4e RTT-Allemagne
La campagne d'Allemagne (19 mars- 22 avril 1945)
SCHEIBENHARDT
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Le 19 mars, dès la pointe du jour, la progression reprend. Le 3/4 précédé des chars de la 5ème B.D., pousse sur Lauterbourg où les Allemands résistent encore.
Le Chef de Bataillon CHOTIN, Commandant le 2/4 a reçu l'ordre d'atteindre Scheibenhardt, petit village sur la frontière à 3 kilomètres Nord de Neuwiller et de s'y installer défensivement.
Le Sous-lieutenant CAVILLON de la 7ème Compagnie est désigné avec sa Section pour sonder le terrain de part et d'autre d'un petit chemin défoncé et encaissé au milieu des terres adverses. S'infiltrant par les jardins et les vergers, il pénètre dans le village sans un coup de feu mais, disent les habitants : "Le Scheibenhardt allemand qui n'est séparé du village de France que par la Lauter, est solidement tenu".
L'unique pont qui reliait les deux villages a été coupé. Quelques éléments légers de reconnaissance arrivent à leur tour. L'ennemi se dévoile alors par des coups de feu qui partent des maisons allemandes. Puis, peu à peu, le Bataillon pénètre dans la localité essayant d'échapper aux vues de l'ennemi et de ses snippers.
Le village est rapidement mis en état de défense. Il est curieux qu'aucune réaction ennemie ne soit venue gêner les travaux. Les obus sont destinés à Lauterbourg car on entend nettement le bruit des éclatements.
A 14 heures, le Commandant ACHARD-JAMES apporte au P.C. du Bataillon l'ordre suivant :
Le 2/4 R.T.T. est chargé d'établir une tête de pont sur la rive Nord de la Lauter, de s'emparer du village allemand de Scheibenhardt et de s'y installer défensivement en vue de permettre le lancement d'un pont sur lequel à l'aube passeront les blindés.
L'opération sera précédée d'une préparation d'artillerie d'une demi-heure.
Le choix de l'heure du débouché de l'infanterie est laissé au Chef de Bataillon CHOTIN.
Ce n'est pas sans appréhension que cette opération est envisagée. "A l'Ecole de guerre, dit le Commandant ARCHARD-JAMES, on passerait une semaine à monter une telle opération... ici c'est deux heures au grand maximum".
Se glissant d'arbre en arbre, de maison en maison, le Commandant a déjà fait ses reconnaissances tandis que les Capitaines SCACHE et SAHUC poursuivent les leurs, salués par quelques rafales d'armes automatiques.
Le pont de la Lauter n'est plus qu'un amas de décombres à -moitié recouvert d'eau et la rivière isole les deux localités. Large de 6 à 8 mètres, partout profonde de 2 à 3 mètres, elle présente de vastes flaques d'eau provoquées par l'ennemi et qui recouvrent un terrain marécageux.
Vers 15 heures, un prisonnier est amené au P.C. du Bataillon. Il s'agit d'un Ukrainien capturé à Stalingrad et incorporé par les Allemands dans un Bataillon de pionniers. Ce soldat nous déclare que le village est tenu par environ 2 Compagnies de S.S., Polizei et fait un plan assez détaillé de l'installation défensive ennemie et des mines existantes.
Puisqu'il semble que seuls deux points soient guéables, on tentera le franchissement par une Section sur chacun de ces deux points, et abordant le village par sa partie Ouest dont la défense paraît moins solide, se rabattre ensuite sur la partie Est.
Et puis "Inch'Allah !", l'heure du débouché est définitivement fixée à 16 h 30.
Subitement la préparation d'artillerie se déclenche, brutale. Les obus passent au-dessus de nos têtes avec une rapidité rageuse pour s'abattre dans un grondement assourdissant sur Scheibenhardt et les lisières des bois au Nord.
A 16 h 20, toute la base de feux d'Infanterie se met à crépiter. Les mitrailleuses lourdes visent toutes les ouvertures des maisons repérées, tandis que les T.D. prennent à partie les premières habitations au voisinage du Pont.
L'heure "H" est proche... L'atmosphère est lourde. La 6ème Compagnie profitant du tir d'artillerie s'est hâtée de s'installer sur la base de départ, et maintenant chacun attend, anxieux, les yeux dardés sur le point à atteindre, de l'autre côté de la Lauter, cette eau verte dont on ne voit pas le fond, ce pan de mur, ce soupirail derrière lequel attend l'Inconnu.
Soudain, des dernières maisons de la rive, on voit bondir nos Tirailleurs, ce sont les Sections de tête qui se jettent à l'eau.
Il est 16 h 30.
Tout de suite, la Section de gauche (Section BOURIN) est arrêtée. Par suite de la crue, l'endroit n'est plus guéable. La rivière est trop profonde et plusieurs Tirailleurs manquent de près la noyade.
Des branches, des planches, sont recherchées pour faire un radeau. Mais le courant est trop fort, elles partent à la dérive. Un Sergent tente de traverser à la nage, mais ses hommes trop lourds s'enfoncent et ne peuvent le suivre, bien qu'il réussit à atteindre la rive allemande, il est obligé, fou de rage, de regagner la rive française. Et on accroche comme on peut ceux que le courant commence à faire perdre pied.
Par contre, la Section de droite, ayant de l'eau jusqu'à la poitrine, avance résolument faisant feu de toutes ses armes.
Les premiers éléments réussissent à prendre pied sur la berge. Sans perdre un instant, tout dégoulinant d'eau, ils s'élancent sur les premiers nids de résistance; l'ennemi, désemparé par tant d'audace n'a pas eu le temps de réagir. Le reste de la Section prend pied à son tour et pousse le long des maisons.
Déjà derrière elle, l'équipe de pionniers du Bataillon s'est mise en œuvre. Rassemblant toutes les planches, les poutres, les pierres, tout ce qui lui tombe sous la main, elle aménage en hâte une passerelle de fortune.
Petite passerelle qui va grandement aider l'opération en permettant non seulement le passage plus rapide des autres Sections et de la 7ème Compagnie, mais aussi le passage du ravitaillement, des Transmissions et des évacuations.
Revenu de sa surprise, l'ennemi réagit violemment. De part et d'autre, les obus éclatent avec rage, les balles strient l'air, claquant au-dessus des têtes, ricochant contre le murs.
Et la lutte se prolonge...
"Que se passe-t-il, le morceau semble un peu dur" téléphone le Général GUILLAUME.
C'est à la grenade et au bazooka que chaque maison doit être réduite. Par bonds courts et rapides, les Tirailleurs sautent sur les S.S. qui ne veulent pas se rendre.
Les obus continuent leur œuvre de destruction et de nouvelles maisons sont la proie des flammes.
Incendies bienfaiteurs car la nuit est tombée et, pourtant, la lutte se poursuit.
Le combat est maintenant tout illuminé comme par de gigantesques torches : Flammes s'échappant de toutes les ouvertures des maisons, bouquets d'étincelles, véritable feu d'artifice bondissant des toitures qui s'effondrent, traits lumineux de balles traceuses.
Peu à peu le bruit décroit, les rafales d'armes automatiques se font entendre plus espacées, les éclatements des grenades plus rares. Les mitraillettes se taisent.
L'ennemi a enfin lâché pied. Scheibenhardt en entier est entre nos mains. Il est 20 h 30.
Soudain la sonnerie du téléphone retentir : "Toutes mes félicitations". C'est le Colonel GUILLEBAUD qui, tout heureux, félicite nos Tirailleurs.
Plusieurs dizaines de prisonniers dont un Officier. Le corps du Capitaine Commandant la 1ère Compagnie du 2ème S.S. Polizei retrouvé carbonisé, et un important matériel capturé, et surtout, pour le 2ème Bataillon, la Gloire d'avoir foulé le premier de l'Armée Française, le sol allemand.
Le 24 mars, le Bataillon se rassemble sur la petite place de Scheibenhardt allemand. En présence du Général Commandant en Chef la 1ère Armée Française, le Général DE LATTRE DE TASSIGNY, accompagné du Général VANIER, Ambassadeur du Canada, du Général DE MONSABERT et du Général GUILLAUME, le Colonel GUILLEBAUD avait l'orgueilleuse satisfaction de commander "l'Envoi".
Le Général DE LATTRE DE TASSIGNY allait lancer à la France son premier message en territoire allemand. Lentement, mouvement émouvant entre tous, au son vibrant de la Marseillaise, montaient pour la première fois dans le ciel germanique, nos trois couleurs.
De son côté, le 3/4 pénétrait le 19 mars à 13 h 30 dans Lauterbourg sous une avalanche d'obus de 105 et de minens. L'installation des Unités sur le bord de la Lauter se fait sous les rafales d'armes automatiques de l'ennemi qui tient Neu-Lauterbourg et les lisières du bois au Nord du village.
Vers 15 heures, une petite patrouille franchit la rivière sur une passerelle de fortune construite par les pionniers du Bataillon. A l'abri d'un talus elle parvient a atteindre les lisières Sud de Neu-Lauterbourg. Des bruits de voix lui parviennent, un char adossé à une maison surveille le pont démoli qui relie le village à Lauterbourg. Elle fait demi-tour sans être inquiétée. Le Chef de Bataillon va pouvoir lancer une patrouille plus forte. Mais les ordres arrivent du P.C. du Colonel : Le 3ème Bataillon appuiera de ses feux l'opération du 2/4 sur Scheibenhardt.
Par l'action énergique du 2/4 et du 3/4, le 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens atteignait la Lauter et mettait le pied le premier en territoire allemand. L'ennemi est rejeté définitivement chez lui, abandonnant à jamais cette terre de France qui, pendant 4 ans, a tremblé et gémi sous sa botte.
LA CAMPAGNE D'ALLEMAGNE
LA LIGNE SIEGFRIED
Sous une dégelée d'obus, le 2/4 s'installe dans Scheibenhardt conquis. L'artillerie ennemie réagit rageusement de tous ses tubes.
A 18 heures, des coups de gros calibres arrivent dans Lauterbourg. La population s'affole, fuit de tous côtés, croyant à un retour offensif des Allemands. des femmes, des enfants atteints par des éclats se traînent au Poste de secours pour y demander des soins; le P.C. du 3/4, le cantonnement de la 10ème Compagnie, la rue principale du village, disparaissent peu à peu dans une épaisse fumée noirâtre. Les brancardiers s'affairent admirables de courage et de dévouement et ramènent un à un les blessés et les tués au Poste de secours. Dures journées pour les Docteurs JAMES et MINGUET.
Le petit Caporal-chef qui, la veille, déminait, seul, la route de Benheim, est étendu à proximité du P.C., la crâne fracassé par un éclat d'obus.
Vers 20 heures, l'orage se calme. Mais durant toute la nuit, du 19 au 20 mars, Scheibenhardt et Lauterbourg sont harcelés par des tirs de 105 et de minens.
A 2 heures du matin, une patrouille du 3/4 franchit la Lauter. Elle s'infiltre par les lisières Nord de Neu-Lauterbourg et atteint les premières maisons en bordure de la rivière. Accueillie par des feux nourris d'armes automatiques, elle réussit avant de se replier, à placer deux obus de bazooka dans une maison et à mettre en fuite les Allemands qui s'y trouvaient. Vers 3 heures, un poste de la 11ème Compagnie signale un bruit de moteur dans le village et un déplacement de véhicules vers les lisières de la forêt de Bienwald. Il n'est donc pas douteux que l'ennemi, croyant à une attaque de notre part, abandonne ses dernières positions sur la Lauter.
Une Section de la 9ème Compagnie est poussée jusqu'aux premières maisons de Neu-Lauterbourg. Elle les occupe sans être inquiétée. Aux premières lueurs du jour, la 9ème Compagnie toute entière traverse la Lauter est s'installe aux abords de la maison forestière.
Le 20 mars à 9 h 15, le C.C. 6 et le 1/4 débouchent des lisières Est de Scheibenhardt, établissent la liaison avec le 3/4 à Neu-Lauterbourg et occupent Berg en fin de matinée tandis que le Génie jette u pont "Tredway" sur la Lauter immédiatement en aval de l'ancien pont détruit.
A parir de 12 heures, les Bataillons appuyés chacun par des éléments blindés sont lancés sur la ligne Siegfried par trois axes différents :
- Axe Scheibenhardt - Buchelberg - Bataillon CHOTIN (2/4) qui sera relevé au début de l'après-midi par le 3ème R.T.A.
- Axe Neu-Lauterbourg - Kandel - Bataillon GUILIANO (3/4).
- Axe Berg - Hagenbach - Bataillon BARTHELEMY (1/4).
Le Bataillon GUILIANO progresse lentement sur son axe, avec les chars. de part et d'autre de la route de Kandel, s'étend le bois de Bienwald aux arbres majestueux et touffus. Le sous-bois est truffé de mines anti-personnel. Des obstacles de toutes sortent gênent considérablement la marche. Gradés et hommes s'infiltrent d'arbre en arbre, attentifs aux moindres bruits, les yeux fixés au sol où se cachent sournoisement les pièges posés par l'ennemi.
De temps en temps, une sourde détonation, une plainte s'élève de la profondeur du bois, c'est un Tirailleur qui tombe victime d'une "Schuhmine".
A 14 heures, la Compagnie ROBERT atteint la bifurcation 124. A 15 heures, un élément de cette Compagnie est à 500 mètres de la bifurcation de Buchelberg. Des coups de feu claquent. Du sommet des arbres, les snippers qui nous ont aperçus tirent sur nous. Du carrefour partent des rafales d'armes automatiques. La Ligne Siegfried est proche.
En rampant, les groupes de tête tentent de se rapprocher du carrefour, mais les feux ennemis augmentent d'intensité, interdisant toute progression. Un tir de est déclenché sur ce nœud de route.
Un instant, l'ennemi se tait, les chars en profitent pour progresser, mais ils sont à leur tour arrêtés par un champ de mines barrant sur toute sa longueur et au-delà la route de Kandel. L'Allemand s'est ressaisi. De toutes parts, les armes automatiques ennemies crachent leurs gerbes de feu. Nous sommes au contact de la ligne Siegfried.
De son côté, le n'est pas resté inactif. A 16 heures, l'ordre est donné au Commandant BARTHELEMY d'attaquer de part et d'autre de la route Berg - Hagenbach pour ouvrir le passage aux chars.
Mais l'éloignement de l'objectif et les difficultés d'une pénétration dans la forêt avec rencontre certaine de la ligne Siegfried, les 1ère et 2ème Compagnies débouchent de Berg à 17 h 30 avec mission de déborder les résistances qui empêchent la progression des chars sur la route.
Vers 18 heures, la 1ère Compagnie signale des abattis profonds, mais aucune réaction de l'ennemi. Elle continue sa progression. Ses premiers éléments qui s'étaient engagés dans un terrain absolument découvert sautent sur des mines placées au début de la guerre et camouflées.
Les Tirailleurs se portent au secours des blessés, mais sautent à leur tour. Alertés par l'explosion des schuhmines, les Allemands déclenchent leur barrage. Une pluie de minen et de coups de 105 s'abat sur la 1ère Compagnie. Les pertes sont élevées. Deux half-tracks ont été détruits, les occupants carbonisés. Le Sous-lieutenant KUHN qui avait pris le commandement de la Compagnie en l'absence du Capitaine blessé à Oberhoffen, tombe glorieusement auprès d'un de ses Tirailleurs qui a sauté sur une mine et qu'il voulait dégager. Avant de mourir il a eu la présence d'esprit de brûler les documents renseignés qu'il portait dans sa sacoche.
Pendant ce temps, la 2ème Compagnie continue sa progression. Elle rencontre elle aussi des abattis puis des champs de mines et tombe sur un tir de minens. Elle stoppe aussitôt.
Le 1/4 a son tour venait de prendre contact avec la ligne Siegfried.
Dans la nuit du 20 au 21 mars, des coups de gros calibres harcèlent Scheibenhardt, Lauterbourg et Berg. Les patrouilles du 1/4 et du 3/4 maintiennent le contact.
A 7 heures du matin le Chef de Bataillon Commandant le 3/4 ordonne au Commandant de la 11ème Compagnie de pousser une forte patrouille sur le champ de mines. Elle l'atteint sans difficultés. Sous sa protection et celle de trois T.D. les démineurs vont peut-être pouvoir travailler.
A plat ventre, la tête au ras du sol, les pionniers du Bataillon retirent une à une les mines. Tout le monde est anxieux. Pourront-ils dégager entièrement la route avant le réveil ennemi, car le succès de l'opération dépend le passage des chars.
Tout à coup, la ligne Siegfried s'embrase. L'Adjudant NACEUR, Chef des démineurs, est atteint d'un éclat de minen en pleine poitrine, deux Tirailleurs tués, cinq autres blessés, un T.D. est mis en flammes par un coup de 75 Pack.
Le Chef de Bataillon donne l'ordre de repli sur 124.
Du côté de Berg, les patrouilles du 1/4 maintiennent le contact avec la ligne Siegfried.
A 20 heures, le Colonel GUILLEBAUD insiste tout particulièrement auprès des Commandants du 1/4 et 3/4 pour que le contact ne soit pas perdu. Malgré la fatigue, nos hommes veillent. Toute la nuit de nombreuses patrouilles sortent, s'approchent des casemates et vérifient si l'ennemi est toujours là.
Le 22 mars, le 3/4 tente encore une fois de déminer la route de Kandel, mais sans succès. De son côté, l'Allemand devient agressif et vers 16 heures, il sort des casemates. Le poste le plus avancé de la 10ème Compagnie doit se replier devant une menace d'encerclement des patrouilles ennemies.
Au cours de repli, plusieurs Tirailleurs sautent sur des Schuhmines.
Le 23 mars, à 6 h 30, les Goums doivent attaquer la ligne Siegfried dans la partie Ouest et la forêt de Bienwald. Pour masquer le véritable point d'attaque, le 1er Bataillon a reçu l'ordre de simuler une opération sur l'axe Berg - Hagenbach.
Il lance des patrouilles et déclenche de violents tirs de mortiers qui attirent une vive riposte de l'artillerie ennemie de la rive droite du Rhin et des feux de la ligne Siegfried.
Le 3/4 de son côté recherche le contact de l'ennemi par un itinéraire différent de ceux choisis les jours précédents. Une Section de cette Unité s'engage dans les laies forestières de Drei - Bruder en direction de la Côte 121,4 à l'Est du carrefour de Buchelberg.
A son retour, le Sous-lieutenant DELAS donne les renseignements suivants : "La route de Buchelberg à Berg, dans sa section Sud-est du carrefour est coupée par des abattis et des fossés profonds, la rendant absolument impraticable. Au Sud de cette route, un sous-bois truffé de mines anti-personnel, au-delà, la masse sombre des blocs".
La patrouille s'est approchée très près d'une casemate où elle a entendu des voix.
Cependant, au Nord des bois de Bienwald, l'enveloppement réalisé par les éléments blindés américains s'accentue de plus en plus; les lignes de communication de la puissante barrière fortifiée menacent d'être coupées par l'occupation successives de Frankenfeld, Winden et bientôt de Kantel.
Il faut s'attendre maintenant à un repli, nos troupes y aideront.
A 21 heures, un déluge de fer et de feu s'abat sur nos positions. Vers 22 heures, profitant d'une accalmie, nos patrouilles reprennent leur activité, mais l'ennemi est toujours là. Cependant, dans le Nord, le débordement s'accentue.
Dans le courant de la nuit du 23 au 24 mars, le feu diminue d'intensité sur la ligne Siegfried. La Section DELAS qui maintient le contact sur l'axe du 3/4, s'infiltre dans le dispositif ennemi sans être inquiété. Elle s'élance et atteint les ouvrages malgré les pièges et les obstacles de toutes sortes. La 10ème et la 11ème rejoignent la Section DELAS, les casemates sont rapidement nettoyées, la route de Kandel déminée et à 6 heures, les éléments de tête de la Compagnie MOREL atteignent le carrefour 122.
Du côté de Berg, les patrouilles du Bataillon BARTHELEMY rendent compte à 5 heures du matin que l'ennemi a évacué la ligne Siegfried. Le Chef de Bataillon fait aussitôt déminer la route Berg - Hagenbach et pousse la Compagnie ALASSET (1ère Compagnie) sur Neubourg. Le ligne Siegfried est atteinte sans difficulté, les ouvrages rapidement visités; les Allemands ont emportés la majeure partie de leur matériel, abandonnant seulement quelques munitions.
Le village de Neubourg, isolé dans les marais et les bras du Rhin était jusqu'au 24 occupé par l'ennemi. Il est accessible par la digue suivant la Lauter. C'est par cet itinéraire que la 1ère Compagnie aborde sans coup férir le cimetière et les premières maisons Sud du village que les Allemands viennent d'évacuer. Une violente concentration d'artillerie venant de la rive droite du Rhin s'abat sur Berg et Neubourg.
Le P.C. du Bataillon est copieusement arrosé. une Section de mitrailleuses de la C.A.I.. a quelques pertes.
De son côté, la 3ème Compagnie tente un large débordement par le Sud du village. Mais elle est stoppée par des barrages d'eau qui l'empêchent d'avancer.
Dans le courant de la matinée, sous la pression de la 1ère Compagnie, les derniers éléments ennemis évacuent la localité.
En fin de journée, le 1/4 est regroupé dans Berg à l'exception de la Compagnie ALASSET installée dans Neubourg avec des éléments au bord du Rhin.
Du carrefour 122, le Bataillon GUILIANO se porte sur son objectif : Hagenbach. Pour retarder notre marche, l'ennemi a accumulé sur la route des barricades, des abattis et des destructions. Elle est jalonnée par un matériel de toutes sortes : canons de tous calibres dont la plupart ont été mis hors d'usage, munitions, vivres, équipements.
A 11 heures, le Bataillon est en vue des lisières d'Hagenbach. Les éléments retardateurs sont signalés non seulement dans la localité où ils sont au contact avec les Goums mais également dans les bois à 2 kilomètres au Nord et au Sud-est du village; on ne saut pas d'autre part à quelles forces on pourra se heurter dans les régions voisines du Grund et de Holzenlag.
A 1 kilomètre de Hagenbach, le Chef de Bataillon lance la 10ème Compagnie sur les lisières Ouest du village tandis que la 9ème Compagnie, le débordant par le Sud, atteindra la rive droite du Rhin.
Au débouché, des rafales de mitrailleuses claquent dans les jambes des éléments de tête de la Compagnie HELLE.
Les Tirailleurs bondissent et font 8 prisonniers dont un Officier. La 9ème Compagnie poursuit sa progression vers le Sud-ouest, en direction du bois 106,2 (Daxlandau), dans un terrain marécageux où les hommes enfoncent jusqu'aux chevilles.
Une première résistance tente de la stopper, mais les Sections de tête la débordent, la réduisent et font des prisonniers. Une deuxième résistance se dévoile à l'intérieur du bois : elle tombe à son tour. A 14 heurs, les premiers éléments de la Compagnie bordent le Rhin.
De son côté, la 10ème Compagnie a atteint sans être inquiétée, Hagenbach déjà occupé par les Goums et la Légion. Elle s'installe défensivement aux lisières Nord-est du village.
A 14 heures, la 11ème Compagnie débouche des lisières Est et se porte sur le bois Grund qu'elle atteint sans difficultés. Le Lieutenant Commandant le peloton de Goums signale au Capitaine ROBERT que les Allemands se sont repliés dans la parie Nord-est du bois et qu'ils sont très nombreux.
Une patrouille est dirigée sur ce point. Mais à 200 mètres d'une clairière, une arme automatique se dévoile. Entre temps, une autre patrouille capture un soldat de la Reichwehr qui circulait paisiblement à bicyclette sur les pistes à l'intérieur du bois.
Interroger aussitôt, il déclare que le bois dans sa partie Nord-est est occupé par 250 hommes appartenant à une Unité S.S., armés de 25 mitrailleuses et qu'ils se battront jusqu'au dernier. La zone exacte de ce rassemblement de cette troupe est soigneusement reportée sur la carte et signalée au Chef de Bataillon qui demande immédiatement une violente préparation d'artillerie sur ce point. A 18 heures, nos obus de 105 et de 155 s'abattent sur la clairière et ses abords. Toute la nuit à intervalles irréguliers, les mortiers du Lieutenant ORTOLI et les canons de la C.C.I. harcèlent cet îlot de résistance.
Aux premières heures du jour, après une préparation massive de notre artillerie, la 11ème Compagnie donne l'assaut de cette partie du bois. L'ennemi l'a évacué en abandonnant une bonne partie de son matériel, jalonnant son itinéraire de repli par de nombreuses flaques de sang.
Le bois de Grund est entièrement occupé et, comme la 9ème Compagnie la veille, la 11ème Compagnie vient border le Rhin.
Ainsi, après trois journées passées au contact de la ligne Siegfried, les 1er et 3ème Bataillons, par une marche audacieuse et rapide, atteignaient le Rhin, malgré les résistances qui, en lisières et aux abords immédiats auraient pu entraver sa progression, acculant l'ennemi au fleuve, le plaçant devant les deux alternatives : se rende ou, malgré les pertes sérieuses que notre artillerie lui occasionnait, gagner la rive opposée.
Du 24 au 30 mars, les 1er et 3ème Bataillons subissent les réactions violentes de l'artillerie ennemie. Les armes automatiques des casemates de la rive droite arrosent nos postes en bordure du Rhin.
Le 31 mars, le Régiment est relevé par le 9ème Zouaves et regroupé dans la région de Rulzheim; Rheinzabern, Herxheim, Erlenbach où il stationne jusqu'au 3 avril.
LA COURSE AU NECKAR
Le 2 avril, le Bataillon CHOTIN (2/4) est alerté dans ses cantonnements, une bonne nouvelle se répand parmi les Gradés et Tirailleurs : "Les camions sont là, nous allons passer le Rhin". Le Bataillon est vite rassemblé mais au dernier moment, le Pont de Spire n'est pas libre.
Le 3 avril de bon matin, le Bataillon est enlevé en camions et franchit le Rhin sur un pont de bateaux. Regroupé sur la rive droite, il se porte aussitôt à Settfeld.
A l'entrée du pont se trouve le Colonel GUILLEBAUD qui fait ses adieux. Désigné pour prendre le commandement de l'I.D. d'une division aéroportée, il nous quitte à regret.
Depuis le Belvédère, il a mené le Régiment de victoire en victoire. Chacun connaît le "Bou Khamsa" au visage souriant, toujours optimiste. Aux moments les plus difficiles il était toujours là et sa présence nous étais un précieux réconfort. Il nous quitte alors que le Régiment va traverser le Rhin et cueillir de nouveaux lauriers. Très ému, le Colonel GUILLEBAUD regarde son Régiment s'engager sur le pont; il le suit des yeux et sa pensée ne nous quittera pas.
Près de lui se tient le Commandant ACHARD-JAMES qui commandera le Régiment jusqu'au 10 avril. C'est le Colonel GOUTARD qui mènera ensuite le Régiment jusqu'à Stuttgart.
Vieux Tirailleur lui aussi, il a été Lieutenant-colonel au 7ème R.T.A.. Le voici maintenant au 4ème R.T.T.. Dès le premier jour il conquiert tout le monde par son affabilité, son énergie, son sens des réalités.
Le 4 avril, le 2/4 gagne sans contact Landshausen où il s'installe pour la nuit.
Le Bataillon GUILIANO (3/4) franchit le Rhin le 4 avril à partir de 15 h 30. Il se regroupe à Altuissheim pour y passer la nuit. Le Bataillon BARTHELEMY (1/4) est toujours dans ses cantonnements de Rheizarbern où il attend impatiemment son tour. Le Capitaine NEYRENEUF, guéri de ses blessures, reprend le Commandement de la 1ère Compagnie.
Le 4 avril, le 1/4 embarque à partir de 5 heures par les moyens autos du Corps, passe le Rhin à Spire, puis est transporté à Elzens où il est mis à la disposistion du Groupement CHEVILLON. Le Bataillon est aussitôt dirigé sur Rohrbach tenu seulement par quelques éléments du 49ème R.I.. Après une progression sous bois, le village est occupé sans difficulté.
Le 3/4 qui a quitté Altussheim à 4 heures du matin attive à Elzens à 16 heures. Il est mis lui aussi à la disposition du Général CHEVILLON mais ne sera engagé que le lendemain.
Le 4 avril, à la tombée de la nuit, le 1er Bataillon reçoit l'ordre d'occuper Neuhof et de tâter l'ennemi en direction de Soulzfeld.
Le départ a lieu à 21 heures. Vers 2 heures du matin la Compagnie NEYRENEUF occupe les pentes Nord du Lerchenfeld tandis que la Compagnie DUTERTRE atteint la ferme du Neuhof, met en fuite ses occupants et s'y installe.
La 1ère Compagnie poursuivant sa progression se rapproche de Soulzfeld. Dans le village règne certainement une vive agitation car des commandements et des bruits de moteurs parviennent aux oreilles des Groupes de tête.
La Compagnie MERCADAL progresse à son tour vers Soulzfeld. Si les circonstances sont favorables, le 1/4 pourra s'emparer du village aux premières heures du jour.
Vers 5 heures du matin, la résistance ennemie du Lerchenfeld se dévoile. Il est alors imprudent d'aller plus loin car le jour risque de placer le Bataillon dans une situation critique, sous les feux ennemi et dans un terrain complètement découvert. Le Commandant BARTHELEMY stoppe la progression. Les Unités s'installent à la ferme de Neuhof et au carrefour 209.
Le 5 avril, à 8 heures du matin, une Compagnie du 3/4, la 9ème, est dirigée sur Klingenberg où la Légion se bat depuis la veille. Le village est atteint à 10 heures. Les maisons flambent, des femmes, des vieillards, des enfants traînant des petits chariots chargés de meubles et de linge, évacuent la localité. Les Légionnaires enterrent leurs morts.
Contre-attaqués aux premières heures du jour, la Légion a subi de sérieuses pertes. L'Allemand est donc tout près. Il tient solidement la route Grossgartach - Nordheim ainsi que les côtes 313, 328, 227 et 226.
A 13 heures, les 10ème, 11ème et C.A.3 quittent Elzens pour Klingenberg.
Le Commandant du 3/4 devance son Bataillon en vue d'organiser la défense du village avant l'arrivée de ses Unités. Pour s'y rendre il faut traverser le plateau 203 absolument découvert et soumis aux feux de l'artillerie ennemie de la rive droite du Neckar.
A 14 heures, débouche des lisières Sud de Grossgartach l'attaque des chars sur Nordheim. Les côtes 237 et 226 sont successivement occupées, mais l'ennemi s'accroche dans le village. Des panzerfaust échelonnés de part et d'autre de la route gênent considérablement la progression.
La 11ème Compagnie rejoint Klingenberg vers 17 heures. Les 10ème Compagnie et C.A.3 détournées de leur première mission sont mises à la disposition du C.C.5 pour la prise de Nordheim.
La Compagnie RENNEVILLE soutenant les chars progresse vers Nordheim. Après un premier succès marqué par l'occupation des premières maisons les chars débordent le village par les lisières Ouest tandis que les Tirailleurs pénètrent par les lisières Nord malgré la vive résistance de l'ennemi.
De son côté, la 10ème Compagnie appuyée par un Groupe de mitrailleuses de la C.A.3, quitte Kligenberg vers 17 h 30. Elle progresse par la région riveraine du Neckar qu'elle nettoie et atteint Nordheim à 18 h 30. Le nettoyage du village s'effectue maison par maison. certaines flambent, amoncelant dans les rues des débris multiformes.
Des prisonniers lèvent les bras, nos Tirailleurs sont dans la joie.
Aux lisières Sud des rafales d'armes automatiques claquent, la 10ème Compagnie s'acharne sur les derniers îlots qui résistent encore. A 21 heures, les dernières résistances faiblissent, l'ennemi fuit vers Lauffen.
Nordheim ne sera définitivement nettoyé que vers 2 heures du matin.
Dans le courant de la nuit, les patrouilles des 10ème et 11ème Compagnies circulent dans le village et sur les hauteurs dominant Nordheim. Une Unité de chars a eu le contact à Lauffen et à Nordhausen.
Le 6 avril à 11 heures, la Compagnie RENNEVILLE après un court accrochage occupe Nordhausen où elle fait 20 prisonniers. Elle est relevée vers 13 heures par une Unité du 2ème Bataillon et ramenée à Nordheim en vue d'être engagée pour la prise de Lauffen.
De son côté, le 2/4 atteint Grossgartach le 5 vers 16 heures où il reçoit l'ordre d'occuper solidement 239 et 313. Le 6 vers 9 heures, il tient les côtes 301 et 323 sans aucun contact avec l'ennemi. Vers 11 heures, le Chef de Bataillon ACHARD, Commandant provisoirement le Régiment, donne l'ordre au Commandant CHOTIN de pousser son bataillon sur Nordhausen et d'attaquer le
village par un large mouvement débordant par le Nord. Entre-temps, Nordheim a été pris par le 3/4, néanmoins, la 5ème Compagnie y relève la 10ème qui est ramenée sur Nordheim.
En fin de journée, la 6ème Compagnie occupe Nordhausen et la 7ème Cie Durrenzimem.
Le 7, Meimsheim et Bonnigheim sont successivement atteint par la 6ème et 7ème Compagnies.
LA PRISE DE LAUFFEN
Le Bataillon GUILIANO de son côté va passer sur Lauffen.
Grande effervescence dans les rues de Nordheim. A grands fracas de leurs chenilles les chars quittent le village pour se porter sur la base de départ. La 11ème Compagnie est chargée d'appuyer le C.C.5. Nous borderons peut-être le Nackar ce soir, à Lauffen. L'heure "H" est prévue pour 10 h 30, mais au dernier moment les chars sont retirés du dispositif et seuls 3 T.D. sont laissés à la disposition du 3ème Bataillon.
A 11 heures, la Compagnie ROBERT quitte sa base de départ. Les petits groupes gravissent lentement les pentes Nord de 197. Aucune réaction de l'ennemi. La progression s'effectue normalement et à 11 h 30, les Groupes de tête atteignent 197. Un coup de feu claque; un tirailleur touché en plein front s'abat la face contre terre. L'ennemi est tout près, il nous surveille, nous guette. Mais où est-il ? Bien enterré, protégé par une épaisse couche de rondins et de terre, l'Allemand nous voit sans être vu. Le Capitaine ROBERT tâte les résistances. Quelques-unes se dévoilent. Il faut les réduire, si l'on veut déboucher. Les T.D. interviennent, mais sans résultats. Deux sont détruits par coups de panzerfaust, le troisième est retiré du combat.
Le Capitaine ROBERT alerte son Chef de Bataillon qui engage aussitôt la 10ème Compagnie à la droite de la 11ème avec mission d'occuper 213 et la Côte 233. Protégée par un violent tir d'artillerie, la 10ème Compagnie s'installe sur 213, mais la 11ème ne peut déboucher de 197. L'ennemi réagit vivement de toutes ses armes, toute progression est rendue impossible.
La Section BOTHERON, profitant des couverts qui bordent la Neckar, déborde largement par l'Est de 197 et après une progression hasardeuse atteint la crête 800 mètres au Sud de 197. Des coups de minens et des tirs d'armes automatiques partent de la rive Est du Neckar. Tout repli est impossible. La position de la Section BOTHERON est critique. Elle ne pourra rejoindre son Unité qu'à la nuit.
L'attaque est reprise le 7 avril à 6 h 30. Les emplacements d'armes automatiques ennemies repérées au cours de la nuit par les patrouilles de contact sont soumis pendant 15 minutes aux tirs de nos 105 et de nos mortiers. Pourrons-nous passer ? Quelle angoisse étreint nos cœurs lorsque les Tirailleurs du Lieutenant RENNEVILLE débouchent de 213. Aucune réaction de l'ennemi et pourtant après 50 mètres de progression dans un terrain absolument découvert et aux vues de l'ennemi le barrage se déclenche, dense, meurtrier. Face contre terre, Gradés et Tirailleurs sont cloués au sol. Lauffen sera-t-il à nous ce soir ?
La Section DELAS intervient en débordent largement le dispositif par l'Ouest. Après une marche rampante, lente et difficile, elle atteint les pentes de 233 et réussit par les tirs précis de son mortier de 60 et de ses armes automatiques à neutraliser deux résistances.
La réaction est immédiate, tous les feux de l'ennemi sont concentrés sur la Section DELAS qui gravit péniblement les pentes de 233.
C'est alors que, dans un élan magnifique, le Lieutenant RENNEVILLE entraîne sa Compagnie à la conquête de 233. Les coups pleuvent de tous les côtés, mais plus rien ne pourra entraver la progression de la 10ème Compagnie.
A 10 heures, 233 est occupée. Les pertes sont sérieuses. Les blessés ne peuvent être évacués qu'en half-track. Les Docteurs LEVY JAMES et MINGUET réussissent à ramener tous les blessés au poste de secours.
De son côté, la 11ème Compagnie n'a pas réussi à déboucher de 197.
A midi, le Chef de Bataillon ACHARD, Commandant provisoirement le Régiment, décide avec le Commandant du 3/4 d'attaquer Lauffen en partant du village de Haussen, tenu par la 6ème Compagnie. Cette Unité participera à l'action.
L'heure "H" est prévue pour 16 h 30, car il faut ramener de Klingenberg la 9ème Compagnie.
A 16 h 30, après une violente préparation d'artillerie et de mortiers sur les casemates situées en 245, le Chef de Bataillon lance ses 6ème et 9ème Compagnies. La violence des tirs d'artillerie est telle que peu à peu les casemates disparaissent dans un nuage de fumée.
Appuyé par 3 T.D., la Compagnie SAHUC enlève trois casemates et atteint 165. La Compagnie PERPERE nettoie la région Sud de 245 puis, continuant leur progression le long de la falaise, ces deux Unités se rabattent sur les arrières de l'ennemi mais sont stoppées à 200 mètres de l'entrée du village par des violents tirs d'artillerie.
Le succès est proche. Le moment est venu de faire intervenir les 9ème et 11ème Compagnies toujours installées en 233 et 197.
A 18 heures, le Chef de Bataillon actionne sa radio.
"Allo Panthère, allo Kangourou, c'est vous ROBERT, c'est vous RENNEVILLE".
.......................................
"Le dispositif ennemi est tourné par les 9ème et 6ème Compagnies, reprenez progression et poussez résolument sur Fauffen, ce soir le village est à nous".
La manœuvre réussit. Débordées de part et d'autre, attaquées de front, les résistances ennemies faiblissent, le dispositif ennemi craque.
Un Allemand, puis deux, puis dix, puis ... sortent de leur tanière fuient affolés, abandonnant leurs armes sur le terrain. Quelle débandade. Nos Tirailleurs tirent en marchant. On aperçoit sur les crêtes le Capitaine ROBERT épauler un fusil et faire feu sur les fuyards. Il déborde de joie. "Poussez, poussez, rie-t-il à ses hommes, Lauffen est à nous". Quelle course effrénée vers le village ! Une Section du R.M.L.E. alertée réussit à capturer une soixantaine de prisonniers, tous élèves Officiers.
L'ennemi évacue Lauffen. A 20 heures, la 11ème Compagnie pénètre dans le village suivie des 6ème, 9ème et 10ème Compagnies. Mais les pertes sont sévères : 30 tués - 56 blessés.
Le 6 avril commence pour le Bataillon BARTHELEMY, une période où il agira seul, un peu à la manière d'une colonne mobile dans une guerre coloniale.
Vers 6 heures, les patrouilles ont signalé que l'ennemi évacuait le Lerchenberg. L'alerte est aussitôt donnée, le Bataillon part en avant, le Capitaine MERCADAL en tête. Il pénètre dans Soulzfeld et s'installe aux lisières Sud pendant que la population envahit les rives et oblige nos hommes à menacer pour remettre de l'ordre.
A 15 heures, la progression reprend vers Ochsenburg et Léonbronn. C'est la forêt partout, pas de chemins hors les grandes routes accessibles aux véhicules. Pour vivre, il faut rétablir derrière soi les communications car l'ennemi sur les seuls axes possibles a accumulé barricades, abattis et destructions. Les Tirailleurs ne peuvent faire tout cela. Ils n'ont pas de scie ni le temps de s'occuper de ces détails. Les paysans réquisitionnés suivant la colonne, débitent les troncs, comblent les trous. A minuit Ochsenburg est atteint. Des batteries d'artillerie ennemies, des dépôts de munitions sont reconnus aux environs. L'ennemi est bien en fuite, il a tout abandonné.
Le 7, il faut atteindre Hafnerhaslach et Ochsenbach, traverser le puissant massif du Stromberg derrière lequel on doit retrouver le Groupement BONJOUR.
A 7 heures du matin, la Compagnie DUTERTRE en tête part prudemment dans la forêt. Destruction, abattis, tout se conjugue pour ralentir la marche.
Mais le Bataillon a l'habitude. Ses équipes d'ouvriers le suivent, la route progresse avec lui.
A heures, Hafnerhaslach est atteint, les premiers éléments du Groupement BONJOUR sont là. Le 3ème Tirailleurs arrive sur camions. tout le monde s'écrase et le désordre est indescriptible.
A 11 heures cependant, la 2ème Compagnie soutenant les chars progresse vers Ochsenbach. Les prisonniers se rendent et dès l'apparition d'un blindé lèvent par paquets les bras en l'air. Nos Tirailleurs sont dans la joie en poussant ces troupeaux devant eux.
Il semble qu'on atteindra facilement le village qui barre la coulée, mais l'ennemi s'est accroché.
Après un premier succès, nos chars ne peuvent plus progresser par suite de la destruction d'un pont. Nos Tirailleurs progressent par le Nord mais sont bientôt cloués au sol par un violent tir d'artillerie. Les chars qui sont dans la ferme reçoivent du 155 en telle quantité qu'on les croit perdus.
Le Capitaine NEYRENEUF progresse hardiment par les bois, atteint les lisières à l'Ouest de Ochsenbach, met en fuite une quarantaine d'Allemands surpris par son mouvement mais, pris sous le tir violent des "6 tubes" ennemis qui démoralisent les hommes, se replie de quelques centaines de mètres pour mettre ses hommes à l'abri.
L'acharnement de la résistance est tel que tout espoir de prendre le village est abandonné. A 20 heures, tout le monde décroche, l'opération sera reprise le lendemain avec des moyens plus puissants et une manœuvre plus ample.
Le brave Adjudant BRAHIM de la 2ème Compagnie (10 Citations) est dans les 34 blessés, 9 Tirailleurs ont été tués.
Le 8 avril, la marche sur Ochsenbach reprend par les bois de part et d'autre de la vallée : Au Nord vers le Stromberg le 1er Bataillon - Au Sud par le Tiergarten le 3ème Tirailleurs - sur la route, le gros des blindés. L'ennemi a fui. On reprend la route. Successivement Spielberg, Hohenhaslach sont atteints, le Bataillon harassé s'installe quand il reçoit à 17 heures l'ordre de rejoindre Freudenthal. Seul un hôpital de tuberculeux s'y trouve. Le personnel reçoit l'ordre de continuer à soigner ses malades mais sans sortir de l'enceinte.
Le 9 mai, une violente canonnade s'entend du côté de l'Est. Pas d'ordre, pas de liaison, le Chef de Bataillon ignore ce que font les voisins. Il décide de marcher au canon et d'aller sur Lochgau. Le mouvement commence à 10 heures quand l'Officier de renseignements du Corps vient fixer un objectif : le village de Besighei /Enz. La liaison est prise avec le 2ème Bataillon. A 15 heures, on occupe Metterzimmern. L'Enz coule tout près du village mais des falaises abruptes empêchent de le border et l'ennemi réagit de toutes ses armes dès que l'on se montre.
Après la prise de Lauffen le 3/4 s'installe, définitivement, dans la localité. Dans le courant de la matinée, plusieurs Tirailleurs sont abattus par des tireurs d'élite postés dans les tours de la rive droite du Neckar. Le séjour du Bataillon dans le village est de courte durée. A 15 heures, il est relevé par une Unité du 49ème R.I..
Le 8 à 17 heures, il est à Bonigheim où il passe la nuit.
Le 9, il se porte o Lochgau qu'il atteint à 21 heures.
PRISE DE BESIGHEIM
Le 3ème Bataillon est depuis peu de temps installé à Lochgau que l'ordre lui parvient d'enlever Besigheim dans le courant de l'après-midi.
Besigneim est un petit village allemand bâti à cheval sur l'Enz. Pour s'y rendre il faut emprunter les pistes de 278 et de la falaise ou la route directe qui épouse sur les 2/3 de son parcours le tracé d'une petite vallée encaissée de 2 kilomètres de longueur. Cette route est coupée et minée en maints endroits. A l'aplomb de la falaise et à 800 mètres des lisières Sud du village elle est en vue des tours cylindriques de la rive gauche de l'Enz. Chacune d'elles cache des tireurs d'élite et un poste d'observation. A chaque créneau une arme automatique est pointée, prête à tirer.
Lochgau est à bonne portée des tirs d'artillerie. A intervalles réguliers, des tirs de 105 harcèlent la route au débouché des lisières Est du village et le P.C. du Bataillon. Plusieurs Tirailleurs sont blessés.
A 15 h 30, les dernières mesures préparatoires sont prises. La 10ème Compagnie, prenant comme axe de marche la route directe pénètrera dans Besigheim par les lisières Sud. Une Section de cette Unité appuyée par un Groupe de mitrailleuses mènera une action de diversion sur 278 et la falaise.
La 10ème Compagnie débouche des lisières Est de Lochgau à 16 heures. La Section DELAS gravit lentement les pentes de 278 et atteint la falaise sans difficulté. Mais les hommes se montrent sur les crêtes. Des coups de feu partent des tours. Un violent tir de minen cloue nos hommes au sol. Tout mouvement est sanctionné par des rafales d'armes automatiques. Nos mitrailleuses sont mises aussitôt en batterie et ouvrent le feu sur les résistances repérées.
Les Sections LEGROS et HOUSSINE progressant par la route directe atteignent l'aplomb de la falaise sans réaction mais au débouché, de violents tirs de minen et d'infanterie les stoppent. Des coups de feu partent des Tours. C'est au milieu d'un déluge de fer et de feu que les hommes, rampant face contre terre, atteignent le passage à niveau à 500 mètres des lisières Ouest du village.
Il est 18 heures. La Section DELAS est elle aussi très fortement secouée par les tirs de minen. Quelques blessés. La jeep sanitaire envoyée sur les lieux saute sur une mine, sur la piste menant à 278. Le véhicule est déchiqueté, les occupants tués.
Du passage à niveau, nos armes automatiques réagissent violemment. Les mitrailleuses du Lieutenant ORTOLI tirent sans interruption. Les résistances ennemies faiblissent, mais les tirs de minen augmentent d'intensité. Des coups de feu partent toujours des tirs.
Des tirs de 105 et de 57 sont déclenchés sur le village, mais sans résultats. Des maisons flambent sur la rive droite de l'Enz. Un nuage noirâtre assombrit le ciel, mais les tours un moment masquées par les flammes et la fumée des éclatements réapparaissent intactes, toujours aussi agressives.
Le Chef de Bataillon ordonne alors au Lieutenant RENNEVILLE de stopper et d'attendre la tombée de la nuit pour pénétrer dans Besigheim.
La Section DELAS n'a pas perdu son temps. Mettant à profit nos tirs d'artillerie, elle contourne la falaise et par une petite piste atteint les premières maisons aux lisières Nord de Besigheim.
La surprise est grande chez l'ennemi. Il fuit de toutes parts et repasse l'Enz.
A 19 h 30, à la tombée de la nuit, le Lieutenant RENNEVILLE franchit le passage à niveau. A la faveur de la demi-obscurité, les Groupes atteignent les lisières Sud de Besigheim. Les tours se sont tues. Le village paraît sans vie. Prudemment les hommes s'infiltrent dans les rues, visitent les maisons une à une. Des Allemands qui s'étaient abrités dans les caves sont renvoyés à l'arrière sous faible escorte. A 20 heures, l'Enz est atteint, la liaison établie avec la Section DELAS.
Besigheim est entièrement occupé.
Le 8 avril, le 2/4 occupe Erligheim et Bonnigheim. Au cours de leur progression, les Unités sont prises sous un violent tir d'artillerie.
Le 1er Bataillon qui avait reçu l'assurance de passer la nuit à Metterzimmern est cependant transporté le 10 avril à partir de 18 heures à Enzweihingen pour y relever les Goumiers. La 1ère Compagnie occupe Leinfelderhof, résidence de campagne du Baron Von NEURATH et de son père; le Colonel Von NEURATH accueille le Capitaine NEYRENEUF en l'appelant respectueusement "Mon Colonel". La villa est bien pourvue. Les excellents cigares du Baron font la joie de tous. Sur le Livre d'Or, à côté des signatures des grands hommes du 3ème Reich et de l'Empereur GUILLAUME, la 1ère Compagnie du 4ème R.T.T. marque sa visite et de nombreux Officiers du Régiment y apposent leur nom.
Dans le courant de la nuit du 10 au 11 avril, le 3ème Bataillon est relevé par les Goums. Le 11, dans la matinée par l'itinéraire Lochgau - Lachsenheim, il se porte à Vaihiagen où il relève le 3ème R.T.A., les 9ème et 10ème Compagnies occupent Aurich face à Neudorf et Riet.
Le contact est maintenu à Pforzheim où l'ennemi est très actif. Des infiltrations se produisent un peu partout.
Le 15 avril au matin, les 1er et 3ème Bataillons sont relevés par le 49ème R.I..
Par rotation les Bataillons gagnent leur nouveau stationnement : 1er Bataillon Durrn avec une Compagnie à Corrès - 3ème Bataillon Kieselbronn avec une Compagnie à Eutingen et une Compagnie à Enzeberg.
Le 2ème Bataillon relève à Pforzheim (rive gauche de l'Enz) le 5ème R.T.M. et, le 16 aux premières heures du jour, deux Sections de la 6ème Compagnie et deux Sections de la 7ème sous les ordres du Capitaine SCACHE s'installent à Eutingen libérant une Compagnie du 3/4 qui va être engagée pour l'offensive de Stuttgart.
L'OFFENSIVE POUR STUTTGART
Dans la nuit du 15 au 16 avril 1945 à 2 heures du matin, le Colonel GOUTARD, convoque à son P.C. les 3 Chefs de Bataillon. Il s'agit maintenant de briser la ligne ennemie au Sud de Nieffern et de poursuivre l'allemand jusqu'à Stuttgart, objectif de la 3ème D.I.A..
Le 3ème Bataillon est chargé de cette lourde mission.
Que sait-on de l'ennemi ? Il est tout près. La veille le 3ème R.T.A. a occupé Nieffern. Les reconnaissances qui ont été lancées aux lisières du bois de Nieffern se sont heurtées à l'ennemi sur l'autostrade. Les hommes sont éreintés, le matériel suit difficilement. Mais au Bataillon le moral est bon car c'est à lui qu'échoit l'honneur de percer, et de pousser sur Stuttgart.
Le 1er Bataillon est maintenu provisoirement en réserve. Le 2ème Bataillon se prépare pour l'action du 16 sur Pforzheim.
Le 16 avril à 8 heures, le Chef de Bataillon GUILLIANO regroupe ses Unités dans Nieffern. Il faut faire vite car l'heure "H" est proche. La base de départ est reconnue, le dispositif mis en place et, à 10 h 30, après une préparation d'artillerie de 15 minutes, la 11ème Compagnie débouche et pousse résolument vers l'autostrade, mais les tirs ennemis se déclenchent et la Compagnie ROBERT est stoppée. Le morceau sera dur à enlever mais nous passerons tout de même. La 9ème Compagnie débouche à son tour et par un large et audacieux mouvement débordant à l'intérieur du bois de Furstenkop, tourne les résistances ennemies, débloque la 11ème Compagnie et fait des prisonniers. "Bravo PERPERE", ta canne qui restera légendaire au Bataillon aura un fois de plus montré le chemin du Devoir à nos braves Tirailleurs.
9ème et 11ème poursuivent leur progression à travers bois en direction de Neubarenthal, la 10ème Compagnie en réserve derrière ces deux Unités.
Vers 15 h 30, Neubarenthal est largement débordé. Les premiers éléments des 9ème et 11ème Compagnies abordent les lisières. Menacé d'encerclement, l'ennemi abandonne le village et fuit vers Wurmberg.
Neubarenthal est occupé à 16 heures.
La Compagnie ROBERT pousse aussitôt des reconnaissances sur Wurmberg mais elle se heurtent à 800 mètres du village à un ennemi richement pourvu d'armes automatiques.
On apprend d'autre part que nos voisins de droite n'ont pas pu avancer. Le 3ème Bataillon se trouve ainsi en flèche de 3 kilomètres. Aussi s'enferme-t-il en boule dans Neubarenthal où toute la nuit il subira le harcèlement intensif de l'ennemi qui s'est rabattu sur le village et l'entoure de toutes parts.
Il nous faut économiser les munitions, l'échelon arrière en raison de l'état des routes n'a pas suivi. Gradés et Hommes sont éreintés, mais toute la nuit ils veillent car l'ennemi est proche, vigilant, prêt à exploiter la moindre de nos fautes. Va-t-il contre-attaquer ? Son attitude le laisse prévoir et pourtant le jour se lève sans aucune action offensive de sa part.
De l'observatoire du P.C. du Bataillon on aperçoit le clocher de Wurmberg, objectif de la journée.
A 7 heures, la Compagnie ROBERT débouche des lisières Sud de Neubarenthal. L'ennemi qui a replié au cours de la nuit une partie de ses éléments sur Winsheim, n'oppose qu'une faible résistance à notre avance.
A 10 heures, Wurmberg tombe entre nos mains.
LA PRISE DE WINSHEIM
Wurmberg est pris mais il n'est qu'une étape de la marche sur Stuttgart. Il faut se hâter et ne pas "moisir" dans ce petit village à moitié démoli.
Le 17 avril à 14 heures, le Chef de Bataillon pousse des reconnaissances sur Winsheim. La 10ème Compagnie atteint facilement la côte 456. Tout est calme. L'ennemi aurait-il décroché ?
Un prisonnier allemand se présente au P.C. du Bataillon. Une barbe de plusieurs jours assombrit son visage marqué par la fatigue et la souffrance. Il répond à toutes les questions qui lui sont posées. Winsheim et solidement défendu. Depuis 2 jours la garnison se renforce car il faut à tout prix barrer la route de la Capitale du Wurtemberg aux Français. Les lisières et les pentes Nord du village sont fortement tenues par une troupe d'élite composée en majeure partie de Gradés.
Le terrain se présente sous la forme d'un couloir dénudé bordé de bois touffus, parsemé de quelques buissons du côté de l'ennemi.
Les renseignements fournis par le prisonnier demandent toutefois à être vérifiés.
Quelques petits groupes de la 10ème Compagnie dévalent les pentes de 456. La réaction est immédiate. Un vacarme infernal secoue l'atmosphère. Les minens tombent de toutes parts, les balles claquent au-dessus des têtes. Quelques Tirailleurs sont blessés. Les groupes stoppent. Le Commandant de Compagnie les replie sur 456 car il n'est plus question de progresser dans ce couloir meurtrier.
Il faut déborder largement par les bois pour enlever le village.
A 17 h 30, la Compagnie PERPERE reconnaît le bois d'Hagenshieb, bouscule quelques éléments ennemis et atteint sans trop de difficultés le débouché du bois 1 kilomètre à l'Ouest de Winsheim. Des coups de panzerfaust claquent dans les arbres, il faut stopper. Demain il faudra déborder plus largement et prendre le village par les lisières Sud complètement à revers.
Les Unités sont regroupées, le Bataillon se met en boule dans Wurmberg pour y passer la nuit.
A 23 heures, une patrouille légère est poussée sur Winsheim. Elle revient une heure après n'ayant pu dépasser le talweg au Sud de 456.
A 2 heures, une deuxième patrouille sort, elle atteint 447 sans réaction.
A 4 heures du matin, la Section de l'Aspirant CAMUS sort à son tour. Elle dépasse 456, le talweg, mais est bloquée aux abords de 447. Le décrochage est difficile, l'ennemi réagit de toutes parts. Deux T.D. sont mis en batterie aux lisières Sud de Wurmberg pour protéger son repli. Après 4 heures d'une marche rampante, au milieu d'un terrain découvert et aux vues de l'ennemi, l'Aspirant CAMUS réussit à regrouper sa Section sur 456.
Le village est solidement tenu. On attaquera à 7 heures, suivant le plan élaboré au cours de la nuit.
L'attaque sera menée par surprise, les tirs d'artillerie prévus ne seront déclenchés qu'en cas de nécessité absolue.
Tandis que la Section CAMUS en position sur 456, harcèle l'ennemi de ses feux et que les mortiers du Lieutenant ORTOLI inondent d'obus les résistances ennemies repérées, les 9ème et 10 Compagnies se portent sur Winsheim en effectuant un large mouvement débordant à l'intérieur du bois de Hagenshieb. La marche de ces Unités est lente, car le bois est touffu, les Groupes se glissent entre les arbres sans bruit, les hommes retiennent leur toux; aucun commandement à la voix, les Tirailleurs, les yeux fixés sur leur Chef, leur obéissent aux gestes. De temps en temps, le micro du poste 300 couine, troublant le silence du bois, c'est le Chef de Bataillon qui demande aux deux Commandants d'Unité leur position.
LE NETTOYAGE DE PFORZHEIM
Ayant passé le Rhin à Spire au début du mois d'avril, le Régiment a rapidement poussé jusqu'au Neckar qu'il a atteint dans la région d'Heibronn puis remonte jusqu'à son confluent avec l'Enz.
Arrêté du 9 au 14 avril sur cette rivière, il glisse peu à peu de Bietigheim à Vaihingen. Le 16 avril il prend pied sur la rive droite de l'Enz et s'empare de Neubarental, sur la route de Stuttgart.
Le même jour, le 2ème Bataillon, Commandant CHOTIN, occupe, sur la rive gauche de l'Enz, la partie Nord de Pforzheim conquise quelques jours auparavant par la 5ème D.B..
La partie Nord de la ville, de part et d'autre de la Nagold est encore tenue par de forts effectifs ennemis.
Le 17 avril, le Régiment s'enfonce davantage vers le Sud et prend Wurmberg. Les Goumiers (Groupement LEBLANC) débordent Pforzheim par l'Ouest. Mais le front à tenir sur l'Enz est large et le Commandant CHOTIN redoute de voir les Allemands, renouvelant une tentative faite la veille à l'Est de la ville, chercher à percer vers le Nord en bousculant les trop faibles effectifs dont il dispose.
Vers 18 h 30, la Division décide de se débarrasser de cette enclave gênante. Un Groupement est constitué aux ordres du Commandant ACHARD-JAMES : Il comprend initialement le 2/4 R.T.T., le Groupe d'Escadrons de DOMPSURE du 2ème R.S.A.R., l'Escadron PLANES du 7ème R.C.C., le Goum et la Compagnie de garde du Q.G. de la 3ème D.I.A., une batterie de 155 court.
Pendant la nuit, la surveillance des rives de l'Enz est renforcée. Les A.M. du 2ème R.S.A.R. patrouilles sur la Côte de part et d'autre de la ville. Dans la journée du 17, la 6ème Compagnie du 4ème (Capitaine SAHUC) a été portée sur les hauteurs Sud de Pforzheim où elle a installé deux "bouchons" sur les routes, à Seehaus et à la Côte 399.
L'ennemi tire beaucoup. La batterie de 155 lui répond. Elle effectue dans le Spitalwald plusieurs tirs de ratissage. Une cinquantaine d'Allemands de la D.C.A. de Strietweg cherchent à sa replier vers le Sud, mais, sans doute troublés par ces tirs, se jettent sur la 6ème Compagnie. 27 d'entre eux se rendent à Seehaus.
Le 18, au lever du jour, les chars légers, le Goum de garde (Capitaine DE SAILLAC) se trouvent à Eutingen et montent vers 399 par les bois et la route de Seehaus. La 3ème Compagnie du 4ème R.T.T. (Capitaine MERCADAL) arrive en même temps qu'elle à 399.
De la route de Seehaus, trois routes et pistes descendent vers Pforzheim. Sur chacune d'elles se forme un petit Groupement d'un peloton de chars et une Section de Goumiers ou de la 6ème Compagnie. La 3ème Compagnie constitue sur la route un barrage fixe (aux ordres du Capitaine SCACHE, Adjudant-major du 2/4 R.T.T.).
Le dispositif se portera sur Pforzheim. Lorsque l'encerclement sera réalisé, sur ordre du Commandant ACHARD, le Commandant CHOTIN enverra à la Garnison allemande un émissaire pour la sommer de se rendre, sinon, on bombardera.
A 18 h 15, les chars s'ébranlent. Bientôt, on entend quelques rafales de mitraillettes. les Groupements chars, infanterie, poussent vivement et entrent bientôt à Strietweg vide, où règne le plus grand calme. Mais un Officier pénètre dans la première maison et se trouve nez à nez avec quinze ennemis en armes... qui se rendent aussitôt. De toutes les maisons où se ruent Goumiers et Tirailleurs, sont extraits près de 150 hommes et 5 Officiers. Cherchant sans doute à filtrer vers le Sud ou à s'installer défensivement dans Strietweg, ils ont, mal gardés, été pris en flagrant délit de manœuvre.
Strietweg où quelques maisons brûlent, est dépassé. La liaison est faite entre les Groupements qui arrivent aux abords des premières maisons de la ville. Quelques résistances sont rapidement détruites. Le Commandant CHOTIN envoie alors des émissaires.
L'Officier qu'ils touchent tergiverse, se retranche derrière ses consignes. Plus tard il prétendra attendre des ordres de son Colonel dont le P.C. est à Weiherberg et apprendra par nos soins que son Chef l'a abandonné la veille et qu'il s'est replié.
Le Groupe d'Escadrons du 2ème R.S.A.R. reçoit au moment de pénétrer dans la ville, l'ordre de rejoindre son Régiment engagé à 50 kilomètres au Sud de Pforzheim. Un renfort d'Infanterie est demandé au 4ème R.T.T.. Peu après débarque sur la place de Strietweg la 2ème Compagnie (Capitaine DUTERTRE). Le Goum est mis en réserve. La 6ème Compagnie agira au Nord, le long de l'Enz, la 3ème au Sud, le long de la Nagold, la 2ème au Centre.
L'Opération sera menée par la droite, l'Escadron PLANES appuyant la 6ème.
La progression reprend. Quelques résistances aux lisières, les T.D. s'engagent.
La 6ème pénètre dans Pforzheim, la Section du Lieutenant BOURIN en tête qui fait merveille dans les ruines. Les prisonniers affluent.
A 16 h 45, la liaison est prise au confluent de l'Enz et de la Nagold par le pont écroulé, avec des éléments du Commandant CHOTIN restés sur la rive gauche.
Les 2ème et 3ème Compagnies sont là, au rendez-vous.
Une passerelle est trouvée intacte dans le secteur de la 6ème Compagnie. 400 mètres en amont, le Capitaine DUTERTRE trouve un pont abondamment miné, mais non détruit. Là aussi l'ennemi a été surpris. Les trois Compagnies passent sur la rive gauche de la Nagold, c'est la zone d'action du Groupement de Tabors mais qu'importe, la journée est trop belle pour s'arrêter là.
La résistance ennemie est complètement désorganisées : De toutes parts des ruines, de cette coquette cité détruite un an auparavant par un effroyable bombardement de 20 minutes, sortent des Sections entières en bon ordre, brandissant (où en ont-ils trouvé tant ?) d'immenses drapeaux à croix rouge.
Sur la route de Strietweg, c'est maintenant un convoi ininterrompu de prisonniers.
Dans la ville, on progresse. Quelques rares îlots sont encore détruits. Parvenu aux lisières Ouest de Pforzheim, le 4ème sera enfin arrêté par... les tirs des T.D. du Groupement de Tabors qui arrosent copieusement les dernières maisons.
Il est 18 h 30, Pforzheim est entièrement entre nos mains. La police allemande attend patiemment les ordres que nous voudrons bien lui donner. Quelques Français libérés s'offrent comme guide.
A Strietweg, 1.400 prisonniers dont 30 Officiers s'entassent dans les camions et, dans la nuit qui tombe, s'en vont vers la cage.
N'était-ce pas à eux que, dans cette retraite bien orchestrée revenait la défense du Secteur Sud-ouest de Stuttgart, de cette trouée d'Haslach où, dans trois jours, s'enfonceront victorieusement nos Bataillons ?
LA PRISE DE STUTTGART
Le 19 avril, le 3/4 appuyé par deux pelotons de chars légers et un peloton de T.D. pousse sur Pérouse. La Compagnie PERPERE débouche de Friolzheim, à 9 heures, déborde largement à l'intérieur du bois Geieb et atteint le carrefour à 1 kilomètre à l'Ouest de 470. De son côté la Compagnie RENNEVILLE tente, après une violente préparation d'artillerie de s'emparer de la Côte 476. Mais les pentes Ouest sont balayées par des feux nourris d'armes automatiques interdisant toute progression. Elle est alors orientée sur le carrefour tenu par la 9ème Compagnie. On contournera ce mouvement du terrain en partant de 470.
A 14 h 30, la Côte 471 est occupée, le Chef de Bataillon donne l'ordre au Commandant des blindés de pousser des reconnaissances sur Pérouse et Heimsheim. Mais au débouché des lisières Sud du bois de Stahlbuhl des coups de panzerfaust les stoppent, tandis qu'une contre-attaque ennemie sur 470 échoue.
A 18 heures, la Compagnie ROBERT essaye de réduire les résistances ennemies de 476. Effectuant un large mouvement débordant par l'itinéraire suivi par les 9ème et 10ème Compagnies, elle atteint l'autostrade mais ne peut le dépasser. L'ennemi réagit de toutes parts.
La nuit tombe, toute action offensive est suspendue. Les 9ème et 10ème Compagnies se replient au carrefour pour y passer la nuit.
Le 19 au soir, le 3ème Bataillon est donc stoppé dans sa marche vers Pérouse. Une ligne de feu continue l'aurait exposé à trop de pertes dans une région où les vues permettaient le tir à bonne portée des armes automatiques.
Le 20, il reprend sa progression, mais cette fois il est aidé sur sa droite par le Bataillon BARTHELEMY qui, dès la pointe du jour, lance une patrouille sur une des crêtes qui courent Heimsheim.
Rien ne se présente, aucun ennemi, seule une odeur de roussi effrayante, et sitôt la crête atteinte, le village de Heimsheim apparaît. Il a été soumis à un intense bombardement la veille, pas une maison n'est intacte. Il est environ 12 heures, mais la tâche du Bataillon n'est pas finie. Le Colonel désire qu'on atteigne Malmsheim.
Sur la route, en prenant les précautions d'usage, les Compagnies repartent. Une crête boisée et partout des embuscades préparées, des barrages, mais pas de mines... Les chars nous suivent ou nous précèdent suivant qu'il leur est possible d'avancer.
A 14 heures, la Section de pointe arrive à l'orée de la forêt : Le village est tenu, on voit les Allemands sur les croupes boisées et dans les premières maisons qui se détachent vers nous comme des postes de guetteurs naturels.
Il ne paraît pas que notre avance ait été décelée. Un rapide coup d'œil sur le terrain de part et d'autre de la route qui conduit au village, la 1ère Compagnie à gauche, la 2ème Compagnie à droite, se tapissent aux lisières des bois. Les chars, un peu à l'arrière dans une clairière se tiennent prêts à bondir. L'Officier de liaison d'artillerie a demandé que le 155 pilonne les lisières du village... son tir sera le signale de l'attaque... et lorsque vers 15 heures les fumées et les éclatements sont perçus de nos hommes, ceux-ci s'élancent abordant le village sur ses flancs pendant que les chars rageurs attaquent de part et d'autre de la route. C'est un beau tumulte, un affolement chez les boches surpris, ils tirent au panzerfaust sur les isolés leur faisant plus de peur que de mal, se rendent ou fuient abandonnant armes et équipements. Lorsque tout le village est occupé, de toutes les maisons sortent des hommes hagards.
D'autres cherchent à fuir vers Weil Der Stadt. On aperçoit leurs dos ronds et leurs fonds de culottes que poursuivent les salves de notre Artillerie ou les rafales de nos mitrailleuses; quelques camions de Sous-officiers, presque pas de soldats, sont notre butin. Le Général et le Colonel viennent sur le lieu de cet exploit mais ils sont insatiables, le Général CHEVILLON dit alors : "Je viens de recevoir un Radio - L'objectif est Stuttgart..." - "Nous ferons de notre mieux, mon Général...".
Et pour commencer, nous allons pousser ce soir jusqu'à Renningen au-delà duquel on aperçoit les crêtes boisées qui couvrent la Capitale du Wurtemberg... mais l'accès en est difficile... L'ennemi a de bons observatoires d'artillerie et lorsque vers 17 heures, nos chars et notre infanterie débouchent, ce sont des salves si bien ajustées sur tous les Groupes qui se font voir que tout le monde redevient hésitant... cependant les Compagnies ont amorcé par le Nord et par le Sud un vaste mouvement d'encerclement et à la nuit tout le village est tenu mais les hommes sont épuisées, ils ne retrouvent des forces que pour visiter les maisons.
La nuit passe. Le nom de Stuttgart hante tous les esprits des Chefs... le forêt, la grande forêt est devant nous, la fatigue est grande mais l'objectif est si proche.
Du côté du 3/4 la progression est reprise avec succès. Le 20, au lever du jour, une reconnaissance de chars est poussée sur Pérouse. L'ennemi l'évacue.
A 11 heures, le Chef de Bataillon lance sa 10ème Compagnie sur Rutesheim sans appui de chars. Au débouché du village de Pérouse, prise sous un tir massif de 150, elle est obligée de marquer un temps d'arrêt. A 500 mètres des lisières Ouest de Rutesheim, la Section LEGROS signale le décrochage d'éléments ennemis de la valeur d'une Compagnie qui fuient en direction de Leonberg. A 13 heures, la Compagnie occupe le village sauf la région du cimetière où des Allemands résistent encore. A 16 heures, Rutesheim est entièrement nettoyé.
Les hommes sont las. Depuis le 16 avril, ils marchent et attaquent sans arrêt. les pertes sont sérieuses. La 11ème Compagnie a perdu la presque totalité de ses Sous-officiers, la 10ème Compagnie n'a plus qu'un effectif de 70 Gradés et Tirailleurs, la 9ème n'en a guère plus, la C.A. est fortement atteinte. Et pourtant à 17 h 30 le Bataillon débouche des lisières Est de Rutesheim pour se porter sur Leonberg. La Section POZZO DI BORGO atteint 416 sans difficulté.
A 1 kilomètre de Leonberg, elle est arrêtée par une arme automatique qui prend la route d'enfilade. Elle réussit à la réduire au moment où la 11ème Compagnie arrive à sa hauteur.
A 19 heures tandis que la 10ème Compagnie débouche à son tour de Rutesheim, le Colonel stoppe le Bataillon car les Algériens n'ont pas encore atteint Gebersheim.
Le 3/4 s'installe alors défensivement à Rutesheim pour y passer la nuit.
Le 21 avril, au lever du jour, le 2/4 relève le 3ème Bataillon et prend à son compte l'attaque sur Leonberg. Mais à 13 heures, il sera de nouveau engagé pour placer un bouchon à Seehaus sur les arrières de l'ennemi.
A 8h00, la 7ème Compagnie du 2/4 appuyée par une Unité de chars entame sa progression sur Leonberg qu'elle atteint une heure après sans rencontrer de résistance. La 6ème Compagnie est poussée sur Eltingen qu'elle occupe vers 16 heures avec la 10ème et 11ème Compagnies du 3/4.
Au débouché de Leonberg et d'Eltingen, le 2èùe Bataillon est stoppé par des tirs nourris d'Infanterie provenant des pentes à l'Est de ces deux villages et de la tour située sur 481.
Cependant, en fin de soirée, la Compagnie GOASGUEN réussit à prendre pied sur 481 et à l'occuper.
A Eltinger, on peut lire : "Stuttgart 12 kilomètres".
Jamais nous n'en avons été aussi près et pourtant voilà 10 jours que nous tournons autour de la ville à la recherche de la brèche. Stuttgart est pour nous un Paradis lointain, insaisissable et pourtant bien désiré. La phrase à la mode est : "Vivement cette ville qu'on se repose".
Cette course vers Stuttgart a commencé pour nous voici déjà deux mois, devant la forêt d'Haguenau. Depuis, nous n'avons pas connu de jour qui ne nous ait apporté quelques kilomètres à arracher à l'Allemand, des blessés, des morts. Tout cela à pied, prosaïquement, péniblement. La Gloire du Tirailleur n'est pas spectaculaire, mais elle est dure.
A Eltingen il pleut. Nous venons de nous en emparer. Un beau tapage nous a accueilli. Le boche nous montre qu'il nous attend, là, tout près sur la route de Stuttgart. Et au milieu de la population affolée qui s'affaire à éteindre les incendies allumés par l'artillerie allemande, nous nous demandons : "Passe-t-on cette fois ?".
Le village brûle, les meubles sont empilés pêle-mêle dans la rue, sous la pluie. Les gens crient, pleurent, en faisant la chaîne avec des seaux d'eau.
A 17 heures, l'ordre est donné au Commandant du 3ème Bataillon de placer un bouchon à Seehaus. Puisque l'Allemand se cramponne sur la route de Stuttgart, nous irons par les collines boisées et passerons derrière lui tout simplement.
L'idée est tentante. Elle représente un crochet de 10 kilomètres. Il est déjà tard. Il pleut de plus en plus fort. La nuit arrivera vite.
Bah ! On verra bien. Si on ne se perd pas, on arrivera à Seehaus sur la route de Stuttgart à 5 kilomètres derrière le boche. La carte indique quelques maisons.
La Compagnie ROBERT chargée de cette mission débouche d'Eltingen à 17 h 30. L plaine est traversée par surprise et sans encombre. La Compagnie s'engouffre sous bois.
Les Gradés en tête consultent fréquemment leur boussole. Il fait sombre sous bois. Le terrain est pénible. Les hommes peinent. Les mitrailleurs et les servants des mortiers souffrent sous leur fardeau.
La Compagnie marche en silence, l'œil aux aguets. Le bruit de la pluie sur les feuilles l'accompagne. Parfois une biche s'échappe devant elle.
Il fait noir maintenant, le bois est sinistre. L'eau a traversé les capotes et dégouline dans le dos. On entend le clapotis des pieds dans les souliers. Le sol est gluant, plus d'un tombe en étouffant un juron.
Enfin voici l'autostrade ! Seehaus n'est pas loin. Les éclaireurs repartent attentifs. Enfin une maison. D'un bond les éclaireurs entrent par toutes les portes et fenêtres à la fois.
Il n'y a que des civils terrorisés.
La progression continue. Voici d'autres villas, un hôtel, une ferme. Seehaus est à nous.
La Compagnie n'y trouve qu'une trentaine d'Allemands désemparés et ahuris de voir ces "Schwartz" surgir en pleine nuit à cinq kilomètres derrière les lignes. Ils se croyaient tellement en sûreté.
Vite une installation défensive. Il s'agit maintenant de barrer la route et de couper la retraite à ces "Messieurs", car demain le Commandant attaquera avec le reste du Bataillon.
Vite aussi la T.S.F. en action. On doit être inquiet pour nous là-bas.
Une visite au poteau indicateur du carrefour "Stuttgart 6 kilomètres". L'étape de demain sera très courte.
Les gardes sont en place. La Compagnie est parée.
La nuit sera loin d'être calme. Les prisonniers se succèdent. Un plaisantin propose de mettre sur la route une pancarte "Ici centre d'accueil pour prisonniers allemands. Entrez sans faire de bruit".
Le moral est bon. Demain "Inch'Allah" nous serons à Stuttgart.
De son côté le 1/4 continue sa poussée sur Stuttgart.
Le 21 à midi, la 3ème Compagnie s'ébranle... c'est à son tour d'être en avant. Le Capitaine MERCADAL qui la commande est appuyé par 2 T.D..
Le Haut Commandement cherche l'abordage de Stuttgart plus au Nord. Il ne laisse au Bataillon que le minimum de moyens. Le principal ennemi sera la pluie... une pluie diluvienne qui ne s'arrêtera pas..., la colonne progresse lentement, il faut se couvrir dans les bois, détruire les barricades pour ouvrir la route au convoi resté calme au milieu des coups de fusils que des détachements attardés ou des fanatiques tirent de tous les côtés... sur les flancs, quelque fois même en arrière.
Qu'importe, sans s'inquiéter des voisins que l'on entend se battre vers le Nord-ouest, le Bataillon progresse.
La Compagnie MERCADAL, derrière sa Section de pointe en dirige la marche. Sur l'autostrade, 10 kilomètres avant la ville il trouve un Goum. Joie ! Nous ne sommes plus seuls dans cette immense forêt. Et la marche reprend après une escarmouche légère..., les T.D. travaillent en Sapeurs, ils arrachent les barricades, les détruisent à coups de canons, on s'arrêterait bien si on pouvait s'abriter, mais il n'y a rien pour se mettre à l'abri. Les blessés allemands que nous avons sur notre route baignent dans leurs brancards posés à même sur les véhicules du Bataillon... Un poteau sur la route : "Ville de Stuttgart - Halte du tram". L'objectif est proche... En avant ! Soudain une, deux rafales de mitraillettes, tout le monde se jette dans le fossé, des patrouilles se détachent dans la profondeur des bois... Ce sont les derniers coups de feu de la guerre pour le 1er Bataillon. Bientôt des villas apparaissent accrochées au coteau, pimpantes et fraîches : C'est Hasslach, notre objectif. Les premiers tirailleurs s'avancent méfiants... Un Caporal qui ce soir craint plus la pluie que les balles les suit, tenant à la main un vaste parapluie. Une chose inattendue, de toutes parts jaillissent des hommes, des femmes, des enfants brandissant des drapeaux, tenant des fleurs à la main, serrant celles des Tirailleurs, des Officiers. Tout un camp de déportés du travail de toutes les Nations vient de rompre ses clôtures et nous souhaite la bienvenue...
Plus bas on entend un grondement de chenilles, ce sont les blindés qui arrivent par le Sud de la Ville. nous les appelons du geste... mais ils ne semblent pas nous voir et s'enfoncent dans le centre de la Ville. Il est exactement 19 heures.
Le 22 avril à 6 heures sans préparation d'artillerie, le 3ème Bataillon débouchant des lisières Est d'Eltingen, attaque en direction de Seehaus. Sous la poussée de nos Tirailleurs, la ligne de défense ennemie craque. Les Allemands s'enfoncent dans les bois. La Compagnie ROBERT installée à Seehaus en récupère au passage. Le 10ème Compagnie progresse dans les bois, la 9ème Compagnie sur la route Léonberg - Stuttgart. La progression est lente car les bois sont touffus et les routes barrées.
A 10 heures, le Bataillon atteint les hauteurs qui dominent la Capitale du Wurtemberg.
De son côté, le Bataillon CHOTIN atteint Solitude où il fait une dizaine de prisonniers. Il stationnera dans ce village jusqu'au 24 avril date se son installation à Stuttgart.
***
Stuttgart que nous avons conquise est le terme de cette longue et dure randonnée entreprise en Tunisie en 1942-1943, poursuivie en 1944, sur les champs de bataille d'Italie où le 4ème R.T.T. a chargé son Drapeau en tant de gloire nouvelle, en France ensuite, dans le Jura, dans les Vosges, en Alsace, Terres bénies pour lesquelles il a fallu lutter si âprement pendant ce terrible hiver 1944-1945, enfin en Allemagne où le 4ème R.T.T. a bondi le premier le 19 mars 1945 pour refouler enfin l'ennemi en tête de notre chère 3ème D.I.A. jusqu'à Stuttgart.
Mais sur cette longue route que de Camarades tombés, que de braves Sous-officiers, que de fidèles et dévoués Tirailleurs. Et en tête de nos Morts, le Colonel ROUX qui avait donné au Régiment toute son âme et lui avait communiqué sa Foi dans la France, sa volonté de vaincre, d'aller jusqu'à la Victoire finale.
Fin de la campagne d'Allemagne
L' occupation
Après quelques mois d'occupation à Stuttgard, le régiment est ramené à Kaiserslautern (Palatinat) où il séjourne jusqu'en juin 1946, date à laquelle il rejoint la Tunisie sous les ordres du colonel Baqué.
Prises d'armes à Stuttgart, le Colonel GOUTARD en tête du 4ème R.T.T., les récipiendaires.
La nouba du 4ème R.T.T. à Stuttgard
S.A. le Bey de Tunis, félicitant le Général CHEVILLON
au cours de sa visite au 4ème R.T.T. à Kaiserslautern (août 1945)
Le drapeau du 4ème R.T.T. et sa garde défilant à Paris, Place de la Nation,
le 14 juillet 1945
Suite :4e RTT 1946-1957