Hôpitaux et convalescences

Séjour hospitalier

Le réveil fut difficile, à peine un œil entrouvert que j’aperçois, comme dans un brouillard, un homme en blanc de haute stature. Il se penche sur moi et se présente comme étant l'auteur de ma renaissance. À la suite d’une rapide auscultation, il me promet de revenir en m'invitant de me blottir dans les bras de Morphée. Plus tard, il apparut de nouveau, mais cette fois j'étais en mesure de dialoguer. Après un interrogatoire sur ma vie sentimentale que j'écartais d'un geste, il me demanda l'autorisation d’adresser une correspondance à mes parents pour les rassurer sur mon sort. J'aimais mieux leur faire la surprise moi-même en leur imposant ma présence lors d'une permission de convalescence. Ils seraient à même de juger sur pièce. On brode moins ainsi devant la personne rendue valide. Il ne se passait pas un jour sans qu'il me fit l'honneur de la conversation. J’apprends par un infirmier que le jeune chirurgien ALEXANDRE avait pratiqué son premier ventre et qu'il était satisfait du résultat. Appelé à effectuer son service militaire dans une antenne réservée aux personnels des armées dans la structure d'un hôpital civil s'adonnait avec passion et compétence à ce rôle, d'autant que les interventions médicales de toutes sortes n'ont pas manqué.

Je perds rapidement mes deux anges gardiens qui passaient la nuit à mon chevet, l'amélioration de mon état ne nécessitait plus leur présence. J'en étais heureux, car ils étaient particulièrement bavards et cela perturbait ma volonté de récupération.

J'occupais une chambre à six lits, les deux à ma gauche étaient pris par Ponson et Fangio. Les trois d'en face par des inconnus en voie de guérison, sauf un, près de la porte d'entrée qui venait de rentrer cette nuit. Un sergent de la Légion, la jambe fracturée par une mauvaise chute sur un trottoir qu'il avait mal négocié en quittant la chaussée. À son réveil, il empestait encore la bière.

Après quelques jours, le lit d'en face avait changé de propriétaire. Un brigadier-chef du Train, mal en point, qui venait d'être encadré par une rafale de mitraillette. Blessé au poumon et à l'oreille par balles, on lui avait par surcroît ouvert la trachée-artère pour lui administrer une canule. Il a mis plusieurs jours avant d'être conscient de son état et râlé ensuite jour et nuit. Par ce tube on lui aspirait les bronches encombrées de sang et de mucosités. Il s'agitait comme un diable et ses yeux reflétaient une souffrance incommensurable lors des soins.

Un matin, Fangio, nous a quittés, suivit de Ponson, quelques jours après. Le lit de Ponson a de suite été réemployé par un homme de ma section dont les deux jambes avaient été fracassées par une balle. Mon chirurgien m'avait demandé si je le connaissais, dans l'état de choc où se trouvait, j'avouai ne pas le reconnaître. "Il s'en tirera avec deux raccourcissements assez importants" me dit-il gêné par son impuissance à mieux les restaurer. J'avais une pensée compatissante pour ce malheureux qui toute sa vie souffrirait d'un handicap visible, la hantise des blessés.

Les visites des personnels des Ruines Romaines se succédaient. D'abord, les sergents-chefs : Sabrié et Kempf, qui ont pris les fonctions haut le pied des manquants et qui, pour des raisons administratives, sont venus faire le nécessaire auprès de l'administration de l'hôpital. Kempf, très embarrassé, trouva le moment opportun pour m'annoncer la mort de Landréa, tué sur le coup lors de l'embuscade, ainsi qu'un caporal et un tirailleur musulmans de son véhicule. Tout de suite il a enchaîné, d'une manière prolixe, sur la rapidité de l'intervention du half-track qui a été brutale interdisant à l'ennemi de monter à l'assaut des véhicules et de récupérer armement et matériel. L'intervention immédiate de la 2 ème Compagnie a permis aux rebelles de ne pas insister. Des documents fort intéressants furent trouvés sur les lieux, ainsi que de nombreuses traces de sang. Trois compagnies de chez nous, sous les ordres du colonel commandant la Légion et avec ses propres moyens, ont monté une opération de secteur pour poursuivre l'élément ennemi. Ce dernier ne demeura pas longtemps impuni.

J'ai une pensée douloureuse pour les parents de Landréa, leur fils unique et je réalise mal le fait de ne plus le revoir. Au poste des Ruines, le commandement a eu la décence de ne pas mettre les morts et les blessés dans le même véhicule pour leur déplacement vers l'hôpital. Cela peut prêter à sourire, mais j'ai assisté à des évacuations par hélicoptères où tous furent intimement mêlés. Ce n'est pas bon pour le moral des rescapés.

J'eus la surprise aussi de voir deux gendarmes mener leur enquête auprès des trois occupants de la jeep. J'ai été interrogé le dernier à cause de mon état qui n'était pas brillant les premiers jours. Ils ont eu la délicatesse d'abréger le compte-rendu en se cantonnant à l'essentiel.

Le commandant Genet et le capitaine commandant la compagnie d'appui nous ont fait une petite visite par laquelle, après quelques formules de bons rétablissements, ils dressèrent contre moi une récrimination d’imprudence et de la prise de risques, comme d'habitude.... J'en suis resté coi ! Rétrospectivement, je cherche encore l’imprudence qui m’est reprochée. Était-ce là une façon de se disculper pour ne pas avoir tenu compte de mon compte-rendu au sujet du chouf ?

Un matin, Panteix me rend une visite. Il est sorti de l'hôpital de BOU-SAADA et a réintégré la 2 ème compagnie aux Ruines. Je le dévisage avec insistance, car j'avais du mal à le reconnaître. Il avait, à cause de sa blessure, un rictus qui lui déformait la bouche, une sorte de bec de lièvre à peine masqué par une moustache naissante. J'ose une remarque :

- Oh, la la ! Qu'est-ce qu'ils t'ont fait les fells !… ?

Je le vois tournoyer sur place et rire d'un coup en masquant d’une main son hideuse cicatrice. Puis d’un jet, en me faisant face, il me rétorque :

- T'es gonflé !... tu devrais te retourner la question... regarde-toi... dans quel état tu te trouves !

Effectivement, j'étais debout à ce moment là, complètement nu, bardé de pansements, affublé de cordons ombilicaux et autres sondes, le corps décharné par un jeûne d'une semaine. Nous rîmes de notre condition, contents de s'en être bien sortis.

- Genon a pris ta place et il a demandé une permission pour les fêtes de fin d'année, il trouve que notre table au mess est bien vide et cela influe sur son moral. Chacun se pose la question de savoir qui sera sur la liste des prochaines victimes.

Panteix, pour un temps, bénéficiera d'un emploi de secrétaire auprès de son commandant de compagnie. Ceci n’excluait pas sa participation aux opérations nécessitant du monde et aux corvées habituellement dévolues aux sous-off., autrement dit : à prendre quand même des risques.

Ma présence à l'antenne hospitalière ne me garantissait pas la sécurité. Elle se situait sur le bord d'une route très fréquentée, la Nationale 1. À tout moment le rebelle pouvait faire irruption dans les locaux ou tout simplement nous arroser copieusement à travers notre fenêtre qui était la plus proche de l'extérieur. Le sergent de la Légion, s'arrêtait souvent à cette fenêtre, et il échafaudait des actes de terrorisme à notre encontre, en traitant les fells de cons et d’incapables car il y avait là matière à boucherie. Mais le risque de disparaître n'était pas seulement là. J'eus une complication qui me coûta en soins intensifs. Pendant plus d'une semaine les médecins se sont acharnés à me tirer d'une mauvaise phlébite. Ma jambe gauche, la seule valide, s'est d'un coup gonflée à claquer, du haut de la cuisse à la cheville, ce n'était plus qu'un poteau violacé. Le cœur cafouillait. J'ai vu ma dernière heure arriver. Perdre la vie aussi bêtement c'est rageant. Cependant, cette phase délicate surmontée m'a laissé de sérieuses séquelles. On m’annonça par la suite les 16 perforations intestinales qui logiquement ne devraient en rien perturber mon destin. Tout de même ce n’est pas drôle tous les jours tant le grêle et le gros colon sont d’une nature belliqueuse depuis qu’on les a chatouillés quelque peu.

Le meilleur moment fut sans nul doute, l'heure de la bouffe, quand vient, enfin, l'autorisation d'avaler quelque chose. Tous les midis, une barmaid, une Lituanienne, d'un bar du centre ville, m'apportait une énorme grillade qu'elle me découpait soigneusement et attendait qu'elle soit engloutie dans sa totalité. Ce bénévolat était son adhésion à la cause charitable, à ses frais, elle distribuait des gourmandises à chacun de nous. J'étais gâté avec ma grillade que la chambrée enviait. C'était la seule présence féminine dans ce monde d’hommes, qui dispensait un sourire équitable pour ne pas faire de jaloux, une petite lueur rosée dans un ciel bien gris. Puis l'ange a disparu comme il est venu. Nous retrouvions nos arias, nos mesquineries, nos bassesses ou nos silences boudeurs avec l'espoir de la revoir le lendemain. Calfeutrés dans nos draps humides aux odeurs incommodantes, nous nourrissions des rancunes et des déconvenues.

Nous avons passé un Noël frugal, à six, confinés dans cette petite pièce mal odorante. Le chirurgien nous a consacré quelques-unes de ses précieuses heures en nous offrant également le champagne. Ce fut un test pour moi, il me soumettait à la tentation et j’hésitais à m'en servir. J'ai eu droit à un verre que j'ai siroté à petites doses, craignant les effets indésirables dont il m'avait affranchi. J'étais saoul, l'esprit vaporeux, indisposé, j'ai mis des heures à récupérer. Il organisa ensuite un tournoi de dominos, dont il remporta toutes les manches. Cela avait la faculté de nous sortir des affres du quotidien.

Au bout de 33 jours d'hospitalisation, on m'annonce la bonne nouvelle : je bénéficie d'une permission de convalescence à prendre chez moi, 29 jours au total, c'est bon à prendre. Une seule ombre, je n'étais pratiquement jamais sorti de la chambre. J'osais quelques pas dans le jardin si minuscule que j'avais l'impression d'avoir fait le tour en un temps record. Ce n'était pas franchement la forme olympique, je me comparais à un petit vieux et j'eus honte de ma condition, surtout sous l’œil moqueur des plus valides.

Retour aux Ruines

J'empruntai la navette de la Légion, toute proche, pour me rendre au bureau des effectifs du PC et chez le fourrier afin de me rhabiller de neuf. Mon retour, le même jour, aux Ruines, fut réalisé sans anicroche. Ma chambre était dans l’état dans laquelle je l’avais abandonnée le jour de mon évacuation sanitaire. Du linge sale empuantissait la pièce.

J'y ai passé des nuits terribles. Cauchemars et hallucinations se succédèrent à des rythmes fréquents. Réveillé avec des sueurs froides, j’inspectais ma chambre d'un tour d'horizon visuel. Je me concentrais sur le moindre bruit extérieur, craignant une attaque des rebelles. Plaqué au mur pour éviter l’éventuelle rafale de l’ennemi à travers la fenêtre ou la porte. Mon pistolet mitrailleur trônait sur la table, chargeur engagé, prêt à faire feu. Il paraît que c'est un choc normal qui se produit à l'issue d’une manifestation psychique et émotionnelle intense. C'est à croire qu’inconsciemment, j'avais avalé tous les fantasmes du sergent légionnaire au cours du séjour hospitalier. Dans l'action il n'y pas la place pour la peur, tout au contraire, la conscience est claire et les scénarios de manœuvre pullulent, en quelque sorte, c'est le résultat d’un entraînement qui donne des réflexes spontanés, des mécanismes avérés. Heureusement, ces tourments n'ont duré que quelques jours et ne se sont jamais plus manifestés.

La table des sergents est vide, les chefs m'ont invité à la leur, d'ailleurs je suis des leurs depuis le Jour de l’An, par ma nomination au grade de sergent-chef. Macquel est là, lui aussi récompensé. Genon, Panteix sont en permission. Le chef Sabrié entretient une réelle ambiance qui a pour effet d'effacer nos idées morbides. L'adjudant "Pâte-la-lune" n'est pas en reste, ainsi que les anciens de la campagne d'Italie, complètement déchaînés. C’est une ambiance de fête que rien ne peut troubler. Les cadres musulmans sont de service, ils ne sont pas de la fête, on leur doit d’être protégés pour 24 heures, viendra leur tour à l’occasion d’une fête musulmane à laquelle les Européens assureront leur protection, juste retour des choses.

Convalescences

Le 8 janvier 1960, la permission de convalescence en poche, je prends le train pour Alger. La valise est lourde et tire sur les cicatrices abdominales et dorsales, la jambe gauche est encore enflée et me fait souffrir, le genou droit me brûle intensément. Je ne sais si je suis physiquement apte à partir en congé. Est-ce une folie de faire ce long voyage ? Le lendemain j’emprunte l'avion à Maison-Carrée, direction Paris. Cinq heures de vol dans un Bréguet « deux ponts ». J'ai la chance d'être accompagné par un lieutenant du Génie qui à la vue de mes grimaces, s'est chargé spontanément de s’occuper de mes bagages. Ouf ! Quel soulagement, je n’en pouvais plus.

Paris, 4 heures du matin, les rues étrangement désertes sont brillantes d'humidité sous une lune généreuse. Le train est à 8 heures, le lieutenant m'accompagne jusqu'à la Gare de l'Est et me sert toujours de porteur. Il a laissé ses bagages à la consignes pour cette action. J'ai une profonde reconnaissance pour cet homme qui a compati avec sincérité et par un acte généreux. Les adieux sont faits sur les quais, il me quitte à regrets, moi aussi, car j'éprouve un sentiment de respect face à son désintéressement.

Gare de Sedan, aucune connaissance en vue, je respire. L’autocar pour Mouzon est là. Personne de cette ville, tant mieux, je n'aurai pas à débiter mes épreuves. Terme du voyage, devant le café de la Promenade, sur la Route Nationale, je suis le seul à descendre du bus. Le chemin à pied qui conduit au domicile de mes parents est long. Devant l’énormité de la prouesse, je décide de visiter mes grands-parents à mi-parcours. Dix arrêts ont été nécessaires avant d'y parvenir, je n’en pouvais plus. La cheville violacée débordait sur la chaussure. Trempé par la transpiration, malgré le froid, je me mordais les lèvres pour ne pas hurler de douleur. J'avais l'impression que les plaies s'étaient déchirées. Pour ne pas être vu dans ce piteux état, j'optai pour un raccourci à travers les jardins. J'ai regretté quelque peu ce choix qui m'avait maculé de boue les souliers et mouillé le bas de mon uniforme. Devant la porte de mes aïeux, haletant, je tente de reprendre le souffle, de calmer le rythme cardiaque, de gagner un peu en dignité et surtout de donner une apparence altière. Ce fut long avant de me résoudre à frapper l’huis. Après plusieurs heures passées à leur domicile, je me décide à gagner celui de mes parents, mais sans la valise.

Un mois de congé, c'est vite passé, d'autant que j'avais été particulièrement gâté par la famille. Un revenant, dans un état, somme toute, pas si effroyable que cela, reprenant vite des forces et une mine moins décharnée. Après les présentations obligatoires auprès de la gendarmerie, ce qui ne me pesait pas outre mesure, j'ai pris plaisir à bavarder avec les gendarmes au passé militaire digne d’intérêt. J'ai sollicité un bilan de santé à l'hôpital Legouest à Metz, d'où à mon grand étonnement, on m’a gardé un mois en surveillance médicale et à subir des examens complémentaires. J’appris que c’était dans le but de passer devant une commission de réforme.

Pour ne pas éveiller mes parents sur une quelconque inquiétude concernant les réalités des risques encourus lors d’un séjour en AFN, j’avais simplement évité d’aborder le sujet des hypothétiques victimes mouzonnaises qu’aurait engendré cette guerre absurde. On n’en parlait pas, et pour cause…il n’y avait rien à en dire ! Le froid humide, la santé pas encore florissante, les camarades encore sous les drapeaux ou tout simplement mariés, firent que ma question demeurait sans réponse. Ce sont les gendarmes, qui au cours d’une discussion à bâtons rompus, me rassurèrent en précisant que j'étais l’unique blessé depuis le début des événements et que c’était heureux que ce soit bien un engagé qui payait le prix. Dans le cas d’un appelé, les médisants m’auraient traité de planqué… une seconde fois ! La problématique écartée, nous en rîmes sans retenue. Au bout d’un long silence, l’un des interlocuteurs lâcha le morceau : « Il y a quand même un mort ! » Puis à nouveau un silence qui indisposa l’assemblée. « Que racontes-tu ? il est de Douzy ! …enfin… il a fait ses études au cours complémentaire à Mouzon ! » nous asséna le second gendarme comme pour excuser la bévue de son camarade. Je ne savais quelle attitude prendre et n’osais poser la question. Au nom tout de même évoqué, parce qu’il fallait en finir, je leur dis d’avoir effectivement connu Jean-Claude Stoltz dans ce même établissement, mais la différence d’âge et de classe firent que nous n’étions pas liés par une amitié d’écolier. Jeune instituteur, son premier poste fut Mouzon, j’étais alors en plein conflit marocain. Stoltz, appelé au service, a fait les EOR puis a opté à sa sortie de l’école des officiers de réserve pour une unité parachutiste, il a rejoint l’Algérie. Au cours d’un service commandé, chef de convoi, le destin fit qu’un obus piégé mit fin à une carrière qui promettait d’être brillante. Ce garçon avait, malgré sa jeunesse, laissé un bilan associatif plus que remarquable. Comme dit l’adage : « Ce sont les meilleurs qui partent ! » et pour ce cas, je le confirme, comme je confirme pour Landréa (qui ne s’effacera pas de ma mémoire). Un autre point commun unissait ces deux êtres, c'étaient deux enfants uniques, uniques dans tous les sens du terme ; quand l'infortune s’acharne, ce n’est pas par hasard !

Hôpital Legouest

A l'hôpital de Metz, la chambrée de six comptait plusieurs gendarmes blessés lors des barricades du 24 janvier 1960 à Alger. Nous avons eu la visite du général Lecoq, Gouverneur militaire de Metz et Commandant la 6ème Région militaire. À cette occasion, l'un de ses officiers d'état-major, un chef d’escadrons, portant l'écusson du 2ème Étrangers de Cavalerie, m'évoqua ses souvenirs récents de Djelfa. Nous eûmes bien des anecdotes à échanger avant qu'il ne soit rappelé à l'ordre de poursuivre la visite dans d'autres chambres. Il mentionne, entre deux portes, la dernière action, mi-janvier, des deux régiments face à une bande de fells fortement armée. Ils ont laissé 68 hommes sur le terrain. Il me quitte à regrets… Je n’ai pas su si la bande, qui nous a agressés, avait été interceptée.

L'Echo d'Alger du 22 janvier 1960

À la fin de mon hospitalisation, un congé de convalescence d'un mois, à revoir à l'issue d'un nouveau bilan, me fut accordé. Décidément on ne me lâchait plus. Le gendarme, à l'occasion de ma nouvelle présentation, m'expliqua que cette fois le retour en Algérie était certain. Sa prophétie s'avéra fausse et j'ai repris un mois d'hospitalisation, à ne rien faire, en geôle en quelque sorte, ce qui m’occasionnait une surexcitation frisant l'incorrection, car je ne m'expliquais pas cet enfermement sans le moindre soin. La raison non expliquée : l’attente en vue du passage devant la Commission de réforme. Ce Conseil : une tartuferie de prétentieux investis d'un pouvoir qui les rendait insolents ; une sorte de tribunal où l’intéressé n'était pas autorisé à s'exprimer, ni lors de la visite devant l'expert médical, ni devant la sainte cène d’aréopages, anoblis par une fonction de censeurs. À l’annonce du verdict, j'ai seulement apprécié la reconnaissance de mon maintien au service, le reste étant une affaire de pingres attachés à un Etat qui se savait puissant dans sa décision arbitraire.

Caserne Ney

Pendant tout ce temps, n'ayant plus d’emploi au 4ème Tirailleurs, j’ai été muté à la Compagnie Administrative Régionale n° 6 à la caserne Ney à Metz. En effet au bout de trois mois d'absence du corps, la mutation tombe comme un couperet. Devant cet état de fait, dont je n'étais nullement responsable, je me suis braqué, posant insolemment, à plusieurs reprises, ma demande de mutation pour rejoindre le 4ème Tirailleurs. Cela a été long. Le rouleau administratif a de ces lenteurs quand des servants inopérants y mettent par surcroît de la mauvaise volonté, par esprit de contradiction ou par bêtise. C'est plus simple et plus efficace.

Epilogue