Comment la réalité du terrain peut différer de la théorie. Un exemple avec le Muscari à grappe.
Date de publication : May 01, 2021 2:51:54 PM
Vous en avez sans doute déjà fait l'expérience, je ne vous étonnerais pas. Il y a parfois une différence voire même une divergence entre la description donnée par une Flore pour une espèce et la réalité sur le terrain.
C'est assez déconcertant de découvrir qu'un texte descriptif ne correspond pas totalement à ce que l'on peut observer de visu. Ce qui l'est encore plus, c'est de s'apercevoir que les auteurs de flores différentes, que vous avez dans votre bibliothèque, peuvent décrire des caractères différents voire même opposés. Alors il faut disposer du bon ouvrage au bon moment pour ne pas être un peu désemparé. Car il serait un peu facile de décider ex abrupto que la plante en question est issue d'une hybridation. Toutes les plantes ne s'hybrident pas, loin s'en faut. Alors pourrait-on imaginer être en présence d'un écotype (ou écovariant)? Il faut garder en tête qu'en botanique comme pour les êtres humains, cohabitent pour une même espèce des individus de petite ou de grande taille, des minces, des gros... Ceci pourrait s'expliquer par des différences locales (parfois à 2 mètres près) comme une zone protégée des vents froids, une zone plus riche en nutriments ou mieux exposée à la lumière. Cela est particulièrement le cas en montagne où dans un même territoire, se trouvent pour une même espèces des morphologies différentes. On pourrait avancer aussi des différences dans l'expression de gênes ou une coexistence à bénéfices réciproques avec des plantes voisines ou encore avec des champignons (mycorhize).
Revenons à notre questionnement : le Muscari à grappe, de son nom scientifique Muscari racemosum. En Revermont (autour de Bourg en Bresse), cohabitent 2 espèces proches M. racemosum et M. neglectum. Ces espèces ont la particularité d'être très semblables morphologiquement : une inflorescence en grappe, chaque fleur en forme de grelot terminé par de petits lobes blancs et sentant la prune. Les caractères habituellement discriminants sont la forme de la capsule et celle des feuilles. Pour la capsule contenant les graines, elle est arrondie au sommet pour M. neglectum et échancrée au sommet pour M. racemosum. Mais si la plante est en pleine floraison, point de capsule. Il vous faudra alors utiliser comme seul critère différentiel les feuilles. Flora Helvetica décrit celles du M. neglectum comme, je cite : "plus longues que la tige, étalées-retombantes, canaliculées et larges de 3-5 mm". Pour M. racemosum pour le même opus, je cite : "larges de 1-5 mm, d'une longueur égalant plus ou moins la tige". La Flore de Coste de son côté pour cette dernière espèce, je cite : "souvent plus longues que la tige". Ce qui signifie qu'elles peuvent aussi être plus courtes que la tige ! Devant cette plante aux feuilles beaucoup plus longues que la tige, étalées retombantes, vous pensez qu'il s'agit de l'espèce neglectum. Quinze jours après la capsule est visible et là surprise, elle est échancrée au sommet. Il s'agit de l'espèce racemosum.
De là à arrêter la botanique et passer au macramé, il n'y a qu'un pas.