4e RTT - France
Libération de la France (1944 - 1945)
Embarquement pour la France
CAMPAGNE de FRANCE
L'Arrivée en France
La course au Jura
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Le voyage en mer s'effectue dans excellentes conditions. La mer est calme, le convoi s'étire. Dans le détroit de Bonifacio nous croisons un important convoi de cinq porte-avions sérieusement escortés. Nous apprenons que nous débarquons dans le Golfe de Fréjus.
Le 25 août aux premières heures du jour tout le monde est debout car on aperçoit la terre : "LA FRANCE". Déjà à 500 mètres des côtes, à 2 kilomètres à l'Ouest de Saint-Tropez. En quelques mots le Colonel GUILLEBAUD rappelle à tous la solennité de l'instant que nous vivons et puis en cœur nous chantons la Marseillaise et observons une minute de silence pour commémorer nos Morts.
La mer devient houleuse et le passage dans les L.S.T. qui doivent nous débarquer sur la plage même, est laborieux. Une secousse et nous voilà tous projetés sur la terre ferme. Nous sommes enfin en France. Une émotion profonde nous étreint.
C'est désormais sur notre Sol que nous nous battrons et il nous tarde d'en chasser à jamais l'Allemand.
Et c'est le début de l'épopée glorieuse de la 1ère Armée Française qui, sous les ordres du Général De LATTRE de TASSIGNY, en 8 mois de combats ininterrompus, nous mènera de la Méditerranée à Stuttgart.
Le repos c'est chose inconnue à la 1ère Armée, il faut sans cesse aller de l'avant et ne jamais laisser le temps à l'ennemi de se ressaisir.
Le Régiment aussitôt débarqué se regroupe et cantonne dans la région de Cogolin-Grimaud en attendant les véhicules qui arrivent à partir du 26. Notre 3ème D.I.A. débarquée depuis le 15 août a ajouté d'autres fleurons à sa Victoire : Toulon - Marseille.
Embarqué en camions, le Régiment se lance à la poursuite de l'ennemi qu'il faut gagner de vitesse. C'est la course au Jura. Les ponts sont détruits, mais l'on fait de longs détours et l'on passe quand même.
Le 28, le Régiment est à Mimet, le 29, bien qu'il n'ait pas participé aux combats pour la libération de la ville, un détachement défile à Marseille.
Prise d'Armes à Marseille libérée par la 3ème D.I.A.
Le 30, le Régiment traverse Aix-en-Provence - Meyzargues et Manosque. Nous distribuons toutes nos réserves de vivres aux enfants qui attendent au passage, mais nous sommes bombardés par des paniers de fruits qui sans doute marqueront ce jour-là à plus d'une table. Un boulanger nous arrête et nous donne des boules de pain blanc parfumées à l'anis, nous disant : "Aujourd'hui mon four travail pour l'Armée d'Afrique, j'avais une réserve de bonne farine que je gardais pour aujourd'hui". Plus loin une jeep dépasse un groupe de cyclistes. Nous faisons un geste d'amitié. Une jeune fille se détache et s'accroche au véhicule : "Mais vous êtes Français ? - Elle faillit s'évanouir - Plus loin encore une bande d'enfants barre la route en agitant des drapeaux, une maman élève sa fillette jusqu'à nous et lui dit : "Tu embrasses un soldat Français, tu entends un Français, souviens-toi de cela pour le dire à papa quand il reviendra d'Allemagne".
Et chaque village, chaque rencontre nous apportait une réception de plus sur cette attente. Et toute cette exaltation sous un ciel magnifique, dans un décor sans cesse renouvelé et surprenant de beauté.
Après Manosque, c'est la vallée de la Durance, nous faisons un crochet par Gap. Du col Bayard, nous descendons sur le lac de Corps et par Mens-Lamure nous arrivons à Laffrey où nous passons la nuit.
Le 31 août, par Voiron, nous atteignons les Albrets où nous trouvons tout un Etat-major F.F.I. qui, nous renseigne sur la situation de l'ennemi. En fin de journée les Bataillons sont à Morestel, Belley et au carrefour d'Ambérieu.
Le 1er septembre, couvert à l'Est par le cours Sud-nord du Rhône, en aval de Genève, par la frontière Suisse et par les patrouilles blindées du 3ème R.S.A.R., en liaison à l'Ouest avec les unités U.S. au contact devant Bourg, le Régiment déplace son centre de gravité de Belley à Nantua. A chaque carrefour une population enthousiaste nous attend, couvrant de fleurs nos jeeps, nos Dodges, nos G.M.C.. Notre passage à Hauteville, paisible cité de Sanatoria provoque une explosion de joie, les infirmiers, les malades, nous acclament, rient et chantent.
Le 2 septembre, le Régiment fait un bond de 50 kilomètres. Les Allemands sont signalés à Saint-Laurent du Jura et à Morez, à une trentaine de kilomètres au Nord de Saint-Claude. Le Régiment a l'ordre de ne s'engager qu'avec prudence étant donné l'éloignement considérable des bases (Marseille). A 8 heures du matin, le 2/4 en entier est à Longchaumois, à 14 kilomètres au Nord de Saint-Claude où il s'installe en point d'appui fermé en attendant le résultat des reconnaissances blindées. Pour comprendre le délire de la population de Saint-Claude au passage des Spahis, des Tirailleurs et des Artilleurs de notre avant-garde, il faut se rappeler que nous sommes au cœur de la région la plus douloureusement éprouvée par les représailles de l'occupant. Il faut avoir vu les ruines du village de Dortans où la population exterminée ou dispersée a tout perdu. Ceci explique largement que la pluie battante n'ait pas découragé les braves gens qui font la haie depuis l'aube, ne s'absentant que pour renouveler leurs bouquets de fleurs ou leurs rares provisions qui sont données de force à nos tirailleurs. Il est impossible de traduire toute l'intensité de l'émotion qui étreint civils et militaires. Nos Indigènes en sont surpris et ces manifestations répétées, ces récits de crimes commis par les Allemands, provoquent chez eux une sourde colère.
Le Sous-préfet de Saint-Claude a organisé la réception qui nous attendait. Il est le Chef F.F.I. local, recherché depuis longtemps par les Allemands.
Nous apprenons que la ville d'Arbois, Besançon, le Camp du Valdahon et le Fort des Rousses, sont fortement tenus. Des éléments ennemis sont à Champagnoles, à Pontarlier et à Dôle, mais ils sont très faibles, démoralisés, ils fuient sur Belfort.
En fin de journée, le Régiment est échelonné sur 60 kilomètres de profondeur entre Longchaumois et Poncin.
Le 3 septembre, la colonne blindée a franchi le col de Joux et est à l'entrée de Morez. Le 2/4 aperçoit des petites colonnes qui remontent la pente de la crête dominant Morez au Nord. Toutes nos armes tirent par-dessus la ville tandis que la population vient au-devant des chars pour leur signaler que les derniers allemands ont fui, abandonnant une vingtaine de blessés et malades et tout leur matériel.
Nos éléments pénètrent dans Morez, 29 prisonniers sont pris à l'hôpital. La colonne qui fuyait vers la Suisse à travers bois a réussi à s'échapper, mais 95 prisonniers sont entre les mains des F.F.I. du Fort de Rousses.
En fin de journée, le Général BESANCON et le Colonel GUILLEBAUD, suivis de leur Etat-major défilent dans la rue principale, sous les applaudissements d'une foule en délire.
Tandis que se faisait la libération de Morez, la progression des autres unités du régiment était ralentie par le manque de moyens de transport.
Le Bataillon CERUTTI est transporté de la cluse de Nantua à Lons-le-Saulnier que les Allemands ont évacué.
Bourg étant tombé aux mains des U.S., l'effort du bataillon TOCHON est axé sur la route de Lons-le-Saulnier.
La D.A.C. est répartie entre les bataillons, la C.C.I. est à Nantua. Le 4 septembre la course continue dans un enthousiasme fou que la fatigue n'arrive pas à apaiser. En fin de soirée le 3/4 est à Ornans. Aussitôt des bouchons sont placés sur les routes de Besançon en liaison avec les U.S. de Baume-les-Dames et de Pontarlier. Les blindés sont à Saules et à l'Est de Nods où ils entrent en liaison avec les F.F.I.. Ceux-ci signalent les Allemands en force au Camp du Valdahon et à Besançon.
Baume-les-Dames
Le 4 septembre à18 heures, le Colonel GUILLEBAUD reçoit un coup de téléphone de la receveuse des Postes de Baume-les-Dames. La garnison allemande ne compte qu'une quarantaine d'hommes.
Du fait de l'insuffisance de moyens de transport seul le bataillon TOCHON a atteint Ornans. Les autres bataillons sont à 20 et 30 kilomètres en arrière et toute la nuit les camions feront la navette pour amener le plus de monde possible.
Le 3ème Bataillon doit donc tenir Ornans en attendant leur arrivée. Une seule Compagnie, la 10ème, renforcée d'un groupe de mitrailleuses lourdes, d'un groupe de mortiers de 81 m/m, de 2 canons de 57 et d'un peloton de reconnaissance sera lancée sur Baume-les-Dames.
Une patrouille a été accrochée au carrefour d'Étalans à 19 heures. Qu'importe, il faut arriver à Baume-les-Dames. Le 5 à 1 heure du matin, la 10ème compagnie (Compagnie MOREL), quitte Saules sur camions. Elle est renforcée par 4 chars légers du 3ème R.S.A.R. et par 4 canons de 57.
En pleine nuit, sans éclairage, le convoi s'ébranle. Il y a 32 kilomètres à parcourir en zone ennemie. A 5 heures 1/2 on est en vue de la ville, le personnel est débarqué.
Le Doubs est là, à 200 mètres. Sur le pont, les sentinelles allemandes vont et viennent, insouciantes. Mais une charrette obstrue l'entrée du pont. Le Sergent CASANOVA et deux hommes réussissent à l'enlever sans éveiller l'attention du boche. A 6 heures, c'est l'attaque. Une section couvre les chars, les deux autres les encadrent, et, dans un concert de cris, de hurlements, de coups de feu, le pont est franchi et l'on monte vers le centre de la ville.
Les Allemands, surpris, sont cueillis dans leurs lits. Deux gros canons antichars sont détruits à la grenade. L'ennemi se ressaisit, les rafales de mitrailleuses ralentissent la progression, un char allemand, embossé près de la poste arrête net notre avance.
Le carrefour est là à 100 mètres et nous pouvons le battre de nos feux. Déjà 25 prisonniers ont été faits. Il est 7 heures. Si des renforts arrivent, on peut espérer avoir toute la ville avant le soir.
Les F.F.I. locaux du Capitaine BESANCON se joignent à nous et feront preuve d'un héroïsme splendide. Les heures passent, un deuxième char allemand nous arrose copieusement. La 9ème compagnie est enfin arrivée et essaie de prendre la ville à revers, mais sans succès.
A midi, un train de personnel et de munitions venant de Besançon arrive en gare. Nos petits chars s'en donnent à cœur joie et à midi 15, le train entier brûle. C'est un magnifique feu d'artifice. A 14 heures, 2, puis 4, puis 6 chars "Panther" arrivent sur la route de Besançon et font irruption dans la ville. Nos positions sont bombardées, mitraillées, c'est un enfer. L'infanterie ennemie débarquée de camions appuie les blindés.
Rester serait un suicide. C'est la mort dans l'âme qu'on doit décrocher. Mais comment faire, les chars allemands interdisent le pont et il faut passer le Doubs.
Grâce au dévouement du Sous-lieutenant COUDRIN, la moitié de la 10ème compagnie repasse le Doubs à l'aide de barques et l'autre moitié réussit à passer le pont. Tout le monde se regroupe en bordure du Doubs avec les 9ème et 5ème compagnies.
Mais qu'est devenu le reste du Régiment ?
Il est bloqué entre Ornans et Baume, car les Allemands, nous sachant à Baume-les-Dames ont modifié leur itinéraire de repli et la 11ème "Panther Division" emprunte l'axe Besançon - Valdahon, coupant ainsi nos arrières.
Le 5 septembre à 8 heures, le Capitaine TIERI quitte son P.C. pour vérifier l'installation de ses bouchons antichars. Il y va en jeep avec le Lieutenant BESANCON. Ayant dépassé la Verrière du Grisbois, ils se trouvent nez-à-nez avec un char lourd allemand qu'ils évitent de justesse, malgré les rafales de mitrailleuses; 50 mètres plus loin, surgit un autre char, le Lieutenant BESANCON qui conduit, l'évite aussi, la course s'accélère lorsqu'apparaît un troisième char, les balles claquent de partout, une forte secousse soulève le capot de la jeep, le Capitaine TIERI est projeté de son siège, mortellement atteint; le Lieutenant BESANCON, légèrement blessé. Poursuivi par les rafales, ce dernier réussit à atteindre Ornans vers 16 heurs.
Une de nos compagnies est encerclée pendant toute la journée à Étalans. Le 2/4 est en bouchon face au village. Le Bataillon CERUTTI est toujours à Ornans. La situation restera critique toute la nuit, mais le 6 au matin, le carrefour d'Étalans est repris et les communications assurées.
L'opération audacieuse de Baume-les-Dames a désorganisé l'ennemie, l'obligeant à modifier ses plans. Nos pertes ont été élevées, 13 tués, 53 blessés et 6 disparus, mais l'ennemi a laissé de nombreux morts sur le terrain et 63 prisonniers sont entre nos mains.
Le 6 septembre, le 4ème R.T.T. draine d'Ouest en Est les montagnes du Lomont dans le but de faciliter la manœuvre du 3ème R.T.A.
Par Lomont sur Crête, le 1/4 occupe sans incident Grosey-le-Petit, Grosey-le-Grand et l'important carrefour des six routes au col de Ferrières (cote 595).
Le 2/4, sous les ordres du Chef de Bataillon JOURNOUD occupe Randervilliers sur la route de Maiche.
Le 3/4, sous les ordres du Chef de Bataillon BRIE s'installe en cantonnement gardé au village de Lomont-sur-Crête.
Le 7 septembre, en fin de journée, nous apprenons que le 3ème R.T.A. a été sérieusement contre-attaqué avec des chars au Nord de Saint-Hippolyte entre Pont-de-Roide et la Suisse. L'ennemi veut donc défendre à tout prix "La trouée de Belfort".
Le 8, les Allemands essaient de reprendre le carrefour de six routes au col de Ferrières. Attaques et contre-attaques se succèdent, entièrement sous-bois, où la surprise joue alternativement pour l'un et pour l'autre. Finalement le 1/4 reste maître du col et du carrefour des six routes. Si nous avons 4 tués dont l'Aspirant SEGUIN et 31 blessés, nous avons capturé 25 prisonniers.
La période du 9 au 12 septembre est caractérisée par une série d'opérations locales pour faciliter la manœuvre du 3èem R.T.A. en direction de Pont-de-Roide, Montbéliard. La progression est lente. Successivement Lanthenans, Hyemondans, Sourans, Goux, sont occupés après de durs combats. Nous avons à déplorer la mort du Capitaine MEYER.
Pont-de-Roide
Trois jours de combats seront nécessaires pour faire tomber Pont-de-Roide, jolie petite ville baignant ses maisons dans le Doubs.
C'est que les Allemands veulent défendre Montbéliard et Belfort, et Pont-de-Roide est un des verrous protégeant Montbéliard.
L'opération est menée par le 3/4 appuyé par 4 T.D. Elle aboutira à la prise de la ville en fin de journée après un premier échec dans la matinée.
Le 12 septembre, avant le lever du jour la 10ème compagnie est toujours sur la rive droite du Doubs. La 9ème compagnie se glisse en lisière des bois vers la gare, et la 11ème se porte sur le passage à niveau. Les T.D., qui doivent les appuyer ne sont pas en place et l'opération est retardée.
A 9 heures, l'ennemi qui s'est rendu compte du mouvement déclenche des tirs puissants d'artillerie et de mortiers, l'Aspirant ALBANO et le Capitaine ROUVIN sont blessés. La 9ème compagnie doit se replier, sur la ferme du Petit-Lomont. La matinée se termine par cet échec.
A 13 heures, la compagnie ROREL franchit le Doubs pour occuper le passage à niveau au Sud de la ville où elle rejoint la section COUDRIN restée initialement sur la rive gauche.
Vers 15 heures, le Maréchal-des-logis ROLAND du 7ème R.C.A. se rend en civil visiter Pont-de-Roide. Il y a paraît-il peu d'Allemands.
A 16 heures, après une violente préparation d'artillerie, l'attaque est lancée avec l'appui de 4 T.D. A 17 heures 30, la 10ème compagnie, après une manœuvre hardie pénètre dans Pont-de-Roide, y faisant 64 prisonniers. Cependant, il est impossible de pousser plus avant car l'ennemi est maintenant très solidement installé et Vermondans tient toujours.
Les derniers combats menés sans interruption ont fatigué nos hommes. De plus en plus l'ennemi réagit énergiquement à nos actions offensives, n'hésitant pas à lancer de sérieux coups de boutoir.
Le Général GUILLAUME, Commandant la 3ème D.I.A. décide d'adopter une attitude défensive vigilante, pendant la période nécessaire au rassemblement des moyens pour pousser jusqu'en Alsace.
Le front se stabilise donc et pendant 15 jours, il ne se passe que très peu de choses. C'est, de part et d'autre des accrochages de patrouilles, des coups de mains et des duels d'artillerie.
Coup de main de la ferme Essalier
Le 26 septembre la Compagnie MONGE (3ème cie) exécute un coup de main sur la ferme Essalier. Le plateau dont cette ferme occupe la partie Sud-est est le seul où l'ennemi est très près de la route 73 et d'où il peut, à son aise, surveiller notre activité dans Pont-de-Roide. De plus, la possession de ce Mole de résistance nous est indispensable pour une action sur l'axe de la Vallée du Doubs. Enfin cette ferme est un objectif net de 300 mètres de nos avant-postes.
Des renseignements divers donnent tout le plateau comme relativement peu occupé mais les éléments qui s'y trouvent sont très actifs.
Si importance de cette ferme ne nous a pas échappé, l'ennemi ne l'a pas négligée non plus car ce n'est qu'après un rude combat que la 3ème compagnie, appuyée par les mortiers du 2/4 et des éléments de la C.A. 1, l'occupe en fin de matinée.
Mais à 20 heures 30, une violente contre-attaque surprend la compagnie MONGE et trente hommes sous le commandement de l'Aspirant DI CONSTANZA qui rejoignent les lignes. La progression de l'adversaire n'a pas été décelée en raison de l'obscurité totale et de son exécution rapide par trois directions à la fois. Le Capitaine est prisonnier avec son P.C..
L'affaire de la ferme Essalier est un échec. Elle se solde par 3 tués, 30 blessés dont deux officiers, 36 disparus.
Le 30 septembre le régiment est relevé par le 4ème R.T.S. et c'est un court repos dans la région de Saint-Hippolyte.
En 1 mois de combats, les pertes du régiment se sont élevées à 72 tués dont 3 officiers, 276 blessés dont 9 officiers et 72 disparus, dont 2 officiers.
CAMPAGNE DES VOSGES
Les opérations de la vallée de la Moselle
Le 2 octobre le Régiment est alerté pour faire mouvement à partir de 13 heures sur la région de Lure. Le déplacement s'effectue sans incident.
Le 6 octobre à 6h30, la 3ème D.I.A. engage ses Troupes à partir de la tête de pont de Rupt-sur-Moselle avec l'intention de déboucher en Haute-Alsace par Guebviller.
Le Régiment progresse sur l'axe Le Thillot, Cornimont, La Bresse pour prendre à son compte la défense du Col de la Grosse Pierre.
Le 3/4 alerté dans le courant de la nuit est arrivé à Saulx par l'itinéraire Corravillers, le Col du Mont des Fourches, la Roche. Il fait partie du Groupement du Général DUVAL. Sa mission est de progresser sur l'axe Ferdrupt-Remanvillers, en liaison à gauche avec le 2ème G.T.M. et à droite avec la 1ère D.B. en vue d'élargir au maximum la tête de pont et le déploiement de l'artillerie sur la rive Est de la Moselle.
Les Unités voisines n'ont pas pu avancer. Elles se sont heurtées au mouvement offensif de l'ennemi. Malgré cette situation stationnaire, le Bataillon BIE reçoit l'ordre du Général DUVAL de progresser. Les combats font rage sur toute la croupe qui domine Ferdrupt à l'Est où sont envoyés le 15ème Tabor Marocain et la Compagnie MOREL (10ème).
Vers 11 heures, la 10ème Compagnie est clouée au sol par des tirs puissants venant du bois et des rochers. Une heure après la 11ème Compagnie reprend la progression mais est stoppée à son tour.
A 14 heures, au moment où le 2/4 quitte son cantonnement pour se rendre à Rupt et en assurer la défense avec sa 5ème Compagnie, il n'y a plus d'espoir de réussir une action de surprise sans un appui de feux maximum.
Les Allemands réagissent vivement partout et en fin de journée le 3/4 se retrouve sur sa position de départ.
REMANVILLERS 7 OCTOBRE
La journée du 7 octobre est marquée par un des plus beaux succès auxquels le 3/4 nous a habitué.
Le 2ème Bataillon alerté pendant la nuit parle Lieutenant-colonel BAUNARD quitte Rupt à 10 heures. Il se porte sur le bois de Ravières par le Col du Mont des Fourches.
La mission est de s'emparer du Mont de Brécheux et de se rabattre ensuite sur Ramomchamp.
L'opération déclenchée à 15h30 se heurte au départ à une réaction violente de l'ennemi. Mais à 18 heures, l'objectif est atteint.
Le même jour, à 10h30, le 3/4 déclenche l'attaque de Remanvillers. C'est la Compagnie PERPERE qui mènera l'action, la 10ème Compagnie reste sur place en base de feux, la 11ème Compagnie reprendra le mouvement d'hier pour assurer la couverture à gauche.
Dès le début la progression est ralentie par les barricades, de la sortie Sud de Ferdrupt et les mines. Le déminage est immédiatement gêné par le tir des mortiers et des mitrailleuses ennemis.
La Section OLIVIER qui a réussi à s'infiltrer occupe le premier piton et ramène 25 prisonniers qui sont aussitôt employés à défaire les barricades.
L'avance sur la route reprend. Rapidement, la Section DICK occupe la scierie, mais elle est obligée de marquer un temps d'arrêt, les chars n'ayant pas suivi.
A 15 heures, la 9ème Compagnie, précédée des chars fonce résolument sur Remanvillers.
La précarité de la situation dans la vallée n'a pas échappée aux Allemands. Pour éviter l'encerclement, ils s'étaient repliés sur Remanvillers mais ils sont cueillis par es premiers éléments de la 9ème Compagnie au moment ou ils s'apprêtaient à abandonner le village.
Une reconnaissance de la Section DICK au Sud de la localité vers Lettraye se heurte à de puissants tirs de mortiers et d'auto-canons.
En fin de journée le Capitaine PERPERE n'ayant aucune nouvelle du char parti en reconnaissance sur les Crêtes au Nord de Remanvillers envoie une patrouille en direction de Lettraye. Elle revient peu après signalant que le char a été mis hors de combat par un Panzer-faust. Cette nouvelle est confirmée par les 30 prisonniers qu'elle a réussi à capturer au cours de sa mission.
Vers 18h30, la Compagnie MOREL vient renforcer la 9ème Compagnie avec 4 nouveaux chars destroyers afin d'établir un P.A. fermé à Remanvillers.
La nuit est coupée d'alertes par l'arrivée incessante d'Allemands qui se replient sur la localité venant surtout de la Crête du Cenan à l'Est. 107 prisonniers ont été capturés, ainsi qu'un important matériel, mais les pertes du 3/4 sont élevées : 7 tués, 37 blessés, 2 disparus.
LETTRAYE - 8 OCTOBRE
Le 8 octobre, tandis que le 2/4 reçoit l'ordre de nettoyer le Haut du Gramont pour couvrir à l'Est l'action du Sous-Groupement sur Château-Lambert, le 3/4 dirige sa 10ème Compagnie sur la montagne des Rochottes où elle arrive assez facilement. Cette action va permettre de couvrir la gauche de l'action principale menée par la 9ème Compagnie avec un appui de chars sur Lettraye.
Après une forte préparation de mortiers, l'opération est déclenchée à 10h30, elle aboutit à un succès total et relativement facile à midi. Il n'y a pas un blessé chez nous et nous cueillons une vingtaine d'Allemands au château qui domine la localité.
Le 2/4 parvient à 13 heures sans combat à Ramonchamp où se trouvent les Goums.
A 17 heures, après une violente préparation d'Artillerie sur Lettraye, l'ennemi lance une contre-attaque sur les deux rives de la Moselle. La 5ème Compagnie se replie. Le désordre gagne de proche en proche, les Allemands atteignent le Château de Lettraye, le pont coupé sur la Moselle, mais les Capitaines PERPERE et AUGE regroupent leurs hommes au Nord du village. A 19 heures, la 9ème Compagnie contre-attaque avec l'ensemble des forces disponibles et reprend Lettraye.
Les Allemands contre-attaquent de nouveau dans les mêmes conditions que la première fois. Il s'ensuit le même désordre amenant l'abandon complet de Lettraye.
Une deuxième fois, les Capitaines PERPERE et AUGE regroupent leurs hommes. Cette fois, la plaisanterie a suffisamment duré, les pertes du dernier repli sont sérieuses.
A 19 heures, les 9ème et 5ème Compagnies repartent à l'attaque et pour la troisième fois depuis la fin de matinée, le village est à nous, à l'exception de trois maisons où se sont barricadés les Allemands.
Le 9 octobre, le village sera entièrement entre nos mains. Le Régiment se porte alors dans la région de Vécoux.
Alors que tout le monde espérait un repos bien gagné, le Régiment est engagé dans une série d'opérations dans la vallée de la Moselotte. Les combats vont se dérouler entre 700 et 1.000 mètres d'altitude, sous une pluie incessante, sur des pentes raides au sol spongieux, face à un ennemi tenace et opiniâtre.
Après une avance des premiers jours, ce sera la guerre de position dans des conditions matérielles extrêmement pénibles.
Le Planois, Contréard, Lejole, la Piquanteroche, Côte 970, Haut de Presle, le Rondfaing, autant d'étapes qui, entre le 9 et le 13 octobre jalonnent notre difficile avance cers la Crète des Vosges.
Opérations dures, pénibles, en pleine forêt des Vosges où il fait nuit à 4 heures, et où les "Enfants du Soleil" se sentent comme écrasés par les énormes sapins et une nature qu'ils sentent hostile.
Le 14, malgré l'extrême violence des combats de Rondfaing, malgré la pluie et la fatigue des hommes, le Commandement est optimiste. Toujours en contact à très courte distance sous bois l'ennemi envoie sans cesse de nombreuses patrouilles qui s'infiltrent dans notre dispositif. Il en résulte pour tous, Gradés et Hommes, une pénible tension nerveuse que le mauvais temps rend encore plus dure.
Le 19 octobre, l'attaque est arrêtée sur tout le front de la 3ème D.I.A.. Cette fin d'attaque arrivant à la limite de l'épuisement des Tirailleurs provoque un soulagement général.
DÉFENSE DU RONDFAING
19 octobre au 2 novembre
Pendant ces quatorze jours le front restera sensiblement sans changement. De part et d'autre, l'activité de patrouilles, harcèlements incessants d'artillerie.
La pluie, le froid, la neige seront des ennemis aussi redoutables que l'Allemand.
Pas une maison, pas une ferme, tout a été brûlé.
Les Hommes doivent s'enterrer et le trou est immédiatement plein d'eau. Il faut abattre les sapins pour construire des abris en superstructure, tout cela à 50 mètres de l'ennemi.
Les Jeeps époumonées ne peuvent gravir les entiers boueux ou glacés et avec quelle satisfaction on voit réapparaître les "brels".
Un seul repas chaud par jour et il faut des heures pour qu'il arrive en ligne.
Les Tirailleurs exténués, à bout de souffle, tiennent par on ne sait quel miracle.
Le 14 octobre à 6 h 30, un crépitement nourri de mitraillettes mêlé à des détonations de grenades éclate autour d'un point d'appui occupé par 2 Groupes de la 1ère Compagnie et 1 Groupe de F.F.I.
Profitant de l'obscurité et du brouillard, l'ennemi réussit à s'infiltrer dans notre dispositif, parvient à hauteur de la Carrière et vers 7 heures, nos éléments sont pratiquement encerclés.
Tandis que nos tirs d'arrêt tentent d'enrayer la progression ennemie, le Capitaine LARTIGAU lance une attaque immédiate locale. L'opération menée avec une extrême vigueur ne dure qu'une demi-heure grâce à la fougue de nos Tirailleurs qui ont été splendides. De l'Observatoire on a pu voir une Caporal entraînant ses Hommes, les faire coucher derrière lui, puis, saisissant une grenade, se lever, la lancer sur un retranchement ennemi, et sur un geste, tous sauter, bondissant en avant sur la résistance.
Le point d'appui est dégagé et la position intégralement reconquise est rapidement nettoyée et solidement installée.
ROCHESSON
Le 2 novembre, le Commandement décide de reprendre les opérations dont le but lointain semble être la prise de Gérardmer mais dont l'effet immédiat est de fixer des troupes ennemies pour faciliter une action de grande envergure lancée plus au Nord par les Américains.
Enfin, il s'agit d'enlever à l'ennemi les observatoires qui lui donnent des vues sur Vagney et assurer la liaison avec la 16ème D.I. U.S. dans la région de Lethuly.
Le 3 novembre à 8 heures, après une nuit calme, l'attaque se déclenche comme prévu.
Tandis que les Tabors occupent la grange Pleinfaing, la lisière Nord des Charmes, la Compagnie BILLARD (2ème Cie) déclenche l'action qui aboutira en fin de journée à la prise de Rochesson.
A 16 heures, après une violente préparation d'artillerie, la Compagnie LARTIGAU (1ère Cie) par le Sud et la 2ème Compagnie par l'Ouest donnent l'assaut du village. Menacé de toutes parts, pressé par nos Tirailleurs qui dans un élan magnifique atteignent les premières maisons, l'ennemi abandonne Rochesson, harcelé par nos 105 qui pilonnent son chemin de repli.
Le 3/4 qui était au demi-repos est chargé d'assurer la liaison entre la 1ère Compagnie au Nord de la ferme de Frimont et les Goums qui sont au contact au Pont de la Goutte des Moinats.
Le 4 octobre, le nettoyage de Rochesson continue. Le dispositif est remanié en vue de l'occupation des côtes 1051 et 1013.
A 14 heures, le 1/4 lance avec l'appui des chars une reconnaissance sur les Quatre Sous. La scierie est atteinte sans difficulté lorsque subitement l'ennemi déclenche un violent tir de minen. Nos éléments sont obligés de se replier sans avoir pu dépasser le Rocher de la Vierge.
A 15 h 30, les reconnaissances vers 1.013 sont de retour. L'ennemi tient la croupe boisée entre le ferme Xatis et celle de Lemiarmont.
En fin de journée, le 3/4 se porte sur le Rondfaing pour y libérer le 2/4 qui doit participer à l'opération sur 1.051.
L'ATTAQUE DE LA COTE 1.051
Cette dernière opération offensive dans ce secteur sera caractérisée par l'âpreté des combats contre un ennemi fraîchement employé, n'ayant pas combattu depuis des mois. L'altitude, la montagne, la forêt, la neige, sont autant d'éléments qui aggravent la situation du Combattant. Sans doute nous n'aurons pas le prestige que confère une avance sensationnelle, mais le mérite est-il moins grand lorsqu'il faut lutter non seulement contre l'ennemi, mais aussi contre son corps et son esprit, qui se refusent lorsque la fatigue a dépassé les limites humaines. Et pourtant nos Tirailleurs vont attaquer avec succès.
Depuis le 22 octobre nous savons que la 296ème Division d'Infanterie de Norvège est venue relever les éléments allemands épuisés qui ont tenu le front après leur retraite du Sud de la France. Ces Unités sont rompues aux exercices sous bois, leur dotation en armes automatiques est très forte. Enfin leur équipement est adapté aux conditions du combat d'hiver en montagne, cagoules blanches, vêtements isolants.
De notre côté, les Troupes sont excellentes, mais elles se battent, sans désemparer, depuis la fin Août. Elles ont eu des pertes sérieuses. Les renforts n'ont pu profiter d'un repos pour fusionner avec les vétérans des autres Campagnes. Pour eux, la montagne est une amère déception, elle est rude pour ces Méditerranéens. La forêt épaisse et sombre ne manque pas de leur paraître hostile. Enfin, l'eau les envahit de toutes parts, la boue décuple la fatigue.
Le 2/4, cependant, attaquera avec mordant, multipliant les infiltrations dans une ambiance de solitude due à la pâle lueur qui est le jour. Aussi on peut se faire une idée de la tâche ingrate des Cadres Français, Officiers ou Sous-officiers.
Le 5 novembre à partir de 13 heures, le Bataillon JOURNOUD se met en place pour attaquer 1.050. L'heure "H" est prévue pour 15 h 30.
La 7ème Compagnie partant de la piste de Miarmont, Le Taxis, occupera 1.051.
La 5ème Compagnie derrière la 6ème s'établira solidement dans la région de 1.030.
L'Artillerie fera un pilonnage massif de 1.050 de H-30 à H et à l'heure "H" elle déclenchera un barrage roulant.
A 13 h 30, les Compagnies d'ébranlent. Il faut faire vite car il importe d'arriver à temps sur la base de départ pour pouvoir serrer au plus près du barrage d'artillerie. Les Hommes sont lourdement chargés de leur havresac, de leur armement, des munitions supplémentaires, des outils... La pente est dure à gravir, le sol détrempé et boueux, les pistes transformées en fondrières. Malgré la fatigue et les difficultés de toutes sortes, le Bataillon grimpe en hâte.
15 h 30, l'attaque se déclenche.
La 7ème Compagnie (ROBIN) n'a pas fait 200 mètres lorsqu'elle est accrochée par des résistances ennemies sous abris. Un premier essai de manœuvre par la gauche échoue. La bataille se prolonge, la lumière du jour décroit. Le brouillard tombe. Un char Sherman s'engage sur la piste médiocre à travers bois et crache quelques rafales de mitrailleuse. Des résistances ennemies se replient. La 7ème Compagnie peut progresser. A la faveur de l'obscurité les groupes s'infiltrent. L'ennemi débordé se replie. Toutes résistances cessent. La Compagnie ROBIN a atteint le mamelon Sud de 1.051 et s'y installe solidement.
Pendant ce temps, les 6ème et 5ème Compagnies progressent sans difficulté sur leur objectif. A 18 heures, la Compagnie BATTAS atteint les lisières des bois de 1.050 tandis que la Compagnie AUGE s'installe sur 1.030.
Ainsi au moment où la nuit tombe le Bataillon a atteint son objectif. La résistance ennemie a été faible, mais l'effort fourni par les Hommes a été remarquable.
Depuis 13 h30, ils marchent sans arrêt, ils arrivent épuisés sue l'objectif. Ils y passeront une nuit dure, sans pouvoir dormir car il fait froid, il pleut et ils n'ont aucun abri. A cette fatigue s'ajoute la tension nerveuse car il faut guetter, ne pas se laisser surprendre par l'ennemi toujours prêt à la riposte.
Le 6 à l'aube, à la faveur d'un brouillard très épais, les Allemands s'infiltrent entre 1.051 et la coulée de Lexatis.
A 7 h30, l'ennemi déclenche brusquement son action, attaquant à revers les 5ème et 6ème Compagnie. La surprise est totale. Les mitraillettes crépitent, les éclatements de grenades sèment le désordre parmi nos Tirailleurs. Nos armes automatiques sont impuissantes à arrêter l'ennemi qui est déjà au milieu de nos positions.
Des tirs d'artillerie sont appliqués vers le Sud-est. L'axe de l'attaque allemande passe dans l'intervalle qui sépare les 5ème et 6ème compagnies aggravant la situation de ces deux Unités. Une Section de mitrailleuses couverte par un Groupe de F.V. est complètement anéantie à la grenade : les 4 Tireurs et les 4 Chefs de pièce sont tués. Les Chefs de Groupe blessés et des 22 Hommes il ne reste que 4 survivants qui se replient sur la 6ème Compagnie.
Le Groupe Sud de la 5ème Compagnie a été bousculé à son tour. Cette fois l'intervalle entre les deux Unités est un trou aux mains de l'ennemi. La situation de la Compagnie AUGE est délicate. Ayant regroupé son Unité à la Clairière, le Commandant de Compagnie tente de reprendre la liaison au Sud en glissant vers Lexatis et les lisières du bois au Sud-est de cette ferme. Mais, l'ennemi les occupe déjà. Le Sous-lieutenant NAVAS est alors détaché pour essayer de reprendre le contact avec la 6ème Compagnie, mais en chemin, il sera fauché par une rafale de mitrailleuse, son corps ne sera retrouvé que plus tard sur la crête.
A 8 heures, le Capitaine SPITZ, Adjoint au Chef de Bataillon, accompagné du Sergent-chef MARCEL et d'un groupe de téléphonistes tombent sur une résistance ennemie en tentant de rejoindre la 5ème Compagnie par la piste de Letaxis. Un combat s'engage où le Sergent-chef MARCEL est tué et plusieurs Tirailleurs blessés. La Compagnie AUGE restera isolée.
La 6ème Compagnie ayant son flanc droit enfoncé retire sa Section installée sur 1.051 et marche vers le Nord pour rétablir la liaison avec la 5ème Compagnie. Mais en vain, car l'ennemi est au milieu de son dispositif. Il en résulte un combat décousu au cours duquel elle subira de lourdes pertes. Elle réussit tout de même à passer et à se ressouder au dispositif en rétablissant la liaison avec les Légionnaires sur la base de départ de la veille.
Le Chef de Bataillon JOURNOUD fait alors appel aux Goumiers. Un Tabor est envoyé pour colmater la brèche à la hauteur de la ferme Lexatis. Il sera sérieusement accroché dans sa tentative pour reprendre la position perdue.
Les chars légers demandés ne peuvent s'engager tant le terrain est détrempé. Ils s'embourbent et déchenillent avant d'arriver à pied d'œuvre.
Entre la ferme Lexatis et la 7ème Compagnie qui n'a pas été inquiétée, la Compagnie ROUVIN du 3/4 prend position tandis qu'un Goum s'installe à sa droite.
Dans le courant de l'après-midi, les combats seront intenses sur tout le front. En fin de journée le front est entièrement reconstitué. Le Tabor de la ferme Lexatis a pu se dégager. Nous conservons 1.013 (Légion Etrangère) - 1.020 (2/4) - Lexatis (Tabors) - Le bois au Sud de la ferme avec sa lisière Est (Compagnie ROUVIN - Compagnie ROBIN - Un Goum).
L'affaire a coûté 13 tués, 101 blessés et 21 disparus.
Sur la Roche des Ducs, la 3ème Compagnie occupe la Côte 842. Uns Section de la 2ème Compagnie, la flanc-garde à droite.
Le 7 novembre, le gros du 2/4 est retiré des lignes.
Le Chef de Bataillon Commandant le 3/4 prend le Commandement depuis Lexatis jusqu'aux carrières de Rondfaing avec son Bataillon renforcé de la 7ème Compagnie et d'un Goum.
La situation reste inchangée jusqu'au 12 novembre date à laquelle le 4ème R.T.T. se prépare à partir au repos à Plombières.
CAMPAGNE D'ALSACE
Le 2 décembre, le repos est bien fini. Après les adieux touchants de la population, le 4ème R.T.T. quitte Plombières à 7 heures pour un regroupement dans la région de Ventron où s'installent le P.C. du Régiment et le 1/4.
Les 2ème et 3ème Bataillons sont rapidement transportés à Oderen. Les routes sont coupées et c'est matériel au dos qu'ils arrivent à Fruth qui vient d'être libéré par le 7ème R.T.A..
Le Commandement veut exploiter le succès en poussant sur Munster par Sauwas et le Griebkopf, la ferme Schaffert, la Schweiselwasen, le Herrenberg, Mittlach et Metzeval.
Le terrain est abrupt, c'est encore la forêt des Vosges ensevelie sous la neige. La température moyenne est de -6 degrés. L'ennemi s'accroche à la route des crêtes et veut défendre Colmar à tout prix. Il tient le Griebkopf, calotte dénudée au milieu de la forêt et la ferme Schaffert qu'il a transformée en fortin.
LA FERME SCHAFFERT
Le 13 décembre, aux premières lueurs du jour, le 3/4 reprend sa progression. Il doit s'emparer de la ferme Schaffert. Une tentative de débordement de la Compagnie MOREL échoue. Les pentes qui, à l'Ouest, dominent le ferme, sont battues par des feux nourris d'armes automatiques ennemies.
A 11 heures, la Compagnie BATTAS du 2/4 tente de franchir la clairière Griebkopf, mais en vain.
Le Capitaine CHIGE qui a pris provisoirement le Commandement du 2ème Bataillon, lance prudemment ses Unités sur les Crêtes au Sud de Griebkopf pour s'emparer de la ferme Grieb afin d'aider le 3/4 qui est toujours devant la ferme Schaffert.
Trois échecs successifs permettent de situer les défenses ennemies, légères mais bien placées.
La Crête Sud-nord du Griebkopf est défendue par de grands flanquements d'armes automatiques et harcelée par des tirs nourris de minen.
A 18 heures, une ultime tentative est faite mais sans résultat.
Le 4 décembre, les chars qui étaient mis à la disposition du 3/4 pour l'attaque de la ferme n'arrivant pas, l'opération est remise au lendemain.
Vers 13 heures, le Chef de Bataillon JOURNOUD qui a pris le Commandement du 2/4 tente encore une fois de s'emparer de la ferme Grieb. L'action menée par la 6ème Compagnie échoue.
Dans le courant de la nuit du 4 au 5 décembre, 2 T.D. et 2 chars légers franchissent le carrefour de Runsche dominé par la C.A.C.
Le 5 décembre, à 8 heures, le 3/4 appuyé par les blindés lance l'attaque de la ferme Schaffert. C'est un feu d'enfer. Les panzerfaust menacent nos T.D., l'ennemi tient les hauteurs et par ses feux croisés interdit notre avance.
La 10ème Compagnie, durement éprouvée tente un dernier effort. Entraînée par un Chef magnifique, le Capitaine MOREL, gradés et hommes partent en hurlant et, à 10 heures, la ferme tombe, mais la Compagnie n'a plus que 60 Hommes.
A 13 heures, la Section de tête de la 11ème Compagnie occupe le chalet.
Dans le courant de l'après-midi, l'ennemi contre-attaque violemment la ferme Schaffert sans succès, mais il réussit à reprendre le chalet. Le 6 décembre dans la matinée, la 9ème Compagnie tente une action vers l'Est, mais elle ne peut déboucher, clouée au sol par des feux nourris d'armes automatiques.
A 14h 30, après une préparation d'artillerie massive, la 11ème Compagnie réoccupe le chalet, mais contre-attaquée aussitôt, elle est obligée de se replier sur la ferme Schaffert.
Nous sommes donc bien au contact de la ligne de résistance passant sur la ligne des crêtes où l'ennemi a décidé de se défendre farouchement.
Notre avance est stoppée. On s'organise défensivement. Entre le 7 et le 12 décembre, les 2ème et 3ème Bataillons sont relevés par le 7ème R.T.A. et s'installent à Echerry à 4 kilomètres de Sainte Marie aux Mines.
Pendant cette période le 1er Bataillon qui a été mis à la disposition du Groupement Hoggard connait des jours difficiles "Le drame du Hohneck".
LA MORT DU COMMANDANT JULIEN
Le 3 décembre à 7 heures, le Chef de Bataillon JULIEN, Commandant le 2/4, part en jeep sur la route des crêtes Kruth-Sauwas avec son Adjoint, le Lieutenant BESANCON, le Médecin Auxiliaire SCHLESSLINGUER du 3/4, son Chauffeur et un Secrétaire, pour y rencontrer le Commandant ACHTE et s'entretenir avec lui de l'appui que pourra lui fournir son Bataillon.
L'AFFAIRE DU HOHNECK
ou la "SIDI-BRAHIM DES NEIGES"
Le 4 décembre 1944, le 1er Bataillon est détaché du Régiment, mis à la disposition du Combat-Time n° 3 et reçoit la mission de relever au Hohneck un Bataillon du Régiment de Franche-Comté qui, audacieusement, s'est emparé du sommet dans la nuit du 3 au 4 décembre.
Le Bataillon a la mission de tenir le Hohneck sans esprit de recul... Il doit maintenir le contact car le Commandement espère voir s'ouvrir bientôt le col de la Schlucht, porte de l'Alsace.
Pour atteindre le Hohneck, le Bataillon traverse Gérardmer aux murs calcinés, s'enfonce vers Retournemer et son lac. Les plaques de neige marquent la prairie dominée par des sapins noirs; la boue est partout et l'on patauge dès qu'on quitte son véhicule. L'usine électrique et ses dépendances sont le dernier abri où l'on puisse vivre au sec et au chaud; après, c'est la montagne.
Au fur et à mesure que l'on grimpe, la neige s'affermit et s'épaissit; les sapins en sont lourdement chargés; les branches plient sous le faix et, parfois, déchargent brutalement leur masse blanche au passage des Hommes.
Les sapins disparaissent enfin pour laisser place au chaume... à une immensité blanche dans laquelle l'Homme enfonce jusqu'aux genoux puis jusqu'à mi-cuisse. De plus, un vent aigre et continu pénètre les vêtements, brûle les yeux et gêne la marche par sa violence.
Comment vivre dans ce désert glacé ? La tactique, ici, est fonction du thermomètre. On se bat où l'on peut vivre, dans les fermes, les hôtels.
Le 5 décembre à 17 heures, la 1ère Compagnie, commandée par le Capitaine LARTIGAU dépasse la ferme du Chitelet et marche sur l'Hôtel du Hohneck.
"Un guide, soi-disant familier avec la région doit nous conduire au sommet distant de 1.800 mètres environ.
Les Tirailleurs, qui marchent dans la neige depuis 7 h 30 sont déjà fatigués. La nuit tombe et un vent glacial soufflant en tempête nous oblige à garder les yeux à demi-fermés. La route des crêtes est franchie, la marche s'avère de plus en plus pénible. Le vent est si fort qu'il faut souvent se coucher pour ne pas être renversé ni glisser sur le sol gelé. Tout vestige de chemin a disparu. Cela dure de une heure à une heure et demie. Le guide que j'interpelle souvent me parait avoir perdu sa route... Les Tirailleurs épuisés et inquiets se massent autour de moi... Il est vingt heures; je décide de rebrousser chemin, mais nous ne pouvons retrouver les traces de nos pas et je dois me diriger à la boussole. Je finis par apercevoir la lumière du P.C.. Nous y arrivons fourbus".
Ainsi, dès le premier contact, la nature hostile empêché une simple relève alors que l'ennemi qui ne s'est point ressaisi, ne réagit pas.
Le 6, à 6 h 30 du matin, la Compagnie se remet en route; la tempête de la veille s'est apaisée, le temps est plus clair, et pour 8 h 30, le point d'appui est organisé à l'Hôtel du Hohneck et dans les annexes; les fenêtres sont des postes de combat, les caves, les chambres, sont aménagées pour la troupe.
Pendant ce temps, le P.C. du Bataillon, la 2ème Compagnie et le restant de la Compagnie d'Accompagnement s'installent au Chitelet. Les liaisons par téléphone et radio sont établies; tout va bien...
C'est alors qu'un brouillard épais s'étend sur la montagne, l'enveloppe, l'aveugle, l'isole et ne le lâchera plus.
Dans la nuit du 7 au 8, l'ennemi tente un premier coup de main. Lance-flammes, panzerfaust, sont mis en œuvre. L'ennemi, durement accueilli, se retire, laissant dans la neige les tâches sombres de son matériel et de ses tués.
Dans la matinée cependant, le ravitaillement se fait normalement; des patrouilles tâtent le terrain; le calme semble devoir durer; la neige à gros flocons.
A 15 heures, un canon allemand ouvre le feu à bout portant sur l'Hôtel principal, les obus trouent les murs, font un tué et 12 blessés.
Le téléphone apporte la nouvelle, le médecin-auxiliaire TARDIEU s'élance avec ses brancardiers. Il suit le fils téléphonique, le seul guide sûr. Au prix d'efforts surhumains, les blessés sont ramenés au P.C.. Les brancardiers ont dû s'allonger, se laisser glisser dans les descentes avec leurs brancards, pour ne pas renverser leurs malheureux camarades enveloppés dans leurs couvertures comme des cadavres dans leur linceul.
Et la nuit s'étend, épaisse et froide; derrière leurs murs déjà percés et par où s'infiltrent le vent et la neige, les sentinelles se recroquevillent tandis que les gradés de quart réchauffent à la cave, seul endroit où il y ait du feu, les arme automatiques que le gel rendrait inutilisables.
Le 9, à 4 heures du matin, nouvelle attaque; l'ennemi s'est approché à 10 mètres. Il est reçu à la grenade et se replie au bout d'une heure de combat.
A 15 heures, comme la veille, le tir d'artillerie reprend implacable et précis. Cependant, 14 Allemands se sont constitués prisonniers.
La nuit du 9 au 10 se passe dans le calme et la journée du 10 s'annonce bien.
Dans la matinée, le convoi de ravitaillement arrive sans encombre à la 1ère Compagnie. Le Commandant CERUTTI, affecté à l'Etat-major de la 1ère Armée quitte son commandement. Il accompagne le convoi avec le nouveau Chef de Bataillon, le Commandant BARTHELEMTY. Le Capitaine LARTIGAU est installé dans sa cave auprès d'un feu de bois qui chauffe à peine, mais fume beaucoup.
Le tour du point d'appui est très vite fait, mais il faut faire des acrobaties pour se déplacer. L'Hôtel est déjà démantelé, portes brisées, brèches dans les murs, amas de neige partout et bise qui souffle par tous les trous.
Une relève s'impose. Elle commencera dans l'après-midi avec une Section de la 3ème Compagnie, puis se continuera le 11 au matin.
Tout paraît normal et calme; la Section de la 3ème Compagnie arrive et procède à la relève. L'Aumônier célèbre la masse, mais aussitôt après son départ, la pièce ou le char allemand, on ne sait quoi exactement, reprend son tir au but sans qu'on puisse préciser son emplacement. L'artillerie amie arrose des emplacements possibles, mais sans résultats.
Un évènement inquiète cependant le P.C. du Chitelet : Un Caporal et un muletier qui ont traîné derrière le convoi ne sont pas rentrés.
Des rafales de minen se sont abattus sur le Chitelet pendant que des bois qui environnent cette ferme, partent de nombreuses rafales de mitraillettes.
Il est maintenant impossible de se rendre du Chitelet au Hohneck sans combat.
Les blessés qui s'y trouvent seront soignés sur place jusqu'à relève complète.
Dans le fond de la vallée, le Commandant du groupement voit difficilement le tragique de la situation. Il monte cependant pour le lendemain à 10 heures, une petite opération conjointement avec des chars et des éléments du régiment de Franche-Comté qui pousseront des pointes de part et d'autre du 1er Bataillon, celui-ci doit, par force s'il est besoin, réaliser la relève prévue.
En fait, l'action ne commence que le 11 à midi. les actions secondaires sont illusoires et les 2ème et 3ème Compagnies se battent seules.
L'Officier de liaison d'artillerie a été dans l'impossibilité absolue d'accrocher ses tirs. On entend à peine les arrivées, on ne les voit pas, la T.S.F. et le téléphone sont défaillants.
Vêtus de cagoule, nos hommes s'élancent, ils s'enfoncent dans la neige jusqu'au ventre, mais leur ardeur est extrême. Ils accrochent l'ennemi, le bousculent, va-t-il lâcher ? Ils redoublent d'efforts... Soudain, un réseau trop dense d'armes automatiques se dévoile par des crépitements continus, mais qui ne permettent pas, par suite du brouillard, de situer les emplacements exacts.
Les hommes sont cloués dans la neige striée de traînées noires dues aux éclatements incessants des minens.
Là-bas, la radio de LARTIGAU annonce une nouvelle, attaque ennemie.
Jusqu'à 16 heures, la bagarre continue avec plus d'acharnement, mais le froid fait son œuvre. Les armes ne fonctionnent plus. Les hommes tombent, glacés jusqu'à la moelle. Il faut rentrer dans l'étable du Chitelet où 200 hommes s'entassent les uns contre les autres, serrés autour des petits feux de bois juchés sur des pierres au milieu de la neige fondue.
Au Hohneck, on a attendu la relève avec impatience. A 14 heures, une forte compagnie allemande s'est portée à l'assaut, a échoué, recommence jusqu'à la tombée de la nuit, mais toujours sans succès.
Un obus a cassé l'antenne du poste de radio et mis trois mitrailleuses hors de service. Les munitions s'épuisent, les blessés encombrent la cave du P.C., le froid augmente, les aliments font défaut, il faut sucer de la neige pour se désaltérer, les communications sont rompues avec le P.C., mais le moral est bon, car la relève qui n'a pu se faire le 11 se fera certainement le 12, nous en avons l'espoir.
En fin, dans le fond de la vallée, les grands Chefs s'inquiètent, les voix se font dures, les ordres sont presque des menaces.
Il faut à tout prix relever la compagnie qui n'a pas été ravitaillée depuis le 10 décembre, mais la relève se fera cette fois par un bataillon du 7ème R.T.A. qui participera en même temps à l'opération du 12 décembre.
Dans la matinée, les tirailleurs algériens, en une longue file se présentent au Chitelet et s'entassent dans l'unique étable où il est maintenant impossible de circuler.
Quel désastre si un fatal obus perçait le toit léger de cette bâtisse ou 4 à 500 hommes sont pressés sans même pouvoir s'asseoir.
Fiévreusement les dernières dispositions sont prises. L'heure "H" est fixée, quand, à 12 h 30, un officier d'E.M. du Général Allemand se présente au Chitelet.
"Mon Commandant, un Officier Allemand est là avec le Lieutenant VITTRANT - Ils voudraient vous parler".
- Que désirez-vous ?
- Je viens en parlementaire vous demander la reddition sans condition du Hohneck.
- Puis-je parler seul avec mon Lieutenant ?
- A votre gré.
La conversation s'engage dans la pièce voisine.
- Qu'est-ce que tout cela ?
Ces allemands se sont présentés à nous avec un drapeau blanc. Le Capitaine m'a donné l'ordre de vous les conduire.
- Nous allions vous dégager à l'instant. Cette intervention va tout retarder. Pourrez-vous tenir encore demain ? Nous ferons l'impossible pour vous délivrer ?
- Nous tiendrons.
Un coup de téléphone à l'arrière : Le Hohneck ne se rendra pas. Le Commandant retourne auprès du Major allemand.
- J'ai consulté mes Chefs, le point d'appui sautera plutôt que de ses rendre.
- Je n'attendais pas d'autre réponse.
Puis l'Officier allemand parle des duretés de la guerre, il dit soudain :
- Quelles seraient vos conditions à vous ?
- Rendez-vous, il ne vous sera fait aucun mal et vous serez bien traités.
- Je n'ai pas cette mission, mais si vous voulez déléguer un Officier auprès de mon Général, la discussion n'est pas à rejeter.
Nouveau coup de téléphone à l'arrière; accord des Chefs.
L'Officier Allemand s'enfonçait à nouveau dans le brouillard, accompagné de l'Officier Français. Une sorte de trêve s'était tacitement établie. Chacun songeait aux combats des jours précédents, aux dernières paroles de l'Allemand : "C'est dur...".
Mais les heures passaient, plus de nouvelles des parlementaires...
Que s'était-il passé ? Ecoutons maintenant le Capitaine LARTIGAU raconter les événements de cette journée mémorable. Le brouillard est toujours très épais et une tempête de neige achevé de rendre nulle la visibilité...
"A 9 heures, l'Adjudant-chef FERRANDI signale qu'il aperçoit de son point d'appui, 4 allemands, qui se dirigent vers lui porteurs d'un drapeau blanc. Ils se présentent à lui et demandent à ma parler. Je les reçois à mon P.C..
C'est un Commandant, accompagné de 2 Lieutenants et d'un Adjudant-chef interprète. Ils me remettent un pli en Français et en Allemand me demandant de me rendre.
- Je refuse.
Ils me menacent d'un emploi plus massif de l'artillerie et essayent de me démontrer que ma position va rapidement devenir intenable. Ils savent très bien que je n'ai plus de ravitaillement. Tout en leur disant que j'en ai bien assez pour attendre celui que l'on ne peut manquer de m'envoyer, je pense à me servir d'eux pour établir une liaison avec le P.C. du Bataillon et faire connaître la gravité de ma position.
Je propose donc à l'Officier Allemand qu'il se rende auprès de mon Commandant pour lui faire ses propositions.
Il accepte mon offre de se laisser accompagner par un de mes Officiers.
Le Lieutenant VITTRANT, le Sergent PORCU et 4 hommes sont volontaires pour les accompagner. Je garde un des Lieutenants Allemands comme otage.
Les Officiers et Sous-officiers ont suivi anxieusement nos pourparlers, la reddition, après les assauts déjà repoussés, n'est pas de leur goût. Mon refus les rassure. Ils comptent sur moi pour poursuivre la résistance.
Une heure se passe, puis un homme de l'escorte arrive essoufflé. Le détachement a sauté sur des mines : L'ennemi a profité de la nuit et du brouillard pour disposer à tous les points de passage, des mines anti-personnel et anti-chars.
Le cercle est bien fermé autour du Hohneck. Des postes avancés ennemis surveillent les obstacles. En fait, deux Officiers Allemands ont été blessés. Le Lieutenant VITTRANT, le Sergent PORCU, quoique choqués, réussissent à atteindre le P.C. du bataillon.
Nous attendons l'attaque de dégagement, rien ne se produit, mais à 15 heures, l'artillerie allemande déclenche un bombardement plus violent qu'à l'ordinaire. Le Lieutenant VITTRANT dira plus tard que les allemands font volontairement trainer les pourparlers et mettent d'autres pièces en batterie pour mieux arroser la cible idéale que forment les ruines du grand Hôtel sur le glacis du Hohneck.
Selon les Allemands eux-mêmes, 240 coups furent mis au but entre 15 et 17 heures.
D'écrire l'état de l'Hôtel après ce déluge est impossible. Cadres et Tirailleurs sont splendides de courage. Le guet est assuré continuellement sous le bombardement par quelques Sous-officiers et Tirailleurs relevés quand ils sont blessés ou épuisés. En attendant leur tour de garde, les autres ne peuvent plus que se tapir à plat ventre dans les sous-sols. Le poste de T.S.F. est en miettes, la situation est intenable.
A 17 heures, le brouillard s'épaissit, les tirs de 88 cessent, mais ils sont remplacés par des tirs massifs et bien ajustés de 155. C'est cependant un soulagement dans notre enfer car moins de coups arrivent au but.
Vers 22 heures, VITTRANT rentre. Les Allemands n'ont pas voulu le reconduire au P.C. du bataillon; exténué, il rend compte que les Allemands veulent prendre le Hohneck à tout prix, qu'ils en ont les moyens. Le tir reprend et dure toute la nuit...".
Le 13 les tentatives de dégagement reprennent et 2 compagnies du 1/4 R.T.T., en liaison avec deux compagnies du 7ème R.T.A. repartent à l'assaut.
La neige était tombée toute la nuit, le premier objectif était atteint. Par temps clair, on aurait dû apercevoir l'Hôtel du Hohneck, mais la tourmente était telle, qu'on ne voyait rien, qu'on entendait rien.
La marche en avant reprenait, mais bientôt des feux nourris de mitrailleuses et de mortiers la stoppaient. Nos projectiles d'Infanterie étaient impuissants contre les casemates boches.
Ceux qui, d'en bas, suivaient le combat, s'impatientaient, mais les bataillons étaient dans un autre monde, un monde de froid, de neige, de mort.
Les hommes, cassés en deux, s'enfonçaient dans la couche mauvaise, y gelaient. A 17 heures, et après 6 heures de combat, les unités rentraient, ne maintenant que quelques postes.
Le médecin s'affairait, évacuait... Entre temps, deux volontaires se présentaient de nuit pour tenter une liaison avec le point d'appui et lui porter un poste radio. Malheureusement, ils ne peuvent franchir la ligne ennemie.
Que se passait-il au Hohneck ? Écoutons LARTIGAU.
"Le tir d'artillerie, commencé la veille au soir cesse brutalement à 3 heures. A 4 heures, les premières rafales de mitrailleuses crépitent, mêlées au bruit sourd des grenades. L'ennemi s'est approché à 20 mètres. Les panzerfaust font voler en éclats les restes des pans de mur. Deux compagnies allemandes sont lancées à l'assaut. La section MURAT sort et tente une contre-attaque. Elle est obligée de rentrer aussitôt. Il faut se défendre où l'on est. Je suis obligé de rationner mes hommes en grenades, ne les leur donnant que 2 à 2 pour qu'ils ne les jettent qu'à coup sûr.
Les Allemands tirent au panzerfaust sur toutes les armes automatiques ennemies dès qu'elles se dévoilent... Le Sergent LECA court d'embrasure en embrasure avec son fusil-mitrailleur tire une rafale, puis passe sans attendre le boche qui tire chaque fois dans l'embrasure qu'il vient de quitter.
Mais à ce jeux là on s'épuise.
Les mitrailleuses sont hors d'usage. Le médecin TARDIEU en démonte les bandes pour remplir les chargeurs des fusils-mitrailleurs.
A 6 heures, accalmie, les boches ont perdu 30 à 40 tués, abandonné des lance-flammes et d'importantes charges de dynamite.
L'Hôtel qui avait trois étages à notre arrivée est réduit au rez-de-chaussée, sa façade est aspergée par le liquide d'un lance-flamme qui, heureusement, n'a pas brûlé.
Vers 16 h 30, l'espoir renaît, des éléments sont signalés, se déplaçant vers le Hohneck. Une patrouille envoyée en reconnaissance nous déçoit : c'est l'ennemi.
A 18 heures, après avoir mangé un biscuit pour deux, nous nous préparons pour la nuit, le tir allemand reprend sans interruption. Si le secours n'arrive pas pour demain, il faudra tenter une sortie coûte que coûte".
Le 13 décembre aura lieu l'ultime tentative de dégagement.
Le Bataillon du 7ème Tirailleurs qui doit assurer maintenant la relève marchera doit sur le sommet. Les éléments disponibles du 4ème R.T.T. se portant sur se gauche s'empareront du haut du Falimont dont les défenseurs ont jusqu'à présent arrêté toutes nos tentatives de progression. Les chars qui, jusqu'ici enlisés dans la neige, n'ont pu prendre le moindre contact et ont fait plus de bruit que de travail, travailleront directement avec le 4ème R.T.T..
Chacun prend ses dispositions de combat. Le Capitaine BILLARD prêche à ses Tirailleurs la guerre sainte pour entraîner ses hommes au secours de leurs frères.
Un bulldozer précède la colonne de chars qui grimpe par un étroit sentier. L'apparition des chars sème la panique chez l'ennemi. Le haut du Falimont est occupé. La 2ème compagnie ramasse dans les casemates allemandes des armes automatiques à foison, des mortiers, elle demeure au prix de mille dangers car la neige a recouvert les pierres.
Le 7ème Tirailleurs couvert sur sa gauche, progresse péniblement, son élément de pointe qui compte quelques éléments de la 1ère compagnie appartenant à la section relevée le 10, approche de l'Hôtel... Les armes automatiques se taisent. A l'appel angoissée de l'Adjudant-chef VOISIN, une voix angoissée elle-même répond : Kom Kamerad...
Que s'est-il passé ?
"Après une nuit d'alerte, des marmitages irréguliers mais puissants, à 6 h 40 exactement, les premières rafales ennemies crépitent, beaucoup plus nourries que la veille.
L'obscurité est encore plus profonde, épaissie par un brouillard intense.
Pour comble de malheur, il n'y a pas de vent, ce qui va permettre aux boches d'employer leurs lance-flammes d'assez loin.
L'ennemi est beaucoup plus nombreux que le veille et tout autour de nous très proche.
Notre dernière mitrailleuse se détériore. Toute sortie est impossible, nous nous défendons avec nos dernières grenades.
A 7 heures, les lance-flammes entrent en action, les panzerfaust sont de plus en plus nombreux, les murs s'écroulent. On nu voit plus... Des hommes s'agitent comme des ombres dans les flammes, la fumée, la poussière.
A 7 h 15, les allemands parviennent à lancer dans le P.C. une forte charge de dynamite. Tout s'écroule. Les boches bondissent et font leurs premiers prisonniers.
Je n'ai presque plus de munitions, les flammes s'élèvent de tous côtés. La plupart de mes gradés ont disparu sous les décombres. Il y a de nombreux blessés, brûlés au visage surtout. Une horrible odeur de chair brûlée se répand, mêlée à celle de poudre. On n'y voit plus rien.
Je consulte le Sous-lieutenant COUDRIOU et le Sergent LECA. Comme moi, ils pensent que nous sommes perdus.
J'essaie de sortir avec COUDRIOU. Nous sommes renversés par les explosions des panzerfaust. J'arrive enfin à tomber entre deux lance-flammes, mais c'est pour tomber parmi les boches.
Je donne l'ordre de cesser le feu aux quelques Tirailleurs qui s'obstinent encore. Les boches nous rassemblent ivres de fatigue, les yeux pleins de larmes et le ventre vide.
Après avoir ramassé leurs morts et leurs blessés, ils s'occupent de nous. Nous sommes environ 50 : Le Lieutenant VITTRANT brûlé à la face et aux yeux, l'Aspirant DI CONSTANZO blessé au visage, l'Aspirant PASTOR blessé également à la figure et à la jambe, le Sous-lieutenant COUDRIOU blessé au bras; le Médecin TARDIEU a 7 éclats dans le corps; le Sergent PORCU a le visage brûlé et la jambe brisée. Presque tous les autres Sous-officiers sont blessés à la face. Un Tirailleur aveugle hurle. Nous avons tous le visage noirci, méconnaissable, des vêtements roussis et déchirés, des brûlures partout et... les mains gelées".
Longtemps personne n'a parlé du Hohneck - C'était une affaire malheureuse... cependant.
Quelle somme d'héroïsme a été dépensée en ces quelques jours !
Outre la 1ère compagnie portée disparue, les restant du bataillon a eu 118 pertes : tués, blessés ou gelés.
Les Allemands ont considéré leurs prisonniers comme des Héros.
Les journalistes Allemands ont raconté longuement cet épisode de la guerre.
Au Capitaine LARTIGAU qui lui disait simplement : "J'ai reçu l'ordre de tenir, j'ai tenu jusqu'au bout", un Général Allemand S.S. s'est écrié :
"Combien de sang a coulé au cours de cette lutte insensée".
Cet éloge arraché à l'ennemi, paie de bien des peines.
COMBAT D'ORBEY
Les 15 - 16 - 17 décembre 1944
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Le 3ème Bataillon du 4ème R.T.T., après les durs combats de Kruth, est regroupé le 7 décembre 1944 à Echery près de Sainte-Marie aux Mines. Un répit de quelques jours lui est accordé qui est mis à profit pour remettre de l'ordre dans les Unités et absorber un renfort de 240 hommes, venant de Tunisie. Ce renfort ignore tout de l'armement américain, pendant trois jours, il est instruit fiévreusement à son maniement.
Dans le nuit du 11 au 12 décembre 1944, le Bataillon est transporté à Lapoutroie qui vient d'être libéré. Il relève des éléments du 2ème G.T.M. sur le Grand Faudé (9ème Compagnie, Capitaine PERPERE) et dans la région de La Goutte et au-dessus de la Goutte (11ème Compagnie, Capitaine ROUVIN). La 10ème Compagnie, (Capitaine MOREL) est en réserve dans la région de Le Stouff.
Le 13 et le 14, on tâte le Boche. La riposte est vive. L'ennemi s'est renforcé et il s'organise.
Le 14 au soir, le Colonel GUILLEBAUD donne des ordres "Attaque le 15 décembre - Heure "H" : 9 h 30". Le 3ème Bataillon appuyé par le 3ème groupe du 67ème Régiment d'Artillerie et par un détachement blindé du 1er Cuirassiers commandé par le Capitaine DETROYAT attaquera sur l'axe Lapoutrole - Orbey. Il nettoiera Obey après après son débordement à l'Ouest par le 2ème Bataillon du 4ème R.T.T. et continuera ensuite sa progression sur l'axe Orbey - Rain des Chênes, objectif final.
Le 2ème Bataillon, à l'Ouest attaquera sur l'axe Le Creux d'Argent - Geisshof, afin de déborder Orbey par l'Ouest.
Le 1er R.T.A., à l'Est attaquera sur l'axe Hachimette - Trois Epis.
Le 14 à 21 heures, le Chef de Bataillon ACHTE donne les ordres suivants :
"L'effort principal sera fourni par la 10ème Compagnie appuyée par le détachement blindé. Après une préparation d'artillerie de 10 minutes, on tentera de forcer le passage du col".
"La 9ème Compagnie mènera une action de diversion et essayera de s'infiltrer directement dans les lignes ennemies sur l'axe Grand Faudé - Orbey".
La 11ème Compagnie abandonnant ses positions, passe en réserve, prête à appuyer l'action de la 10ème Compagnie en nettoyant les bois de la Came, où, si la 9ème Compagnie réussit ses tentatives d'infiltration, à exploiter en direction d'Orbey".
Le 15 décembre, dès l'aube, les premières mesures préparatoires sont prises.
Les chars arrivent.
Le temps s'annonce favorable, beau et froid, mais les chars ne pourront quitter les pistes car le sol est détrempé.
A 9 H 20, la préparation d'artillerie, renforcé par les tirs de mortiers et de tanks destroyers, est déclenché sur la région du col et du bois de la Came.
Le groupement "10ème Compagnie - Détachement blindé" monte vers le col et après la levée des tirs de mortiers, se lance à l'assaut. La réaction ennemie est violente. MOREL, à 10 h 30, réussit à s'emparer des deux premières fermes du col mais ne peut déboucher.
Les hommes sont cloués au sol par les tirs violents d'armes d'infanterie. tout mouvement des chars est sanctionné par le lancement de panzerfaust. Les pertes sont lourdes.
Sans désemparer, après l'échec de cette tentative de percée, la Compagnie ROUVIN (11ème Compagnie), appuyée par le feu des chars et des mortiers est lancé à l'assaut du bois de la Came qu'elle débordera par l'Est. Quelques éléments entraînés par des chefs énergiques atteignent la lisière mais en sont rejetés. La Compagnie se replie sur son emplacement de départ.
A ce moment PERPERE donne de ses nouvelles. Ses tentatives d'infiltration se sont heurtées à un feu serré de l'ennemi. Il n'a pu passer. On essayera alors de déborder le col par l'Ouest avec une section de la 11ème Compagnie appuyée de quelques chars.
Les chars utiliseront la piste directe "au-dessus de la Goutte - Col de Bermont". Celle-ci est si mauvaise que la section tente seule la manœuvre. Mais son action est enrayée par un feu violent.
Cela va mal. MOREL, qui a subi de lourdes pertes, a dû réorganiser sa compagnie à deux sections de F.V. au lieu de trois. D'autre part, les renseignements reçus des voisins ne sont pas plus favorables.
- Le 2ème Bataillon, à l'Ouest, et le 1er R.T.A. à l'Est n'ont pu déboucher.
Il est midi trente, on ne peut rester sur cet échec.
A 14 heures, l'affaire sera reprise par la 11ème Compagnie qui est disponible. ROUVIN tentera, une fois encore de s'emparer du bois de la Came en élargissant son mouvement débordant. Son action sera précédée d'une préparation d'artillerie sur le bois. Tous les mortiers du bataillon et le feu des chars appuieront cet assaut. Malgré la vigueur de la préparation, ROUVIN est stoppé à 50 mètres des lisières.
A 14 h 45, tout le bataillon est engagé à proximité de l'ennemi. Chaque mouvement d'homme est sanctionné par des feux d'infanterie. les chars ont pu se mettre à l'abri en contrebas et derrière un talus, mais tout char qui se montre est salué d'un coup de panzerfaust.
La situation est angoissante, l'attaque a échoué, les positions atteintes sont intenables, faudra-t-il se replier à la nuit ?
Chez les voisins il en va de même, on se heurte à un mur.
A 15 h 15, la situation n'a pas changé. Il apparait cependant que le feu diminue d'intensité. Un homme, deux hommes, trois hommes ont fait de courts déplacements... L'ennemi ne pas tiré.
On tentera d'avancer quand même, et c'est le départ. Le Sergent MOHAMED est avec son groupe dans le fossé de la piste "En avant, lui crie MOREL". Le groupe fait quelques mètres, le premier char avance aussi de quelques mètres et tire. Il est en pleine vue de l'ennemi... Pas de réaction... Le Lieutenant BUISSON, avec sa section, est à quarante mètres de bois. "BUISSON au bois". Il se dresse et à grands renforts de cris et de gestes, il entraine sa section qui se rue en avant et disparait dans le bois.
Sur la route, tirailleurs et chars continuent à avancer en hurlant et en tirant. Les maisons sont rapidement nettoyées. On en sort des boches hirsutes et blêmes. Deux cent mètres plus loin, BUISSON sort du bois avec une vingtaine de prisonniers, la lisière Ouest a été nettoyée. BUISSON se joint à la colonne qui s'élance dans une descente triomphale sur Orbey.
Des allemands se sont repliés dans les maisons, ils se rendent sans combat et sont renvoyés à l'arrière sous faible escorte car l'effectif est infime. Les téléphones sonnent encore sur les tables. Des mines sur le bord de la route sont prêtes à être posées. La surprise est totale.
Remomont est atteint, dépassé. Les habitants terrifiés sortent des caves et manifestent une joie délirante à la vue des Français. Un Alsacien, combattant de 39-40, arbore fièrement la Médaille Militaire et la Croix de Guerre. On lui confie quelques prisonniers qu'on ne peut renvoyer à l'arrière faute d'effectifs. On l'arme d'un pistolet boche. Il accepte cette mission avec enthousiasme.
A la nuit tombante, on entre dans Orbey. Le Commandant du Bataillon Allemand est fait prisonnier ainsi que deux Officiers. Il se fait tard. On doit prendre les dispositions pour la nuit. On s'installe dans les maisons du carrefour Ouest d'Orbey. Les chars appuient le dispositif. 60 prisonniers sont entassés dans une maison car, pendant la nuit, on ne peut songer à les renvoyer sur l'arrière. On se compte : quelque 60 hommes au total. la position est aventurée. La nuit sera sans doute dure mais il faudra tenir. Le Capitaine AUDIN, Adjudant-major du Bataillon, arrive avec des appareils de radio et une partie du personnel du poste de Commandement. La liaison est établie avec le Régiment. Peu après, le fil est poussé jusqu'au P.C., le téléphone est installé.
La piste La Poutroie - Orbey est le seul axe reliant le détachement d'Orbey au Régiment. C'est la circulation sur cet axe qui en assurera la sécurité. Des allemands désemparés errent dans la nuit. Ils sont faits prisonniers par les téléphonistes monteurs de lignes.
A 20 h 30, ordre est donné à PERPERE de se porter directement dans la nuit, des bois du Sud du Grand Fodey à Orbey et à ROUVIN, de rejoindre Orbey en suivant la piste qui vient d'être ouverte. PERPERE rend compte une heure plus tard qu'il n'a pu déboucher car, devant lui, l'ennemi tient toujours. Qu'il décroche et rejoigne Orbey par la piste. La nuit s'écoule sans incident notable, ponctuée par les rafales de mitraillettes et les éclatements des panzefaust.
A 1 heure, ROUVIN arrive; à 3 heures, c'est PERPERE; nous sommes maintenant en force. Le Bataillon est rassemblé dans un petit quartier du village, prêt à éclater le lendemain matin pour achever le nettoyage d'Orbey et continuer sa progression en direction de Faing.
Le 16 décembre à 7 heures, les ordres suivants sont donnés par le Commandant ACHTE :
"ROUVIN nettoiera le village d'Orbey, appuyé par une partie du détachement blindé. PERPERE, après une préparation d'artillerie et de mortiers s'emparera de Faing avec l'appui de ce qui reste du détachement blindé. MOREL restera en réserve".
A 8 heures, les deux attaques sont déclenchées.
ROUVIN entraîne sa compagnie à l'assaut des maisons qui doivent être enlevées une à une. Mais il est tué après, frappé d'une balle au cœur tirée à bout portant.
Quelques ilots de résistance tiennent cependant encore dans Orbey, la section THUAL, de la 10ème Compagnie est envoyée pour les réduire, appuyée d'un char. Celui-ci est frappé d'un coup de panzerfaust et flambe comme une torche.
Vers 10 heures, le Capitaine DU LATTAY arrive avec sa compagnie antichars régimentaire. Le matériel antichar n'ayant pas son emploi au cours de cette action, le Colonel a transformé la C.A.C. en une unité franche à la disposition du 3ème Bataillon. Avec trois shermans, DU LATTAY prend à son compte la réduction de es dernières résistances qui sont traitées à coups de 75 par les chars et assaillies par la C.A.C.. Les Boches se rendent, Orbey est entièrement nettoyé à 11 heures. 170 prisonniers restent entre nos mains.
PERPERE de son côté attaque également à 8 heures. Mais cela n'a pas marché. Il a amorcé la progression et s'est heurté à un feu dense qui lui cause des pertes sévères. Le Capitaine DETROYAT qui avait sorti la tête de son char pour mieux se rendre compte de la situation tombe frappé d'une balle en plein front. La progression est stoppée.
Il est cependant impossible de rester sur cet échec. L'offensive de Faing sera reprise dans l'après-midi avec des moyens plus puissants.
L'attaque sera déclenchée à 14 heures et sera menée par le C.A.C., la 9ème Compagnie, la 11ème Compagnie, la 10ème Compagnie restant toujours en réserve.
L'attaque démarre mais le boche tient en force. A 15 heures, devant l'inutilité des efforts, on prend des dispositions pour la nuit. Le Bataillon est épuisé.
Le 17 décembre, on reprendra la progression, mais au lieu de faire effort sur Faing, on attaquera sur les hauts du terrain sur l'axe Orbey - Rain des Chênes. PERPERE partira en tête et s'infiltrera jusqu'au Rain des Chênes.
La 11ème Compagnie les couvrira sur sa gauche et MOREL, en réserve, progressera derrière PERPERE. DU LATTAY et le détachement blindé resteront à Orbey et formeront bouchon face à Faing.
Précédée d'un tir d'artillerie, la 9ème Compagnie trouve le trou dans les lignes ennemies et s'insinue sans coup férir jusqu'à la hauteur des lisières du Rain des Chênes. A peine au cours de sa progression a-t-elle essuyé quelques coups de feu provenant de la Grande Vallée.
La 11ème Compagnie, à gauche, est soumise à un feu violent de chars ennemis au débouché des bois de Dougeherre et s'installe aux lisières.
MOREL arrivé à hauteur de la Côte 682 nettoie la Grande Vallée en la prenant à partir du Sud et se porte ensuite à hauteur du carrefour Bethléem. La garnison de Faing est complètement encerclée.
DU LATTAY et les chars sont alors lancés en avant pour nettoyer le village. Peu après le départ un char saute et empêche le passage des autres chars. Mais DU LATTAY se précipite quand même en avant. Il enlève successivement toutes les maisons, capturant de nombreux prisonniers et arrive au carrefour de Bethléem. Emporté par son élan, il le dépasse de 1 kilomètre sur la route des Basses-Huttes.
Il est encore soumis à une contre-attaque de chars allemands et doit se replier jusqu'au carrefour de Bethléem son objectif. Pendant la journée 90 prisonniers sont capturés.
En trois jours de combats ardents, le 3ème Bataillon du 4ème R.T.T. a réussi à conquérir les objectifs qui lui avaient été fixés, à détruire toutes les troupes qui lui avaient été opposées et à capturer environ 380 prisonniers.
50 tués et plus de 200 blessés furent la rançon de ce succès.
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Le 18 décembre, le 4ème R.T.T. atteint le Rain des Chênes et nettoie Faing où l'ennemi à opposé une résistance aussi opiniâtre qu'à Orbey.
Le 3/4 occupe dans le courant de l'après-midi Fontanelle, Tannach, la Côte 785 et installe un bouchon antichar au carrefour de Bethléem.
Le 19 décembre, le Groupement GUILLEBAUD maintient ses positions dans la région Nord de Preysines et du Bain des Chênes et se tient prêt à occuper les lisières Est et Sud-est du Noirmont.
L'ATTAQUE DU NOIRMONT PAR LE 2/4
A midi, la 6ème Compagnie progresse en direction des fermes de Noirmont. Deux Sections de la 5ème Compagnie par la route des Basses-Huttes, atteignent et occupent les trois fermes bers 16 heures. Vivement contre-attaquées, elles sont dispersées et coupées du Bataillon. Bien qu'encerclées, elles réussissent à rejoindre le Bataillon qui s'est regroupé sur la base de départ.
Le 20 décembre, le 2/4 repart à l'attaque du Noirmont avec l'aide d'un Tabor.
Malgré le mauvais temps et un brouillard intense, l'attaque se déclenche à 11 heures. Dès le débouché, la 7ème Compagnie se heurte à de nombreuses résistances isolées, bien abritées sous des casemates en rondins difficiles à repérer. L'ennemi a aussi juché des tireurs sur des arbres. Elle atteint malgré tout son objectif et la 5ème Compagnie attaque à son tour.
Les Allemands réagissent par une violente contre-attaque. Après un rude combat au cours duquel un Chef de Section et 39 Gradés et Tirailleurs des 5ème et 7ème Compagnies sont mis hors de combat, ces deux Unités doivent se replier. C'est alors que le Colonel GUILLEBAUD décide d'adopter une attitude défensive, face à Noirmont et de demander l'effort principal au 1er R.T.A..
Cette décision entraîne la relève du 3ème Bataillon par la 2ème et le glissement du 3ème Bataillon vers l'Est. La 11ème Compagnie progresse et occupe les fermes du Haut Virais et la Côte 640. Elle est remplacée sur ses emplacements par la 9ème Compagnie tandis que la 10ème s'installe vers 22 heures les maisons du Tonnach.
Ainsi d'achèvent ces rudes journées des 19 et 20 décembre 1944. L'ennemi qui en connaît toute l'importance a réussi à maintenir sa position du Noirmont, véritable Place d'Armes qui domine toute la cuvette d'Orbey. Mais en déplaçant vers l'Est l'axe de son effort le 4ème R.T.T. va permettre à ses voisins de progresser.
Une nouvelle et plus vaste manœuvre en tenaille se dessine de part et d'autre de Noirmont. Elle va provoquer de très vives réactions de la part des Allemands.
LES CONTRE-ATTAQUES ALLEMANDES DES 24 ET 25 DECEMBRE
Le 21 décembre le "Groupement GUILLEBAUD" s'organise défensivement. En fin de journée, la position du 2ème Bataillon du 4ème R.T.T. est jalonnée par les lisières Sud du bois de Steinmatt, la route de Païris à Bethléem et les lisières Sud du bois au Nord de la ferme du Rain des Chênes; celle du 3ème par les fermes du Haut-Chiais et de Rasmure Nord.
A l'Est le 1er R.T.A. s'est emparé de la Chapelle, mais les Goums du Colonel LEBLANC ont dû se replier sur les lisières Sud du bois du Lac Noir.
Pendant toute la journée, l'ennemi n'a cessé de bombarder nos positions. les pertes sont sensibles et les Tirailleurs sont fatigués.
Le lendemain, notre ligne de défense subit quelques fluctuations peu importantes; mais le jour suivant, on sent nettement qu'une attaque ennemie se prépare. de nombreuses patrouilles sont faites de part et d'autre et l'activité de l'artillerie est vive.
Le 24 décembre, à 8 heures, les Allemands déclenchent la première contre-attaque. C'est le 3ème Bataillon qui reçoit le choc.
Après s'être porté sur la Chapelle où le 1er R.T.A. doit céder du terrain, l'ennemi attaque brusquement la 11ème. Très vite, les 2 Sections de tête sont menacées d'être coupées du reste de la Compagnie.
La défense réagit énergiquement. Des tirs de mitrailleuses, un barrage de mortiers de 60 et de 81 et des tirs d'arrêt d'artillerie clouent au sol une partie des assaillants. Pourtant, des infiltrations se produisent dans nos lignes et le Commandant du 3/4 demande des renforts.
Ceux-ci sont accordés et la situation très critique jusqu'à 11 heures, s'améliore ensuite très rapidement. Mais à 14 heures, nouvel assaut allemand, cette fois sur le front tenu par le 2ème Bataillon.
L'ennemi opère avec sa brutalité coutumière et attaque simultanément la 6ème Compagnie et la C.A.C.. La brume a favorisé l'approche de nos positions, si bien que le tir d'arrêt n'a pu être demandé à temps et c'est un combat d'infanterie acharné et sanglant qui s'engage.
Il devient vite évident que les Allemands veulent reprendre Orbey.
La C.A.C. qui tient le carrefour de Bethléem se défend âprement. Des éléments d'infanterie ennemis appuyés par un char lourd et plusieurs canons automoteurs tentent de la séparer de la 3ème Compagnie qui occupe les lisières Sud du bois Nord du Rain des Chênes.
Après une lutte de 3 heures, les Allemands qui ont subi des pertes sévères, se retirent sans avoir pu aborder le carrefour de Bethléem.
Du côté de la 6ème Compagnie la lutte est aussi vive. La Section de droite, après une résistance acharnée au cours de laquelle tout son armement a été mis hors d'usage, doit se replier; puis, après une contre-attaque de la 3ème Section, la Côte 750 est perdue. Il faut faire appel au 1er Bataillon pour essayer de redresser la situation.
A 16 heures, la 2ème Compagnie en liaison avec la 3ème Section de la 6ème Compagnie monte à l'assaut de 750 qui est reprise, mais bientôt reperdue. Il faut se résigner à reculer mais la résistance reprend quelques centaines de mètres plus loin.
A ce jeu sanglant, les forces de l'assaillant s'épuisent et à 19 heures, les Allemands sont arrêtés au Nord-est de 750.
En définitive, le 24 au soir, l'ennemi a échoué sur le front du 3ème Bataillon. Il a par contre réussi à pénétrer dans le dispositif du 2ème et occupe une partie du bois Nord de la ferme de Rain des Chênes.
La nuit du 24 au 25 décembre est assez agitée. A 1 h 30, les Allemands reprennent leurs attaques sur le sous-quartier de la C.A.C. et sur celui de la 5ème Compagnie. Du côté de la C.A.C., l'attaque est arrêtée par de très violents tirs de mortiers et d'artillerie. Sur le front de la 5ème Compagnie, des infiltrations se produisent mais, finalement, à 4 heures du matin, la situation est rétablie.
A 7 h 30, la 7ème Compagnie part pour réoccuper 570 et le bois Nord de Rain des Chênes. Malgré une vive résistance, elle atteint le haut du terrain vers 10 h 30 et rétablit la liaison avec la 6ème Compagnie. Par contre, un trou subsiste du côté de la 5ème Compagnie et les infiltrations ennemies continuent en direction de Faing.
A 13 h 30, l'ennemi attaque de nouveau entre la 7ème et la 5ème Compagnie. La Section DUQUESNE de la 5ème Compagnie subit de grosses pertes et la 7ème, menacée d'encerclement doit céder du terrain. Elle se rapproche de la 6ème.
A 17 heures, le calme est revenu et les liaisons se rétablissent ou s'affermissent progressivement. Lorsque la nuit tombe, nous avons réoccupé entièrement la ligne tenue avant la contre-attaque allemande du 25. Il reste à chasser l'ennemi du terrain qu'il a repris la veille. Ce sera la tâche du lendemain.
Dans la matinée du 26, le 2ème Bataillon reprend sans grosses difficultés les positions qu'il occupait le 24.
Ainsi se trouve consacré l'échec des contre-attaques allemandes des 24 et 25 décembre 1944.
Les jours qui suivent sont calmes et les Hommes sentent leur fatigue. Le 31 décembre, le Général GUILLAUME adresse à tous ses vœux de nouvel an et nombreux, sans doute, sont ceux qui, rétrospectivement, songent à cette veille de Noël encore toute proche où le ciel était si pur, la nuit si froide, la mort si menaçante et le foyer si lointain.
Le 1er janvier 1945 est une journée très calme pour l'ensemble du front. On commence à parler sérieusement de relève, car les Officiers du 1er Régiment de chasseurs parachutistes sont arrivés à Orbey pour reconnaître le Secteur.
La relève a lieu effectivement le lendemain et le 3 janvier le 4ème R.T.T. est tout entier au repos. Il y restera à peine 48 heures.
LA DEFENSE DE STRASBOURG
Le 4 à 11 heures, le Régiment est embarqué sur camions et le point de destination est connu : Strasbourg. Pourquoi Strasbourg. Ce n'est qu'après coup qu'on apprendra la vérité.
Pour parer à la contre-attaque dans les Ardennes, le Commandement Américain a décidé d'évacuer l'Alsace et de s'accrocher aux Vosges.
L'Alsace va-t-elle retomber sous la coupe de l'Allemand ?
Cela ne sera que lorsque le dernier soldat Français aura péri les armes à la main.
La 3ème D.I.A. est chargée de protéger Strasbourg et le 4ème R.T.T. part le premier.
Le Col de Saales est franchi. Un spectacle désolant s'offre à nos yeux : Des deux côtés de la route, une file ininterrompue de civils est en route vers la Lorraine. Hommes, femmes, vieillards cheminent péniblement, portant sur leur dos ou traînant dans des charrettes de quoi vivre pendant deux ou trois jours. En nous voyant, ils relèvent la tête, un bref sourire illumine leur visage et ils repartent le dos courbé.
A 18 heures, on s'arrête à Lingolsheim, faubourg de Strasbourg. Le 5 au marin, on relève les quelques Américains qui restent encore. Au soir, le Régiment assure la garde du Rhin sur une longueur de 16 kilomètres. Strasbourg ressemble à une ville morte. Les habitants enfermés dans leurs appartements ne se risquent pas à sortir. Seuls quelques Gardes Mobiles circulent dans les rues où un épais tapis de neige étouffe les pas et les bruits. Le 6, les vieux copains des 3ème et 7ème R.T.A. arrivent et s'installent, l'un au Nord, l'autre au Sud de Strasbourg.
Le P.C. du Régiment est à Illkirch.
Le 1/4 s'installe à 2 kilomètres du Sud de Strasbourg sur la ligne Maginot, le 2/4 à Honheim, le 3/4 est à Strasbourg même.
Favorisés par la faible densité d'occupation, en particulier du 3/4, les Allemands passent le Rhin de nuit et ce n'est que grâce à une petite réserve motorisée et continuellement alertée que le Chef de Bataillon peut les rejeter. Les F.F.I., qui se sont mis immédiatement aux ordres du 1/4 rendent d'inestimables services en fournissant des postes de sûreté et des gardes aux différents détachements appelés à circuler au milieu des marigots. Le 1/4 leur conserve une précieuse amitié pour tous les services qu'ils ont rendus.
Le Commandement ayant décidé de tenter l'expérience d'un Bataillon de F.F.I. par Régiment de Tirailleurs, le 2/4 est dissous et remplacé par le Bataillon F.F.I. Garonne, sous les ordres du Chef de Bataillon DUPRE.
Le 7 est une journée relativement calme. Quelques patrouilles ennemies s'infiltrent dans nos lignes, mais elles sont rapidement repoussées. Des tirs de gros calibres harcèlent le port du Rhin, faisant quelques dégâts et causant des pertes au 3/4.
Au sud les Allemands se sont emparés de Rhinau, Frisenheim. Une quinzaine de chars ont vainement essayé de s'emparer d'Herbsheim, mais sans résultat.
Au Nord, la tête de pont n'est pas réduite, mais l'ennemi subit de grosses pertes.
En fin de journée, le dispositif du Régiment est remanié. Les forts d'Ulrich, Hoche et Lefèvre sont occupés face au Sud.
Entre le 7 et le 17 janvier, aucun événement important n'est à signaler, mais cette période est pour nos Hommes une période de garde le long du Rhin, dans des casemates à moitié démolies, par un froid toujours très vif. Le 17, la menace sur Strasbourg semble être écartée.
Le 18 janvier, le Régiment alors relevé par le 159ème Régiment d'Infanterie et la Brigade d'Alsace-Lorraine est dirigé sur les bords de l'Ill en vue d'aider le 2ème C.A. à la réduction de la poche de Colmar.
Enlevé en fin d'après-midi, le 1/4 s'installe défensivement à Matzenheim et Sand. Le 19, le P.C. du Régiment, les Unités Régimentaires, le 2/4 et le 3/4 font mouvement à leur tour. Le P.C. s'installe à Walf, la C.C.I. au village dz Westhousse, la C.A.C. à Kertzfeld avec le P.C. avancé du Régiment, le 3/4 à Benfeld et Huttenheim, le 2/4 à Semersheim et Kogenheim.
La neige tombe recouvrant de sa froide uniformité les rives de l'Ill. Dans les caves des maisons aux toits béants, nos Tirailleurs se protègent de la rigueur du froid et du bombardement. Dans Benfeld, des maisons flambent comme des torches, les autres voltigent tels des fétus de paille. Le clocher d'Huttenheim est transformé en écumoire. L'artillerie allemande, rageuse, s'acharne sur nos positions.
Dans la nuit du 23 au 24 janvier, une patrouille du 2/4, commandée par le Lieutenant PEYROUZELLE, franchit l'Ill en barque en vue de fouiller quelques maisons où les Allemands ont été aperçus. Elle prend pied sur la rive droite de la rivière, progresse lentement et lourdement dans la neige, quand soudain des rafales d'armes automatiques claquent. Le Lieutenant PEYROUZELLE rallie ses Hommes et regagne la rive. Les Hommes s'entassent dans la frêle embarcation et s'apprêtent à regagner rapidement Semersheim. Mais un tir de minen s'abat sur eux. La barque atteinte en plein milieu par un coup de minen coule à pic. Un seul Tirailleur parvient à regagner la rive gauche.
LA TETE DE PONT DE HUTTENHEIM
L'offensive engagée par le 2ème C.A., au Sud d'Heidolsheim doit rapidement obtenir des résultats décisifs. Le 4ème R.T.T. qui, depuis le 22 janvier est passé sous le commandement du Général LECLERC, est chargé de réaliser une tête de pont sur la rive droite de l'Ill devant Huttenheim avec le maximum d'appui d'artillerie, de façon à permettre l'établissement d'un pont de chars, puis, participant à l'attaque générale, de franchir l'Ill et atteindre le Rhin.
C'est le 3/4 qui est chargé de la réalisation de la tête de pont.
Le 25 janvier dans le courant de la matinée, la 5ème Compagnie relève à Huttenheim la 9ème Compagnie. Les 10ème et 11ème Compagnies quittent Benfeld. La neige s'épaissit, les arbres en sont lourdement chargés, leurs branchent ploient sous le faix et parfois déchargent brutalement leur masse au passage des Hommes.
La Colonne abandonne la route. Les arbres disparaissent pour laisser place à une immensité blanche dominée au loin par une masse sombre : La forêt de Benfeld. Les Tirailleurs s'enfoncent jusqu'aux genoux puis jusqu'à mi-cuisse. Un vent aigre et continu pénètre les vêtements, oblige à garder les yeux fermés. Tout vestige de chemin a disparu.
A 18 heures, les Compagnies s'installent aux lisières Est d'Huttenheim. Une Section du Génie et une Compagnie du 7ème R.T.A. sont mises à la disposition du Bataillon. Le Chef de Bataillon GUILIANO chargé de coordonner l'action des Unités et le Capitaine AUDIN, Commandant le Bataillon, s'installent à Huttenheim dès 18 heures.
A 18 h 30, le Génie, dans la tourmente de neige, lance une passerelle d'Infanterie sur l'Ill, face aux routes Huttenheim, Bois de Benfeld et Huttenheim, Bois de Riedwald.
19 heures, la nuit glaciale s'éclaire des arrivées de notre artillerie, la préparation est brutale. Les obus passent au-dessus de nos têtes avec une rapidité rageuse. Les positions ennemies sont copieusement arrosées. La nuit s'étend, épaisse et froide.
A 19 h 30, la Compagnie ROBERT franchit l'Ill sur la passerelle d'Infanterie. Les hommes s'enfoncent jusqu'à mi-cuisse dans la neige. Il faut un froid de loup. Elle progresse lentement vers les bois situés à 1 kilomètre au Sus du village.
Aucune réaction de la part de l'ennemi. Soudain, au premier ponceau (Côte 160), des tirs d'armes automatiques se déclenchent, partant des lisières des bois. Malgré leur cagoule blanche, les hommes ont été repérés. N'est-ce pas leur toux rauque qui en est la cause ? Les rafales redoublent d'intensité. La 11ème Compagnie est obligée de stopper.
Après une deuxième préparation d'artillerie d'une demi-heure, la Compagnie ROBERT repart à l'attaque, mais en vain.
Derrière la 11ème Compagnie, le 9ème Compagnie a, elle aussi, passé le pont. Elle s'engage vers l'Est sur la route de Rosfeld; péniblement, dans la neige qui l'aveugle, elle se dirige vers la Luther qu'elle atteint à minuit.
Depuis cinq heures, les Hommes luttent contre la tourmente et le froid. Les armes gelées ne fonctionnent plus. Par contre, l'Allemand, bien abrité dans ses casemates en rondins, sanctionne nos plus petits mouvements.
Mais il faut en sortir. La 10ème Compagnie est engagée à son tour. Elle emprunte le même itinéraire qu'a suivi le 11ème Compagnie. A chaque arrêt, nos Tirailleurs frigorifiés s'enfouissent dans la neige. Après deux heures d'efforts, la Compagnie MOREL est à hauteur de la Compagnie ROBERT.
Le téléphone de campagne leur transmet rapidement les ordres car il faut faire vite. Les 2 Compagnies partent à l'assaut du bois. L'ennemi surpris par tant d'audace sort de ses trous et fuit vers le bois de Benfeld; l'objectif est atteint.
De son côté, PERPERE cherche à s'infiltrer de l'autre côté de la Luther.
Mais l'ennemi réagit de toutes ses armes. La 9ème Compagnie est clouée au sol. Les hommes ne bougent plus, ils n'en ont plus la force, transis de froid, terrassés par la fatigue et le sommeil, ils s'allongent sur cette nappe blanche qui bientôt les recouvrira presque entièrement.
Mais les efforts du 3ème Bataillon n'ont pas été vains car, au cours de la nuit, le pont de chars a pu être réalisé par les Sapeurs du Génie.
A 7 H 30, les premiers chars passent l'Ill. Ils foncent dans la plaine, face à l'Est vers la Luther. Mais la couche neigeuse est épaisse, elle atteint par endroits 50 cms, et plus; trois chars d'échenillent, leur masse sombre se détache nettement sur cette immensité blanche.
Ils sont bientôt la proie de l'artillerie adverse qui les met en flammes. Les autres font demi-tour.
Une deuxième vague s'engage à son tour sur la piste du Sud. Là encore, l'état du terrain ralentit sa marche. L'ennemi réagit violemment. Des gerbes de fer et de feu accompagnent la colonne. Un char touche de plein fouet flambe.
A 9 heures, il faut admettre que l'action des chars est impossible. Va-t-on engager l'Infanterie seule, sans appui des blindés? Il en est fortement question, mais les renseignements qui parviennent des éléments engagés laissent prévoir un échec. L'ennemi tient solidement les lisières du bois de Benfeld. Le terrain est truffé de mines, la traversée du bois serait pour mes hommes un véritable guet-apens. Engager un Bataillon dans de telles conditions serait le vouer à la capture ou à la destruction complète.
Après une longue discussion, le Général LECLERC se range à l'avis du Colonel GUILLEBAUD. L'opération est remise à plus tard. On attendra un temps meilleur.
A 11 heures, l'ordre de repli parvient aux Unités. La tempête de neige s'est calmée, mais le froid est toujours aussi vif : A mètres des résistances; nos Compagnies décrochent. L'angoisse règne au P.C. car l'ennemi réagit de tous ses tubes. La passerelle d'infanterie détruite trois fois par des coups de minens est refaite trois fois. Les balles et les éclats d'obus causent des vides dans nos rangs. La neige s'empourpre par endroit et ensevelit nos morts.
Les blessés rampent, se traînent pour sortir de la fournaise, les plus atteints sont portés par leurs camarades. Le Capitaine MOREL, blessé, parvient à rejoindre le P.C.. Son visage est marqué par la souffrance. Il pleure, pleure, comme un enfant. "Les salauds, ils me l'ont tué, ils m'ont tué le Sous-lieutenant THUAL, mon pauvre petit". Un éclat de minen l'a touché au passage de la passerelle : Quelques mètres de plus et il était sain et sauf.
A 16 heures, le 3/4 rejoint Benfeld. Certes il a rempli sa mission jusqu'au bout, mais au prix de combien de pertes : 28 tués, 54 blessés. La situation est de nouveau la même ce soir du 26 janvier qu'elle était les jours précédents. Les Unités soumises aux harcèlements habituels améliorent les abris et les emplacements de combat.
Les 27, 28 et 29 janvier sont caractérisés par une activité décroissante de l'artillerie ennemie et par de nombreux mouvements de troupe. Le 30 janvier, les patrouilles du 1/4 et du 3/4 ne trouvent plus le contact. L'ennemi aurait-il décroché ?
Dans la nuit du 30 au 31 janvier, le 1/4 passe l'Ill sur une seule barque et s'installe à 3 kilomètres à l'Est de la rive droite. L'ennemi ne réagit pas. Bientôt, un pont pour chars est réalisé à Sand. Les blindés peuvent passer.
Le 3/4 à son tour franchit l'Ill à Benfeld.
La progression est lente. De nombreux obstacles jalonnent l'axe de marche des Unités. La neige s'est remise à tomber, partout des mines, les ponts sont coupés, il faut faire de nombreux détours pour passer.
Le 31 au soir, le 3/4 atteint Rossfeld et Witternheim, le 1/4 Boodheim, le 2/4 est toujours à Semersheim et Kogenheim.
Le 1er février, le 1/4 et le 3/4 bordent le Rhin et le 2/4 se porte à Rossfeld.
Harassés, nos Tirailleurs trouvent dans les villages un repos relatif. Nous apprenons par les habitants que le Commandement Allemand évacuait ses troupes depuis le 28 janvier et que l'attaque du 26 avait précipité leur repli.
Le 3 février, dans la matinée, une bonne nouvelle circule dans les Unités. Le Régiment passe en réserve de C.A.. Elle est confirmée le soir même par la relève du 2/4.
Le 5 février, le Régiment en entier est dans sa zone de repos, région de Marlenheim, Soulz les Bains.
Ce repos n'est pas une période de "Farniente" pour le Régiment. Les Unités sont réorganisées, les renforts incorporés, l'instruction reprise. Le 2ème Bataillon est reconstitué sous les ordres du Chef de Bataillon CHOTIN, le Commandement ayant estimé que l'instruction des F.F.I. du Bataillon Garonne n'était pas suffisante pour les maintenir en secteur. Le 3ème Bataillon passe sous les ordres du Chef de Bataillon GUILIANO.
Aussi, lorsque le 21 février, le 4ème R.T.T. reçoit l'ordre de remonter en lignes, les Bataillons sont prêts.
Le Régiment est enlevé en camions le 22 février à partir de 7 h 30. Le 1/4 s'installe défensivement au village d'Oberhoffen, le 3/4 à Bichwiller avec une Compagnie (10ème), aux lisières Est d'Oberhoffen, le 2/4 à Gendertheim.
Du 22 février au 13 mars, le Régiment tient les positions sur la Moder. Cette période est caractérisée par une activité de patrouille de part et d'autre et des duels d'artillerie. Les pertes sont sensibles dans les trois Bataillons.
Cinq coups de main allemandes exécutés par les P.A. avancés d'Oberhoffen échouent.
Dans la nuit du 11 au 12 mars, le 3/4 exécute un coup de main de va et vient sur deux postes ennemis qui se trouvent sur la voie ferrée à l'Ouest de Schirrhein. L'attaque bénéficie d'une forte préparation d'artillerie. Cependant les Sections de tête de la Compagnie MOREL ne peuvent franchir l'obstacle que constitue la voie ferrée en remblai aux pentes très raides. L'ennemi réagit violemment avec ses mitrailleuses et ses mortiers, obligeant la 10ème Compagnie à regagner ses positions.
Les 13 et 14 mars, le Régiment se prépare à l'offensive de rupture du 15 mars. Ces deux journées sont employées au regroupement des Unités, aux reconnaissances et à la mise en place du dispositif d'attaque.
L'ATTAQUE DU CAMP D'OBERHOFFEN
Depuis une dizaine de jours, le 4ème tient le village d'Oberhoffen qui, en avant de Bichwiller constitue une tête de pont au-delà de la Lauter et fait face au Camp et à la grande forêt de Haguenau dont la lisière jalonne la ligne ennemie.
Ce sont les Américains qui ont pris Oberhoffen, la lutte a été dure et lorsque le 1er Bataillon a pris à son compte la défense du village, celui-ci était déjà détruit. Les charpentes des maisons pointent vers le ciel comme des squelettes d'animaux morts dont les vertèbres se détachent aux carrefours des rues. Deux, trois, quatre chars amis ou ennemis, rougis par l'incendie, se font toujours face, figés dans la dernière pose d'un duel sans merci dont aucun n'est revenu.
Les étables regorgent de bétail que les paysans viennent nourrir la nuit, mais les minens allemands tombent si drus que, vaches, cochons pourrissent dans tous les coins et que les cadavres des hommes restent dans le "no man's land" sans qu'on puisse, même la nuit, les reprendre pour leur donner la sépulture élémentaire du soldat.
Village martyr, Oberhoffen voit donc se succéder le 1er Bataillon, le 2ème, puis, de nouveau le 1er Bataillon. Le 3ème a, lui aussi, sa part dans la défense : Ce sont ses Compagnies qui, à tour de rôle, tiennent la corne N.E. du village, presque en lisière de la forêt.
Le 15 à 7 h 30, après une préparation d'artillerie d'une demi-heure pendant laquelle 1.500 obus de tous calibres seront déversés sur l'objectif, le 1er Bataillon (Bataillon BARTHELEMY) appuyé de quelques chars doit s'emparer du Camp. Entre le village dont la limite en cette région est marquée par une voie ferrée en remblai et les premières maisons, il y a 400 mètres à peine. Seule une usine sur la droite se trouve à mi-chemin, mais le terrain est plat, nu comme la main et dominé à courte distance par les maisons ou sont installés des observatoires ennemis.
7 h 30, le feu de l'artillerie se reporte vers l'arrière, les mortiers de 81 de tout le Régiment entrent en action pour permettre aux Tirailleurs de s'approcher au plus près de l'ennemi.
Les hommes massés dans les dernières heures de la nuit derrière les talus du chemin de fer attendent l'heure. A droite la 2ème Compagnie s'élance, saute dans l'usine, s'en empare, fait des prisonniers.
A gauche, la 3ème Compagnie hésite à s'engager dans le "No man's land". Elle perd un peu de la neutralité acquise par le feu de notre artillerie, mais profite du brouillard et se trouve à quelques 20 mètres de l'objectif devant un champ de mines. Le brouillard se lève, les armes ennemies crépitent, l'Aspirant GUILLAUMEAU et l'Adjudant-chef LEONCINI s'élancent pour le dernier assaut... Ils tombent tous les deux grièvement blessés.
Les hommes s'écrasent au sol et l'ennemi profitant de cet arrêt déclenche un feu violent.
De 9 heures jusqu'à 5 heures du soir, le 1er Bataillon vit sous un déluge de fer, les Allemands vident leurs coffres sur les deux Compagnies d'assaut et sur la première Compagnie venue en soutien et qui, derrière la 3ème, se tenait prête à exploiter le succès initial.
Plusieurs milliers d'obus de tous calibres s'abattent sur les Unités, la terre fume de partout. Il est presque impossible d'avancer et même de reculer. Cependant, par deux fois, le Bataillon repart.
Lorsque tombe la nuit, seule la station de chemin de fer et l'usine restent entre nos mains, mais notre radio a capter des S.O.S. ennemis.
Dans les ruines d'Oberhoffen
Sur la droite, engagés dans l'après-midi, le 3ème Bataillon du Régiment et le 3ème R.T.A., longtemps gênés par une mitrailleuse située à l'Est de la station, ont réussi à prendre pied dans la forêt à l'Est du Camp.
Au soir, l'ennemi se sent vaincu et les patrouilles envoyées au petit jour ramassent quelques prisonniers.
A 13 heures, le 3ème Bataillon (Bataillon GUILIANO) est alerté dans ses cantonnements de Bichwiller. Il doit se porter immédiatement au village d'Oberhoffen pour être engagé à la droite du 1er Bataillon.
Une à une, les Compagnies se rassemblent. L'échelon arrière n'est pas prêt. Qu'importe ! Il rejoindra plus tard car il faut faire vite. Le pont sur la Moder est harcelé par des coups de 105. Un arrêt s'impose. Tout le monde s'abrite dans les maisons à proximité.
A 15 heures, profitant d'une accalmie, le Bataillon traverse la Moder. Marchant sur les bas-côtés de la route, à 20 mètres de distance, gradés et tirailleurs se hâtent vers Oberhoffen qui est atteint à 15 h 30.
Le Chef de Bataillon entre aussitôt en contact avec les Chefs de Bataillon du 3ème R.T.A. qui est engagé sur l'axe Oberhoffen - Schirrhein, la voir ferrée n'a pu être franchie car les résistances ennemies sont sérieuses.
A 16 heures, la 9ème Compagnie débouche des lisières Sud d'Oberhoffen. Elle progresse sur l'axe des Côtes 132,7 - 141,1, afin de déborder le Camp par l'Est et la région boisée. Sa progression est rendue difficile par les tirs d'artillerie qui harcèlent la piste sans interruption. La voie ferrée est atteinte à 17 heures, mais la Compagnie est stoppée par les mêmes tirs de mitrailleuses ennemies qui ont arrêté le 3ème R.T.A. avec lequel elle se trouve emmêlée, elle réussit cependant à capturer 9 prisonniers.
Il se fait tard, les Unités sont embouteillées.
Le Colonel suspend la manœuvre, l'attaque sera reprise au lever du jour.
Les 1er et 3ème Bataillons s'installent défensivement sur leurs positions pour passer la nuit.
Nuit infernale que celle du 15 au 16 mars 1945. Sans interruption, les tirs d'artillerie et de minens s'abattent sur le village d'Oberhoffen. Les rafales d'armes automatiques claquent aux avant-postes. Un groupe de mitrailleuses de la C.A. 3 est mis aux 2/3 de combat. Nombreux sont les tirailleurs et gradés tués et blessés dans les maisons en ruines ou dans leur trou. Nuit sans sommeil, nuit d'angoisse où chacun se demande si la prochaine rafale ne lui sera pas destinée. Les Allemands vident leurs caissons, dit-on. Oui, peut-être, en tous cas, ils sont bien garnis, car, jusqu'à 4 heures du matin, les canons et mortiers ne cessent d'aboyer.
Le 3ème Bataillon intervient aux premières heures du jour avec mission d'enlever le Camp d'Oberhoffen tandis que le Bataillon BARTHELEMY s'emparera du carrefour des Auberges.
La 9ème Compagnie progressant en tête du dispositif doit atteindre les lisières Nord du bois Rapp, accentuant ainsi le débordement du Camp, la 10ème Compagnie, sur ses traces, se rabattra sur le Camp lui-même. La 11ème Compagnie est maintenue en réserve.
En dépit des mines et des obstacles de toutes sortes, des tirs des éléments retardateurs ennemis, le Camp, à 11 heures, est entre nos mains. Le carrefour des Auberges est occupé à la même heure par le 1er Bataillon.
La percée de la ligne allemande de la Moder a été ainsi définitivement consommée par l'enlèvement du dernier réduit des organisations défensives de l'ennemi : le Camp d'Oberhoffen.
Les 1er et 3ème Bataillons laissent derrière eux un des villages les plus meurtris de la guerre dont pas une maison n'est intacte, dont tous les murs sont percés par les coups de plein fouet des canons automoteurs allemands et qu'ils ont arrosé de leur sang.
LA MARCHE SUR LA LAUTER
La journée du 17 mars 1945 est consacré à la mise en état du Camp et à la réorganisation des Unités.
A 21 heures, les Chefs de Bataillon BARTHELEMY et GUILIANO, les Capitaines MOREL et FLORENTIN se réunissent autour d'une table boiteuse pour une partie de bridge. Un trèfle, deux piques, deux sans atout... trois..., le Capitaine MOREL interrompt son annonce. Le Sergent FIGARELLA vient de faire irruption dans la pièce : "Mon Commandant, le Colonel vous demande d'urgence à son P.C.".
La partie si joyeusement commencée est brutalement interrompue. Pendant un instant, un instant très court, hélas ! Ils avaient oublié leur fatigue, les combats, la guerre, une coup de radio vient de ramener à la sombre réalité. Cette convocation tardive au P.C. du Colonel du Chef de Bataillon Commandant le 3/4, n'étais-ce pas le signe précurseur d'un départ ?
"MOREL, alertez immédiatement les Compagnies - Bataillon prêt à faire mouvement à partir de 23 h 30".
Entouré de quelques Officiers de l'E.M. du Régiment, le Colonel, les yeux fixés sur la carte, dicte des ordres.
"Votre mission est d'atteindre Selz le 18 mars dans la journée. Les camions du Capitaine PLA vous transporteront du Camp d'Obenhoffen à Reunzenheim. Vous gagnerez ensuite à pied Roeschwoog où des chars seront mis à votre disposition.
L'embarquement de la première vague s'opère à minuit : P.C. du Bataillon, 11ème Compagnie et une partie de la 10ème Compagnie. Le débarquement a lieu à Soufflenheim à 1 h 30. La Section de route Soufflenheim - Reunzenheim a été rendue impraticable aux camions par le passage des chars. C'est à pied que le Bataillon se porte à Roeschwoog. Mitrailleurs et Servants de mortiers transportent le matériel à dos.
A Roeschwoog le Chef de Bataillon se rend au P.C. du Lieutenant Commandant le peloton de reconnaissance. Ce dernier est au contact de l'ennemi depuis 19 heures. Notre présence le rassure car il n'a que 17 hommes à sa disposition pour tenir le village.
Une patrouille de la 11ème Compagnie vérifie le contact. Les éléments retardateurs ennemis se sont certainement repliés sur Roppenheim.
Les chars rejoignent à 6 heures. Le 18 mars à 6 h 15, le Bataillon précédé des démineurs, reprend la progression en direction du Nord. Nous atteignons les premières maisons de Roppenheim où, à 6 heures, se trouvaient encore les Allemands. Elles paraissent vides, les portes sont fermées.
Mais voici qui dépasse toutes nos espérances. Au centre du village des civils nous attendent joyeusement sur le pas des maisons. Quel accueil enthousiaste, un accueil chaleureux et les mêmes mots : "Enfin vous voilà, il y a si longtemps que nous vous attendions". Nos braves Tirailleurs s'extasient, voudraient bien s'attarder davantage dans ce petit village de France, mais il faut pousser, toujours pousser.
La jeep du Chef de Bataillon devance la colonne. A la sortie Sud du village de Roppenheim, une brave villageoise s'agite, fait de grands gestes au chauffeur : "Monsieur l'Officier n'allez pas plus loin, vous avez un champ de mines tout près d'ici". On stoppe. En effet, à 100 mètres des dernières maisons, la route goudronnée est recouverte d'une légère couche de terre. Il n'y a pas de doute, la route est minée. Trois sapeurs du Génie commencent leur délicat et dangereux travail. Une à une, les mines sont retirées, désamorcées et placées sur le bas-côté. Tout à coup une explosion suivie d'une épaisse colonne de fumée qui monte vers le ciel, une mine vient de sauter. Deux démineurs se précipitent vers nous, fortement commotionnés. Ils perdent du sang par le nez, la bouche et les oreilles. Le troisième est déchiqueté. Des lambeaux de chair sont accrochés aux arbres qui bordent la route, uns partie de son corps est là, à 20 mètres de nous, allongé sur cette terre d'Alsace pour laquelle il vient de faire le sacrifice de sa vie. Le moins touché des deux Sapeurs, un petit Caporal-chef, se porte sur le champ de mines et tout seul, magnifique de courage, retire un à un les engins meurtriers. La colonne peut enfin passer.
Le Bataillon poursuit sa course vers la Lauter. A 2 kilomètres au Nord de Roppenheim, des éléments ennemis qui tentent de ralentir sa marche sont rapidement dispersés et mis en fuite. A 9 heures, il atteint Beinheim. Le pont sur la Sauer n'est plus qu'un amas de ferraille et de blocs de ciment. Les chars ne pourront plus suivre, mais on fait de longs détours et nos Tirailleurs passent quand même. Il fait chaud, nos hommes peinent, il n'est pas question de se reposer, de souffler un peu car il ne faut pas laisser le temps à l'ennemi de se ressaisir. Devant ce repli général, le contact est difficile à maintenir. Partout nous sommes gênés dans notre avance par les abattis, les coupures de route, les ponts détruits.
A 11 h 15, les premiers éléments du Bataillon pénètrent dans Selz. Les Allemands l'ont abandonné depuis peu de temps. La population se presse sur notre passage, nous acclame avec frénésie, émue à l'extrême e, voyant son armée; des enfants viennent au devant de nous, nous sourient et nous tendent des fleurs.
Allons-nous pouvoir souffler un peu. Hélas ! Nos espoirs sont déçus car à 13 h 30, l'ordre est donné au 3/4 de pousser plus avant. A 14 heures la rivière qui longe les lisières Nord de Selz est franchie à gué, le pont étant détruit. Des arrivées de 105 gênent considérablement le passage des Unités. Mais on passe tout de même. Les Compagnies de tête bousculent des éléments retardateurs ennemis dans la région de Bogenberg, puis pénètrent dans Wintenbach. Un élément de reconnaissance de la 5ème D.B. venant de Oberlauterbach s'y trouve déjà. il est au contact à Neuwiller sur les hauteurs immédiatement au Nord du village.
Il se fait tard, la nuit tombe vite. Il parait alors hasardeux de s'aventurer avec tout un Bataillon dans une région inconnue, infestée d'ennemis dont on ne connaît pour ainsi dire rien. D'autre part, les hommes sont éreintés. Le Bataillon vient de faire 25 kilomètres à pied, matériel à dos, sans avoir mangé depuis la veille et pris un instant de repos. Le train de combat qui n'a pas pu suivre par suite de l'état des routes, ne rejoindra que très tard dans la soirée.
Dans la nuit du 18 au 19 mars le 1/4 et le 2/4 venant d'Oberhoffen et de Bischwiller se portent sur Neuwiller où le 1/4 reçoit une mission de flanc-garde à Mothern et Munchausen.