pour éviter les intrusions d'éventuels informateurs qui collaborent avec la Gestapo et la Milice. Pour éviter les représailles de l'ennemi sur la population, les clandestins vivent en dehors de toute agglomération et ne cherchent pas à se dévoiler. L'ennemi craignait les terroristes et la sentence était impitoyable, il ne faisait pas de prisonniers, il les abattait sur le champ. Après cet examen de passage, nos trois Ardennais sont affectés en complément d'une sizaine (groupe de six hommes) à Sornin, à 1500 m d'altitude.
Gaby, Mathieu et Titi
André dit : Titi, 1ère carte d'identité de Gaby, René dit : Mathieu
Le chef de la sizaine, "P'tit Louis", déserteur des chantiers de jeunesse, grand gaillard de près de deux mètres, originaire des environs de Reims, est arrivé au Vercors parmi les tous premiers en juillet 1942. Il avait à son actif un audacieux coup de main sur un camp de Jeunesse et Montagne pour récupérer une collection de vêtements efficaces contre le froid. De suite, il les invite à choisir un nom de guerre et à oublier leur véritable identité. " J'ai opté pour Gaby", précise Gabriel Foury, "à cause de mon prénom". Pour André, ce fut facile : on l'appelait depuis toujours "Titi". Devant l'hésitation de René, P'tit Louis prit le calendrier des Postes et le baptisa du nom du saint du jour de notre arrivée (21 septembre 1943) à savoir "Mathieu". Ensuite, les formalités administratives sont promptement menées pour obtenir de fausses cartes d'identité et de cartes de travail. Les trois hommes sont enfin régularisés et moins inquiets dans le cas possible d'un contrôle d'identité à l'occasion dune mission en ville.
L'apprentissage
Les nouveaux arrivés effectuent des marches de découverte pour explorer la région, des reconnaissances à longue distance pour acquérir des réflexes face aux situations imprévues, des entraînements militaires, mais aussi des travaux dans les fermes avoisinantes en échange de subsistance. Le but de la sixaine est de s'habituer les uns aux autres, chacun devant se sentir responsable et se souder au groupe mais aussi acquérir une autonomie et faire par exemple la cuisine commune. Vivre en homme des bois suppose une résistance physique à toute épreuve. Le quotidien s'avère sans pitié pour les faibles. Il faut se contenter de peu, loger dans des abris précaires, sans confort et par un froid de plus en plus vif, faire le moins de feux possible et effacer toute trace de présence. Au bout de quelques temps, P'tit Louis proclame fièrement sa sizaine apte pour l'Armée secrète.
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