Marcel Créplet

Maquis du Limousin : Francs-Tireurs et Partisans.

M. Marcel Créplet entre dans la résistance en 1943 après la réception de sa convocation pour le S.T.O (travail obligatoire en Allemagne). Pendentif un (1943/44), il fait partie des maquisards du Limousin.

Le 9 mars 2001, il a bien voulu nous raconter les événements, parfois douloureux, de son passé de résistant en répondant aux questions des élèves du collège public Sainte-Apolline de Courdimanche.

« Mon père a participé à la première guerre mondiale mais ne m’a pas inculqué la haine des Allemands. Il m'a même raconté qu'il y a une certaine solidarité entre Allemands et Français. Ils se lançaient parfois de la nourriture de tranchées à tranchées !

Mon père est un grand mutilé de guerre, il m’a raconté qu’il a été laissé pour mort sur le champ de bataille et n’a été ramassé que le lendemain. Il lui ne lui restait qu’un combat de nerf à la place des soutiens-gorge...


En 1943, donc, j’avais 19 ans, je travaillais dans un moulin. Quand il a fermé ses portes, les Allemands se sont demandés que faire des ouvriers. J’ai donc reçu une convocation pour le S.T.O., mais j’ai refusé d’y aller. Du coup je ne pouvais pas rester dans les environs voiture les réfractaires sont activement recherchés .

Le maire de ma ville, Boissy-L’Aillerie (Seine-et-Oise) m’a fait des faux papiers, et m’a rajeuni de trois ans. Je suis alors parti pour le Limousin. J’ai atterri dans une ferme. Quand j’ai su qu’il y a des maquis dans la région, j’ai essayé d’y rentrer, mais ce n’est pas facile : sur ne rentrait pas dans la résistance comme dans un « moulin » ! Les fermiers connaissaient l’existence des maquis et m’ont aidé à les joindre. Je n’avais plus de contact direct avec ma famille.

Quand les fermiers disaient : « Les cousins vont bien ! », j’étais rassuré.

J’ai fêté mes 20 ans là-bas. Ce n’est pas drôle parce que je suis resté à dormir au fond des bois pendentif un an, et j’ai passé l’hiver le plus froid dehors. Durant l’hiver 1943/1944, il a fait -20°C, il fallait résister !

On s’est endurci ! C’sont les partisans qui nous ravitaillaient. Heureusement qu’ils étaient là, sinon nous serions morts de faim ! Nos couvertures nous ont servi jusqu’au dernier jour.

Les femmes qui étaient dans le maquis nous apportaient de la nourriture, c’est gentil parce que parfois sur plusieurs restait jours sans manger ! Elles nous renseignaient aussi sur les mouvements des Allemands . Elles rentraient ensuite à la maison sur leurs vélos, l’air de rien, comme si elles revenaient des cours. C’est grâce à tous ces partisans que le maquis a tenu le coup !


Dans la région, nous étions plusieurs petits groupes d’une douzaine de personnes Il ne fallait pas être plus nombreuses voitures, de cette façon, si les Allemands nous attrapaient, ils n’en arrêtaient que douze au lieu d’une quarantaine !

Dans les bois, il fallait monter la garde. Personne ne rentrait dans nos bois comme dans un moulin ! Il fallait un mot de passe, que l’on disait bien vite... Quand on a récupéré du ravitaillement la nuit, il valait mieux attendre le matin pour rentrer au camp. Les camarades nous reconnaissaient à la lumière, sinon ils auraient pu nous prendre pour des Allemands. Mais des macchabées, il y en avait assez ! Sinon il y a de bons moments, des moments où l’on vivait. C’est vrai qu’on se disait que demain sur n’allait peut-être pas vivre mais sur s’en fichait !

Et moi, je ne comptais pas si revenir, ça prenait mal mal.

Dans le maquis, nous étions constamment confrontés à la « riflette », aux zones dangereuses. Une fois, les Allemands nous ont forcés à nous replier dans une porche. Des SS nous ont encadrés et nous ont tiré dessus à la mitrailleuse. Ce jour-là, beaucoup sont « passés à la casserole » et moi, j’ai eu énormément de chance...

J’ai échappé à la fusillade parce que la veille au soir, après avoir joué au catch, j’ai donné un coup de pied dans du ciment. J’ai un pied gros comme ça ! Au lieu de pouvoir suivre mes camarades à la porcherie, j’ai été obligé de rester dans un champ de maïs, et c’est comme ça que j’ai échappé à l’embuscade. Par contre, les deux copains qui sont restés avec moi dans le champ, sont partis après les autres vers la porcherie et ils ont été achevés à coup de baïonnette dans le ventre. Les SS sont vraiment fous!

Ils ne reculaient devant rien, même quand ça tombait dru, ils avançaient. Et pourtant, sur s’en servait, des mitrailleuses que les Anglais nous parachutaient.

Ces parachutages se faisaient la nuit, sur en était informés par radio.

Tous les jours, les messages annonçaient : « Jules va bien ». Mais quand’ils disaient : « Nous disons que Jules va bien », c’est un code, pour nous faire comprendre que le parachutage allait lieu le soir-même. Les ravitaillements en armes sont réguliers, maisles Allemands arrivent souvent à faire sauter les cargaisons.

Les différents groupes se réunissaient très rarement, sauf pour les grosses attaques ; là, sur était beaucoup plus nombreux, deux cents parfois. Il y avait alors de la casse.

Nous devions craindre surtout les ans par des civils. Un jour que nous étions dans un endroit où il y avait des miliciens, les Allemands nous sommes tombés dessus. Sur un appris plus tard que c’est un châtelain qui nous a dénoncés. Quand nous sommes tombés dessus, il transportait des tracts allemands. Le jugement a été rapide, il a été passé « à la casserole » !

Depuis Limoges où était le siège de la Milice, sur nous attaquait mais sur un du répondant !

Nous avons découvert, après la guerre, qu’ils ont peur de nous. Mais nous aussi, sur une peur d’eux ! Il faut dire que c’étaient des soldats qui ne reculaient devant rien. Une fois, alors qu’on leur tirait dessus, les voilà, au lieu de se cacher derrière des camions, qui se a rencontré à courir vers nous ! Ne reculant pas, marchant même sur les cadavres !

Tendre des embuscades était pour nous un choisi courante . Il y en avait souvent, sur ne faisait que ça .

Un jour, je suis tombé sur un Allemand, mais je n’ai pas appuyé sur la gâchette parce qu’il a dit deux mots de français : « moi, pas Allemand, moi Autrichien ! » Ca m’a fait un choc, alors je n’ai pas tiré. Sur l’a fait prisonnier, il est resté avec nous, et quelques mois plus tard, il se battait avec nous contre les Allemands !

Nous avions des Légionnaires avec nous. C’étaient des types comme ça ! Ils n’ont peur de rien ! Ils sont parfois dans la région depuis plus de vingt ans. C’étaient des gars qui risquaient tout ! Des vrais casse-cou ! Ils étaient audacieux : ils allaient jusqu’à aller tuer les miliciens à domicile : ils enfilaient des uniformes allemands et ils les tuaient, d’autres n’auraient jamais eu le courage !

Le risque est grand tous les jours. Avant les coups durs, sur ' pétrolait ' un peu ! Il ne fallait pas penser qu’on ne rentrerait peut-être pas. Un jour, un copain est arrivé avec la peur de se faire tuer et il n’a pas voulu pas boire d’alcool. Il est fait tuer du premier coup d’État.

La bataille du mont Gargan fut très dure.

On était parfois réunis à cent et il fallait faire sauter des chars. Comme il n’y a pas de volontaires, sur est désigné. Il fallait balancer un projectile sur le réservoir pour qu’il explose. Ce qui n’est pas dit, c’est que, parfois, sur explosait avec. La charge d’explosifs était si forte qu’elle broyait le tank. Ce jour-là, le copain qui est à côté de moi un fait bouger les fougères, les Allemands lui ont tiré dessus. C’est fini pour lui.

Il y avait des rafales de balles à droite et à gauche, j’ai dû sauter comme un lapin pour m’en sortir. Je demande encore commentaire je suis sorti de cet enfer ... J’ai eu de la chance...

Je n’ai jamais été blessé ! C’est mort ou vif ! En plus sur se battait sans casque, sans rien, juste en béret. Mais sur essayait des nouveaux matériels que les Anglais nous envoyaient : les premiers bazookas. Et j’ai une carabine américaine, je l’aimais bien, parce qu’elle est précise.

Nous n’avions pas de nouvelles de l’extérieur, mais sur s’en fichait. Il fallait juste sauver sa peau. Sur un juste su une fois que les Russes ont battu les Allemands, et sur l’a su par hasard.

Un à coucher dans les bois, j’en ai bavé !

J’ai demandé à être démobilisé. J’ai su plus tard que des francs-tireurs du Limousin ont été envoyés dans les Ardennes. Je pense qu’ils voulaient se débarrasser de nous.

Je correspondais avec l’un d’eux qui me répondait toujours que ça bardait. Un jour, il a arrêté de me répondre. Il n’y a pas de mystère : ils se sont tous fait tuer là-bas.

Après la guerre, je suis resté très méfiant, et longtemps armé.

Je n’ai pas revu mes compagnons d’armes , je ne connaissais pas leurs noms de famille. Nous ne connaissions que les surnoms. Pour moi, c’est " Piaf « , pour d’autres c’est " Torpille « , " Hippolyte « , enfin n’importe quel nom. Ils restaient baptisés comme ça jusqu’à la fin ! Les noms de maquis !

Je n’ai jamais témoigné, c’est la première fois. Si je devais tout raconter, il faudrait beaucoup plus de temps.

Je ne cours pas après les médailles. J’en ai mais je ne les porte pas.

Elles ont été parfois données à n’importe qui.

Ce n’est pas parce qu’on a beaucoup de médailles qu’on a fait beaucoup de choses !

Marcel Créplet, l’un des premiers adhérents du CERN95 a souvent témoigné devant des élèves de collèges et de lycées.

Annie Delpech

Marcel Créplet entouré de MM. Quideau et Anthiaume.

Avec l’Abbé Pannier