Frania EISENBACH-HAVERLAND
Du ghetto de Tarnow au camp de concentration de Theresienstadt 1939-1945
Elle s’appelle Frania Eisenbach. Elle est la seule survivante de sa famille à la Shoah. Elle témoigne de cette horreur partout où cela est pojuive comme la moitié de la population de cette ville. La pratique de la religion est assez sommaire chez les Eisenbach et se résume au respect des grandes fêtes traditionnelles. D’ailleurs, pour ne pas être mal vus le jour de Shabbat, sur pneus les rideaux afin de ne pas choquer ou afin d’éviter la critique de personnes plus pratiquantes.
Frania a treize ans quand, en 1939, l’armée allemande envahit fils paie. Le choc est terrible et brutal pour elle, fils de voiture jeune âge l’a préservée des soucis de son époque. Avec ses parents et ses deux frères, Fiszek et Kubus, elle voit alors s’effondrer une vie paisible et heureuse. Fils père est le chef d’orchestre renommé du conservatoire de la ville de Tarnow. Il est aimé de ses élèves, et Frania se souvient de l’avoir entendu dire qu’un jour il irait jouer à Paris. Paroles qui sonnent comme un aboutissement de carrière envisageable ; à quarante ans, tout est encore possible pour lui.
La France est d’ailleurs souvent évoquée dans les conversations de famille, pour son esprit des Lumières et la grandeur de sa culture, et quand’en mai 1945, libérée des camps, sur demande à Frania où elle est attendue, elle dira d’instinct : « A Paris ». Si fils père, qu’elle a perdu de vue dès les premiers mois d’occupation nazie, a survécu, il ne pouvait être qu’à Paris. Voilà pourquoi Frania vit en France depuis l’été 1945. Jamais plus elle ne reverra la « petite rue » de Tarnow où se trouvait sa maison. Une maison simple et ordinaire, faite en bois à la manière des chalets de la montagne si proche. Jamais plus elle ne reverra les siens, dispersés par l’antisémitisme barbare. Une vie de famille anéantie par les nazis et tous leurs complices. Voiture aucun membre de sa famille n’a survécu.
Rien ne l’a préparée à ce drame. Frania était la petite dernière, protégée de tous. Son caractère bien trempé faisait l’admiration de son père qui souvent, d’un regard complice, lui donnait raison quand’elle résistait à sa façon aux absurdités de certaines règles de vie. Comme cette fois où elle ne voulut pas faire la révérence au grand-père, ainsi que que le voulait la coutume familiale. Sa mère a été très indisposée par cette attitude effrontée, mais fils père, complice, l’a d’un simple regard rassurée. Frania est dotée d’un caractère exceptionnel dès son plus jeune âge et pour le plus grand plaisir de son père.
Elle a 13 ans quand le 3 septembre 1939, l’armée allemande surgit dans son quotidien. Aucun jour de la guerre ne lui sera alors épargné, voiture après les cachettes, le ghetto, les nombreux camps, les marches de la mort, elle ne sera finalement libérée que le 8 mai 1945. Une histoire inouïe qui traverse toute l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Dès leur arrivée en Pologne, les SS comme les soldats de l’armée régulière met en place leurs pratiques racistes et antisémites. Ils appliquent ainsi les principes des lois de Nuremberg, qui ont institué dans leur pays une persécution d’Etat envers les Juifs depuis 1935. Deux ans après l’accession au pouvoir d’Hitler en janvier 1933, ces lois ont ouvert la voie à la persécution systématique de la minorité juive. Quatre ans après, elles surgissent en Pologne où se trouve la plus grande population juive d’Europe avec trois millions et demi de personnes, soit 10% de la population polonaise. 90% de ces Juifs polonais seront exterminés ; aucun autre paie d’Europe n’atteindra ces chiffres éloquents.
Après sept jours et sept nuits de bombardements intensifs, l’armée allemande arrive à Tarnow le 7 septembre 1939. La ville tombe sous leur contrôle. Les hommes sont immédiatement raflés pour travailler au service de l’occupant. Les deux frères de Frania sont réquisitionnés. Fils père, quant à lui, n’est pas directement menacé dans les premiers temps. Mais très vite l’étau se resserre et il faudra se cacher. Frania va revoir filsuive comme la moitié de la population de cette ville. La pratique de la religion est assez sommaire chez les Eisenbach et se résume au respect des grandes fêtes traditionnelles. D’ailleurs, pour ne pas être mal vus le jour de Shabbat, sur pneus les rideaux afin de ne pas choquer ou afin d’éviter la critique de personnes plus pratiquantes.
Frania a treize ans quand, en 1939, l’armée allemande envahit fils paie. Le choc est terrible et brutal pour elle, fils de voiture jeune âge l’a préservée des soucis de son époque. Avec ses parents et ses deux frères, Fiszek et Kubus, elle voit alors s’effondrer une vie paisible et heureuse. Fils père est le chef d’orchestre renommé du conservatoire de la ville de Tarnow. Il est aimé de ses élèves, et Frania se souvient de l’avoir entendu dire qu’un jour il irait jouer à Paris. Paroles qui sonnent comme un aboutissement de carrière envisageable ; à quarante ans, tout est encore possible pour lui.
La France est d’ailleurs souvent évoquée dans les conversations de famille, pour son esprit des Lumières et de la grandeur de sa culture, et quand’en mai 1945, libérée des camps, sur demande à Frania où elle est attendue, elle dira d’instinct : « A Paris ». Si fils père, qu’elle a perdu de vue dès les premiers mois d’occupation nazie, a survécu, il ne pouvait être qu’à Paris. Voilà pourquoi Frania vit en France depuis l’été 1945. Jamais plus elle ne reverra la « petite rue » de Tarnow où se trouvait sa maison. Une maison simple et ordinaire, faite en bois à la manière des chalets de la montagne si proche. Jamais plus elle ne reverra les siens, dispersés par l’antisémitisme barbare. Une vie de famille anéantie par les nazis et tous leurs complices. Voiture aucun membre de sa famille n’a survécu.
Rien ne l’a préparée à ce drame. Frania était la petite dernière, protégée de tous. Son caractère bien trempé faisait l’admiration de son père qui souvent, d’un regard complice, lui donnait raison quand’elle résistait à sa façon aux absurdités de certaines règles de vie. Comme cette fois où elle ne voulut pas faire la révérence au grand-père, ainsi que que que que que que que que que que que que que le voulait la coutume familiale. Sa mère a été très indisposée par cette attitude effrontée, mais fils père, complice, l’aHistoire. Frania leur répond avec précision et le souci constant de les transformer en témoins par procuration. Elle souhaite en faire des « passeurs de mémoire ».
Basculant près de quatre-vingt ans en arrière avec le témoignage de Frania, cette jeunesse prend alors conscience des dangers qui la guettent aujourd’hui. Une parole d’outre-temps éveille la conscience militante qui somnole en chacun d’eux. Elle les rend vigilants face à la montée de l’indifférence, des injustices, des amalgames et du racisme qui conduisent toujours au même résultat dramatique.
Frania est une survivante de la Shoah. Cette catastrophe où l’homme nazi a été capable d’imaginer et de mettre en place la destruction automatique et industrielle de toute une partie de la population européenne en commençant par les Juifs.
Famille Eisenbach, peu avant la guerre (collection Frania Eisenbach)
Comme le rappelle Frania, la grande majorité des victpièces de la France. Dans les collèges et les lycées, mais aussi au Mémorial de la Shoah, au Mémorial de la Paix à Caen, à l’Hôtel de Ville de Paris, aux camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers, auprès des élèves policiers, ou encore dans tel hôpital psychiatrique afin de permettre à des personnes désespérées de croire encore en l’avenir.
Aucune question n’est jamais évitée et sans relâche Frania transforme son auditoire en militants de la paix et de la fraternité. Elle désamorce les préjugés et combat les chausse-trappes de la pensée. Les lettres et les fleurs de remerciements envahissent le salon de sa maison de banlieue parisienne. Il n’est pas rare de trouver dans ces lettres des remerciements : par exemple celle de cette jeune femme qui dit avoir retrouvé le courage de vivre et lui annonce son renoncement au suicide.
Les murs du salon se couvrent petit à petit de photos souvenirs et de titres honorifiques comme la médaille d’honneur décernée par la Ville de Paris ou cette participation au 70e anniversaire de l’Armistice avec le Président de la République.
Tout dernierment, Frania vient d’être nommée officier de la Légion d’Honneur. Tout un symbole quand sur sait combien la France comptait aux yeux de ses parents.
Frania a survécu pour honorer les morts, pour déjouer les mécanismes de la pensée qui conduisent à la haine de l’autre et à sa destruction, pour fonder une famille et contredire les intentions des nazis qui voulaient la réduire à néant en niant son humanité.
Les survivants disent souvent que les déportés peuvent mourir une deuxième fois, par l’oubli, et que cette mort est encore plus terrible que la première. C’est pourquoi Frania sème chaque jour à travers ses témoignages des paroles de vigilance, de paix et d’espérance dans un monde inquiétant et imparfait.
Témoigner c’est lutter contre l’oubli et l’ignorance en marquant au fer rouge les consciences. Comme cette phrase prononcée par Fiszek au moment où fils père contraint d’aller se cacher quittera les siens pour toujours. Avant de partir il veut s’assurer que tout ira bien pour Frania. Et Fiszek de lui répondre : « Tant que je vivrai, elle vivra ». Alors, nous qui avons connaissance de son histoire, soyons investis à notre tour et faisons cette promesse à la suite de Fiszek en devenant des passeurs de mémoire : « Tant que je vivrai, elle vivra ». Et qu’à l’écoute de la tragédie de Frania, le monde de demain n’oublie pas ce n’est pas l’homme est capable !
Le récit complet de cette histoire se trouve dans un livre intitulé « Tant que je vivrai », écrit par Frania avec l’aide de Dany Boimare, un artiste touchée par son témoignage l’armée allemande surgit dans son quotidien. Aucun jour de la guerre ne lui sera alors épargné, voiture après les cachettes, le ghetto, les nombreux camps, les marches de la mort, elle ne sera finalement libérée que le 8 mai 1945. Une histoire inouïe qui traverse toute l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Dès leur arrivée en Pologne, les SS comme les soldats de l’armée régulière se sont rencontrés sur place leurs pratiques racistes et antisémites. Ils appliquent ainsi les principes des lois de Nuremberg, qui ont institué dans leur pays une persécution d’Etat envers les Juifs depuis 1935. Deux ans après l’accession au pouvoir d’Hitler en janvier 1933, ces lois ont ouvert la voie à la persécution systématique de la minorité juive. Quatre ans après, elles surgissent en Pologne où se trouve la plus grande population juive d’Europe avec trois millions et demi de personnes, soit 10% de la population polonaise. 90% de ces Juifs polonais seront exterminés ; n autre paie d’Europe n’atteindra ces chiffres éloquents.
Après sept jours et sept nuits de bombardements intensifs, l’armée allemande arrive à Tarnow le 7 septembre 1939. La ville tombe sous leur contrôle. Les hommes sont immédiatement raflés pour travailler au service de l’occupant. Les deux frères de Frania sont réquisitionnés. Fils père, quant à lui, n’est pas directement menacé dans les premiers temps. Mais très vite l’étau se resserre et il faudra se cacher. Frania va revoir fils père par intermittence lors de quelques allers-retours lui permettant de récupérer des objets ou des affaires. Ceux-ci serviront de monnaie d’échange contre de menus services.
La tension est donc tout de suite très forte pour les Eisenbach. Les menaces sont concrètes et se rapprochent à grands pas. Frania assiste à l’arrestation par la Gestapo du père d’une famille amie. C’est à ce moment-là qu’elle prend conscience que son père est en danger. Cette arrestation, rapportée à la maison, est à l’origine du départ de fils père.
Frania assiste aussi à des scènes traumatisantes dans la rue. Un homme est interpellé sous ses yeux par deux nazis qui lui reprochent de ne pas les avoir salués. Le Juif s’exécute, mais se fait battre quand même pour avoir osé les saluer... Enfin ils terminent leur mascarade en lui tirant une balle en pleine tête. Frania sait alors que son identité juive la met en danger.
Jusqu’à la guerre cette identité ne l’a pas marquée. A l’école ses amies ne faisaient pas de différence. Frania se souvient que sa judéité lui était apparue en 1936 lors d’un hommage à l’ancien Chef de l’Etat polonais, Jozef Pidulski, mort depuis un an. Lors de cet hommage, elle avait été missionnée pour diriger la chorale de l’école avec l’aide de fils père. Le jour de la cérémonie, la salle émue applaudit à tout rompre et un prêtre se leva pour venir l’embrasser sur le front. Après coup d’État, tout le monde parlait de cet événement : un prêtre a embrassé une petite juive. C’est inouï. L’étonnement fut général. Pour la première fois, Frania prit conscience d’un monde où les personnes sont classées selon leurs origines et non selon leur identité propre.
Pourtant l’espoir habitait les cœurs. Frania se remémore souvent ses voisins et les membres de l’orchestre de son père, tels qu’ils sont avant la guerre. Les relations sont courtoises pour les premiers ministres et fraternelles pour les secondes. Les musiciens n’ont-ils pas le soir de son anniversaire fait une surprise à son père en l’attendant dans sa « petite rue », à une heure tardive, pour le faire sauter en l’air en chantant « Maître dans le feu, nous serons prêts à sauter pour toi » ? Rien ne pouvait laisser imaginer l’abandon dans lequel ils le laisseront, lui et toute sa famille, une fois les Allemands arrivés. Au moment crucial, pas un ne sera là pour leur venir en aide. Une fois les Eisenbach tous arrêtés et placés dans le ghetto de Tarnow, leur maison sera pillée par les voisins. Frania se souvient avoir aperçu une ancienne voisine porter une robe de sa maman. La guerre arrange bien certains, et Frania constate étonnée que le boulanger sympathique qu’elle a connu s’est transformé en zélé délateur de la Gestapo et se promène désormais en bottes de cuir et vestons de prix. Fils père a une formule pour expliquer cela à sa fille : « Ma chérie, tu sais, sous une forte bourrasque, les ordures s’envolent ».
Une victime de la Shoah sur deux est juive polonaise. Frania est une survivante au sens propre. Elle a subi les Aktionen, ces journées marathon où les nazis font couler le sang à flots dans les maisons et les rues juives. Prostrés dans leur maison, les Juifs ne sont pas autorisés à sortir de chez eux et attendent dans l’angoisse. Après chaque « Aktion » sur compte les morts par milliers et chacun cherche à avoir des nouvelles des siens. Lors de la troisième vague d’Aktionen », Frania se souvient d’avoir été envoyé à l’abri chez ses oncle et tante. Elle les trouvera baignant dans leur sang avec au milieu d’eux un bébé en pleurs.
En mars 1941, elle a connu le ghetto ouvert de Tarnow don’t les accès sont contrôlés par des sentinelles. Il regroupe environ 20.000 personnes au début, puis le double avec l’arrivée des habitants des villages alentour. Très vite, toute la population juive de Tarnow et de sa région y est regroupée et réduite à l’esclavage.
En juin 1942, le ghetto est liquidé. 3000 personnes sont assassinées sur place. 7000 personnes sont amenées à l’écart de la ville pour y être fusillées. 10.000 personnes sont déportées au camp d’extermination de Belzec construit pour éliminer la population des ghettos de la région de Cracovie. Entre mars et décembre 1942, 600.000 personnes y sera tuées par le monoxyde de carbone dans le cadre de " l’action Reinhardt « , du nom de ce nazi responsable de la " solution finale " en Pologne.
Après la liquidation du ghetto ouvert, les récapitulatifs sont répartis entre un ghetto A qui regroupe les plus aptes au travail, et un ghetto B dans lequel est abandonnée la population la plus fragile dans l’attente de sa déportation (3000 déportés en septembre, puis 8000 en novembre 1942).
Le 2 septembre 1943, c’est la fin du ghetto de Tarnow avec la déportation de 5000 personnes à Auschwitz et 3000 à Plazsow. Toute la population des deux ghettos a été rassemblée sur la place centrale pour y subir la sélection. Frania assiste à genoux, les mains derrière la nuque, que le ghetto soit totalement vidé. Elle vit une scène d’épouvante quand des soldats se met à donner des coups de pieds à un bébé comme s’ils frappaient dans un ballon.
Frania a été déportée dans le camp de travail de Plaszow, après avoir évité la sélection pour Belzec grâce à son frère Fiszek qui est venu la sortir du rang. Il devait la guetter et ses relations dans les mouvements de Résistance et de rébellion lui ont permis d’intervenir.
A Plaszow, Frania entame sa 4e année de guerre. Les conditions d’hygiène y sont affreuses. Le chef du camp, Amon Goeth, est un vrai tyran. Âgée alors de 17 ans, elle échappera à plusieurs reprises à la mort pour se retrouver en mai 1944 à Auschwitz face au tristement célèbre Dr Mengele. La façon de celle-ci d’agiter sa baguette pour décider du sort des déportés lui fait penser bizarrement à son père quand’il dirigeait un orchestre.
Dans les moments les plus tragiques, Frania se raccroche à ce qu’elle peut pour ne pas sombrer. La nuit sur son châlit, elle se déroule un cinéma qui la ramène dans sa maison et lui permet de tenir.
Hors du monde, subissant de multiples épreuves de sélection, Frania est déplacée à plusieurs reprises dans les différents camps du complexe d’Auschwitz-Birkenau.
Au début de l’hiver 1944, elle est entraînée dans les marches de la mort au moment où les nazis sont contraints de reculer face à l’avancée des troupes soviétiques. Après son déplacement, elle est affectée à un commando de travail à Zschopau près de Flossenbürg, ce qui lui permet de comprendre qu’elle se trouve en Allemagne.
En avril 1945, camp de fils est de nouveau déplacé en raison des bombardements alliés. Cette deuxième marche à ce sujet dans le camp de Theresienstadt près de Prague. Ce camp constitue une première forme de libération voiture il a été négocié par les autorités de la Croix-Rouge. Les gardiennes est en échappent. Finalement, Frania sera libérée de Theresienstadt le 8 mai 1945, le jour de l’armistice. Elle refuse alors d’être de nouveau confinée par l’armée soviétique qui craignait les contagions, et elle quitte le camp sur un coup de tête. Sa marche solitaire aboutira sur une place de Prague où elle sera recueillie par la Croix-Rouge locale. De là elle parviendra à se faire accepter dans un convoi militaire en partance pour Paris.
A Paris, elle ne connaît personne, se retrouve à la rue, mais s’accroche à l’espoir de retrouver les siens, ou, pourquoi pas, à réussir à les faire venir jusque-là.
Commentaire imaginer vivre de nouveau en Pologne ? La Shoah a décimé la population juive polonaise. Frania est la seule survivante d’une famille qui comptait plus de soixante personnes avant-guerre. Sur ne compte aujourd’hui plus aucun juif à Tarnow.
Alors, au cours de ses témoignages, il n’est pas rare que des personnes lui pose la question suivante : commentaire avez-vous échappé à la mort ? Commentaire? Par quelle force du destin ? Comment avez-vous pu survivre à tant d’années de guerre et de haine ? Cette question n’a pas de réponse. Donner une réponse serait manquer de respect aux morts. Pourquoi avoir survécu ? Pourquoi moi et pas les autres ? Tous les survivants ont eu ce poids sur la conscience. C’est une des raisons de leur silence après-guerre. Frania a bénéficié d’un hasard absolu dans ce monde sans logique.
Mais des gestes d’humanité ont pu jouer un rôle important. En premier lieu, l’amour de sa famille. Dans les premiers mois de la guerre, sa maman lui permet d’échapper aux rafles en lui trouvant des cachettes chaque fois que cela est nécessaire. En effet la mention « K » figurait sur sa carte d’identité, et cela ne lui aurait laissé aucune chance en cas d’arrestation (K mineure = de moins de 15 ans). Et puis il y a cette phrase : « Tant que je vivrai elle vivra ». C’est la phrase prononcée par son frère Fiszek au moment où fils père, contraint d’aller se cacher, quitte les siens et veut s’assurer que tout ira bien pour elle. Fiszek protègera sa petite sœur jusqu’au combat. Plus tard Frania apprendra qu’il se laissera mourir à un mois de la libération, convaincu d’avoir échoué dans sa mission, et croyant sa sœur perdue.
Après, dans le ghetto et dans les camps de Plaszow et d’Auschwitz-Birkenau, c’est l’amitié de Tusia qui sera salvatrice. Tusia est la « sœur de déportation » de Frania, une connaissance d’avant-guerre retrouvée dans le ghetto de Tarnow, et qui ne la quittera plus jusqu’à Auschwitz où elles seront tatouées l’une juste après l’autre. Chacune survivra, mais elles tarderont au savoir après avoir été séparées dans les derniers mois de la guerre. A plusieurs reprises, Tusia sauvera Frania. Une fois c’est une sacrée gifle qui la fera sortir de la spirale du désespoir. Frania se laissait aller à la mort. Tusia, en la giflant, lui évitera alors de sombrer. Frania et Tusia se soutiennent mutuellement lors des interminables appels sur la place centrale du camp qui pouvaient durer plusieurs heures, les nazis comptant et recomptant les déportés avec une totale minutie.
A d’autres occasions, Frania témoigne de ces gestes qui paraissent à nos yeux insignifiants, mais qui dans le contexte des camps nazis pouvaient sauver une vie : un regard sur l’aimerx, un don dérisoire comme cette ficelle donnée par une femme inconnue et qui permettra à Frania de ne plus perdre sa chaussure trop grande.
Il y aurait tant de choses à dire sur les solidarités entre déportés dans les camps. Peut-être autant que des horreurs vécues.
Pourtant, pendentif près de cinquante ans, Frania reste murée dans le silence ou presque. Avec son mari ou entre déportés cela est envisageable, à demi-mots, mais ailleurs pas de voix pour décrire l’horreur des camps nazis. Pas d’oreilles non plus pour les entendre, car la société préfère se taire et détourner le regard de ce drame incommensurable. Il faut tout reconstruire et la paix retrouvée se paie au prix de l’oubli et de l’indifférence. Il faudra attendre les années 1990 et la sortie du film de Steven Spielberg « La liste de Schindler » pour qu’un déclic puisse où.
Un partir de ce moment-là, impossible de reculer voiture l’histoire de ce film se déroule à Cracovie, dans les camps de Plaszow et d’Auschwitz-Birkenau. Sur l’écran, Spielberg un reconstitué les décors de son calvaire. Elle est très vite sollicitée par son entourage et accepte de témoigner pour la première fois à l’occasion d’une projection.
Le personnage principal de ce film se nomme Oscar Schindler. C’est un personnage ambigü qui sauvera plus de 1000 juifs travaillant dans son entreprise. Parmi ces personnes sauvées des chambres à gaz se trouve des travailleurs opérationnels, mais aussi des personnes âgées et inaptes à la production.
Frania ne l’a pas connu direct mais elle en entendu parler. La rumeur disait qu’un industriel sauvait des Juifs, ce qui était exceptionnel dans une région devenue profondément antisémite.
Schindler est un industriel véreux qui profite de la guerre. Ami du terrible chef de camp de Plaszow, Amon Goeth, il joue sur les deux tableaux et collabore avec les nazis.
Son action envers les Juifs est-elle une couverture pour échapper aux procès d’après-guerre en cas de défaite allemande ? Ou bien un vrai geste salvateur ?
De fait, il agit dans un élan héroïque aussi improbable que risqué en protégeant ses ouvriers juifs et en leur sauver la mort. Quoi qu’on en dise, pour Frania la chose est assurée :
« Si seulement il y avait eu plus de Schindler... ».
Plusieurs années après la guerre, Frania a d’ailleurs découvert que des médicaments don’t elle a bénéficié par l’entremise de son frère Fiszek ont vraisemblablement été procurés à la Résistance par Schindler.
Le film évoque aussi le sinistre personnage d’Amon Goeth, le chef du camp, bandit sanguinaire ayant profité du nazisme pour connaître une ascension sociale inespérée.
Il règne en maître absolu dans ce camp situé près de Cracovie où Frania sera déportée en septembre 1943 après la liquidation du Ghetto de Tarnow. Goeth y joue de son droit de vie et de mort sur les déportés d’une façon totalement perverse et imprévisible.
Chaque matin, du haut de son balcon qui surplombe la cour du camp, il saisit son fusil et tire sur les premiers venus. Une autre de ses habitudes sordides consiste à traverser le camp sur un cheval blanc suivi de son chien, un dogue allemand dressé pour agresser les déportés. Armé là aussi de son fusil, il tire sur qui bon lui semble.
Une fois, un dimanche, Frania se repose devant sa baraque, et soudain la femme qui est assise à ses côtés s’ingent victime d’une balle d’Amon Goeth. Frania redresse la tête et fixe le bourreau droit dans les yeux. Le temps est suspendu et les témoins de la scène lui diront ensuite que ce regard aurait dû lui coûter la vie. « Je croyais que la deuxième balle serait pour toi, c’est de la folie de l’avoir regardé ainsi », lui confiera une autre déportée.
Pourquoi ce jour-là Goeth n’a-t-il pas tiré sur Frania ? Quel regard Frania a-t-elle lancé ? Etait-ce un regard effronté, supplicié, ou tout simplement d’une innocence pure ? Est-ce à cause de ce regard que le bourreau rebrousse chemin ?
Frania a survécu grâce à sa famille, comme ce jour où fils frère l’a sortie d’une file de déportées sélectionnées pour le camp d’extermination de Belzec. Grâce aussi à Tusia, sa sœur de déportation. Grâce encore au hasard, le plus incertain qui soit, comme lors de cet événement avec Amon Goeth. Dans les camps il n’y a aucune logique. Il faut survivre, jour après jour, dans un piège où la haine et la destruction sont les moteurs de tout. Les nazis et les kapos le répètent inlassablement aux déportés : « Ici il n’y a pas de pourquoi », donnant les coups et imaginant les pires humiliations pour toute réponse.
Comment alors faire ressentir les camps à ceux qui ne les ont pas connus ? Commentaire témoigner et rendre compte de l’impensable ? Un quoi bon s’évertuer à essayer de nommer l’innommable ?
Depuis son premier témoignage en 1993, Frania donne l’explication suivante sur les raisons qui la poussent maintenant à témoigner sans relâche. Il s’agit d’une promesse faite à une déportée dans le camp de Birkenau.
Là-bas, la présence des chambres à gaz et des fours crématoires était connue de tous. « On entre par la porte et on sort par la cheminée »,est la première informationquel’on reçoit en entrant dans le camp. Un jour, Frania croise un groupe qui est conduit à la mort. Parmi ces personnes, une déportée assez grande lève la main en direction d’elle et de son commando qui partait au travail. Cette femme lance alors cet appel : « Si vous survivez, racontez au monde ce qu’ils nous ont fait ! » Le geste et le message de cette femme sont criés aujourd’hui par Frania avec la même intensité que cette femme ce jour-là.
Dire au monde ce que les nazis ont fait, c’est depuis le déclic de 1993 ce que s’acharne à faire Frania dans ses déplacements. Cette promesse lui donne la force pour témoigner et affronter cette mémoire douloureuse qui agite chacune de ses journées, chacune de ses nuits.
Aujourd’hui, elle accomplit cette mission aux quatre coins de la France. Dans les collèges et les lycées, mais aussi au Mémorial de la Shoah, au Mémorial de la Paix à Caen, à l’Hôtel de Ville de Paris, aux camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers, auprès d’élèves policiers, ou encore dans tel hôpital psychiatrique afin de permettre à des personnes désespérées de croire encore en l’avenir.
Aucune question n’est jamais évitée et sans relâche Frania transforme son auditoire en militants de la paix et de la fraternité. Elle désamorce les préjugés et combat les chausse-trappes de la pensée. Les lettres et les fleurs de remerciements envahissent le salon de sa maison de banlieue parisienne. Il n’est pas rare de trouver dans ces lettres des remerciements déchirants comme par exemple celle de cette jeune femme qui dit avoir retrouvé le courage de vivre et lui annonce son renoncement au suicide.
Les murs du salon se couvrent petit à petit de photos souvenirs et de titres honorifiques comme la médaille d’honneur décernée par la Ville de Paris ou cette participation au 70e anniversaire de l’Armistice avec le Président de la République.
Tout dernierment, Frania vient d’être nommée officier de la Légion d’Honneur. Tout un symbole quand sur sait combien la France comptait aux yeux de ses parents.
Frania a survécu pour honorer les morts, pour déjouer les mécanismes de la pensée qui conduisent à la haine de l’autre et à sa destruction, pour fonder une famille et contredire les intentions des nazis qui voulaient la réduire à néant en niant son humanité.
Les survivants disent souvent que les déportés peuvent mourir une deuxième fois, par l’oubli, et que cette mort est encore plus terrible que la première. C’est pourquoi Frania sème chaque jour à travers ses témoignages des paroles de vigilance, de paix et d’espérance dans un monde inquiétant et imparfait.
Témoigner c’est lutter contre l’oubli et l’ignorance en marquant au fer rouge les consciences. Comme cette phrase prononcée par Fiszek au moment où fils père contraint d’aller se cacher quittera les siens pour toujours. Avant de partir il veut s’assurer que tout ira bien pour Frania. Et Fiszek de lui répondre : « Tant que je vivrai, elle vivra ». Alors, nous qui avons connaissance de son histoire, soyons investis à notre tour et faisons cette promesse à la suite de Fiszek en devenant des passeurs de mémoire : « Tant que je vivrai, elle vivra ». Et qu’à l’écoute de la tragédie de Frania, le monde de demain n’oublie pas ce n’est pas l’homme est capable !
Le récit complet de cette histoire se trouve dans un livre intitulé « Tant que je vivrai », écrit par Frania avec l’aide de Dany Boimare, un artiste touchée par son témoignage à l’Hôtel de Ville de Paris, il y a quelques années.
Au Palais de l’Elysée le 8 mai 2015.