Epilogue
Epilogue
AVERTISSEMENT : Les documents qui ont servi à retracer le parcours de Louis Lanotte à travers les deux guerres mondiales m'ont été transmis aimablement par sa nièce, madame Ginette Cornet-Lanotte. Dans un courrier du 26 avril 2008, adressé au maire de Mouzon, demeuré sans réponse, elle formulait le vœu d'une éventuelle décision sur l'avenir du récit de son oncle et d'un devoir de mémoire à l'occasion des cérémonies patriotiques de la commune.
En outre, les documents iconographiques adressés par Louis Lanotte à l'Association pour la Création du Musée de la Résistance à Ivry-sur-Seine le 2 mai 1978 (*) ont été demandés le 29 avril 2015 par Roger LOUIS, webmaster de ce qui précède, afin de compléter cet ouvrage par les pièces officielles transmises. A ce jour ce musée n'a pas daigné répondre.
De plus, des articles concernant les récits de Louis Lanotte sont parus dans le quotidien L'Ardennais en août 1974. Ils suffisaient sans doute à certains historiens pour en limiter la diffusion quasiment confidentielle, car qui sait si cela a paru un jour dans telle revue ou tel quotidien ? A l'heure de l'internet, il m'a semblé plus approprié de profiter de cet outil de communication plus vaste et plus rayonnante qui s'adresse à un public national et international.
Par choix et par devoir de mémoire, j'ai repris les écrits de Louis Lanotte en respectant l'esprit des faits et en regrettant de ne pas avoir l'ensemble des documents pour l'illustration, ce qui est dommageable, d'autant que rien n'est fait de la part de prétendants documentalistes qui ne font que ranger, dans les placards de l'oubli, les documents en leur possession.
(*) Certificat de Donateur n° 501 du 2 mai 1978.
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Parmi les photographies que je possède, celles du n°1 au n°9 représentent des personnes, hommes et femmes, qui étaient avec moi en la prison Carnot de Charleville. Parmi ceux qui restaient en prison après ma libération, beaucoup furent envoyés à Dachau, en Allemagne, et ne revinrent jamais. Pour les autres, que les Allemands n'eurent pas le temps de les acheminer vers la même destination, ils furent chargés dans des camions et conduits sur la route de Tournes, près de Charleville. Ils furent débarqués dans les bois de la Rosière et massacrés sur place. Alors que d'autres camions en ont conduits au plus près de la prison, sur le plateau de Berthaucourt, pour y être fusillés.
Seul Alfred Desson, mon camarade de cellule, revint d'Allemagne. Je l'avais revu lors de son retour de Dachau et je lui avais posé la question d'une évasion probable lors de son transfert en train. " C'était impossible, me disait-il, nous étions 80 personnes par wagon hermétiquement clos de l'extérieur et très surveillés par des gardiens en armes. Nous étions serrés les uns contre les autres, c'est alors qu'un médecin nous a recommandé de ne pas parler afin d'économiser l'oxygène et rejeter de gaz carbonique. Grâce à son conseil notre wagon n'avait pas subi de perte humaine, alors que dans les autres, la moitié des occupants étaient morts. A Dachau et dans ses environs, certains travaillaient dans des carrières. Il fallait descendre 300 marches pour se rendre sur les lieux de labeur. Ils étaient vêtus simplement d’un caleçon, même lors des froids terribles qui les anéantissaient au bout de 8 à 10 jours".
Alfred, bien que plus jeune que moi, est décédé quelques années après son retour des camps de maladie suite aux mauvais traitements endurés.
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La photographie n°2, représente monsieur Champenois et son fils. Il tenait un café-bar à Mouzon. Un matin se présentèrent deux jeunes gens qui lui demandèrent du tabac, sur le refus du cafetier, ils précisèrent que cela était pour la Résistance. Pour ce motif, Champenois leur en remis et signa de ce fait son arrêt de mort ainsi que celui de son fils.
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Les photographies n° 3 et 4 représentent le docteur et sa femme. Leur petite fille de 8 ans avait été assommée et allait être noyée dans la baignoire lorsqu'un soldat de la Wehrmacht intrigué par le remue-ménage, entra, et somma les miliciens et les gestapistes de cesser de toucher à cet enfant en les menaçant de sa mitraillette.
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Un soir de févier 1958, j'étais chez moi accompagné d'amis, lorsque s'arrêta une voiture. Ma femme sortit, et je l'entendis dire : "Oui, il est là". Entra alors un grand homme de 35 ans environ, très bien habillé. Il me regarda et me lança en mauvais français : " Tu ne me reconnais pas ? Je suis le sergent allemand que tu as fait prisonnier !" En effet, je le reconnus, c'était le sergent couché au bord de la route et sur qui mes hommes tiraient et que j'aurais pu tuer d'un coup de pistolet. Il me doit la vie, c'est sûr ! Je savais qu'en 1944 - et il me le confirma - les allemands tiraient sur leurs hommes pour qu'ils ne soient pas capturés. Puis se tournant vers mes amis, il leur dit : " Cet homme, très, très correct !". Il passa la nuit chez nous et avons pu avoir de longues conversations sur l'avenir et son espoir de voir les Américains en découdre avec les Russes. Je sentis en lui une amertume du Nazisme. Il était docteur à Dusseldorf. Il devait revenir me voir et m'inviter en Allemagne mais je ne l'ai jamais revu.
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J'ai aussi une photo d'Omar le Marocain, fidèle parmi les fidèles, brave combattant qui a été tué deux jours avant la Libération de Royan. Je l'ai hébergé 6 mois, il ne sortait que la nuit et m'accompagnait toujours, lors de mes opérations nocturnes.
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Enfin, une photographie de Georges Carlson, l'aviateur américain, qui pose avec ma femme. Il avait effectué plusieurs missions plus dangereuses les unes que les autres. Des raids aériens de bombardement. Il allait sur Dantzig bombarder le "Prince Eugène", cuirassier de poche. Il bombarda La Rochelle, ce fut pour lui une dure mission, par la densité des tirs de la DCA. Sur les huit hommes d'équipage, trois seulement sont revenus vivants en Angleterre. Lors de son dernier raid sur Ratisbonne, près de Munich (Regensburg), il fut atteint par la DCA en passant dans le Nord de la France, un moteur en rideau. Il poursuivit sa mission vers l'Allemagne alors que le second moteur avait aussi subi une avarie par la DCA. Ne pouvant faire demi-tour, il dut sauter en parachute.
Ces aviateurs abattus étaient considérés comme perdus par leur Gouvernement. Cependant un réseau était constitué pour les faire passer en Espagne. Nous étions l'un des maillons, par sécurité nous ignorions totalement les autres maillons.
Le Gouvernement américain était très reconnaissant envers nous. Nous reçûmes en 1946, ma femme et moi un diplôme officiel, ainsi qu'un colis d'effets et une invitation à nous rendre aux États - Unis, tous frais payés, mais nous n'y allâmes pas.
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Maison Lanotte , Route de Stenay (Photo : Jean Raulet 2015)
Louis Lanotte et sa chienne, en promenade dans les bois des Horgnes (photo : J. Raulet 1980)
Cimetière de Mouzon ( photo : Jean Raulet 2015)
1-Lettre du 6 juillet 1945 du chef de secteur de Sedan, 2et 3 - Homologation et certificat d'appartenance du 31 décembre 1950,
Louis LANOTTE : dossier administratif des résistants , sous- série GR 16 p - 336915, homologué : Déporté-Interné-Résistant (DIR) au Service Historique de la Défense.