Les deux premiers textes sont des contes rédigés par les élèves à partir de sources historiques véritables : registres paroissiaux du XVIIIe siècle et actes d'état civil du début du XIXe siècle de Savignac de l'isle.
Maélis Massias
La jeune fille au balai
-Te souviens-tu de cette vieille boucherie où vivait cette pauvre enfant ?
-Oui ! Heureusement que la pauvre petite avait sa seconde belle-mère, une femme forte qui l’a bien aidée ! Comment s’appelle-t-elle ?
-Jeanne, si je me souviens bien.
-Oui, maintenant ça me revient !
-Oui, maintenant moi aussi, mais il ne faut pas oublier l’histoire de cette pauvre petite « Il était une fois, une jeune fille du nom de », comment se nommait-elle ?
-Giraude… Giraude-Elizabeth !
-Oui effectivement ! « Giraude-Elizabeth qui considérait sa seconde belle-mère, Jeanne, comme sa mère et celle-ci considérait la jeune femme comme sa fille, la pauvre femme ne pouvait avoir d’enfants. Malheureusement, c’était le seul point positif de sa vie car depuis la mort de sa mère biologique, la fillette était détestée de son père et de son frère : en effet, les deux hommes la tenaient pour responsable de la mort de sa mère. Elle avait bien essayé de se faire pardonner, par mille fois elle avait aidé son père à la boucherie. Mais jamais ça ne leur suffisait : alors qu’elle n’avait que huit ans, son père lui avait donné un tablier et un balai et elle avait dû tout nettoyer puis elle avait fait le repas mais rien n’avait changé. Jour après jour, elle essayait de faire de son mieux mais ils lui donnaient de nouvelles tâches, la laissaient de côté. Un soir, son père l’installa dans la boucherie pour dormir, il la cachait dans celle-ci quand des invités étaient à la maison, elle pouvait y être enfermée pendant des heures voire des journées entières sans pouvoir manger. Parfois, elle essayait de sortir, espérant que son père aurait oublié de fermer la porte à clé mais jamais il n’oubliait ! Elle ne parlait à personne, mis à part son père et ses belles-mères qui se pavanaient devant elle. Elle n’avait jamais, vraiment, parlé avec son frère, car il la détestait et l’ignorait. »
-Oui, « Mais un après-midi, une jeune femme blonde, qu’Elizabeth n’avait jamais vue, entra dans la maison et sourit à notre pauvre enfant. Elle avait l’air aimable et fort gentille, elle était habillée dans des couleurs vives, ce qui faisait ressortir son teint halé. Elle s’était présentée et lui avait annoncé qu’elle allait se marier avec son père et qu’elle était ravie qu’il ait une fille car elle-même ne pouvait avoir d’enfants mais trouvait étrange que son futur époux ne lui ait pas parlé de son enfant. La jeune femme du nom de Jeanne revint chaque jour, et chaque jour elle offrait un cadeau à Elizabeth, mais le soir même, son père cachait les cadeaux de Jeanne. »
-« Elizabeth continuait ses efforts, et lavait encore et encore les sols, les murs, les cheminées et les fenêtres. Un jour, alors qu’elle lavait les escaliers de perron, elle glissa et tomba en bas des marches. Elle se cogna violemment la tête à la dernière marche et crut à une hallucination lorsqu’un jeune homme apparut à ses yeux. Cet homme avait l’air plus âgé qu’elle mais il était très beau. Il l’aida à se relever et lui demanda si tout allait bien, mais la pauvre enfant ne savait point quoi répondre. Elle était apeurée et se demandait quel tour lui jouait son imagination. Le jeune homme la fixait et parlait à toute vitesse sans qu’elle pût le comprendre, il avait l’air si loin d’elle en étant si près ! Elle vit, alors, le visage rond de son père, il se mit à parler au jeune homme et celui-ci devint rouge de colère tant il cria. Mais notre pauvre Elizabeth assistait à la scène sans rien pouvoir faire ni ne put entendre un seul mot tant sa tête lui faisait mal. Le père de la jeune fille la prit par le bras et l’entraîna dans la maison puis il l’enferma dans la boucherie. Elizabeth avait mal partout mais son audition revenait petit à petit. »
-Cette jeune fille n’a vraiment pas eu une vie facile.
-Oui, mais grâce à ce jeune garçon, sa vie allait changer…
-« Chaque jour le jeune homme revenait pour essayer de voir Elizabeth, mais chaque fois, il ne voyait que le père de la jeune fille ou son frère. Et depuis le jour où le jeune homme avait rencontré Elizabeth, celle-ci ne pouvait plus sortir de la maison et était presque toujours enfermée dans la boucherie mais quand Jeanne venait, elle pouvait enfin arrêter de se cacher de son père et de son frère mais aussi arrêter de nettoyer toute la maison. Un après-midi, alors que les deux jeunes femmes étaient seules dans la maison, Jeanne entreprit de retrouver les cadeaux qu’elle avait faits à celle qu’elle considérait comme son enfant. Quand elle eut trouvé les robes, chaussures et bijoux, elle habilla la jeune femme et la fit sortir de la maison. Mais alors qu’elles marchaient près de la maison du voisin, Elizabeth reconnut le jeune homme aux cheveux noirs assis sur le banc de pierre du parc. Quand le jeune homme la vit, il courut vers elle avec un large sourire. Il se présenta aux deux femmes, et bien que ce fût la première fois qu’elle l’ entendait , Elizabeth se dit qu’elle n’aurait jamais imaginé si belle voix ! Le jeune homme du nom d’André demanda à Jeanne la main de notre pauvre enfant. La jeune fille ne put accepter car ce choix ne lui revenait pas mais elle promit de tout faire pour qu’il puisse l’épouser. »
-« En rentrant le soir accompagnée de Jeanne, Elizabeth ne put penser à la façon dont son père allait la traiter après tout ce qu’elle avait fait. A peine eut-elle franchi le seuil de la porte que son père l’enferma dans la boucherie où elle retrouva ses vieux habits crasseux. Tout le soir elle entendit Jeanne se débattre contre son père et son frère au sujet du mariage. Les deux hommes ne cessaient de répéter qu’ils avaient besoin d’une maison et d’une boucherie propre pour vivre. Le matin, les cris reprirent car Jeanne avait décidé de rester tant que le mariage ne serait pas accepté. »
-Oui, mais tout finit par s’arranger : « Pendant des jours entiers on entendit crier dans la maisonnée, parfois, Jeanne allait apporter des nouvelles d’André à la jeune fille sans jamais lui parler du débat qui se menait au dessus de sa tête.
Mais un soir, il n’y eut aucun bruit et le frère d’Elizabeth vint la chercher pour qu’elle mange à table avec eux. La jeune fille ne comprenait pas ce changement si soudain, cela faisait presque dix ans qu’elle n’avait pas mangé en compagnie de son père et de son frère. Elle découvrit à table Jeanne et une place à côté de celle-ci, la jeune fille courut jusqu’à sa belle-mère et lui demanda ce qu’il se passait. Jeanne lui sourit et lui répondit :
« Il y a, mon enfant, que nous allons nous marier ! »
Le mariage eut lieu le 23 Février 1759 et un mois plus tard, Jeanne devenait la nouvelle mère d’Elizabeth. La jeune femme eut beaucoup, beaucoup d’enfants et vécut très heureuse. »
-C’est tout de même une belle leçon de vie…
Emma Dupont & Rachel Dubourdieu
Cibellya, la princesse
Il était une fois, dans une famille modeste, Cibellya, une jeune fille sage avec le cœur sur la main. Elle était toujours prête à aider tout le monde ; mais malheureusement la vie n’était pas de son côté. Elle était pauvre, laide et n’avait personne à qui parler à part sa mère qui se trouvait être une vieille femme pas du tout agréable. Cibellya n’habitait pas avec son père car Marguerite, sa mère venait de divorcer d’ avec celui-ci. Cibellya n’était pas du tout aimée par son père, particulièrement à cause de sa laideur qui l’empêchait de se marier, elle fut donc contrainte de rester avec sa mère. Celle-ci perdit toutes les terres que son mari possédait ; en plus de cela, les grands-parents de Cibellya les renièrent elle et sa mère. Les pauvres femmes se retrouvèrent donc à la rue sans rien. Après quelques jours de marche à fuir leur peuple qui les avait hués, elles durent se réfugier dans une forêt sombre et quelque peu effrayante. On aurait dit qu’il y avait des monstres parmi les arbres biscornus, il y avait des cris de hibou et le vent qui ne s’arrêtait pas de souffler très fort dans les branches donnait une impression d’horreur. L’atmosphère devint vite très tendue. Les heures passèrent et la peur se vit de plus en plus sur leurs visages pâles, mais elles ne s’arrêtèrent pas de marcher. A bout de souffle, Cibellya s’écria :
« Regarde, il y a une cabane par ici, vite ! Cours ! »
La peur fit alors place au soulagement et à la joie de pouvoir enfin s’abriter quelque part à l’abri. Seulement, les jours passèrent et petit à petit la maladie prit le dessus sur la santé de Marguerite. Même si celle-ci était une vraie Carabosse envers sa fille, Cibellya inquiète prit soin de sa mère et décida quand même d’aller chercher des champignons pour que celle-ci puisse se rétablir. Il faisait sombre et il y avait encore beaucoup de vent mais courageuse, Cibellya ne baissa pas les bras et alla quand même au fond de la forêt afin de trouver les champignons comestibles pour sa mère. Cibellya entendit un bruit de grognement dans les buissons, elle eut tout d’abord envie de faire demi-tour mais ces bruits l’intriguaient. Elle s’avança tout doucement et vit un ourson qui gémissait de douleur.
Cibellya : « Eh bien, qu’as-tu, petit ourson ? »
Celui-ci se mit à gémir encore plus fort lorsqu’elle s’approcha de lui. Avait-il peur ? Avait-il mal ? Cibellya n’en savait rien, jusqu’à ce qu’il dise :
Ourson : « Je me suis mis une épine de rose dans le pied. »
Cibellya : « Mais que faisais-tu dans ces buissons ? C’est dangereux ! Allez, fais-moi voir ta patte. »
Cibellya prit la patte de l’ourson et enleva l’épine . L’action terminée, elle commença à repartir dans sa recherche de champignons mais l’ourson l’interpella.
Ourson : « Attends, petite, reviens par ici. Pour te remercier de ta gratitude j’aimerais t’offrir un vœu ! »
Cibellya : « Oh, euh…oui mais ça ne serait pas pour moi, ce serait pour ma mère. Je voudrais qu’elle se rétablisse. »
Ourson : « Non, c’est toi qui m’as aidé, pas ta mère. Choisis donc quelque chose pour toi et toi seule. »
Cibellya : « Non merci. Il faut que je reparte, ma mère doit sûrement m’attendre, il faut que j’y aille maintenant. »
Elle partit en courant sans que le petit ourson puisse dire un mot de plus. Il s’écria tout de même « Je t’attendrai ! ».
Toute déboussolée, la jeune fille repartit vers la petite cabane, les mains vides. En arrivant, elle retrouva sa mère immobile sur le lit et l’appela mais celle-ci ne répondit pas. Elle ne bougeait plus, ne respirait plus. Elle ne faisait plus partie de ce monde. Cibellya, impuissante se mit à pleurer toutes les larmes de son corps. Ne sachant quoi faire, désormais sans rien ni personne, elle repartit marcher mais cette fois-ci pour se changer les idées.
Cibellya, pleurant, se parla à elle-même : « Pourquoi moi, pourquoi suis-je seule, pourquoi personne ne veut de moi, pourquoi ?! » Une petite voix dans son cerveau lui dit « Parce que tu es laide, personne ne voudra jamais de toi. » Cibellya croyait devenir folle, elle se mit donc à courir à toute vitesse mais se heurta à quelqu’un qui se mit aussitôt à crier de douleur. Elle s’arrêta et regarda derrière elle, stupéfaite elle vit le petit ourson couché par terre.
Cibellya : « Oh ! Je suis vraiment désolée, petit ourson, je ne t’avais pas vu. »
Ourson : « Ce n’est pas grave mais pourquoi courais-tu si vite en pleurant ? Tu as un souci ? »
Cibellya : « A vrai dire… », dit-elle en pleurant. « C’est ma mère, elle…elle est…morte. » Elle s’arrêta et entre deux sanglots, elle reprit : « Je suis désormais seule, sans rien et j’ai peur ! »
Ourson : « Suis-moi, je vais t’aider, ma mère est l’une des sorcières les plus puissantes et elle fera ressortir ta beauté intérieure. »
Cibellya : « Je ne comprends pas, ça ne me rendra pas ma mère, ça ! »
Ourson : « Non, tu as raison, mais comme ça tu ne seras sûrement plus seule. Allez, suis-moi. »
Cibellya le regarda avec de gros yeux globuleux et lui avoua : « Je ne comprends pas comment elle pourrait faire mais de toute façon, je n’ai plus rien à perdre maintenant. » Aussitôt dit, le petit ourson lui attrapa la main et se mit à courir.
Les deux nouveaux amis traversèrent de nombreux chemins, de nombreuses rivières pour enfin terminer leur course devant une maisonnette dont la cheminée laissait échapper une grosse vague de fumée.
Ourson : « Nous sommes arrivés ! »
Cibellya : « C’est ici que ta mère vit ? »
Ourson : « Oui ! Elle sera ravie de recevoir une invitée ! »
La jeune fille et l’ourson allèrent donc toquer à la porte de la maisonnette. On put entendre les pas lourds de la mère de l’ourson au travers de la porte. C’est alors que celle-ci s’ouvrit et laissa place à un grand ours.
Maman ours : « Bonjour, mon petit ! Que m’amènes-tu ? »
Ourson : « Bonjour maman, c’est mon amie Cibellya. Elle aurait besoin de ton aide. »
Maman ours : « Eh bien, entrez donc. »
Ils entrèrent dans la maisonnette et s’installèrent sur deux fauteuils après que la maman ours le leur eut proposé.
Maman ours : « Que puis-je faire pour toi, jeune fille ? »
Cibellya n’était pas du tout sûre de ce qu’elle faisait ici et de ce qu’elle souhaitait réellement mais elle savait qu’il n’y avait plus rien à faire pour elle et que le minimum lui serait le bienvenu.
Cibellya : « Je souhaiterais que vous me rendiez belle. »
La maman ours ne dit pas un mot pendant plusieurs minutes puis lui répondit finalement : « Je peux te faire cela maintenant. »
Cibellya fut agréablement surprise et attendit sur le fauteuil pendant la maman ours prépara la potion et que son garçon lui donnait un coup de main. La maman ours arriva enfin dans le salon rejoindre Cibellya avec dans sa patte, une tasse remplie d’un liquide rose. Cibellya n’hésita pas une seconde après que la mère ours la lui eut donné et vida le récipient d’une traite. Elle sentit un certain changement en elle mais elle crut pourtant que cela n’avait pas marché.
Cibellya : « Vous vous êtes moqués de moi ! Votre potion n’a pas fonctionné ! »
Elle se leva mais c’est alors qu’elle croisa son reflet dans un miroir de la maison. Elle eut un choc et elle se mit à pleurer de bonheur. Elle ressemblait maintenant à toutes ces jeunes filles belles qu’elle croisait auparavant dans son village et qu’elle rêvait d’être.
Cibellya : « Oh, mon Dieu, merci ! Merci, merci beaucoup ! Je m’excuse de m’être emportée ! Je vous en serai éternellement reconnaissante ! »
Elle sortit alors de la maisonnette après avoir salué la maman ours et son ourson. Après de longues minutes de marche, un beau jeune homme vint à sa rencontre :
« Bonjour, belle dame. Je voulais vous avouer à quel point vous êtes belle. Cela fait bien des jours que je suis à la recherche d’une dame pour régner sur mon royaume mais seules des incapables se présentent. Puis-je savoir votre nom ? »
Cibellya fut prise de court mais flattée et heureuse de savoir que sa beauté ne servait pas à rien.
Elle répondit alors : « Je suis Cibellya. »
Le jeune homme : « Ravie de faire votre rencontre. Permettez-moi que je vous vole un baiser ? »
Cibellya : « Excusez-moi ? Mais nous venons juste de nous rencontrer ! »
Le jeune homme se mit à rougir et lui répondit calmement : « Vous connaissez les coups de foudre ? »
Cibellya crut rêver : « Hm…oui… ? »
Le jeune homme : « C’est ce que je ressens pour vous Cibellya. Alors, puis-je vous embrasser ? »
Cibellya se dit alors qu’elle n’avait qu’une vie et qu’il fallait en profiter le plus possible. Elle acquiesça alors et avança ses lèvres vers lui. Il approcha les siennes et leurs bouches se rencontrèrent dans un baiser.
Cibellya ressentit le même changement en elle que lorsqu’elle avait bu la potion mais n’y fit pas attention. C’est quand elle détacha ses lèvres de celles du prince qu’elle se rendit compte qu’elle était devenue l’ancienne Cibellya, la moche Cibellya. Elle eut les larmes aux yeux et fit demi-tour sans jeter de regard au prince. Mais ce dernier la rattrapa avant qu’elle ait pu s’enfuir.
Le prince lui dit : « Où allez-vous, Cibellya ? »
Cibellya : « Je suis de nouveau laide, ne me regardez pas. Je suis horrible, je me dois de partir et de finir ma triste vie seule ! »
Le prince lui prit le visage entre ses mains et la força à le regarder. « Ce n’est pas de ta beauté que je suis tombé amoureux mais de ton cœur. » Cibellya pleura de joie et de tristesse pour ne pas avoir trouvé son prince plus tôt. Elle embrassa de toutes ses forces le seul homme qui l’aimerait toujours pour ce qu’elle était réellement et ils partirent main dans la main pour rejoindre le royaume de son prince.
Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
Juliette Millet & Céline Pinto
Récit de science fiction à la manière
de Lucien de Samosate
J'ouvrais les yeux lentement, retrouvant doucement mes esprits. Mes membres endoloris se tortillaient sur un sol à la texture mousseuse. Un fond rose pâle s'offrait à moi et une légère brise fraîche faisait voleter mes mèches, chatouillant mon visage agréablement. Je tournais, avec difficultés, ma tête vers la gauche. Cette dernière semblait s'enfoncer dans le sol mousseux. Je vis mon vaisseau à quelques mètres de moi, complètement détruit. Il prenait feu doucement. Je me souviens alors que je m'étais écrasé plus tôt. Je me redressai, prenant soin de ne pas me faire trop mal, et tentai de savoir où je me trouvais. Je me rendis compte que le fond rose pâle n'était autre que le ciel , le sol mousseux avait une étrange couleur violette, très agréable à regarder. Des milliers d'arbres prenaient racine dans les nuages, faisant ainsi un spectacle des plus étranges, les feuilles grisâtres se retrouvaient sur le sol donnant l'impression d'un tapis d'automne. La végétation était impressionnante, des fleurs et des buissons de toutes les couleurs s'étendaient. Je remarquai qu'à mes côtés se trouvait un petit bourgeon bleu turquoise aux feuilles jaunes. Je reposai mes yeux sur le bourgeon qui commençait à s'ouvrir délicatement. Le vent souffla, faisant s'incliner la plante qui était presque ouverte. Une nuée s'échappa du cœur de la fleur, avec une odeur douce et sucrée. Je rapprochai mon visage de la fleur maintenant complètement éclose et observai les gradations harmonieuses de bleus qui la rendaient unique. Son cœur accueillait le bleu le plus profond et mystérieux jamais vu, pour passer par toutes sortes de bleus jusqu'aux pétales dont l'extrémité était transparente comme l'eau d'une rivière pure. Un bruit similaire à une pluie d'été me sortit de ma contemplation. Je relevai la tête de la fleur et aperçus des gouttes émeraude éteindre les petites flammes de mon vaisseau. Je me rapprochai silencieusement, le corps tremblant. Mon souffle s'accéléra tandis que je m'approchais de plus en plus. Je me focalisai sur le bruit régulier des gouttes et continuai à avancer, sur mes gardes. J'étais en terre inconnue, ce n'était peut-être pas une chose inoffensive qui était la cause des gouttes. Tandis que je m'imaginais ce qui pouvait se trouver derrière, je me rendis compte que le bruit s'était arrêté. Je retenais ma respiration pris de panique, je voulais partir en courant mais mon corps ne m'obéissait plus. J'étais figé et la peur s'empara de moi lorsque je sentis quelque chose me frôler le mollet droit. Je fermai les yeux et une goutte de sueur roula le long de ma tempe. Je serrai mes paupières, espérant que ce ne soit qu'un mauvais rêve. Un souvenir me revint à l'esprit, et même si ce n'était pas le moment propice, je m'abandonnai à ce souvenir. Je me remémorai la sensation des bras rassurants de ma mère qui me chuchotait: « Ce n'est qu'un petit cauchemar, tout va bien maintenant.» Elle embrassa mon front et continua: « La prochaine fois, pince-toi le bras. », elle accompagna le geste à la parole et...
- Aïe ! criai-je. Mais ça va pas bien ! Pourquoi...je finis dans un souffle en comprenant que j'avais ouvert les yeux.
A mes pieds se tenait une boule orange, on ne voyait pas exactement ce dont il s'agissait. Je distinguais seulement un tas de plumes et deux grands yeux or. Le petit animal ne dépassait pas mon genou et son corps semblait absorbé par la masse de plumes. Il pencha la tête sur le côté et plissa ses yeux. Je m'accroupis pour arriver à son niveau, il ouvrit en grand son regard or et cracha un liquide vert. Je perdis l'équilibre et tombai sur mes fesses. L'animal recula de plusieurs pas avec méfiance tandis que je me relevais. Il m'observa et recula encore. Je fis un pas vers lui en tendant la main mais il s'éloigna encore un peu. Cette fois-ci, je me rapprochai de plusieurs pas et la boule de plumes fit un bond par surprise avant de partir en courant en direction d'une sorte de forêt de feuilles grisâtres. Je le suivis ignorant la douleur de mes jambes encore engourdies. Je tentai malgré tout de ne pas le perdre de vue mais il faut dire qu'il était rapide. Je me prenais les pieds dans les feuilles et manquais plusieurs fois de tomber. Il s'arrêta soudainement et un sourire victorieux se dessina sur mon visage. Cependant il s'effaça très vite lorsque j'aperçus la raison de son arrêt soudain. Un monstre au buste de larve se rapprochait dangereusement de nous. Il avança habilement en se tortillant, faisant onduler sa longue queue d'écailles. Ses deux pattes de dinosaure devaient lui procurer une rapidité incroyable. Son visage souriait, il avait trouvé de quoi manger et ses petits yeux rouges ne semblaient pas vouloir nous laisser filer. Sa grande bouche s'ouvrit laissant apparaître une rangée de canines acérées tandis que sa langue baveuse pendait. La petite boule de plumes passa à côté de moi en courant. Je restais planté là, n'arrivant pas à bouger. La larve se rapprochait un peu trop de moi, le bond qu'elle fit dans ma direction ne fit faire qu'un tour à mon sang et je commençai à courir car clairement; ma vie en dépendait. J'aperçus la boule de plumes devant moi et la dépassai bientôt. Je jetai un regard dans sa direction et lus dans ses yeux un sentiment d'abandon, celui qui vous murmure: «C'est fini.». Je secouai la tête en me rendant compte que je m'étais arrêté. La larve se rapprochait de plus en plus vite, en se léchant les babines avec son horrible langue, savourant déjà son repas. La boule de plumes se rétracta en sentant les pas de son agresseur se rapprocher. La pitié s'insinua en moi, cependant je fis volte-face. Je ne pouvais rien pour le petit animal. « Mais regarde-le, souffla ma part d'humanité, il est si faible. ». C'est la chaîne alimentaire, me répétais-je. Je me haïssais et fis demi-tour, pris la boule de plumes, qui étrangement était très légère, et partis en courant le plus vite possible pour échapper au monstre qui était très près maintenant.
- Je te déteste ! hurlai-je à l'animal au creux de mes bras.
Je ne sentais plus mes jambes et mon endurance me faisait défaut. Heureusement j'aperçus une espèce de sortie parmi toutes les feuilles. Je voyais enfin une échappatoire et traversais le rayon lumineux mais ne m'arrêtais pas pour autant jusqu'à ce qu'un « boum » retentisse. Je me retournai et vis un filet de bave le long d'un mur invisible. La larve secoua la tête et fonçai à nouveau me faisant sursauter. Mais elle se heurta à nouveau à la barrière qui me sauvait la vie.
- Il ne vous fera rien ici.
Je me retournai, surpris d'entendre cette voix étrangère Je serrai un peu plus la boule de plumes dans mes bras à la vue de cet inconnu chauve. Un homme qui devait avoir une trentaine d'années, si l'âge était la seule chose normale sur cette planète étonnante, se tenait devant moi en souriant. Sa peau couleur amande semblait douce, et son visage était aimant. Il avait l'air irréel, c'était sûrement à cause de ses trois yeux gris, pensais-je.
-Vous êtes en sécurité ici, répéta-t-il, un champ de forces nous protège de ce genre de choses, dit-il en désignant du doigt la larve qui nous regardait sauvagement, attendant sûrement que l'on fasse un faux pas.
- Vous avez trois yeux, déclarai-je, ignorant ses paroles.
- Bien sûr ! s'exclama-t-il. Comme tout le monde sur Ceyji !
- Cey quoi ?
- Ceyji, notre planète, répondit l'homme en ouvrant ses bras.
- Mmmh..., je sentais mon cerveau se déconnecter de la réalité et la dernière chose que je sentis fut le sol mousseux.
- Il est mort tu crois ?
- Egun ! Ne dis pas des choses pareilles.
- Et si je le frappe avec un bâton, tu penses qu'il aura mal ?
- Egun, ça suffit !
J'entendais des voix mais je n'arrivais pas à ouvrir les yeux. Je tentai encore une fois de faire quelque chose pour sortir de cet état comateux.
- Papa ! Regarde, il a bougé !
Mes paupières s'ouvrirent lentement et je vis deux visages au-dessus du mien, observant curieusement ma personne. Leurs six yeux se plissèrent en attendant une quelconque réaction de ma part. Je me redressai affolé en comprenant que des êtres avec six yeux se tenaient devant moi.
- Du calme, vous allez encore vous faire mal, me dit le plus âgé des deux dont le visage me semblait singulier.
A l'entente de cette voix, je retrouvai peu à peu la mémoire. La boule de plumes, la larve et ces choses vertes ayant trois yeux.
- Où suis-je ?, demandai-je
- Vous êtes sur Ceyji, notre planète, dit-il en pesant ses mots de peur que je ne refasse un malaise, vous vous êtes écrasé avec votre vaisseau. Mais ne vous inquiétez pas, nous l'avons retrouvé et il est actuellement en réparation. Vous pourrez bientôt rentrer chez vous.
Je hochai la tête, ne sachant quoi dire. J'avais plein de questions mais aucune ne me semblait appropriée.
- Je peux visiter votre village ?
Les deux êtres me regardèrent avec surprise. L' adulte me sourit et m'invita à me lever, ce que je fis sans hésiter.
- Bien sûr, finit par dire l'homme. Egun,va t'occuper de Omam.
- Omam ? demandai-je.
- L'animal que vous avez sauvé, répondit l'homme.
Je sortis de la maison et l'homme me fit visiter. Les habitants étaient souriants et chaleureux. Tout semblait parfait. C'était comme si l'univers s'amusait à créer des prototypes de planètes parfaites et qu'il avait enfin réussi à créer le monde rêvé. Un monde sans guerre, douleur ni haine. Pauvreté et misère semblaient être des notions que les habitants n'avaient jamais connues. Même les maladies n'étaient qu'un mythe. Je levai les yeux vers le ciel rose et pris une grande inspiration, profitant d'un air pur où les pleurs et la perte d'êtres chers n'existaient pas. Je m'arrêtai de marcher et l'homme chauve se retourna vers moi avec une expression interrogatrice.
- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.
- Comment t'appelles-tu ? questionnai-je d'une petite voix.
Il me sourit avant de répondre :
- Adam.
Je sursautai, lâchant mon crayon et fermai mon cahier. Le Dr. Stéphane Lamb se tenait dans l’entrebâillement de la porte. Il arborait une expression qui se voulait rassurante mais ses yeux n'exprimaient que peine et tristesse. Il l'avait lui aussi, ce sentiment, celui qui vous déchire le cœur et qui vous murmure « C'est fini. » Je soufflai doucement en baissant la tête sur mon habit blanc. Comme cette chambre, comme tout dans cet hôpital. Je me levai dans des gestes lents, lourds de désespoir, et marchai en direction du Dr. Lamb. Je passai à côté de lui et dans un geste qui se voulait affectif, il caressa d'une main mon crâne chauve. J'avançai en traînant les pieds dans ces couloirs que je connaissais par cœur et qui m'avaient accueilli à l'âge de cinq ans. Je savais où je devais me rendre. J'empruntai un couloir à ma gauche avec le Dr. sur mes talons. Je passai devant toutes ces chambres aux portes fermées et aux stores baissés. L'odeur de mort régnait partout. Adam, me disais-je, ce n'est qu'une mauvaise partie de ta vie. C'était ce qu'il fallait faire pour garder espoir, du moins selon mon psychologue. Moi je n'y croyais plus depuis longtemps. Je vis cette vieille porte blanchâtre, ayant perdu de son éclat avec l'usure du temps, porter le numéro fier 305. Mon seul ami se trouvait là. Et puis un jour, il y avait juste un lit refait parfaitement, attendant patiemment son nouveau propriétaire. Je baissai la tête et pris un autre couloir qui m’emmènerait enfin à la salle. Je tournai la poignée faiblement et m'installai sur le lit du scanner. Je posai mes bras le long de mon corps frêle et fermai les yeux. La machine se mit en route, faisant assez de bruit pour couvrir les sanglots de ma mère. Je repensai une dernière fois à Ceyji et je me demandai ce qui arriverait si un jour quelqu'un la découvrait, et si je serais encore en vie pour la voir. Les bips incessants résonnaient dans la pièce immaculée de blanc. Une dernière pensée fut pour ma mère, et je me pinçai le bras laissant une larme chaude rouler le long de ma joue et se perdre au creux de ma clavicule. « Ce n'est qu'un petit cauchemar, tout va bien maintenant. ».