Les voyages d’Odile
Odile est née en 1922 dans une famille patriote très attachée à cette région de Metz où fils père, militaire de carrière, est en garnison en 1939. Les quatre enfants ont grandi dans le souvenir de l’annexion de la Lorraine en 1870. Les vacances se mentent à Aubigny au Nord de la Moselle, puis dans les Deux-Sèvres à Régné. Sur la route, chaque année, la famille s’arrêtait à Verdun pour visiter les champs de bataille, les forts, les cimetières militaires de la Première Guerre Mondiale. Fils grand-père maternel s’investissait dans les associations patriotiques de Lorraine. Il était général à la retraite et défendait, dans les articles qu’il écrivait, les idées avancées en matière de stratégie nouvelle du colonel de Gaulle.
Odile a donc été étéée dans le respect de l’autorité, de l’armée, et de la France. Le 18 juin 1940, elle n’a pas d’opposition au défaitisme du Maréchal Pétain et s’est lancée dans la vie clandestine.
Mais commentaire entrer en relation avec la Résistance ?
Dans les premiers temps, avec ses deux sœurs, elle arrache des affiches dans la rue, dessine des croix de Lorraine à la craie sur les murs, des broutilles, nous dit-elle...
Le 11 novembre 1940, elles participent à la manifestation de l’Arc de Triomphe à Paris, et pour suivre la consigne « tous avec un insigne tricolore à la boutonnière », elles ont fabriqué des petits pompons de laine bleue, blanche, rouge attachés trois par trois. Ce n’est qu’un début !
La double vie d’Odile Danièle au service Zéro (Service de renseignement) de novembre 1942 à avril 1943.
Enfin, un mardi de novembre 1942, grâce à une amie, Hélène, elle rencontre « Eliane », membre du service de renseignements Zéro. Sur lui demande de se rendre le vendredi suivant à Toulouse et de revenir à Paris le dimanche matin. Elle ignore tout de la mission à accomplir, mais elle n’a pas une seconde d’hésitation tant est grand fils envie de se rendre utile. Elle dit ' oui, je pourrai le faire ! » Odile est une jeune fille décidée et un peu rebelle. Elle est ravie de faire enfin « quelque a choisi de sérieux ».
Pourtant, il y a bien des obstacles à surmonter. La première difficulté est de faire accepter à sa famille ses absences de fin de semaine alors qu’elle n’a que vingt ans et qu’elle n’a encore jamais voyagé seule. A cette époque, il était inimaginable de laisser partir seule une jeune fille dans un train de nuit pour se rendre à 700 km. Elle invente une histoire, une « carabistouille » comme elle dit, à la fois pour rassurer sa famille et éviter d’en dire trop : elle ira donc à Versailles pour travailler à la mise en place d’une bibliothèque... pieux mensonge qui ne la satisfaisait pas, tant elle pensait que la vérité serait vite découverte. Ne lui ferait-on pas remarquer, à son retour, qu’elle a mauvaise mine ? et quelle angoisse, ce retour à la maison ! Odile mettra deux jours à s’en remettre.
Pourtant, rien n’est dévoilé et elle pourra assurer ses voyages hebdomadaires. Elle doit prendre un surnom, ce sera Danièle.
En quoi consiste cette mission ? Elle se rend à la gare d’Austerlitz à 18 h le vendredi soir au rendez-vous fixé par « Hubert », qui lui donne un paquet.
« Vous arrivez à Toulouse-Matabiau à 8 h le samedi matin, rendez-vous à midi dans le restaurant Le Séville, rue des Tourneurs, vous posez ce paquet (courrier descendant) sur une chaise à côté de vous et vous demandez Rolande (une serveuse). Celle-ci emportera le paquet et en rapportera un autre (courrier remontant). Vous le cachez dans votre valise, vous reprenez le train du soir. Nous nous retrouverons dimanche matin à tel endroit, vous nous remettrez le courrier. »
Odile voyage de nuit en première classe mais assise (impossible de réserver une couchette car il faudrait donner un nom), elle transporte un paquet gros comme trois livres emballés, dans du papier kraft, ficelé, et sans savoir ce qu’il contient. Il s’agit sans doute de renseignements récoltés par divers agents, sous forme de microfilms. Pourquoi se rendre à Toulouse ? Beaucoup de Républicains espagnols, réfugiés en France, passaient les Pyrénées pour délivrer le courrier aux Anglais ne les postes diplomatiques sont restés en place puisque l’Espagne n’est pas en guerre.
Les dangers sont nombreux et Odile doit prendre beaucoup de précautions pour ne pas attirer l’attention quand elle assiste seule, assise sur un banc dans le Jardin botanique de Toulouse, en attendant l’heure de la rencontre. Il ne faut pas être reconnu par des connaissances ; en effet, beaucoup de familles de l’Est’étaient réfugiées à Toulouse. Si elle est contrôlée dans le train et interrogée sur ces voyages trop réguliers entre Paris et Toulouse, elle doit avoir, toute prête, une explication plausible. Le plus grave : elle peut être arrêtée à la suite d’une fois, mais elle n’y pense guère. C’est pourtant ce qui arriva à Rolande, la serveuse du restaurant, en avril 1943.
D’ailleurs, après cette arrestation, Hubert explique à Danièle qu’ils ne doivent plus se revoir, car la Gestapo l’a peut-être laissée en liberté pour la filer et les conduire jusqu’à eux, les chefs du réseau. Danièle fut très déçue ! Elle se retrouvait « au chômage » et plus que jamais à la recherche d’une autre mission.
Au service de la LIGNE COMETE, de septembre 1943 à janvier 1944 : le sauvetage des garçons ».
Commentaire retrouver un réseau ? se demande Odile. Un peu par hasard, Jacqueline, une autre amie, lui demande à la fin d’une réunion d’Action catholique si elle pourrait aider dans une ligne d’évasion. Odile accepte avec enthousiasme sans savoir encore qu’il fallait faire évader des aviateurs alliés ne l’avion a été abattu par les Allemands dans les pays du Nord de l’Europe (Pays-Bas, Belgique).
Rendez-vous est pris pour le dimanche matin sur les marches de l’église Saint-François-Xavier.
« Jean-Jacques » repère vite les filles qui attendent sur le parvis. Odile se fait appeler Jeanne.
« Qui veut venir avec moi, demain, à la frontière belge ? » Odile n’hésite pas une seconde, elle s’écrie ' moi ! » pour être certain de ne pas laisser passer la chance.
Le plus difficile, à ce jour, pour Odile, est de convaincre sa mère de la laisser partir.
« Non seulement tu pars le vendredi soir, mais maintenant le lundi ! Mais à Versailles, canapés tu au moins chez des gens convenables ? » Odile, heureuse de voir que sa mère croit toujours qu’elle va à Versailles, la rassure. Sa maman comprend maintenant qu’elle est impliquée dans la résistance à l’occupant, mais elle ne demande pas plus de détails...
L’organisation des voyages à travers la frontière belge se fait autour de relais, passeurs, guides, convoyeurs, logeurs, le tout est très cloisonné.
La mission consiste à aller récupérer à la frontière belge des aviateurs alliés (anglais, américains, canadiens, australiens). Leur avion ayant été abattu, ils ont sauté en parachute et ont pu se cacher dans la campagne belge ou hollandaise.
Pour simplifier, sur les appelait les « boys » ou les « enfants », tant était grand le sentiment d’avoir à s’occuper comme une mère prendrait soin de ses enfants.
La première difficulté est de les localiser. Le réseau Comète s’en chargeait. Il comptait sur des relais précieux comme l’instituteur, le maire, le curé ou encore le médecin qui a pu être contacté pour soigner certains des aviateurs blessés. Une fois repérés dans leurs cachettes , ces aviateurs sont récupérés par des jeunes gens belges, « les guides », qui les amenaient dans une maison amie d’un village frontalier. Le même jour, les « aides » (convoyeurs ou convoyeuses) se rendaient dans un village frontalier du côté français.
Pour éviter de se montrer trop souvent aux mêmes endroits, il existait six « passes », tri de villages paires par où transitaient les « colis » d’un village belge à un village français. Jeanne /Odile a surtout emprunté deux passes autour de Lille :
Camphin-Hertain et Bachy-Rumes.
Bachy en France et Rumes en Belgique sont seulement éloignés de quelques kilomètres, mais il fallait passer au travers d’une frontière gardée par les Allemands. La deuxième difficulté consistait à bien coordonner le passage de relais avec les passeurs français qui s’aventuraient donc en territoire belge. Odile nous fait le récit très vivant de son premier « passage » (qui sera suivi de beaucoup d’autres, généralement un ou deux par semaine). Lors du premier voyage, Jean Jacques l’accompagne. Arrivés à Lille, il la présente aux personnes qui seraient susceptibles de l’aider et qui tous participent à la résistance à l’occupant. Elle est accueillie dans presque tous les bureaux de la gare de Lille (ce qui montre l’implication des cheminots). Et Jean Jacques de dire : « Vous pouvez avoir confiance en elle comme si c’est moi ». « Mon vieux, t’es gonflé » pense Odile qui ne le connait que depuis la veille... Mais il avait déjà compris qu’il a affaire à quelqu’un de sérieux et il ne s’est pas trompé ! Avant de quitter la gare de Lille, Jean Jacques lui fait prendre fils billet de train pour le lendemain. Elle prendra les billets des « boys » au retour. De cette façon, les numéros de billets ne se suivront pas. Cette précaution était importante en cas de contrôle.
Après la gare de Lille, il faut prendre le dernier bus pour la frontière ; puis encore marcher dans le village de Bachy. « Regardez bien, lui dit Jean Jacques, tout ce que nous faisons, après, vous le ferez seule ». Odile pense que toutes ces petites maisons se ressemblent.
Les voilà arrivés dans la maison complice où le père de famille est ... le chef du secteur de la douane, Maurice Bricout. « C’est bien trouvé ! » pense Odile. Mais le passeur la regarde des pieds à la tête : « Ma petite demoiselle, ça ne va pas du tout ce que vous avez sur le dos aujourd’hui ! C’est bien trop clair, ça va se voir dans la plaine ! Et vos souliers ! » Il lui passe une cape sombre et une paire de bottes. Elle comprit très vite pourquoi. Après quelques km de marche à travers champs, il la fait passer sous des fils de fer barbelés, traverser une rivière, marcher dans l’eau pour que les chiens perdent leur trace.
Odile a l’impression de vivre des moments exaltants, elle se dit que c’est exactement ainsi qu’elle imaginait faire la guerre à 20 ans. Elle n’a peur de rien et n’a pas conscience du danger. Pourtant, le danger est partout.
La frontière passée en évitant le faisceau lumineux des Allemands, il faut traverser le village belge , frapper à un volet, attendre le cœur battant...
Ouf, tout va bien, sur peut entrer dans la maison amie (c’est le Café de la Gare) ; ce jour-là, il y a beaucoup de monde, amis, voisins, les convoyeurs belges arrivés de Bruxelles et surtout quatre grands « boys », reconnaissables entre tous à leur type anglo-saxon, leurs cheveux rasés et leur air ahuri. Il faut dire qu’ils ne comprenaient pas un mot de ce qui se disait autour d’eux !
Jeanne/Odile et Henriette sont les deux nouvelles convoieuses qui aura la charge de ramener chacune deux « colis » à Paris. Avant de partir, il faut que les boys vident leurs poches de leurs petits « souvenirs », souvent des photos. Ils doivent rendre leur carte d’identité belge. Sur leur fournit des pièces d’identité françaises et Jeanne tente, en vain, de leur faire répéter leur nouveau nom, leur date et lieu de naissance Leur accent est catastrophique. Il faudra faire en sorte qu’ils n’ouvrent pas la bouche... les faire passer pour sourds-muets, se précipiter pour répondre à leur place si quelque voyageur voulait entamer la conversation dans le train. Le danger sera maximum en cas de contrôle par la Gestapo.
De retour à Bachy, la même nuit, et après seulement quelques heures de sommeil, (réveil à 5 heures du matin), il faut encore marcher jusqu'à la gare de Cysoing distante de 5km pour y prendre le train qui mène à Lille. L’express menant à Paris partait de Lille à 8 h du matin. Arrivés à la gare du Nord, Odile prenait le métro avec ses « boys » jusqu’à la station Ternes où un contact les emmenait chez la mère de Diane (une autre convoyeuse), Madame Stassart, gardienne d’immeuble au 8 bis rue Margueritte.
Si tout se passait bien, elle les gardait jusqu’au soir le temps qu’une autre personne vienne les chercher pour les emmener Gare d’Austerlitz, direction Bayonne.
L’étape suivante est de les convoyer entre Paris et l’Espagne pour qu’ils puissent retrouver le chemin de la Grande-Bretagne grâce aux missions diplomatiques anglaises en particulier celle de San Sebastian. Ces rapatriements ont vitaux pour les Alliés.
Cartes imprimés en nylon
Ils récupéraientainsi des aviateurs bien formés à ces missions de
bombardements sur les positions ennemies. Ces retours en Grande-Bretagne dans les équipes de la RAF sont très importants pour la morale des soldats et de leurs familles. Ils sont que si leur avion était abattu, ils auraient la chance de revenir. D’ailleurs, ils étaient équipés d’un nécessaire de survie :
Une petite boussole grande comme un bouton pour se diriger toujours vers l’Ouest, des cartes très détaillées imprimés sur nylon, des pastilles « pour purifier l’eau » une lime, une trousse de couture avec des aiguilles déjà enfilées pour changer les boutons militaires en boutons civils, de petits ciseaux pour découdre les insignes militaires, du concentré de lait et du sucre.
Les risques encourus sont nombreux : l’occupant allemand fait la chasse à tous les patriotes, des traîtres espionnent, peuvent s’infiltrer dans le réseau et faire arrêter les résistants. A cela s’ajoutent les difficultés de la vie quotidienne, le manque de ravitaillement, les cartes d’alimentation.
Les « logeurs » prennent beaucoup de risques. A Bruxelles comme à Paris, ils accueillent pour une nuit ou pour plusieurs jours les garçons en transit. Les concierges d’immeubles sont très actifs, elles reçoivent dans leur loge, derrière la porte vitrée, autour de la table de cuisine. Comme elles disposent souvent d’appartements délaissés par leurs occupants, elles y accueillent les aviateurs, telle la mère de Diane. Beaucoup furent arrêtées, emprisonnées, torturées, déportées mais aussitôt remplacées par de nouveaux volontaires. Quand Jeanne arrivait côté français, à Bachy, elle ressentait cette atmosphère d’angoisse en pénétrant dans la maison de Mme Bricout. La lampe est baissée, les bruits de l’extérieur faisaient sursauter la mère de famille, la nuit se passait, pour la famille, dans la crainte d’une descente de la Gestapo.
Les jeunes affrontent le danger d’une manière différente. Odile raconte commentent les six jeunes gens (les deux convoyeuses et leurs quatre garçons) donnent le changement alors qu’ils vont marchant, tôt le matin, sur une route de campagne allant de Bachy à la gare : ils chantent en français (La Madelon) ou en anglais (C’est un long chemin vers Tipperary, c’estun long chemin àparcourir) comme s’ils revenaient d’une boum !
Les jeunes filles n’hésitent pas à se faufiler à contre-voie dans un train réservé aux cheminots. Quelle stupeur pour ce cheminot qui allume son briquet dans le noir et qui aperçoit Odile en face de lui !
A l’arrivée en gare de Lille, il fallait prendre certaines précautions avant de monter dans l’express Lille-Paris. Il faut aller laver ses souliers dans les toilettes de la gare. A l’arrivée à Paris, vers midi, la consigne est stricte : les boys ne doivent pas suivre de trop près leur convoyeuse, mais ils ont tellement peur de se perdre qu’ils ne les lâchent pas d’une semelle ! Et ils paraissent tellement british qu’Odile se demande encore comment ils n’ont jamais été repérés à cet endroit par le contrôleur. Le métro, avec eux, c’est « plutôt rigolo » se souvient Odile. Imaginez les garçons dans un rame de métro au milieu d’une foule de soldats allemands qui parcourent Paris !
Les boys n’ont vraiment aucune idée de ce que représentait l’occupation pour les Français. Odile les a vus tartiner une tranche de pain avec une bonne couche de beurre, ils n’imaginaient pas qu’ils étaient en train de dévorer la ration de la famille pour la semaine... Les Français ont faim, mais les familles qui accueillaient les « enfants » veillaient à ce qu’ils ne manquent de rien. Parfois la Résistance pouvait fournir des cartes d’alimentation et permettre de mieux les nourrir. L’argent des frais de voyage est aussi fourni par le réseau.
Quelle ne fut pas la stupeur d’Odile quand deux garçons américains voulurent savoir combien elle est payée pour faire ce travail si dangereux. Elle en est encore scandalisée aujourd’hui’hui. « Quoi ? Vous imaginez que nous sommes payés ! Ça ne va pas ! »
Ils ne voulaient pas la croire ... Ils réaliseront plus tard.
L’arrestation du 4 janvier 1944
Le réseau Comète fut décimé plusieurs fois à cause de la vie. En particulier, un traitre qui se fit passer, sous différents noms, pour un convoyeur. Jean Masson était belge, il appartenait à un groupe d’extrême-droite et agissait par conviction anti-communiste. Dans son entourage, certains disaient : « Mieux vaut Hitler que Staline ». Il a fait croire qu’il pouvait faire passer la frontière, ce qu’il a fait une fois, puis il a fait arrêter beaucoup de monde.
Ce 4 janvier 1944, jour de retour des vacances de Noël, Jeanne arrive à Rhunes, et ne trouve que deux garçons et leur convoyeur. Où sont les trois autres ? Ils ont peut-être raté le train ? En réalité, ils ont été arrêtés, et les Allemands sont qu’ils seraient dans l’express Lille-Paris du lendemain matin.
« Je pars avec eux deux et je reviendrai demain », dit-elle. Le train est bondé, ils sont obligés de monter en première classe, se retrouvent coincés dans le couloir, Odile au milieu de ses garçons. Elle doit acheter un supplément pour eux trois au contrôleur qui lui fournit un reçu qu’elle met dans sa poche. Soudain, entre Douai et Arras, une voix gutturale se fait entendre pour annoncer un contrôle des papiers, c’est la Gestapo qui rentre dans le wagon ! « Pas un mot », dit-elle à ses « enfants ». Jeanne connaissait leur accent et leur incapacité à répondre aux questions ... elle présente sa carte d’identité que les gestapistes ne daignent même pas regarder. Comment pourraient-ils imaginer qu’une jeune fille soit entrée dans la clandestinité ? Pour les nazis, les femmes doivent rester dans la cuisine et s’occuper des enfants... Hélas, les Allemands posent des questions aux deux aviateurs, ils ne peuvent répondre, ils sont fouillés et arrêtés. Jeanne se sent très mal, car elle a pour consigne de faire croire qu’elle ne les connait pas. Si elle est arrêtée, elle risquerait de parler sous la torture et toute la Ligne serait être. C’est affreux ! nous répète-t-elle. Le wagon est cerné par la Milice en gare d’Arras et passé au peigne fin. Sur recherche le convoyeur ! Tout à coup, elle pense au reçu qu’elle a dans la poche. Une seule solution : manger le papier. « Ce n’est pas bon ! »
Finalement, Jeanne passe entre les mailles du filet, elle n’est pas soupçonnée alors qu’elle était placée entre les deux garçons ! Fils chef, Jean Jacques sera arrêté à Bruxelles. Comète est décimée. Jeanne est grillée.
Troisième période : retour au service Zéro, de janvier à août 1944
Puisqu’elle n’a pas été arrêtée, Odile propose à nouveau ses services au PCC, poste central du courrier qu’elle avait dû quitter en avril 1943. Une nouvelle période d’intense activité commence pour Odile. Elle est envoyée un peu partout en France. Le Débarquement se prépare et les renseignements doivent vite converger vers la Grande-Bretagne. Elle sillonne la France occupée, souvent en stop (moyen très répandu à l’époque car on manque de tout et particulièrement d’essence) ou bien encore à vélo. Les voies de communication sont bombardées par les Alliés.
Enfin, arrivez le mois d’août 1944, Paris se soulève, des barricades sont montées dans les rues, sur ne peut plus guère circuler. Mais Odile veut encore faire " quelque un choisi un choisi « . Elle obtient une grenade grâce à un ami qui lui en explique le fonctionnement et la voilà partie sur sa bicyclette en s’accrochant à l’épaule d’un ami à moto ! Ils la lanceront avenue Niel, sous un char allemand.
« C’était grisant ! »
Son dernier voyage fut le plus périlleux. Alors que Paris est libéré et qu’elle voudrait bien aller acclamer le Général De Gaulle aux Champs-Elysées le 25 août, elle est envoyée en mission. Il s’agit de porter un courrier très important et urgent à Tourcoing. Pour elle, le danger est énorme. Elle n’a pas encore réalisé que si Paris est libéré, la proche banlieue ne l’est pas, ni Levallois, ni Bobigny par exemple.
Elle doit franchir la ligne de front qui se situe alors dans la banlieue ! Puis, elle devra traverser le no man’s land entre les deux armées pour ensuite passer au Nord, dans la zone encore occupée par des Allemands particulièrement nerveux.
Elle n’hésite pas une seconde, c’est sa mission qui compte avant tout.
Elle pense pouvoir faire de l’arrêt à partir de la porte de la Chapelle. Mais elle est arrêtée à la sortie de la zone libérée par une sentinelle française :
« Pourquoi essayez-vous de quitter Paris libéré ? Avez fait quelque quelque un choisi un choisi de mal avec les Allemands ? » Elle est soupçonnée de vouloir s’enfuir, sur pense sans doute qu’elle a espionné pour le compte des Allemands.
« Non, c’est le contraire ! J’ai une mission » se défend-elle. Personne ne la croit, tout ce qu’elle dit est retenu contre elle. Sur l’emmène d’un commissariat de police à un autre, et finalement à la PJ, dans l’Ile de la Cité à 22h. L’atmosphère est électrique, les policiers arrivaient de Notre-Dame où les tirs ont été nombreux. Le bureau du contre-espionnage veut la juste avouer. Finalement, une sentinelle la conduit dans une cellule en l’insultant et crachant devant elle. C’est un comble ! Elle se retrouve au milieu de seize femmes aussi désemparées qu’elle. Est-ce qu’on va les fusiller sans autre forme de procès ? La nuit en cellule est épouvantable d’autant que les Allemands sont revenus bombarder Paris.
Il faudra toute la persuasion de son grand-père resté à Paris pour la disculper. Odile tire la leçon de cette aventure : « Cela m’empêchera d’avoir la grosse tête si un jour je me sens une héroïne ! »
Elle repart courageusement à bicyclette sous une pluie battante. Elle doit plusieurs fois changeur de direction. Tout en pédalant dans ce no man’s land, elle se souvient encore aujourd’hui, avoir pensé : « J’arriverai peut être au poteau télégraphique là-bas, je serai peut être tuée avant ». A l’entrée de Crépy-en-Valois, elle se trouve face à une sentinelle allemande, elle arrive donc en paie encore occupé. Après discussion, sur la laisse passer. Elle est si heureuse d’avoir réussi à rentrer dans la zone allemande qu’elle ne envoyé pas la fatigue. Elle continue jusqu’à Compiègne où là, elle s’écroulera d’épuisement, accueillie par des fermiers hospitaliers. Elle arrive au mais, mission accomplie !
Odile le répète, elle a eu une grande chance ou plutôt plusieurs chances.
D’abord, Odile le souligne à plusieurs reprises, elle a l’âge de pouvoir s’investir dans ce que l’on n’appelait pas encore la Résistance. A l’âge de l’enthousiasme, rien ne l’arrêtait, ni les convenances sociales, ni les problèmes matériels. Le pire, pour elle, est l’inaction ou la mise à l’écart pour raison de sécurité. Aujourd’hui, elle dit encore qu’il ' est plus naturel qu’on ne le croit de faire quelque a choisi un choisi »
Pour le patriote qu’elle est, elle a pu « résister » en luttant contre l’ennemi sans avoir besoin d’une arme et sans tuer qui que ce soit. Elle a, au contraire, sauvé des vies humaines. Elle a participé à l’action qui a permis à une mère de retrouver fils fils, à une épouse de retrouver fils époux. La guerre est effrayante et absurde mais il ne faut pas renoncer à agir. Elle répète aux jeunes qui l’écoutent qu’il ne faut jamais désespérer et que c’est à la jeunesse de changer les mentalités.
Enfin, bien qu’elle s’en défende, ses actions risquées. Engagement de fils aurait pu lui coûter l’emprisonnement, la torture, voire la déportation. Elle reconnait ne pas avoir eu conscience des dangers. Même si elle a pu avoir peur quelquefois, l’exaltation d’agir était la plus forte : « Je comptais sur la chance ».
Ce n’est que plus tard qu’elle réalisa avoir appartenu à un immense réseau qui commençait en Hollande et finissait à Gibraltar.
« C’est si passionnant ! Et il est naturel de faire quelque un choisi un choisi... »