Retour à Mecheria

Retour à MECHERIA

Après une permission de longue durée, retour à MECHERIA.

Dès le 1er décembre 1961, reprise des vols avec des RAV et de l'entraînement. Le 5, l'adjudant-Chef LE MEUR, moniteur, me lâche sur L 21 BM (150 CV) et je vole de mes propres ailes. J'effectue quelques vols techniques d'essai après visite. Je les prendrais de plus en plus en charge car je me suis aperçu que les pilotes avaient tendance à les bâcler pour s'amuser. C'est en pilotant un appareil sorti récemment de visite que je m'en étais aperçu. Il volait "tordu" et il fallait compenser en permanence aux pieds et au manche, ce qui à la longue devenait fatigant. Ayant consulté les " formes" de l'appareil (Documents de bord sur lesquels sont inscrits tous les vols et les remarques concernant ces vols) j'avais identifié le pilote chargé du vol d'essai. L'ayant interviewé, il m'apprenait que pour lui, et les autres, les vols d'essai permettaient de faire ce qu'ils ne pouvaient pas avec un observateur à bord. Avec l'aide du chef mécanicien, j'établissais une fiche sur laquelle étaient consignées toutes les opérations de contrôle devant être réalisées au cours d'un essai: attitude de l'appareil commandes lâchées, vitesses de décrochage avec et sans volets, paramètres moteur etc... Une heure suffisait juste pour faire tout ce qui était prévu. Les pilotes ont râlé mais ils ont exécuté.

Le capitaine m'ayant désigné comme officier de sécurité des vols du Peloton, je me mis au boulot avec, en premier lieu, l'établissement de consignes strictes pour les vols de liaison qui, à mon avis, ne justifiaient pas des prises de risques. Les pilotes ne comprirent pas et certains ne changèrent pas leurs habitudes : vol en très basse altitude sur la plaine d'alpha, ce qui, en cas de panne moteur, ne leur donnait pas le temps de choisir leur zone de crash. Je dus intervenir lorsque j'en pris un sur le fait en allant à GERYVILLE. Je lui donnais l'ordre de reprendre immédiatement sa hauteur mini de croisière (1 000 pieds/sol soit 300m) et d'aller m'attendre au terrain où il reçut un belle "remontée de bretelle". Cela servit de leçon et je n'eus plus à intervenir en ce domaine.

Je suis devenu le plus ancien obs-pil après le capitaine. Le 11, LE MEUR, susceptible d'être transformé sur Djinn, m'entraîne aux atterrissages en place arrière pour qu'à mon tour je puisse lâcher des jeunes pilotes ou obs-pil. Les missions s'enchaînent, alternant les RAV et les OPS ainsi que de l'entraînement au pilotage.

Le 25, il faut aller chercher, au poste de SFISSIFA dans le secteur d'AIN-SEFRA, un journaliste du "BLED" qui après avoir passé la nuit de Noël dans un poste doit rentrer au plus vite à ORAN pour pondre son "papier" mais surtout retrouver ses chères pénates. Comme il n'y a pas d'autre mission ce jour-là je décide de la faire moi-même pour laisser les pilotes souffler un peu. Décollage à 6 heures en L 18 et retour après 2 heures de vol. Un broussard attend le "pax" et décolle immédiatement pour ramener sa précieuse cargaison à bon port. L'année 1961 se termine avec 45 heures 50 pour décembre et un total général de 959 h 55.

Dès le premier janvier 1962, continuation de l'activité avec un essai de L18 après visite puis les missions opérationnelles reprennent. Le 4, liaison technique sur SFISSIFA avec un mécanicien Djinn pour dépannage de la machine en détachement permanent dans ce poste, Le 10, liaison technique sur l'Établissement Régional du Matériel de SIDI-BEL-ABBES avec un mécanicien. Vols d'essai, RAV et PTS se succèdent à un bon rythme. Le 26 nouvelle liaison technique sur SIDI-BEL-ABBES pour échange d'un L21 arrivé en fin de potentiel. Le 27, Pro Convoi entre le poste de CHELLALA et MECHERIA. Le 28, nouveau genre de mission avec une "fermeture de route" de GERYVILLE à ALFAVILLE. Cela consiste à vérifier qu'il n'y a plus de véhicules sur l'axe concerné après un passage de convoi. Le problème est posé par les véhicules civils qui s'intègrent aux convois militaires en zone d'insécurité et qui ne respectent pas les consignes de route, tombent en panne ou échappent à la surveillance du convoi.

Accrochage verbal avec le patron de l'escadron T 28 qui me traite de fonctionnaire parce que lors d'un retour de mission j'ai refusé un combat tournoyant avec sa patrouille. Je lui propose d'en faire un, à un contre un et non à deux contre un. Il refuse. Quelques jours plus tard, allant prendre le petit déjeuner, j'assiste à un combat tournoyant, verticale terrain, entre une patrouille de T 28 et un Skyraider. J'entre au mess en râlant contre ces absurdités devant l'officier mécanicien air qui quittait le mess. 30 secondes après il revient décomposé et me dit :"un Sky vient de se planter en bout de piste après trois tours de vrille. Je me souviendrais toujours de ce que tu m'as dit tout à l'heure !". C'est l'ailier des sky, jeune pilote sur cet appareil, qui, en rassemblant sur son leader, a décroché en virage serré. Bilan: un tué que les fells n'auront pas à se reprocher et qui aurait pu être évité… Plus une veillée funèbre très pénible du fait de l'odeur de chair brûlée malgré le cercueil plombé.

Quelque temps avant, un caporal chef des fusiliers de l'Air s'était tué d'une balle dans la tête en voulant montrer à ses camarades la sûreté au verrouillage du pistolet mac 50. Je m'étais opposé avec force à l'idée, émise par un officier "air", de mettre le drapeau de la base en berne en précisant que si on élevait des monuments aux héros, il n'était pas d'usage de le faire pour les imbéciles…

Le 29, RAV "Khaïmas". Il s'agit de répertorier et localiser les khaïmas dans la plaine d'alpha pour pouvoir suivre leurs mouvements migratoire. Mission lassante au possible car il n'y a que très peu de points de repère et les positions ne sont pas très précises mais satisfont le commandement. De plus, comme elles n'ont pas de signes distinctifs, difficile de savoir où elles sont parties quand elles se déplacent.

Février 1962 arrive et le 6 je pars à GERYVILLE où je prends le commandement du détachement. Nombreuses opérations, RAV et Pro Convoi. Le secteur est très actif. Le 19, RAV avec largage de plis sur les postes de GHASSOUL et BOU ALAM, c'est plus discret que la radio. 63 h20 pour le mois...

Mars débute sous les mêmes auspices, avec toujours beaucoup de Pro Convoi et Reconnaissance de routes.

Photo du capitaine Meyer du 23e Spahis

Le 7, mission spéciale vers le poste de BOU-ALAM, siège du commando "Griffon". Je me pose pour un contact direct avec le capitaine MEYER chef du commando qui m'apprend que trois harkis auraient déserté pour rejoindre l'OAS. Ils ont emporté des armes et un mulet. Je suis rejoint par un DIH marine qui amène un chien pisteur. Lorsque le maître chien est mis au courant de la situation il rend compte que son animal ne veut pas traverser la route où il perd la trace. En venant sur les lieux, j'ai survolé un poste de tirailleurs pour demander le départ d'une unité d'intervention. Il m'a été répondu que les hommes étaient en train de déjeuner et qu'ils ne pouvaient partir de suite. Le broussard de l'armée de l'air qui survole les lieux annonce de très fortes turbulences qui l'empêchent de descendre pour mieux observer. Bref il y a de la part de tout le monde une réelle apathie que je comprends car on se doute du malaise qui règne chez les harkis. J'ai insisté auprès de MEYER pour être sûr de la destination des partants et il est resté très affirmatif.. Hélas, nous apprendrons par la suite que la vérité était toute autre. Les déserteurs avaient rejoint les troupes de l'ALN qui pour les remercier les avaient occis. MEYER qui avait retrouvé les corps, les avait photographié et m'avait donné des épreuves. Il était très abattu et je n'ai pas osé lui faire de remarques. Je n'ai pas voulu joindre ces photos à ce document car cela ne m'a pas paru nécessaire.

Le 12, retour à MECHERIA en broussard de l'armée de l'air.

Nombreuses RAV en avion et en Djinn. Le Djinn est utilisé, de préférence aux avions, pour les RAV sur le barrage de barbelés et la bande hersée qui le suit. Au départ de MECHERIA ces missions nécessitent de se poser deux fois, une à l'aller, l'autre au retour au poste de MOKTADELI pour compléter le plein avec des nourrices de 20 litres et un entonnoir muni d'une peau de chamois. Tous les soirs, les unités des secteurs concernés font une "fermeture" de bande en passant la herse et l'ouvrent le lendemain matin. L'observation aérienne élargit la recherche des indices de part et d'autre de la bande.

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