"Egocentrisme et Spiritualité"

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"Egocentrisme et spiritualité"



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Vous trouverez l'introduction de ce livre ci-dessous :



EGOCENTRISME ET SPIRITUALITE


Réflexions sur la voie de la connaissance et la non-dualité, le Soi et la libération, et d’autres sujets concernant le mental et l’ego.



Introduction

La tendance à être centré sur soi-même et à ne considérer le monde extérieur qu’en fonction de l’intérêt qu’on se porte s’appelle l’égocentrisme. Ce culte du moi, qui se résume à mettre en relation les manifestations de la vie intérieure ou les phénomènes révélant des perceptions sensorielles avec des pensées accompagnées généralement d’appréciations personnelles, n’est ni une qualité ni un défaut, mais la nature même de l’ego. C’est même ce que l’on pourrait considérer comme son caractère, sa structure mentale, ou plus simplement dit, la réalité de sa vie. L’ego, c’est-à-dire le moi, tel qu’il est défini dans ce livre, est le centre opérationnel, si l'on peut dire, des facultés mentales à sa disposition, et bien sûr aussi le point de référence en tant que conscience individuelle à toutes les expériences de chacun ; il ne s’agit pas d’une abstraction que l’on pourrait séparer de soi. En cet instant précis, il se rapporte à celui qui lit ces mots, le lecteur lui-même. Autrement dit, c’est toi, l’ego, qui est en train de lire ce livre. Il va de soi qu'une telle conception de l'ego en accord avec le bon sens et le Védanta s'oppose à la tendance actuellement influencée par l'enseignement de soi-disant Gourous libérés de leur propre ego, qui font de cette identité nécessaire pour s'exprimer personnellement une espèce de démon à bannir. Mais si ce n’est pas « moi » qui écrit ses mots et « toi » qui les lit, qui cela pourrait bien être ?

Est-ce que Dieu existe ? La spiritualité hindoue répond par l’affirmative, mais la définition du Divin qu’elle propose est ambiguë. Elle prétend qu’Il est le Soi, c’est-à-dire « ça » : « Etre, Conscience et Félicité ». Mais qu’est-ce que ces termes signifient au juste ? « Moi » aussi, je suis…, je suis un être conscient…, et je suis parfois conscient d’être pleinement heureux dans certaines circonstances. Bien que le Soi détermine a priori une pensée métaphysique, rien de plus qu’un concept sans rapport avec la réalité de la vie quotidienne, il ne se réfère pourtant pas à un être suprême séparé de notre monde, qui vivrait au paradis ou dans une autre dimension que celle où nous situons actuellement. L’être, la conscience et la félicité qu’incarne le Soi renvoient à ce que nous sommes réellement, c’est-à-dire notre vraie nature. Selon cette spiritualité, la libération résulte de la connaissance de cette nature, « l’être en soi », et elle procède de l’anéantissement des illusions du mental, qui empêche de le connaître tel qu’il est vraiment. Cette connaissance repose sur l’expérience par opposition à une érudition ou un savoir relevant des facultés de l’intellect à raisonner. Depuis la plus haute antiquité, la connaissance sacrée des hindous est le fruit d’expériences et réalisations, et non de spéculations à caractère purement théorique. C’est en découvrant la vraie nature de l'être que l'on incarne qu’il est possible de se libérer du mental, ou plus précisément des fantaisies de l’ego dont l'existence n'est rien de plus qu'ignorance et illusion. Et c'est aussi de cette manière que l’on connaît enfin la vérité suprême, le Soi, l’être en soi, la conscience universelle et la présence du Divin – appelez « ça » comme vous le voudrez du fait que tous ces termes sont en fait identiques.

La personne à la recherche de la libération est en quête de vérités et non de nouvelles croyances. Une vérité peut être considérée ainsi seulement si elle est vérifiée par l’expérience. On affirme que la matière contient des atomes parce que tous les scientifiques constatent ce phénomène bien que personne ne puisse les voir à l'œil nu. En ce qui concerne les connaissances avancées par la spiritualité et l’éventuelle possibilité d’une libération, elles ne peuvent être vraies qu’à condition qu’elles soient vécues, sinon ce ne sont que des théories, et elles présentent peu d’intérêt pour celui qui désire se libérer d’une existence illusoire, qui lui apporte à vrai dire beaucoup plus de soucis et souffrances que de satisfactions et bonheur. Cela revient à dire que le lecteur doit reconnaître en lui l’authenticité de ces vérités, en dépit du fait que certaines risquent de lui déplaire, et faire l’expérience de celles qu’il ignorait. La spiritualité n’est pas une nouvelle religion ; c’est une véritable expérience de la vie dont le principe fondamental, « être », se confond avec la conscience et la félicité, ce qui signifie en d’autres termes que le simple fait d’être et d’exister est en fait lui-même porteur de félicité et par conséquent libérateur. Le chercheur de vérité ne peut pas se contenter d’accepter ce genre de postulat ; il doit réaliser et surtout actualiser la présence de cet être qu’il incarne, le Soi lui-même, s’il désire vraiment se libérer des illusions, qui le rendent esclave de son ignorance et de ses souffrances. Il découvrira ainsi que sa vie, quoi qu’il en pense, est non seulement une expérience de la félicité, mais aussi celle de la perfection. Et dans un tel contexte, des concepts comme le hasard, le libre arbitre ou la fatalité n’auront plus vraiment de signification ; d’où une remise en question non seulement de sa faculté de raisonner, mais aussi d’agir. On peut ainsi dire que la spiritualité aura des conséquences importantes dans toutes ses pensées, et à plus forte raison dans toute sa vie.

La renaissance spirituelle d’aujourd’hui a innové des expressions très amusantes que l’on entend de plus en plus souvent, autant de la part de sincères chercheurs de vérités que de représentants très officiels de la spiritualité occidentale. Ces expressions sont par exemple « Mon ego…, ton ego…, il est sous le pouvoir de son ego…, tu t’identifies avec ton ego…, etc. ». Ceux qui les emploient sont généralement à la recherche de la libération, ou alors ils enseignent comment y accéder en sous-entendant discrètement bien sûr qu’ils y sont eux-mêmes parvenus. Rappelons que cet ego n’est pas une monstruosité mentale, qui éprouverait un malin plaisir à faire souffrir celui qui s’efforce de s’en libérer. Il n’est que le moi, une identité personnelle, ce « moi, je… » qui pense à son passé, le présent et l’avenir, à toutes les réalités et activités, qui définissent sa vie mentale et celle de son corps. On peut donc se demander à qui appartient cet ego, et quelle est par conséquent la nature de celui qui cherche à s’en libérer. Serait-ce un super ego insatisfait de son ego ordinaire ? L’être en soi, qui, par définition, n’a pas à se libérer d’une entité, qui ne le concerne pas ? L’intellect fatigué de rabâcher dans ses pensées « moi, moi, moi… » à longueur de journée ? Ou alors, serait-ce tout simplement l’ego, qui essaierait de se débarrasser de lui-même en sublimant sa propre existence, mais en sachant pertinemment qu’il n’a pas du tout l’intention de s’autodétruire ? En définitive, quelle est la faculté à sa disposition, qui lui permet d’imaginer qu’une telle tentative de délivrance est possible ? Posons la question plus simplement : « Est-ce que le moi est à la recherche d’une absurdité suprême ou d’une expérience plus authentique que tout ce qu’il a vécu jusqu’à présent ? »

Cette remise en question de la spiritualité et de la recherche de libération – remise en question qui ne peut être que positive pour celui qui s’intéresse sérieusement à ce sujet, et aussi pour celui qui n’a pas d’idée précise sur ce qu’est la vie spirituelle – conduit à la voie de la connaissance et l’étude de la « non-dualité », Advaita en Sanskrit, qui affirme que seul le Soi est réel, et que le monde dans lequel vit le moi est une illusion. Cette voie de la connaissance que l’on appelle le « Jnana Yoga » en Inde n’est pas nouvelle ; elle est définie implicitement dans les plus anciennes écritures de notre monde, les « Upanishad ». Les vérités que révèle cette connaissance immémoriale sont uniques, insensées et d’une simplicité déconcertante. Elles certifient que la vraie nature de chacun est absolument parfaite, et qu’elle n’a pas à être purifiée ou libérée. Au lieu d’essayer de détruire l’ego et les souffrances qui motivent sa recherche spirituelle, il suffit en fait de réaliser ce qu’est la vraie nature de l’être en soi, l’être que l’on incarne vraiment, pour ne plus avoir à souffrir de ce qu’il n’a jamais été. L’absence du processus d’identification, qui engendre toutes les manifestations du moi (l’entité égocentrique à caractère psychologique que l'on appelle aussi l'ego ou le « Je »), détermine ce que l’on nomme dans ce Yoga « la réalisation du Soi », c’est-à-dire notre état naturel d’être et d’exister tel que nous sommes vraiment. Cet état s’appelle aussi en Sanskrit « Sahaja Samadhi » ou « Turya », le simple fait d’être purement conscient et libéré de ce qu’il n’a jamais été.

L’ego s’intéresse à sa propre libération parce qu’elle le concerne personnellement ; il désire le bonheur digne d’un dieu. Quand la connaissance sacrée lui révèle que la vraie nature de l’être qu’il incarne est pure, parfaite, infinie et éternelle, ou comme il l’est dit dans les écritures sacrées, « un océan de félicité », il en est ravi. Mais lorsqu’elle l’informe qu’elle est universelle, c’est-à-dire impersonnelle, et que lui et la réalité dans laquelle il vit ne sont rien de plus qu’une illusion, la connaissance devient théorique, philosophique ou métaphysique, autrement dit beaucoup trop intellectuelle pour être réaliste. De toute évidence, la libération à laquelle il aspire et qu’il ne peut pas connaître avant d’en avoir fait l’expérience détermine un objectif tout à fait concevable. La perfection, l’infini et l’éternité ne sont pas des idées abstraites et difficiles ; elles ont une signification pour lui. Que l’être qu’il s’imagine incarner soit par contre dépourvu de toute caractéristique personnelle n’en a pas. Et si cette libération ne résulte à vrai dire que de son propre anéantissement, la connaissance qui le démontre l’intéresse de moins en moins pour de très bonnes raisons. Pourquoi chercherait-il en effet la libération à son propre détriment et en plus s’il ne peut pas en jouir personnellement ? Il préfère donc retourner à sa recherche d’expériences spirituelles, extases mystiques et pouvoirs occultes en espérant qu’ils le libèreront de ses misères. Les expériences de la vie spirituelle comme toutes les autres sont enrichissantes ; elles ne détiennent malheureusement pas le pouvoir de délivrer l’ego de ses illusions. Voilà en résumé la situation paradoxale de l’entité égocentrique qu’il incarne dans sa recherche de la vérité : tout ce qui le flatte a un sens ; en revanche, la connaissance qui affirme son inexistence est trop théorique pour avoir une signification et devenir un fait plus réel que sa propre compréhension de la vie.

Ce livre est écrit, conformément à de nombreux textes védantiques, sous forme de dialogue pour faciliter sa lecture. Il ne retrace en aucun cas l’enseignement de mon Gourou, qui n’accordait aucune importance aux grands discours. Cette conversation imaginaire entre deux personnes, « un chercheur de vérité » et une personne qui incarne « le mystère », propose au lecteur de remettre en question sa recherche spirituelle et l’aider à découvrir l’essentiel de la connaissance sacrée. Ceux qui s’intéressent à la spiritualité en général y trouveront sans aucun doute matière à réflexion, et parfois aussi des sujets qu’ils préféreraient ignorer. Quant aux intellectuels qui étudient la vérité dans les écritures sacrées et pratiquent une voie de la connaissance plus théorique que fondée sur l’expérience, il devrait leur apporter de précieuses informations afin de ne pas s’égarer trop loin dans leurs réflexions et toujours revenir à ce qui est vraiment important, c’est-à-dire rien qui ne soit possible d’intellectualiser, le Yoga de la connaissance n'ayant absolument rien à voir avec une méditation intellectuelle. Mais ce livre est avant tout un hommage à deux personnages remarquables : mon Gourou, Swami Girijyanandaji d’Uttarkashi (aussi connu sous le nom de Girdanandaji), un Gourou sans enseignement, qui préférait révéler directement la vérité au lieu d’en causer, et Monsieur Brahma Chaitanya de Gangotri, qui lui, au contraire, m’incita cinq années plus tard à étudier de nombreux livres et commentaires concernant le Védanta, ce qui me permit de relativiser une expérience très difficile à comprendre et qu’à vrai dire, je ne cherchais absolument pas à conceptualiser. C’est aux confins de l’Himalaya, à côté de la déesse Ganga et après un séjour d’une trentaine d’années en Asie, que je me permets de soumettre au lecteur quelques méditations concernant les principes sur lesquels repose la connaissance sacrée. L’intention première de ce livre est d’exprimer mon infinie gratitude et respect envers ces deux personnes extraordinaires, ainsi que Bharat Matar, l’Inde, Saraswati bien sûr, la déesse de la connaissance et des arts, mes amis, mais aussi les autres, qui m’ont beaucoup enseigné sur le meilleur et le pire de la nature humaine, et peut-être avant tout, le Divin et Sa Création dans sa totalité sans lesquels rien ne serait possible. Il devrait aussi clarifier les objectifs que se fixe le chercheur de vérité – en particulier ce qui concerne ladite libération, à condition que ce chercheur désire sincèrement reconsidérer sa propre existence sous tous ses aspects sans se limiter à sa dimension spirituelle, qui la plupart du temps lui permet de fuir la réalité au lieu de la regarder en face – et lui fournir des considérations pratiques, non pas pour se libérer d’un ego, qui n’a jamais eu l’occasion d’exister indépendamment du mental, mais pour réaliser ce qu’est vraiment cette libération. Un coup d’œil sur la dernière phrase du dernier chapitre de ce livre le renseignera sur ce sujet.

Vous voulez connaître la vérité suprême ? Cherchez et vous la découvrirez inévitablement. Mais sachez que sur la voie de la connaissance, vous ne pourrez faire aucune concession avec ce que vous êtes réellement. Il faut commencer par être vrai avec soi-même avant de pouvoir connaître la vérité et la connaissance sacrée.

Et comme il se doit en respect à la tradition :

Om Shanti Shanti Shanti Om

Om Tat Sat Om

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