Djebels NADOR et TAKSEMPT. El ARICHA. Grand Charles

Mes premières missions en tant qu'observateur

Djebel Nador - El Aricha et djebel Taksempt - Visite du Grand Charles

Le 15 octobre 1959, j'effectuais ma première mission sur L21, une reconnaissance de la zone nord, avec le Capitaine MILLORY comme pilote. La tradition voulait que les observateurs débutants soient pilotés par des officiers observateurs-pilotes pour les mettre dans le bain, Le 31 j'étais "lâché" en reconnaissance à vue mais pas encore en opération. Les missions d'observation ou d'accompagnement de convoi se succédaient avec, le 16 novembre ma première opération en compagnie du Capitaine MILLORY. Le 25 novembre, alors que tous les équipages avaient fait une mission, une relève était demandée sur une opération de mon ancien bataillon où se trouvait mon commando. C'était à mon tour de partir, mais n'étant pas "lâché" officiellement sur opération, j'hésitais sur la conduite à tenir, le capitaine n'étant pas encore rentré de mission. Un de mes camarades plus ancien me conseilla d'y aller. Je pris donc mon sac à cartes, mon pistolet, une carabine US Ml à crosse pliante (armement normal de l'observateur) et je me dirigeais vers l'appareil d'alerte accompagné de mon pilote. Je rencontrais le capitaine qui rentrait et me demanda où j'allais. Je le lui dis, en lui précisant que j'allais sur une zone que je connaissais bien et sur mon ancienne unité. Il me demanda si je me sentais à l'aise et lui ayant répondu par l'affirmative, il me laissait partir pour ma première opération en solo. Ce fut mon "baptême du feu" aérien dans le djebel Nador. Les troupes au sol (trosol) avaient des fells en face d'elles et je les guidais au mieux pour qu'elles évitent de tomber dessus à courte portée. La fréquence air-sol sur laquelle je travaillais était écoutée à la salle opérations du peloton et le capitaine put suivre mes débuts. Au retour, le camarade qui m'avait conseillé de partir et qui m'avait également écouté me dit simplement: "c'était bien". A partir de ce jour je fus déclaré apte opérationnel et je pris mon tour d'alerte normalement.

Le 5 décembre 1959 je dirigeais un "bombing" d'entraînement de T6 dans le djebel. Le 9 décembre je partais en détachement à El ARICHA, sur les plateaux sud, à 1200 m d'altitude et 125 km au sud de TLEMCEN. Là, il y avait un L21 et un L18. J'y restai jusqu'au 25. Je faisais connaissance avec les chotts, anciens lacs à sec, dont les fonds, plats et sableux étaient entourés par la mer d'alpha, étendue semi-désertique où seul l'alpha poussait et était exploité avec des moyens rudimentaires. Une fois coupé, il était soit mis en bottes, soit utilisé pour faire des cordages de différents diamètres. Pour la mise en botte, il était comprimé dans une presse dont le moteur était un treuil motorisé par un âne. Pendant mon séjour, nous eûmes une chute de neige de 10 cm et c'était curieux de voler sur ce territoire du sud devenu tout blanc. Le barrage de barbelés se trouvait à environ 10 km et la frontière à 30. Entre les deux, une zone interdite dans laquelle nous cherchions des indices de séjour ou de passage des rebelles venus du Maroc. C'est dans cette zone que nous pouvions voir des arbustes, un peu rabougris, commencer à repousser, preuve que la désertification pouvait être maîtrisée en limitant les activités humaines. Nous repérions les khaïmas pour essayer de suivre leurs migrations. Le 24, messe de minuit dans la chapelle du coin, presque trop petite pour accueillir tous les fidèles. Le 25, retour à ZENATA en L21. Encore deux missions et départ en permission. C'est au cours de celle-ci qu'Anne-Marie m'annonça sa décision de rompre. Trou noir ….

khaïmas

Avant mon départ en permission j'avais prévenu le capitaine que j'allais demander mon affectation au peloton puisqu'il y avait une place libre d'observateur affecté (Dans chaque peloton, il y avait des observateurs affectés et des détachés momentanés de leurs Corps de troupe). Il m'avait donné son accord. Au retour de permission, je lui présentais ma demande, mais il m'annonçait que la place avait été prise par un autre camarade qui ne s'était pas manifesté avant. Je lui rappelais qu'il m'avait donné son accord et que je trouvais ces méthodes un peu cavalières. Il m'aiguillait alors sur le 2° peloton, détaché à la 13ème Division à MECHERIA (sud oranais) et où il devait aussi y avoir une place. J'écrivais au capitaine Niney commandant le 2ème PMAH / 12 pour lui demander son accord. Sa réponse étant positive, je rédigeais ma demande et la faisais partir sans attendre. En janvier 1960, mauvaise météo, une seule mission et un total général de 85 heures de vol de guerre n° 2 en 41 missions. Puis en février les vols reprirent leur fréquence normale. Les R.A.V succédaient aux P.T.S. et aux OPS. Le 6 février, au cours d'une PTS dans le djebel TAKSEMPT au sud est de TLEMCEN, je découvris une bande rebelle en avant du ratissage. Je commençais par faire tirer la patrouille de T6 qui était sur les lieux, puis une patrouille de "mistrals" s'annonça. Je la fis tirer immédiatement car son potentiel sur zone était des plus réduit. Ils tiraient au canon de 20 mm mais étant donnée leur vitesse ils n'avaient pas la précision des T6. Enfin un "hélicoptère canon" (aussi appelé Mammouth), Sikorsky H 34, de l'armée de l'air arrivait pour prendre part à la fête. Malgré son nom, cet appareil n'avait qu'une triplette de 7,5 mm (3 mitrailleuses de 7,5 montées sur le même affût en sabord). Je lui marquais l'objectif à l'aide d'une fumigène, lui passais les corrections et guidais son tir après chaque rafale. Il décrivait des cercles autour de l'objectif en l'arrosant copieusement. Les troupes amies arrivant à proximité, je faisais cesser le tir et les guidais vers les rebelles allongés. Pour ne prendre aucun risque, les trosols "allumèrent" encore les fells qui, pour certains, étaient déjà morts. A mon retour à la base, je fus chaudement félicité par un camarade qui avait suivi toute l'affaire à la radio et qui comparait mes guidages à un reportage radiophonique d'un match de foot.

Les missions s'additionnaient et j'arrivais à 119 heures de vol de guerre n° 2 en 55 missions fin février. Le 3 mars, j'eus la possibilité d'effectuer un vol d'entraînement sur un Nord 3400, nouvel appareil français destiné à remplacer les Piper L21 ou Cessna L19. Monomoteur à ailes hautes, il était plus grand que ses prédécesseurs. Doté d'un moteur Potez, 4 cylindres en ligne inversés, de 260 CV avec compresseur et hélice à pas variable, il atteignait les 200 km/h et pouvait atterrir à 90 grâce à ses grands volets. Sa cellule plus large pouvait accueillir un brancard à l'arrière, Cette même largeur avait obligé ses concepteurs à rendre tournant le siège de l'observateur et à prévoir des balconnets latéraux pour faciliter l'observation vers le bas, de plus une troisième place était prévue en secours mais orientée vers l'arrière avec un siège très bas, elle était inconfortable. Les deux membres d'équipage disposaient d'urinoirs, ce qui était intéressant pour les missions de longue durée (ma plus longue mission en L21 avait atteint 4 heures 50 .!...). Par contre le moteur en échappement libre était très bruyant et pénible à la longue, même avec le casque. Pour les pilotes c'était un pas en avant grâce au pas variable de l'hélice. Les premiers appareils de série se trouvaient à SIDI BEL ABBES où les pilotes étaient transformés sur la machine et où celles-ci faisaient du vieillissement accéléré. Je n'aurais pas la chance (ou la malchance ?), de voler opérationnellement sur cette machine, mon peloton restant jusqu'à la fin sur L21.

De Gaulle en inspection

Vers le 4 ou 5 mars 1960 visite du Grand Charles. Tous les officiers supérieurs de la zone ouest-oranais (ZOO) sont rassemblés sur la base de ZENATA. DE GAULLE arrive en hélico avec une escorte d'au moins 3 D.I.H. (Détachement d'Intervention Héliporté composé de 6 hélicos chacun). Les chefs de Secteurs lui rendent compte de ce qui se passe chez eux et je me souviendrai toujours de ce colonel qui eut le culot de dire : "Il n'y a plus de fellaghas chez moi, et quand on en trouve, ils viennent du secteur voisin". Je préférais de beaucoup la lucidité et la franchise du commandant du secteur de TLEMCEN qui, lui, annonçait : "On ne trouve plus de fells, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a plus mais sans doute qu'ils se camouflent mieux dans la population". Le Grand terminait la réunion en disant :(je résume) "Votre mission continue; prenez leurs armes aux rebelles; vous pouvez vous engager en mon nom, jamais la France ne quittera ce Pays". Sachant ce qui est arrivé après, on peut mesurer le cynisme du personnage et le peu de cas qu'il faisait de l'Honneur des officiers. Il re-décollait en caravelle escortée de chasseurs "mistral" au cas où ....