Chef de secteur de l'OCM
Chef de secteur de l'Organisation Civile et Militaire
Avant mon arrestation, j'étais nommé chef de secteur de l'OCM, par la volonté du lieutenant-colonel Bordereau, ce Mouzonnais, fils du général Gouverneur la place de Verdun en 1918 ou 1919. Comme d'autres officiers de mon régiment, il fréquentait secrètement notre maisonnée. Il y avait aussi un officier anglais, mais plus rarement car très occupé par les différentes missions départementales. Le colonel Bordereau a été tué en juin 1944 au maquis des Manises à Revin.
Pour vivre ou survivre, voire alimenter nos visiteurs, il fallait de l'argent et du ravitaillement. Avec mon ami Luneaut (c'est lui qui conduisait à destination les aviateurs anglais et américains récupérés par mon épouse pendant mon absence), nous avions acheté 3 ou 4 bêtes que l'on tuait nous-mêmes et dont nous vendions la viande.
Un jour, au moment de tuer le dernier veau au faubourg de Mouzon, chez un cultivateur, son fils arriva en courant comme un fou et lança à son père : "Papa, Papa, les Allemands sont à Mouzon et ramassent tous les hommes !". Le père et le fils se sauvèrent nous laissant seuls. Nous nous concertâmes et prîmes la décision d'emporter la bête dans la brouette et d'aller à mon domicile. Pas facile car il fallait traverser tout le faubourg et la ville. Dans le cas d'une rencontre avec l'ennemi, on laisserait choir la brouette et on se débinerait au plus vite. Dans la traversée du faubourg, pas l'ombre d'une personne, à Mouzon, juste 3 femmes en grande conversation, et dès qu'elles nous aperçurent, elles nous dirent de nous sauver car les Allemands étaient au faubourg et ramassaient tous les hommes. Nous en venions et nous n’avions rien vu de tel. La fin du voyage se fit sans rencontrer âme qui vive. Le soir nous dûmes battre le rappel pour faire sortir les hommes de leur cachette.
Avec Tiercelet (nom de guerre), nous étions partis en reconnaissance aux "Trues de Moulin" (Meuse), un plateau sur une côte, non loin des bois de Mouzon pour en faire un lieu de parachutage. Maintenant l'activité allait commencer. J'ai reçu, venant de Londres et signé du général de Gaulle, une sorte de billet de banque, du moins de la même dimension, portant d'un côté le monument de la Victoire et l'autre des mots en Français dont je ne me souviens plus des termes car il m'a été dérobé.
Une nuit nous fûmes désignés pour saboter des engins ennemis puis de couper les lignes téléphoniques de la poste de Mouzon et de prendre également tout l'argent afin de le substituer aux éventuelles rapines des Allemands. Le postier, un Alsacien était d'accord avec nous et nous a facilité les choses.
Nos officiers nous demandèrent de prendre toutes les précautions nécessaires dans la poursuite de l'action d'autant que des massacres avaient eu lieu à Revin et à Floing. C'est alors que l'on apprit la mort de notre regretté colonel Bordereau, tué lors d'une action au maquis de Manises. Nous devions aussi redoubler de prudence car la Milice et la Gestapo s’étaient repliées sur Sedan et manifestement n'abandonnaient pas leurs actions meurtrières et de démantèlement des réseaux. Le lendemain vers les 16 heures, je travaillais au jardin et j'entendais ma femme discuter avec deux hommes. Elle me fit signe discrètement de m'approcher pour écouter la suite de la conversation qui sonnait faux. C'est alors que les jeunes gens me dirent être des résistants et qu'ils voulaient rejoindre un maquis de la Meuse. Je savais qu'il n'existait pas de liaison entre les maquis des Ardennes et celui de la Meuse, pour des raisons évidentes car j'en étais le chef. Après les avoir assurés de mon ignorance, ils s'en sont allés, non pas en direction de la Meuse mais rejoindre, 500 m plus loin vers Mouzon, des camions chargés d'hommes en armes. Ils voulaient sans doute nous faire le coup de Floing.
D’ordinaire, le poste de TSF nous transmettait le message codé : " Les canards aux navets" qui signifiait d'aller dans la zone de parachutage et de l'éclairer. Nous avons été attentifs plusieurs jours d’affilés et puis plus rien. Pour des raisons inconnues ces messages ne furent plus diffusés mais nous reçûmes l'ordre de nous y rendre chaque nuit et dans le cas de passage d'avions, d'allumer nos projecteurs. C'était très contraignant et surtout augmentait notre fatigue car la journée nous étions toujours des requis aux ordres des Allemands.
Un ordre allemand justement me parvint de me rendre aux Fermes près des bois de Mouzon en bordure de Meuse. Le tournus s’effectuait par ordre alphabétique et ce jour-là ce fut moi et un autre Lanotte qui fûmes désignés pour monter la garde des Fermes qui leur servait de cantonnement. Donc cette nuit, pensai-je, je ne serai pas présent sur la zone de parachutage, mais je trouverai bien un moyen d'y aller. Je savais par ma femme qu'un groupe d'hommes qui n'était pas de notre secteur montait une embuscade de nuit contre un convoi allemand transportant des civils pour l'Allemagne. Il avait choisi un coude de la route nationale dans les bois de Mouzon. Lanotte et moi accompagnés de monsieur Arthur Laurent l'un des fermiers nous apprêtions à quitter la route nationale pour emprunter le chemin conduisant aux Fermes quand je vis arrivant vers nous 3 civils probablement détachés du groupe en éclaireurs. Je demande à mon homonyme et à Laurent de rester sur place par discrétion et je rejoins seul les hommes sur la route nationale. D'un coup d'œil, je les vis armés malgré un camouflage précaire laissant voir un mousqueton, une mitraillette et des grenades gonflant une musette. Je leur dis : "Vous devez avoir l'arme prête à tirer car si les Allemands arrivent ils tireront les premiers." Cela ne présageait rien de bon avec de tels gaillards. Puis je rejoignis mes deux compagnons qui me demandèrent qui ils étaient. Ne voulant rien dévoiler, je leur dis qu'ils me demandaient la route de Mouzon. A peine avions-nous repris le chemin des Fermes, qu'un convoi passa sur la route et qu'une fusillade éclata. J'invitai mes camarades à marcher normalement malgré que des tirs fussent aussi dirigés sur nous. Arrivés aux Fermes nous présentâmes à la secrétaire notre convocation et nous allâmes rejoindre le poste de garde qui nous était assigné. Mon compagnon et moi assis sur une meule de paille attendions que la nuit arrive. Les chefs de culture nous interpellèrent et nous demandèrent si nous étions avec le groupe de terroristes. Sur notre réponse négative et notre mine étonnée ils nous recommandèrent la plus grande vigilance car l'un d'eux s'était échappé et si nous le voyions, de le leur signaler.
Aux environs de minuit, j’entendis un ronronnement d'avion. Je dis à mon camarade que j'allais faire une course et me gardai bien de lui donner la véritable raison de mon absence. Je courus à toutes jambes vers les "Trues du Moulin" au moment où tournoyaient les avions à 800 m d'altitude. Je n'avais qu'une lampe électrique sur moi, cela n'était pas assez, si bien que 3 avions partirent sur le département de la Meuse et les 3 autres en direction de Sedan. Cette nuit-là ils ont lesté leur contenu sur la Brasserie ardennaise qui travaillait encore et dont la lumière mal calfeutrée les induisit en erreur.
Pour le parachutage il fallait du monde et j'hébergeais plusieurs personnes avant de nous rendre sur la zone. Un autre soir, vers minuit on entendit une voiture s’arrêter devant notre maison, ma femme ouvrant la fenêtre vit des officiers allemands qui voulaient se faire héberger chez nous. Ma femme sans aucun trouble leur dit dans leur langue que les enfants dormaient et qu'ils pouvaient être hébergés un peu plus loin au château. Aussitôt deux des personnes présentes dans la maison s’enfuirent dans les jardins et passèrent la nuit dehors, un troisième resta avec nous.
Le maquis
Vint l'heure de la débandade allemande. Alors la décision fut prise de nous rendre au maquis pour leur porter l'estocade. Deux jours avant, nous avions eu affaire à 40 militaires, nous fîmes un prisonnier et saisîmes son pistolet et deux grenades. Cela allait nous servir.
Le premier jour au maquis, j'avais 36 hommes avec moi, quelques uns avec leurs armes et les autres ont été armés par mes soins, dont 60 grenades allemandes à se partager. Mon maquis se composait de 4 adjudants de l'armée d'active, des hommes mariés et surtout des jeunes volontaires, très courageux et déterminés. La première journée, nous fîmes le coup de feu sur une unité ennemie. Le deuxième jour nous fîmes deux prisonniers, des miliciens déguisés en soldats de la Wehrmacht sans les bottes. Le troisième jour, un prisonnier. Celui-là vaut que l'on parle un peu de ce triste sire. A peine âgé de 27 ans, agent de liaison à moto, il portait un message à un régiment stationné à Sedan. C'était un vrai Nazi. Lorsque d'autres prisonniers arrivaient, il tendait le bras et criait " Heil Hitler". Il était correct avec nous. Avec le concours d'un Lorrain et d'un Alsacien sous mes ordres, nous pûmes lui tirer quelques bribes des intentions stratégiques de son armée. Pour lui, le Haut commandement retirait ses meilleures troupes du front de Normandie et les plaçait derrière la ligne Siegfrid pour une contre-attaque sévère. Il laissait aussi des éléments dissimulés un peu partout pour tirer dans le dos des américains quand ils seraient là.
Il nous manquait des armes et des munitions, alors avec Jean Luneaut, nous descendîmes en ville un après-midi, sans armes ni papiers d'identité pour éviter des représailles sur les familles. Dans l'atelier de mon jardin qui se situait au bord de la nationale, nous prîmes 5 fusils et des grenades quand arriva un convoi allemand qui s'arrêta en bordure de l'atelier. Je dis à mon camarade de ne pas s'affoler, que si les Allemands approchaient, nous leur jetterions toutes nos grenades et tant pis pour la suite. Mais ils étaient toujours là sans entrer chez nous et il nous fallait quitter les lieux. Luneaut prit deux fusils dans un sac et il partit tranquillement dans une direction opposée à la troupe à travers les vergers. De mon côté, je roule 3 fusils dans un paillasson qu'on utilisait pour couvrir les couches, et je sortis, décontracté, par la porte donnant sur la route avec le rouleau sur mon épaule. Sans me presser, je passe devant les Allemands et j'échange quelques paroles, stratagème éculé prouvant que l'on a la conscience tranquille.
Pour éviter d'être repéré, nous nous déplaçâmes toutes les nuits. Au bout de la 3ème ou 4ème nuit, un arrêt fut nécessaire et nous optâmes pour une nuit de repos dans le bois "Michel" qui possèdait une maison dotée d'une grande pièce avec cheminée. J'avais mis en place, dans les différentes directions et assez loin du lieu, deux guetteurs. C'était nécessaire car si l'un d'eux était tué, l'autre pouvait venir rendre compte. Dans la pièce, auprès de l'âtre, à la flambée généreuse, se tenaient les prisonniers et auprès de la porte, mes hommes qui tout en se reposant, par roulement, les surveillaient. Tard dans la nuit, des avions rasaient la cime des arbres dans un vacarme assourdissant. Pour moi c'étaient les Américains qui devaient parachuter des hommes et des armes. Je laissai alors le commandement à mon adjoint et pris quelques hommes pour me rendre aux "Trues du Moulin". Arrivés sur les lieux nous vîmes étonnés les avions tourner et se rassembler au dessus de nous par un beau clair de lune. L'un d'eux passa au dessus de nous à environ 50 m, sous ses ailes, une croix gammée. Puis l'ensemble partit en direction de Verdun, laissant le ciel vide. Plus tard au loin, ils ont dû jeter des bombes lumineuses comme des grappes de raisin qui descendaient tout doucement en éclairant comme en plein jour. Ensuite, ils ont largué leurs bombes. C'est alors qu'un déchaînement de balles traceuses et d'obus antiaérien rayèrent le ciel de rouge. Nous étions à cinq jours de l'arrivée des Américains chez nous.
Notre situation au maquis devenait alarmante. Nous étions sur la rive droite de la Meuse là même où la Wehrmacht se retranchait, nous étions donc parmi eux. A 500 m de nous les artilleurs installaient leurs pièces. Les renseignements m'arrivaient continuellement que toute tentative de fuite vers la Belgique était vouée à l'échec et le ravitaillement manquait cruellement. Nous devions partir vers le sud et traverser la Meuse, mais comment ? Tous les ponts avaient sauté et les barques aussi. De jour, ce serait un suicide et cette nuit-là peut-être serions-nous pris. J'appellai le jeune Ourlet, un habitant du village de Villemontry situé sur l'autre rive.
- Il faut que tu gagnes ton village, tu vas partir de suite sans arme ni papier, tu passeras la Meuse à Mouzon comme tu le pourras et tu chercheras une barque. Si tu en trouves une, agite ton mouchoir. Tu l'amèneras la nuit tombée à l'aplomb de Villemontry. Nous y serons sur la rive opposée à l'abri des bois.
Lorsque la nuit fut installée, j'ai rassemblé tous mes hommes et les prisonniers en avertissant ces derniers de ne faire ni bruit, ni tentative d'évasion. Chacun d'eux avait le canon d'un fusil dans le dos. Nous traversâmes la route nationale à 50 m d'une mitrailleuse en batterie, tout alla bien pour cette première étape. Avant d'arriver à la Meuse nous avions encore à traverser le chemin de l'Alma. A 30 m à peine, un convoi passa, puis ce fut le silence et on poursuivit jusqu'à la Meuse toute proche. Le jeune Ourlet nous attendait sur la rive opposée, il avait trouvé un vieux margotin de la guerre de 14. Il fit un premier aller-retour avec les prisonniers et les plus jeunes, puis ensuite ce fut notre tour avec les vieux. Soudain au milieu de la Meuse, un avion de reconnaissance nous survola à 30 m d'altitude. Était-ce la nuit ou un moment d'inattention à qui l'on doit l’aveuglement du pilote ? Nous voilà en tout cas sains et saufs et grandement soulagés sur la rive gauche où il y avait encore beaucoup d'Allemands mais moins que sur la rive droite. Nous avons profité du bon foin d'une grange près de Villemontry pour passer le reste de la nuit. Le lendemain nous campions dans un bois à 5 km du village.
Après un repos mérité, je décidai le lendemain matin de faire une reconnaissance sur Mouzon avec la moitié de mes hommes. Marchant en tête, accompagné de trois ou quatre voltigeurs aguerris pour me couvrir de part et d'autre, nous fûmes surpris par une fusillade d'armes automatiques à moins de 30 m. Un fossé nous tira provisoirement de cette mauvaise posture. J'usai de mon pistolet dont je n'avais pas la certitude du résultat, au fusil, une balle aurait suffit pour régler le sort de l'adversaire. De l’autre côté de la route, un allemand était étendu à moitié protégé par un fossé, les balles de mes hommes qui nous avaient rejoints labouraient la terre autour de son corps. Il criait qu'il voulait se rendre, je fis cesser le tir et invitai l'Allemand à me rejoindre. D'un bond, il fut près de moi, abandonnant son arme. Par ce fossé il a rejoint mes hommes en arrière comme prisonnier. Cependant les échanges de tir se poursuivaient. Tout à coup on vint me prévenir que le jeune Bodson était mort dans le fossé opposé, derrière un tas de cailloux. On me désigna l'emplacement du tireur présumé qui l'aurait abattu, couché derrière un poteau électrique. Étant classé tireur d’élite en 1918, je pris alors la carabine allemande de mon voisin et, à la première balle j'entendis un cri. J’ajustai une seconde balle pour plus de sûreté. Les Allemands entamèrent alors un repli, et nous de même en emportant notre camarade mort. Car on ne devait pas insister, l'ennemi n'abandonnait pas aussi facilement la partie et avait d'autres moyens que nous. En effet, ils revinrent avec deux sections, appuyées de mitrailleuses et de mortiers. Nous avons accéléré le décrochage avec l'aide du prisonnier qui portait les munitions.
Le lendemain, nous nous rendîmes à Raucourt pour sonder la présence de l'ennemi. Nous tombâmes sur des prisonniers russes échappés, commandés par un officier qui avaient fait un travail magnifique en se battant comme des démons. Ils n'avaient plus de nourriture mais leurs musettes étaient pleines de munitions. Avec ces combattants hors norme notre présence ne se justifiait plus.
Le lendemain, nous partîmes vers La Besace à la recherche des poches allemandes. Je remarquai des traces de chenilles de char qui n’étaient pas celles des Allemands, et donnai l'ordre à Luneaut et Waty d'étendre la recherche pour une prise de contact avec les Américains. Vers une heure du matin, les deux hommes, de retour, précisèrent que les Américains nous attendaient à la ferme de "la Thibeaudine" à environ 5 km de notre cantonnement. A 3 heures du matin accompagné de Waty, nous prîmes la route et à la sortie du village de Yoncq, nous tombâmes sur des blindés américains. Tous les combattants US étaient couchés dans les fossés, sans guetteurs. "Les imprudents !, dis-je à Waty", et je n'ai pu résister à les sermonner en leur précisant que si nous avions été des Allemands on aurait fait un carnage. M'ont-ils compris ? J'en doute, car ils ne connaissaient pas notre langue, mais la mimique était pourtant assez significative. Nous fûmes pris en charge par une jeep qui nous conduisit à la ferme de" la Thibeaudine". On me présenta à un jeune colonel de 32 ans environ, un capitaine servait d'interprète. Je lui débitai tous les renseignements que j'avais récoltés ces jours derniers et en particulier les prévisions d'une probable contre-attaque dévoilée par notre prisonnier-estafette. Je lui précisai également la position défensive de l'ennemi sur la rive droite de la Meuse en cours de repli. Le colonel décrocha le téléphone de la jeep et entama un compte rendu à son général, le tout traduit en français par le capitaine à mon intention.
C'est alors que mes hommes et moi fûmes investis d'une mission d'accompagnement du régiment blindé US. J'ai pris place dans la jeep du colonel en tête de la colonne blindée. En cours de route j'ai pu sauver d'une mort certaine, deux prisonniers français qui à la vue des Américains sont sortis comme des diables d'un fossé surprenant le mitrailleur de la jeep qui les avait déjà dans le collimateur et était prêt à ouvrir feu. Une claque sur l'épaule, lui fit comprendre qu'il y avait méprise.
En arrivant à proximité de la Meuse, nous abandonnâmes la route pour attaquer la montée d'une côte en terre labourée. Il pleuvait, et je dis au capitaine que les chars ne monteraient pas ! Sa réponse fut affirmative accompagnée d'un sourire. Et en effet les plus légers sont montés sans aucune difficulté, quant aux plus lourds, j'avais en partie raison. Nous étions quittes.
Lors des déplacements à pied, j'avais remarqué la présence d'un soldat US qui ne me quittait pas, je m'arrêtais, il s'arrêtait, je repartais, il repartait et cela à 3 m derrière moi. J'avais accroché à mon ceinturon un petit bidon contenant un litre d'eau de vie, et la veille, je lui en avais donné un peu. Alors j'ai compris que s'il ne me quittait plus c'était dans l'espoir d'en avoir encore.
Nous n'avons pas été plus loin que la traversée de la Meuse, jugeant que Mouzon était sécurisée et débarrassée des dernières poches de résistance. Malgré l'insistance du colonel à poursuivre le combat à travers la Belgique, je pensais que je n'avais pas le droit d'en demander plus à mes hommes et de les libérer, les rendant ainsi à leurs foyers. Ils avaient bien combattu à la libération de leur commune avec détermination et sans contre partie. Cependant après le départ des Américains, et avec certains fidèles nous avons nettoyé le terrain, car des Allemands quelque peu dissimulés ou de passage créaient encore des perturbations maléfiques.
C'était en septembre 1944 et une œuvre de reconstruction s'avérait nécessaire.
C'était sans compter sur la pugnacité des Allemands qui une fois encore en décembre 1944 nous firent craindre le pire. Il fallut attendre mai 1945 pour voir enfin revenir au pays les hommes, les prisonniers de guerre, les déportés résistants, les déportés du travail obligatoire, les quelques juifs rescapés des camps d'extermination.
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