Hémon et Lysistrata
Personnages:
Un magistrat
Lysistrata: la fille d'un haut magistrat et l'amante de Hémon.
Hémon: citoyen et très bon soldat qui a servit la grèce à de nombreuses reprises.
Les juges: Juges 1, 2 et 3.
Théramène: Un juge et ami de Hémon.
Scène 1
Les juges, Théramène
Nous nous trouvons dans l'Héliée. Les jurés sont assis; ils discutent.
Juge 1.- Associer des métèques à l'exercice de la démocratie ! je n'y crois pas ! Lui qui avait été jusque là un excellent soldat...
Juge 2.- Et la fille ! La fille d'un magistrat, qui l'aurait cru?
Théramène.- Calmez-vous. Hémon et la fille du magistrat ont voulu bien faire. Respectons -les pour ça au moins.
Juge 1.- Oh! je vois ce que vous voulez faire. Vous voulez nous corrompre !
Théramène.- Mais enfin je...
Juge 3.- Taisez-vous, le magistrat arrive !
scène 2
Les juges, Théramène, le magistrat
Le magistrat, marche en marmonnant.- Moi qui leur avais accordé ma confiance... Idiot ! Ce fut idiot !En parler c'est une chose. Mais le faire !
Le juge 1.- Bonjour, monsieur le magistrat.
Le magistrat, maintenant assis, continue de marmonner.-J'espère finir ça rapidement, ce n'est pas quelque chose que je vois souvent, généralement les magistrats s'arrangent entre eux et les soldats restent fidèles à leur pays.
Théramène.- Hémon, j'espère que les juges vont être cléments. Quel sot tu fais !
Associer des métèques à l'exercice de la démocratie. Cela aurait pu être une bonne idée. Enfin, si elle avait été de quelqu'un d'autre !
Le magistrat.- Commençons je vous pris.
Théramène, soupire.- Ne prolonge pas ta bêtise...
On entend des portes s'ouvrir, elles semblent lourdes, Hémon et Lysistrata sont poussés sur scène par des mains inconnues, on ne voit pas de visage. On imagine que ce sont des gardes. Les portes se ferment bruyamment.
Scène 3
Les juges, Théramène, le magistrat, Hémon, Lysistrata
Le silence règne.
Lysistrata, brisant le silence.- Nous y voilà, n'est-ce pas ? Silence. Quoi, vous ne répondez pas ? Silence. Vous pouvez parler, vous savez. Silence, le regard de Lysistrata se pose sur le magistrat. Désormais c'est sa proie. Et lui, regardez-le. Sur sa haute estrade, il reste impassible. Il est bien habillé, n'est ce pas ? Quelle royale simplicité !
Juge 1.- Lysistrata, s'il vous plaît...
Lysistrata.- Ah non ! Je vous demande de parler mais je ne vous écouterai pas. J'ai assez songé à cette audience hier et même tout le mois qui s'est écoulé ! J'en suis presque arrivée à en perdre la raison. A devenir folle ! Ca l'amuse. Imaginez-vous comment aurait tout à coup été perçue l'aristocratie. Cette espèce parfaite où la moindre tare est impossible ! elle reprend son sérieux comme si elle n'avait rien dit. Croyez-moi, j’ai assez eu peur, vous ne m'intimiderez plus !
Le magistrat.- Est-ce encore les seules bêtises que vous avez encore à dire ?
Lysistrata.- Ce...
Hémon.- Ce ne sont pas des bêtises. Et vous que faites -vous ? N'est-ce pas inepte de nous convoquer pour si peu ? Nous sommes des citoyens, nous avons le droit de faire des choix concernant notre façon de vivre nous aussi.
Juge 3.- Oublieriez-vous, monsieur, que Lysistrata est une femme ?
Lysistrata.- Il ne l'a absolument pas oublié ! Je serai bientôt moi aussi un citoyen ! C'est la prochaine étape, après avoir donné des droits aux métèques nous en donnerons aux femmes !
Juge 3.- Cessez ça tout de suite. Vous êtes frivoles, curieuses, vous n'êtes que l'objet sexuel des hommes jamais rassasiés, voilà ce que vous êtes. Rappelez-vous Pandore, elle qui donna tous les maux à l'humanité, qui alla jusqu'à défier les dieux, les dieux qui l'avaient créée. Qui était-elle ? Vous le savez bien, c’était la première femme, à peine née elle causait déjà des ennuis à la paisible existence des hommes.
Lysistrata, d'un ton suppliant.- Mais je ne suis pas elle !
Juge 3, la voix pleine de reproches.- Vous avez pourtant la même apparence.
Théramène.- Arrêtez ça, je vous en prie. Nous sommes ici pour parler de la faute qui a été commise le mois dernier. Quand Hémon ainsi que Lysistrata ont donné la possibilité à un métèque de se présenter pour devenir magistrat en finançant sa campagne.
Hémon.- Je ne vois pas ça comme une faute.
Théramène.- Hémon, c'est un crime.
Hémon.- Sont-ils incapables de penser ?
Théramène.- Eh bien...non, enfin si, je pense...
Juge 2.- Ils sont incapables de penser par la démocratie. "La monarchie" c'est la seule chose qu'ils connaissent. Ils ne laissent aucune ouverture à d'autres pensées, à d'autres possibilités. Comment pourrions-nous laisser un seul d'entre eux nous gouverner ? Ils remplaceront si facilement nos magistrats par un roi et nos élections par leurs fils. Ils ne connaissent pas la raison ! Pour preuve ils se laissent voler par un homme qu'ils vénèrent, leur roi, et lorsqu'il aura volé tous leurs biens il finira par leur voler leur ruine, leur malheur qui est tout simplement maintenant leur être tout entier. Il leur enlève leur vie car ils ne peuvent plus payer par la simple monnaie courante. L'homme qui gouverne seul n'a pas de conscience, vous savez ? C'est de la folie, vous le savez aussi bien que moi !
Hémon.- A la fin, ce n'est pas si différent de chez nous.
Le magistrat,outré.- Jamais nous ne laisserions mourir un citoyen pour de l'argent, jamais nous ne le volerions.
Hémon.- Mais vous lui voleriez sa liberté !
Le magistrat.- Ca n'a pas le même prix !
Hémon.- Bien sûr que si ! Ecoutez, la démocratie est une très belle conception mais pas uilisée de cette façon. Plusieurs personnes réunies qui permettent de diversifier les idées, c'est une très bonne chose mais les personnes qui gouvernent viennent toutes d'une même classe sociale alors les intérêts sont les mêmes. Des citoyens pouvant choisir leurs représentants, c'est merveilleux ! Et pourtant ils sont si peu nombreux. Et sur ce modèle-là tout ce qui était bon pour nous s'est avéré devenir mauvais alors c'est pour ça que nous avons choisi de changer cela...
Il y a un silence.
Le Magistrat.- Critiquer notre démocratie est une chose très mal vue car elle est une utopie dans ce monde de tyrans. Mais la comparer à la monarchie est inacceptable. Vous êtes indigne de vivre ainsi couvé par l'hospitalité de la Grèce. Votre sort, nous n'avons pas besoin de nous concerter pour le connaître. Je propose... non j'impose votre mort Hémon. Et vous,Lysistrata, vous devrez subir l'exil. Vous n'étiez pas un citoyen, vous n'êtes même plus une habitante d'Athènes.
Lysistrata.- Nous... Nous sommes condamnés ? Elle s'effondre. Après avoir vainement tenté d'établir ce que les dieux mêmes croyaient bon. Mes... Mes souvenirs, ils se couvrent d'un voile blanc. Voilà ce que les dieux m'offrent pour les avoir aidés. Adieu, Hémon, je ne me souviendrai plus de toi avant même que tu sois mort. Les dieux ont honte. Ils ont honte d'avoir perdu contre une humanité qu'ils ont créée. Ils perdent leur pouvoir suprême face à la bêtise qu'ils avaient offerte aux humains et ça leur fait peur. Ce n'est pas cette bêtise humaine qui leur fait peur mais leur impuissance. Ils se moquent d'où va l'humanité, maintenant seul leur orgueil les fait agir.
Hémon.- Et voilà c'en est fini pour Lysistrata, je la suivrai bientôt...
Les portes se rouvrent, des mains attrapent Hémon et Lysistrata qui elle semble perdue. Théramène, le magistrat et les juges les regardent sortir, attendent un instant et se dirigent lentement vers les portes, troublés par ce qu'ils ont entendu.