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Expérience



30 / 10 / 2011


Plus absurde, je meurs


Le mot Dieu n'est plus du tout à la mode actuellement dans la renaissance spirituelle occidentale ou spiritualité laïque. Par contre, on parle beaucoup du Soi, de la conscience ou intelligence universelle, de source et origine suprême, de l'être vrai et du "faux" ego plus ou moins illusoire, si ce n'est complètement inutile et juste bon à détruire, de réintégration à une sorte d'unité primordiale, soupe d'énergie ou océan de félicité, d'un principe cosmique immanent et transcendant, et ainsi de suite selon les goûts du commentateur ou enseignant, qui en cause. Et le mot-clé pour ainsi dire magique que l'on entend de nos jours dans quasiment tous les discours spirituels, qui permettrait en entre autres d'expliquer ces concepts bien étranges et dévoiler l'ultime vérité, est le terme "Non-Dualité". Mais en fait, de quoi parle-t-on ? Est-ce que tous ces concepts ont vraiment un sens en dehors de raisonnements et discours purement intellectuels ? Se réfèrent-t-ils à une approche pragmatique fondée sur l'expérience et l'observation d'une vérité cachée difficilement explicable ? Vont-ils au-delà d'un exercice de rhétorique plus ou moins métaphysique, mais sans relation avec le monde dans lequel on vit réellement ? Est-ce que le terme "Non-Dualité" a en fait dans la réalité du quotidien la moindre signification ? C'est en effet une question que l'on peut se poser quand on écoute de tels discours, qui d'une certaine manière planent très haut au-dessus des étoiles.


Le récit insensé qui suit permettra peut-être au lecteur de mieux comprendre ou disons plutôt se faire une idée de ce que ces concepts essaient pourtant tant bien que mal de signifier, c'est son unique intention ou prétention. En aucun cas, l'expérience que je vais raconter ici, la seule à vrai dire dans tous mes écrits, me distingue du commun des mortels ou m'élèverait sur un piédestal au-dessus de la condition humaine que tout le monde connaît. C'est d'ailleurs pourquoi je préfère en général m'en abstenir du fait que c'est extrêmement facile de le faire croire, le suggérer ou sous-entendre très clairement en racontant des expériences "personnelles", nombreux sont ceux en effet qui ne s'en privent pas sur la scène spirituelle d'aujourd'hui.


Que le lecteur lise donc cette histoire pour le moins très bizarre sans en omettre le caractère purement subjectif, et que s'il devait vivre exactement la même expérience, il en aurait évidemment un vécu, une vision, une explication, description et entendement totalement différents. Toute expérience spirituelle est bien sûr personnelle et par conséquent subjective, mais cela ne signifie pas que ce qu'elle révèle le soit aussi. En elle-même, ce n'est pas un enseignement que l'on pourrait transmettre aux autres, mais du fait qu'elle a le pouvoir de changer radicalement notre vie, on ne peut pas non plus l'ignorer dans une recherche spirituelle.


La narration d'expériences personnelles, qui apparemment révèle quelque chose d'impersonnel, est un sujet délicat parce qu'en ce qui concerne les plus authentiques enseignements spirituels, ils sont disponibles dans tous les livres sacrés écrits il y a très longtemps, et cela rend la narration d'expériences personnelles complètement futile du fait qu'elles montrent quelque chose que l'on peut considérer comme vrai et même en général absolument incontestable, mais elles n'expliquent rien sur la démarche à suivre pour vivre une telle expérience. Personne ne peut faire mieux ou en dire plus que ce que l'on trouve dans des enseignements traditionnels. Alors à quoi bon raconter une expérience personnelle ? Cela peut, peut-être pour certains, clarifier ou disons plutôt réactualiser quelques concepts, qui étaient probablement très clairs quand ces livres ont été écrits, mais qui sont aujourd'hui devenus incompréhensibles. C'est sans aucun doute un problème majeur que l'on a en particulier avec la Bible. Bref, passons à cette histoire plutôt amusante sous certains de ses aspects, et peut-être aussi instructive.


En cet hiver de 1986/87, j’en avais marre de ma vie, mais tellement marre que c’était devenu insupportable. Les raisons de ce désespoir étaient on ne peut plus classiques, peine de cœur due à une rupture amoureuse particulièrement douloureuse et ce que cela entraîne, ce qui m’avait mis physiquement, émotionnellement et mentalement dans un état si lamentable qu’il fallait que j’en finisse d’une façon ou d’une autre. Mais j’étais trop désorienté pour prendre en fait la très simple décision de me suicider, ce qui était pourtant la plus évidente pour en finir avec mes souffrances.


Cela faisait déjà deux ans et demi que je voyageais en Asie et principalement en Inde. Et après une excursion exténuante au Tibet où j'ai failli mourir à 5500 d'altitude dans un désert de montagnes, qui s'étendait à l'infini, je me suis dit que je n’avais pas en fait besoin de me suicider, pour quoi faire ? Vu l’état physique pitoyable dans lequel j’étais, je n’avais qu’une chose à faire, c’était de me laisser tout simplement mourir le plus naturellement possible, et pour y parvenir dans de bonnes conditions, je suis reparti en Inde dans l’Himalaya à la recherche d’un lieu tranquille. C’est ainsi que j’ai trouvé un petit Ashram au bord du Gange à Uttarkashi où vivait Swami Girdanandaji, alias Girijanandaji, la personne que je devais reconnaître comme mon Gourou 5 ans plus tard lors d'une autre expérience surprenante du fait que l'idée d'avoir un Gourou, maître ou autres personnes de ce genre n'était pas du tout ma tasse de thé, comme vous allez facilement vous en rendre compte en lisant la suite.


Le premier mois se passa paisiblement si l’on peut dire. Avec mes 56 kilos pour 1,83 m de peau et d’os, autrement dit un véritable squelette, qui n'en avait plus pour très longtemps à survivre en dépit d'une excellente énergie vitale, je pratiquais encore des Asanas et la méditation avec laquelle je vivais des expériences démentielles ou plutôt insensées que je prenais pour les derniers soubresauts de ma vie mentale, des sortes d'hallucinations que je considérais sans importance malgré leur aspect parfois franchement cauchemardesque ou alors paradisiaque. Après toutes les expériences non ordinaires, mystiques, paranormales ou je ne sais quoi que je venais de vivre pendant plus d'une année, j'en avais en effet plus que marre. Je ne souhaitais qu'une seule chose, reposer en paix avant même de mourir.


Le Swami qui s’occupait de l’Ashram où vivaient 5 autres personnes ne m’intéressait pas beaucoup. Les quelques discussions que l’on avait ensemble au commencement de mon séjour étaient si absurdes que je préférais l’éviter. Il avait le don de me rendre encore plus fou que je l’étais, ce qui n'était vraiment pas nécessaire dans l'état où je me trouvais. Tout ce qu’il disait me renvoyait à ce que je pensais de moi-même, une image aussi insensée que ses propos, et rien autre. Sa pensée ou discipline spirituelle si l'on peut dire se résumait pour lui à tout remettre en question en permanence en commençant avant tout autre chose par le moi, celui qui avait en fait l’impression de chercher quelque chose dans la spiritualité, la vie ou la mort, et la mienne en l’occurrence qu’il pouvait voir approcher de toute évidence ne le perturbait pas du tout. Pour résumer sa philosophie spirituelle ou art de vivre, il considérait qu’il était inutile de se poser la moindre question sur quoi que ce soit, en particulier la spiritualité, tant que l’on ne connaît pas celui qui se pose des questions, c’est-à-dire moi, ce qui ne répondait évidemment à aucune de mes questions quand je lui en posais.

Le Yoga comme l'entend Patanjali ne l'intéressait apparemment pas du tout ou très peu. Bref, il était difficile de savoir ce qu'il pensait, et si même cela lui arrivait encore de penser de façon un peu cohérente. Juste pour donner un exemple sur l'incongruité de nos relations, un jour que j'allais au marché, je lui demande s'il voulait que je lui ramène quelque chose à manger. Il me répondit alors très sérieusement : "Mais qui est ce 'je', qui va au marché ?" Il va sans dire que je suis parti sans répondre. Je n'étais pas du tout en état de supporter ce genre d'idiotie, qui en vérité n'était pas stupide, mais au contraire une façon de transmettre son enseignement que je qualifierais de systématiquement destructif ou pour le moins déstabilisant.


Il faut dire aussi qu’à cette époque, l'Advaïta, c'est-à-dire la "Non-Dualité" selon le Védanta, qui est un système philosophique très sérieux, c'est-à-dire un paradigme et manière d'exprimer les vérités sacrées contenues dans les Védas, était beaucoup moins populaire qu’aujourd’hui, et surtout de ce que cette "Non-Dualité" est devenue en Occident, une sorte de discours cocktail-party pour petits bourgeois plus ou moins intellos dans le style spirituel bon chic bon genre très branché. Le célèbre livre de Nirsagadatta Maharaj, "Je suis", ne circulait pas encore entre voyageurs ni dans les Ashrams. Personne ou presque ne connaissait Poonjaji et ces propos absurdes pour le moins dangereux pour des occidentaux non avertis. En ce qui me concerne, Krishnamurti était sans intérêt à cause d'un enseignement trop flou, mitigé et théosophique à mon goût. Les Gourous de l’Ashram de Sivananda à Rishikesh étaient principalement orientés dans la pratique d'une Bhakti purement dévotionnelle et des Mantras, ce qui ne m'intéressait absolument pas.


Quant aux quelques guides spirituels de l’Occident à cette époque, comme Jean Klein par exemple, ils étaient hors d’atteinte, et pour cause, ils étaient en Occident alors que j’étais parti à la source de leurs connaissances spirituelles. Les kan-gourous occidentaux que l’on connaît aujourd’hui ne sautaient pas encore partout dans le monde, entre autres bien sûr à Rishikesh et Tiruvannamalai pour recruter leur clientèle. Osho avait la réputation d'un halluciné, qui s'intéressait surtout à l'argent et une sorte de libération hystérique, plus sexuelle que spirituelle, pour de riches européens, américains et japonais désœuvrés. Et en ce qui concerne Ramana Maharshi, la superstar de la spiritualité actuelle, c’était une histoire ancienne totalement ignorée des yogis de mon espèce à la recherche d’illuminations ou quelque chose d'assez vague, qui aurait pu y ressembler.


Bref, en tant que chercheur de vérité, si l'on veut l'entendre ainsi, j’étais surtout à la recherche de techniques foudroyantes pour vivre des expériences. En d'autres termes, la philosophie hindoue et les grands discours n'étaient pas le propos de ma recherche. J'étais plutôt une sorte d'homme de terrain, pas du tout intellectuel, avec une pelle et une pioche, qui avait besoin de creuser des trous et des tunnels dans le mental pour y découvrir peut-être quelque chose de merveilleux et authentique. Qui sait ? Si tant de personnes se sont adonnés à la pratique du Yoga et la méditation dans le passé, c'était et ça l'est toujours d'ailleurs pour vivre au moins une expérience au-delà de l'ordinaire, et un ordinaire bien déplorable que je connaissais déjà trop bien.


Au début des années 80, Rishikesh était un petit paradis où les occidentaux ne se bousculaient pas. Pendant l’hiver 1984, on était tout au plus une trentaine entre Muni Ki Reti, Ramjhula et Lakshmanjhula. Cela permettait de se rencontrer facilement en buvant un thé et échanger des pensées, qui, il faut bien le reconnaître, n’étaient pas très philosophiques ni métaphysiques comme elles le sont devenues de nos jours dans les Satsang en Occident. Une seule chose nous intéressait vraiment, c’était pratiquer des ascèses, la méditation à haute dose et voir où cela pourrait nous conduire. Les Asanas et Pranayamas n’étaient utiles que pour aider à demeurer assis parfaitement immobile pendant des heures et avoir l’esprit extraordinairement réceptif. L'éveil de la Kundalini ne m'intéressait pas non plus personnellement pour la bonne raison que j'avais déjà vécu accidentellement cette expérience lors d'une séance de Yoga 5 ans auparavant en France, et elle m'avait terrifié. J'aurais même préféré tout faire pour ne jamais revivre une expérience si foudroyante.


Les intoxiqués d’expériences transcendantales que nous étions avaient quand même compris que le mental et la pensée étaient de toute évidence la barrière qu’il fallait surmonter ou tout bonnement détruire par tous les moyens, et avec Walter, un Yogi américain qui vivait au Yoganiketan depuis de nombreuses années, on a essayé toutes les techniques possibles dont certaines ne provoquaient purement et simplement qu’un coma plus ou moins durable très proche de la mort. Résultat, on vivait sans aucun doute des expériences dont certaines étaient franchement stupides, mais le mental et l’ego étaient toujours aussi puissants, et en vérité plus que jamais.


En fin de compte, la recherche de libération ne me concernait pas. Il ne restait que l’expérience spirituelle, et surtout des expériences, qui en fait n’aboutissaient à rien. Comme tout bon occidental, je n’avais pas de temps à perdre. Je voulais une libération aussi rapide qu’un paquet de nouilles instantanées, sinon à quoi bon chercher quelque chose qui n'avait de toute façon pour moi aucune réelle signification. L’exploration du corps, de l'énergie interne et du mental que je faisais était franchement beaucoup plus passionnante qu’essayer de m’en libérer.


Il faut dire aussi qu'à cette époque, la soi-disant démocratisation ou plutôt vulgarisation un tant soit peu vulgaire de "l'éveil spirituel" ou illumination n'avait pas encore eu lieu comme c'est le cas aujourd'hui. Le concept de libération spirituelle, "Moksha", ou d'éveil, "Buddha", ne concernait à notre avis que des êtres ultra privilégiés et spirituellement très élevés, pour ainsi dire des avatars, qui venaient dans ce monde pour enseigner, puis retourner d'où ils venaient. Bref, une telle recherche ne m'intéressait absolument pas. Je ne me considérais rien de plus qu'un être humain à la découverte de potentiel spirituel inconnu et non une de sorte d'âme privilégiée plus élevée que les autres en quête de réalisation. Le concept d'intense purification physique, émotionnelle et mentale avait un sens pour nous, celui de libération se trouvait au-delà de tout ce que l'on aurait pu espérer. Et l'idée de devenir des Gourous suite à une expérience nous aurait franchement fait rire.


En résumé, je m'étais embarqué dans une recherche spirituelle en partant en Inde sur un coup de tête après avoir lu un livre de Satprem sur Aurobindo, qui m'avait passionné en me révélant une dimension inconnue de moi-même, mais il n'aurait pas fallu me demander de m'expliquer à ce propos. Sans aucun doute, je cherchais quelque chose au-delà de ce que je connaissais déjà et incarnais, j'expérimentais et me livrais à toute sorte d'ascèse insensée, mais sans savoir vraiment pourquoi. Quoi qu'il en soit, je pouvais au moins me passionner pour une introspection, qui révélait des choses très intéressantes sur moi, c'est-à-dire l'ego que j'incarnais, et des choses qui n'étaient évidemment pas toujours flatteuses, c'est le moins que l'on puisse dire. Toute personne qui s'est livré à la méditation et ce genre d'introspection le comprendra facilement sans explication.

Il faut dire aussi que parmi ces laborantins de l’expérience dite spirituelle que nous étions régnait surtout la philosophie "Ni Dieu, ni maître". On n'était pas sur la route des Indes avec un sac à dos pour se convertir à une religion ou découvrir Dieu au fond d'un temple ou ailleurs, à l'intérieur de soi par exemple, mais surtout pour chercher une liberté inconditionnée, totale et absolue, une sorte de libération avec sûrement des relents post soixante-huitard, apolitique bien sûr et dépourvue de toute croyance religieuse. Qu'est-ce que nous cherchions vraiment ? On n'en savait en fait rien, peut-être que le terme "s'éclater", qui était très à la mode à cette époque, aurait pu répondre à cette question.


Ceux qui cherchaient un Gourou allaient à Poona parce que tout le monde avait au moins entendu parler d'Osho, ils ne passaient pas à Rishikesh. Les adeptes du Shilom ou de drogues dures se rendaient directement à Bénares, Goa ou Manali selon la saison. Il n’y avait pour ainsi dire pas de touriste en Inde comme aujourd’hui, mais que des freaks, junkies et yogis plus ou moins hippy, pas plus qu'il y en avait d'ailleurs lors de mon premier voyage en 1979, qui avait été une simple introduction à la spiritualité hindoue et un choc culturel difficilement supportable surtout après avoir traversé l'Iran en pleine révolution et l'arrivée des russes en Afganistan, un des pires cauchemars de ma vie.


Durant toutes ces années en Indes, il était très facile de se retrouver entre voyageurs et se connaître parce que l’on fréquentait toujours les mêmes endroits. C’est seulement après le décès d’Osho, quand des Sannyas de Poona sont remontés au nord à Lucknow, qui n’était pas une ville particulièrement charmante, que Rishikesh qu'ils ont envahi peu de temps après est redevenu une sorte de centre spirituel occidental, un vrai cirque New Age aussi populaire qu’à l’époque des Beatles, et qui l'est bien sûr devenu encore plus de nos jours. Pendant une courte période, c’était seulement un lieu de pèlerinage hindou très traditionnel où un tout petit groupe d’étrangers était encore à la recherche d’une sorte de miracle transcendantal.


En d'autres mots, de "Ni dieu, ni maître", j’étais passé en plus à "Ni illumination, ni libération instantanée". En fin de compte, il ne me restait que l'expérience ultime que tout le monde connaîtra un jour ou l’autre, la mort, rien de quoi se réjouir à vrai dire.


Tout cela pour expliquer le contexte et état d’esprit dans lequel je me trouvais lorsque j’ai rencontré mon Gourou que je prenais bien sûr pour un farfelu parmi tant d’autres en Inde. Pour ceux qui ne connaissent pas ce pays fabuleux, il faut dire que les hindous sont les gens les plus extravagants qui existent sur terre, ce qui rend ce peuple unique et merveilleux. L’Inde est entre autres aussi le meilleur endroit pour y perdre sa santé mentale, il ne faut pas non plus le cacher. Et en toute sincérité, la mienne ne tenait plus qu’à un fil, qui était en train de s'effilocher sur toute la longueur.


Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le délire culturel un tant soit peu "spirituel" de cette époque, je ne peux que recommander la lecture du livre merveilleux de Kérouac "Les clochards céléstes", celui beaucoup moins cool de Duchaussois "Flash ou le grand voyage", ou alors la vraie bible monumentale de "la route des Ouindes", malheureusement pas traduit en français "Gates of fire" d'Elwyn Chamberlain, sans oublier bien sûr l'essentiel, qui nous avait préparé à une telle aventure, les anciens numéros de la revue "Actuel". Avec ce genre de littérature "Beat Generation" et post révolution culturelle, il est facile de comprendre que l'on vivait sans aucun doute à une époque merveilleuse, mais complètement en dehors de la réalité. Qu'il soit dit en passant que tous les vieux de ma génération ne voudraient pour rien au monde avoir dans les 20 ans à notre époque pour le moins malade et soumise à une politique désastreuse de la terreur extrêmement bien orchestrée.


Le lecteur se demande peut-être aussi comment il est possible de considérer la mort avec tant de désinvolture. La réponse est en fait très simple. Quand on a vu la mort en face de soi plusieurs fois, ce qui m'était arrivé de diverses manières durant les mois précédents à l'expérience que je vais raconter, on ne la craint plus, on l’aime. Comment est-ce possible ? La mort est en principe l’antithèse de ce que l’on connaît, de ce que l’on cherche et de ce que l’on chérit. En fait, après l'avoir vécue à plusieurs reprises, la mort est en vérité l’expérience suprême de la vie, la plus belle de toutes les expériences qu’il est possible de vivre, celle qui libère ou pour le moins soulage instantanément de tous les problèmes existentiels que nous pouvons avoir en cette vie.


On ne sait rien à vrai dire de ce qu’est la vie tant que l’on n’a pas vu la mort en face de soi. Et si l'on tient compte de la réincarnation, la naissance que l’on considère généralement comme le commencement de la vie correspondrait aussi d’une certaine manière à la mort de soi dans une autre dimension spatio-temporelle dont on ne se souvient pas. C’est dommage d'ailleurs de ne pas pouvoir conserver au moins l’impression que procure cet instant fatidique parce que l’on apprécierait sans aucun doute beaucoup plus le privilège d’être en vie, et il va sans dire aussi que l'on serait moins stupide.


Si l’on n’oubliait pas en effet qu'à chaque instant la vie ne tient qu’à un fil, nous passerions probablement beaucoup moins de temps dans des pensées futiles et surtout égocentriques, pour ne pas dire franchement égoïstes et inutiles, qui ne répètent évidemment rien d'autre que "moi, moi, moi..." comme un vieux chien qui aboie sans même savoir pourquoi. Mais n'oublions pas non plus que le mental est aussi capable de prouesse moins narcissiques et qu'il peut même parfois faire preuve d'intelligence, fort heureusement d'ailleurs sinon nous en serions encore à casser des cailloux comme des Cro-Magnon en chantant "Dieu pour tous et chacun pour soi", un vieux refrain qui semble revenir à la mode..., mais sans le martellement des cailloux bien sûr vu que le supposé salaire dit universel est apparemment devenu beaucoup plus séduisant que toute activité professionnelle. Il faut reconnaître que les routards de mon espèce n'étaient pas non plus des acharnés d'activités et succés professionnels. La société que l'on appelait le "système" ne nous intéressait absolument pas.


J’ai donc vu si l'on peut dire la mort au Tibet lors d’un "Sky burial", inhumation céleste pratiquée par les Tibétains, ce qui ne m’avait pas ému outre mesure. J’avais même trouvé assez poétique que l’on puisse dépecer en face de moi un cadavre et le réduire en bouilli à coup de marteau pour finalement le donner en pâture à des vautours. Le concept de recyclage après un grand vol dans le ciel avant de retomber sur terre sous forme de compost m’avait paru plus intéressant que d’entasser des morts dans un cimetière. C'est évidemment une pensée que peu d'occidentaux trouveront poétique. Il faut peut-être rappeler pour mieux comprendre ce genre de pratique que les Tibétains croient en la réincarnation et non en une espèce de loterie entre l'enfer et le paradis pour l'éternité, et que le corps n'a plus la moindre importance après la mort pour la simple raison que lui seul meurt et non l'être qu'il incarnait de son vivant.


Et j'ai aussi vu un mois plus tard la mort lors d'une expédition insensée en haute altitude pour visiter un lac magnifique, mais là, il s'agissait de ma mort et non celle d'un inconnu tibétain. Et je ne comprends toujours pas d'ailleurs par quel miracle j'ai pu m'en sortir du fait que je n'étais pas du tout en condition physique pour un tel périple durant lequel je me suis quand même évanoui à deux reprises. Merci aux nomades tibétains qui passaient par là et qui m'ont jeté dans une tente pour que je ne me transforme en glaçon pendant la nuit. Le lendemain matin quand j'ai repris mes esprits, le paysage était en effet couvert de neige.


A mon retour au Népal peu de temps après, j’ai aussi reçu une lettre qui m’annonçait le décès tragique d’un ami, ce qui m’avait beaucoup plus touché. Mais c’est à Bénarès, quelques semaines plus tard, où bien sûr je suis aussi allé voir comment on incinérait les cadavres, que j’ai vraiment fait l’expérience de la mort. Un soir, le squelette que j'étais est tombé d’épuisement par terre avec la ferme conviction que sa vie était terminée. Au moment où je me suis abandonné à cette fatalité, j’ai vécu le plus grand bonheur de ma vie, rien de moins qu'une sorte d'extase mystique ou ravissement, qui dura tout au plus quelques secondes avant de sombrer encore dans le coma. L’intensité extraordinaire de cette impression de mourir et sa douceur, la subtilité de la sensation et le soulagement éprouvé ne permettent pas vraiment de dire qu’il s’agissait d’une expérience du bonheur. C’était beaucoup plus que cela, peut-être celle d'une étrange félicité libératrice et bien méritée après tous les exploits stupides que je venais de vivre.


Malheureusement, l'expérience ne dura qu’un bref instant. Au milieu de la nuit, cependant, bien qu'ayant déjà trépassé si l'on peut dire, je me suis pourtant réveillé dans un espace très étrange, et là, j’ai encore vu la mort approcher, mais cette fois sous forme de silhouette féminine très gracieuse couverte de voiles blancs, qui flottaient dans l’air, une sorte de cliché digne d'une gravure du Moyen Age, mais sans grande faux pour me couper la tête. Puis, après m'avoir bien regardé sous ses voiles, elle s’en est allée comme si ce n'était pas encore le bon moment de m'accompagner. Et finalement je me suis rendormi ou plutôt devrais-je dire que je suis en fait retombé dans le coma. Cette vision était si belle et soyeuse, et surtout bien réelle, que j’aurais presque pu la prendre pour une invitation. Après avoir vécu cette expérience pour le moins surprenante, si ce n'est franchement saugrenue, je pouvais encore avoir peur de souffrir, mais sûrement plus de mourir. C'était évidemment une expérience de la mort elle-même, et non ce que l'on entend aujourd'hui par NDE avec un tunnel de lumière et des des êtres de lumière pour me faire visiter les environs comme un bon touriste, qui n'a rien à faire ici.


Il me fallut quand même un mois pour me remettre physiquement de cette expérience et l'état d’épuisement apparemment causé par une maladie imaginaire si j’en crois tous les médecins, qui ont essayé de me soigner à cette époque sans succès. Cet état de dépérissement inexplicable était peut-être aussi une initiation ou préparation à ce qui allait suivre quelques mois plus tard, mais je ne pouvais évidemment pas le savoir. En résumé, je peux dire que pendant une année, j'ai eu la mort aux trousses, comme l'aurait dit Alfred Hitchcock, mais une mort qui ne m'inquiétait plus du tout. Elle semblait même être la seule et ultime solution à tous mes problèmes personnels et peine de cœur.

L'expérience que je vais raconter maintenant est absolument insensé et beaucoup plus que ce qui précède. Que le lecteur ne s’en soucie donc pas, je n’ai pas non plus compris ce qui m’est arrivé. Je continue pourtant à vivre cette expérience de façon totalement différente, c'est-à-dire que je peux la revivre n'importe où et n'importe quand sans pour autant me situer dans l'état de déchéance physique, qui m'avait permis initialement de la vivre, fort heureusement d'ailleurs sinon je n'y aurais jamais survécu.


En d'autres termes puisqu'il s'agit de la conscience pure dite universelle et de ce que l'on appelle le Soi dans la spiritualité hindoue, je peux en refaire l'expérience quand je le souhaite et la quitter instantanément quand mon attention s'en détourne. Mais cette expérience n'est évidemment plus naturelle et spontanée. Je suis maintenant obligé de la chercher et pour ainsi dire la provoquer pour la revivre alors qu'à l'origine, elle était permanente et immuable, ce qui me permet d'affirmer sans me tromper que je n'ai pas réalisé le Soi ni ne suis libéré de quoi que ce soit comme on l'entend dans le Védanta, la spiritualité hindoue.


Il n'y a par conséquent pas de comparaison possible entre une expérience vécue ou revécue parce qu'on l'a connue dans le passé, ce que l'on appelle actuellement un "éveil spirituel", et la libération proprement dite ou réalisation du Soi. On peut donc parler du Soi et de cette conscience pure en connaissance de cause comme le font beaucoup de gens de nos jours puisque l'on sait très bien ce que c'est, mais dire que l'on a réalisé le Soi ou que l'on est définitivement libéré suite à une expérience momentanée serait un gros mensonge, un rêve et une prétention, qui se retournera inévitablement contre soi et le mental. Croire ou se faire passer pour ce que l'on n'est pas, un Gourou, enseignant ou guide spirituel plus ou moins libéré entre autres, est sans le moindre doute le signe d'une psychose, qui ne pourra que s'aggraver dans le temps et sûrement pas libérer ou rendre plus heureux.


Il va sans dire qu'il ne se passe pas une journée après tant d'années sans que je puisse m’abstenir d’y réfléchir et essayer de comprendre ce qui s'est vraiment passé. Je n’entrerai pas dans des explications, qui n’expliqueraient évidemment rien puisque l’expérience elle-même est insensée. Je me limiterai seulement à la décrire le plus précisément possible et accompagner cette description de remarques, qui aideront peut-être le lecteur à mieux saisir le contexte dans lequel elle a eu lieu et le pourquoi de son absurdité. Elle est à mon humble avis la plus incompréhensible, mais aussi la plus divine de toutes les expériences que l’on puisse vivre. Celle de la mort est puérile comparée à l’expérience de la conscience, mais d'une conscience sans commune mesure avec ce que l'on en connaît ordinairement. La mort n’est rien de plus qu’un film fantastique série B comparé à la perfection de ce que l'on appelle le Soi, c'est-à-dire de l'être pur dit absolu, universel, divin ou ce que l'on voudra.


Qu'il soit donc bien entendu que je ne prétends surtout pas dans cette description, comme beaucoup le font de nos jours, être spirituellement éveillé ou libéré de l'ego, du mental ou je ne sais d'autre, ce n'est pas du tout le cas et je préfère insister lourdement sur ce point. En fait, je peux certifier sans le moindre doute que je ne le suis absolument pas. Ce n'est pas parce que l'on peut vivre une expérience sublime de la vérité suprême, si l'on veut l'appeler ainsi, que l'on est instantanément libéré pour toujours. Ce genre de propos orgueilleux pour ne pas dire franchement prétentieux et psychotiques que l'on entend partout dans les Satsangs d'aujourd'hui en Occident est complètement stupide, mais c'est sûrement un bon argument de vente quand on fait commerce de la spiritualité, ce qui n'est pas mon cas.


Un matin donc, après environ un mois à Uttarkashi, une petite ville perdue dans l’Himalaya entre Rishikesh et Gangotri, la personne que j’étais se réveille dans son lit confortablement allongée sur son dos. Elle ouvre les yeux et regarde ses mains.


(Je peux certifier sans me tromper que je n’ai jamais regardé mes mains auparavant à mon réveil. Pour quelle raison ferais-je une chose aussi étrange ?)


Elle les regarde comme si elle ne les avait encore jamais vues sans même réaliser que ce sont ses propres mains. La texture de la peau, sa couleur, sa luminosité, la forme et tous les détails, qui font qu’une main est une main et pas autre chose, sont alors extraordinaires et surprenants. Et en plus, elle bouge, il suffit d’en avoir l’intention. Quel spectacle remarquable que d’avoir des mains, mais quelle surprise !


(J’imagine que le lecteur pense que j’étais devenu complètement fou, et à sa place, j’en ferais autant s'il ne s'agissait pas d'une expérience vécue concernant mes propres mains. Et pourquoi dire "la personne que j’étais", et que je ne suis par conséquent plus ? Qui d’autre que moi pouvait regarder mes mains à travers mes propres yeux ? L’intention même de les faire bouger pour mieux les connaître détermine en principe que je suis moi-même celui qui en détient le pouvoir. Ces remarques sont logiques, mais l’expérience que je décris est beaucoup trop irrationnelle pour que le lecteur puisse imaginer un instant à quoi elle ressemble vraiment. Peu importe, je ne peux évidemment pas rendre sensé ce qui est purement et simplement absurde. Ce récit me rappelle d'ailleurs le livre complètement fou et franchement cauchemardesque de Kafka "La métamorphose", sauf que mon expérience n'était pas du tout inhumaine, mais sublime.)


Après l’émerveillement éprouvé devant ces mains, qui dura probablement quelques minutes, cette personne remarque qu’elle a aussi un corps, ou pour être plus précis, la sensation d’avoir une masse énorme de matière vivante, qui accompagne ces mains. Ce corps étendu dans un lit semble gigantesque. A présent, le problème qui se posait était de découvrir comment faire bouger une chose si volumineuse ?

(L’impression générale qui se dégageait de cette expérience était une sorte d’étonnement mélangé à de la curiosité. Je ne me suis jamais demandé qui j'étais moi-même pour au moins connaître l’expérience qui était apparemment vécue par une personne avec laquelle j’avais de toute évidence cessée de m’identifier. En d’autres termes, j’observais les réactions d’une personne totalement inconnue, qui elle-même s’étonnait aussi d’avoir un corps. Difficile de se trouver dans une situation plus incongrue !)


Sans le savoir et ni avoir eu le temps de voir comment, cette personne se retrouve debout à côté de son lit. Elle regarde maintenant ses pieds. Le vertige la prend quand elle voit la distance qui sépare le sol de ses yeux. Se trouve-t-elle debout sur un édifice de 7 étages pour contempler ses propres pieds, qui se trouveraient sur la chaussée ? Mais que se passe-t-il ? Hier… non, il n’y a jamais eu en fait d’hier ou de passé. L’expérience est vécue dans le présent, il n'y a rien d'autre que cet instant présent pour ainsi dire naissant, et il dépasse l’entendement. A vrai dire, il n’y a plus que des perceptions, sensations et impressions, rien d’autre qu'une sorte de vécu étourdissant dans un présent incompréhensible, qui ne peut que laisser dans un état de stupéfaction difficile à décrire.


(La question que je me pose et que je n’ai jamais résolue est en fait très simple : "Si un état de stupéfaction ou autre, peu importe, se manifeste, qui se trouve dans cet état pour en faire l’expérience ? Comment pourrais-je connaître un état d’esprit particulier si je ne suis pas celui qui se trouve dans cet état ?" Je décris actuellement l’expérience d’une personne, qui réalise subitement qu’elle est un être humain, mais ce qu'elle représente elle-même ne détermine ni ce que je suis au moment où elle vit cette expérience, ni ma véritable présence en tant que témoin de ce qui lui arrive. Si je ne suis donc pas cette personne, comment puis-je connaître ce qu’elle éprouve et pourquoi s’étonne-t-elle d’avoir des mains, des pieds et un corps ? C'est bien sûr un être humain comme tous les autres, et il ne vient pas de naître soudainement, après une nuit de long sommeil dans le néant, pour découvrir qu’il a le corps d’un homme de 30 ans. Toute l’expérience est absolument insensée et la suite est bien pire ou plutôt étonnante.)


Après ce vertige, qui ne dura probablement que quelques secondes bien que sa perception du temps n'avait plus aucune signification, comment à présent mouvoir un corps aussi gigantesque ?


(Elle devrait le savoir puisqu’elle vient de se lever. Il semblerait que cette personne découvre subitement qu'elle est un être humain capable d'agir comme tout autre humain, mais qu'elle ignore ce que cela signifie. Personne n'a en effet besoin de réfléchir ou se poser des questions pour simplement sortir de son lit, se lever et marcher. Il faut signaler aussi, parce tout pourrait faire croire le contraire, je ne prenais aucune drogue d'aucune sorte, ni même de médicament pour me soigner puisque j'avais décidé de me laisser mourir. Et ce n'est pas non plus le Swami de l'Ashram, la seule personne avec qui j'avais une relation, qui aurait pu me faire prendre une drogue ultra puissante puisque nous n'avons jamais rien consommé ensemble, pas même un thé. Et en plus, quel genre de drogue pourrait avoir de tels effets pendant 5 ans ? Cette expérience complètement délirante est arrivé subitement sans cause apparente, si ce n'est la fragilité de ma santé physique et mentale.)


Comment ne pas perdre l’équilibre ? Comment se déplacer pour aller jusqu’à la porte sans tomber ? Comment tout simplement mettre un pied devant l’autre dans cette chambre étrange, qui ne lui est pas non plus totalement inconnue ? Toujours sans le savoir ni avoir eu le temps de voir comment, elle se retrouve instantanément dans le jardin de l’Ashram – c'est comme si ma notion du temps linéaire était ponctuée d'amnésies, qui oblitéraient mes déplacements dans l'espace. Et là, quel spectacle l’attendait ! La stupéfaction est un euphémisme par rapport à ce qu’elle éprouve maintenant.


Le jardin est resplendissant de beauté, de perfection et en plus d’amour. Il regorge pour ainsi dire d'amour, mais d'un amour, qui envahit tout l'espace et que l'on peut même voir avec les yeux. Pour l'anti-romantique que j'étais et à qui il n'aurait surtout pas fallu parler à cette époque de romance ou aventure amoureuse, c’est à couper le souffle. Tout ce qu’elle voit exprime de l’amour..., oui, de l'amour absolument pur, qui n'a aucun rapport avec une émotion ou un sentiment ! Tout est si beau et parfait que l’on pourrait en pleurer, mais elle ne pleure pas, elle contemple paisiblement ce spectacle de beauté surprenante et d'amour absolu, qui se manifeste partout et dans tout. L’admiration devant la création remplace toute sensation. Ce n’est pas en fait un jardin secret ou inconnu qu’elle regarde, c’est la qualité intrinsèque de l’univers entier. Ce petit jardin est en quelque sorte une infime parcelle d’un hologramme gigantesque qu'elle peut enfin voir à présent. Peu importe ce qui se trouve sur Mars ou la Lune, elle appréhende soudainement la vraie qualité de l'infini et éternité de tout l'univers.


Et plus incompréhensible encore, toutes les paroles sacrées qu’elle a lues ou entendues dans le passé résonnent silencieusement quelque part dans son esprit et prennent enfin un sens. Mais ces paroles n’ont pas besoin de s’exprimer verbalement sous forme de pensées pour révéler qu’elles sont absolument vraies, plus que vraies en fait, elles expriment enfin la vérité absolue. Autrement dit, cette personne comprend des paroles sacrées, qui ne s'expriment en aucune façon, pas de mot, pas de son et pas d'écriture, ni concept ni idée, ni nom ni forme comme le disent les Védas. C'est purement et simplement insensé et sublime, pour ne pas dire impensable.


Cette personne ne peut que voir et ainsi comprendre instantanément ce qui est flagrant, voir ce qu’elle n’avait encore jamais vu et qui pourtant devient subitement évident. Le corps ne l’importune plus ; elle ou peut-être le corps lui-même a retrouvé la connaissance de toutes ses facultés physiques, et il disparaît pour faire place à l’expérience du monde extérieur. Maintenant, il n’y a plus de corps ou des yeux pour voir à travers ce qui se passe dehors. Il ne reste que des perceptions sensorielles et surtout des perceptions visuelles extraordinaires et plus que magnifiques.

(Combien de temps dura cette expérience ? Peut-être quelques minutes ou quelques heures, c'est impossible de le savoir, l’impression que j’en garde me fait pourtant croire qu’elle était éternelle. Le temps ne s’est évidemment pas arrêté, mais cette notion n'avait plus aucune signification. Le jardin, le Gange et les collines autours se trouvaient toujours dans la dimension temporelle et spatiale où se manifeste le monde que nous percevons ordinairement à tout moment, et pourtant ce que je voyais était totalement inconnu. J'avais vraiment l'impression d'arriver subitement sur terre et m'étonner de la beauté de ce paradis. Des années plus tard en cherchant à comprendre ce qui s'était passé, je me suis même demandé si je n'avais pas en fait été possédé par une sorte d'entité angélique ou je ne sais quoi d'autres, qui m'aurait joué un tour avant de mourir. J'ai en effet envisager toutes les explications possibles à la cause de cette expérience incroyable, et je dois dire que jusqu'à présent, je n'en ai trouvé aucune qui puisse avoir un sens.

L'être que j'incarnais en regardant ce spectacle de la perfection, de la beauté et de l’amour n'était par conséquent pas la personne, qui avait un corps dans le jardin qu’il admirait. Ce corps n’avait plus la moindre importance à côté de ce qui l’entourait. Il s’était pour ainsi dire volatilisé au profit de perceptions sensorielles, qui, il est important de le noter, permettaient de découvrir un monde extérieur à l’espace mental que la personne elle-même incarnait encore. Nous sommes donc toujours dans le domaine de la dualité entre l’extérieur à soi et ce que l'on appelle communément l’intérieur ou mental avec bien sûr une limite pour différencier ces deux espaces, la surface des yeux en ce qui concerne les perceptions visuelles du monde environnant.)


Cette personne ne peut donc que voir, sentir et ressentir. Elle ne peut que découvrir la substance de toutes les choses qui composent ce jardin, du Gange qui coule inlassablement à côté, des collines, du ciel, des nuages, de tout ce qui passe dans le champ de ses perceptions sensorielles. C’est simple, c’est beau, c’est parfait, et cela exprime en plus et sans raison particulière le pouvoir suprême de l’amour. Et au-delà de ce monde de réalités tangibles qu’elle contemple sans émotion et impression particulière, si ce n'est de l'admiration, tout est en plus absolument et parfaitement évident, mais d'une évidence qui crève les yeux, quelque chose qui ne peut pas être ignorer si l'on se donne simplement la peine d'ouvrir les yeux et voir ce qui est en face de soi !


(Que peut signifier le mot "évident" lors d'une telle expérience et dans un tel contexte ? Ce n'est apparemment pas du tout le qualificatif qui convient à ce genre de situation, ce serait en fait plutôt le contraire. Tout est absolument extraordinaire, mais pas du tout évident. Et pourtant !

J’ai décrit jusqu’à présent les perceptions d’une personne qui, d'une certaine manière, vient de naître dans le corps d'un homme de 30 ans. Ce qu’elle voit ne peut par conséquent pas être évident. Cela peut être inconnu, nouveau, impensable ou incompréhensible, pourquoi pas très beau et même magnifique, mais sûrement pas évident. Si ses perceptions sensorielles expriment quelque chose d’évident, cela signifierait que cette personne a déjà vu ce qu’elle voit à présent, mais qu’elle n’avait encore jamais appréhendé la vraie nature de ses perceptions sensorielles. Elle avait donc un passé. Ce jardin ne lui est pas inconnu non plus. Elle vient en fait de vivre plus d'un mois déjà dans cet Ashram et traverser ce jardin tous les jours pour se rendre à sa chambre.

Mais bien que cette expérience soit d'une absurdité sans borne, elle est vécue ; c’est impossible de le nier ni de se référer à un passé mieux connu. A vrai dire, l’impression qui s’en dégage peut en fait se décrire ainsi. La beauté, la perfection et l’amour qu’elle voit et ressent n’expriment rien de vraiment nouveau. Ce jardin, elle doit le connaître d'une certaine manière, et ce qu’il exprime n’est pas non plus totalement inconnu. Mais, maintenant et pour la première fois dans sa vie, il semblerait qu'elle puisse saisir la qualité intrinsèque de la réalité sans détour, et ainsi d'une réalité tout à fait méconnue. Elle peut enfin admirer la vraie nature de cette réalité, ce qu’elle est…, ordinaire et en même temps d’une puissance surnaturelle. Disons qu’elle perçoit pour la première fois ce qui se trouve vraiment en face d’elle, et qu’elle n’avait pu voir que de travers. L’angle de ses perceptions a changé si l'on veut l'entendre ainsi. Autrefois, il dénaturait la réalité. A présent, il révèle la quintessence de tout ce qu’il est possible de percevoir.

Comment mieux expliquer cette étrange impression ? Il semblerait que le mental ne permette pas de connaître la réalité telle qu’elle est. Il doit disparaître ou tout du moins s'absenter durant un instant pour que cette réalité divulgue ses secrets, sa beauté, sa perfection, l’expression pure de l’amour, le geste divin d’un potentiel hors d’atteinte, la danse de Shiva comme l’ont si bien décrit les hindous dans une statue magnifique. Comment mieux en effet représenter l’univers et la création dans sa totalité que par la danse d’un Dieu, qui tient dans sa main un tambourin pour marquer le rythme du temps ? Et comment mieux montrer ce que nous sommes et faisons aussi jour après jour dans une danse beaucoup moins esthétique et sublime que l'on appelle tout simplement la vie.

La vie sur terre est un mouvement, c’est tout simplement bouger avec son corps et son esprit. Qui a cessé de se mouvoir depuis sa naissance ? Qui a cessé de danser avec ses pensées dans le mental ? Mais la danse de l’ego, elle, est franchement pitoyable comparée au mouvement du temps et ce qui se manifeste dans l'espace. L’ego danse dans sa petite tête sans se rendre compte que la personne qu’il incarne vit au sein d’une danse cosmique, qui, malheureusement, ne l’intéresse pas du tout. Il est beaucoup trop subjugué par ses propres fantaisies, émotions et pensées, qui le font la plupart du temps souffrir, pour tout simplement voir qu’il se trouve au cœur du paradis, un éden de courte durée, certes, mais néanmoins parfait et éternel à chaque instant, et d'une perfection inimaginable, d'une beauté que l'on ne peut pas raisonner et comprendre, et qui est pourtant saisissable quand elle se révèle spontanément sans savoir pourquoi ni comment.

La création ne peut être que parfaite sinon l'univers n'existerait pas. Le pouvoir absolu de créer, préserver, détruire et régénérer à tout instant ne peut pas produire quelque chose d’imparfait sinon ce serait un chaos total où non seulement la vie, mais rien ne pourrait se manifester. Même un nihiliste devrait comprendre que l’univers est cette totalité absolument parfaite, qui lui permet de ne croire en rien, mais qui lui accorde néanmoins et avant tout la vie et le pouvoir de réfléchir sur ce qu'elle est, et ainsi de la juger sans intérêt.

La création est évidemment parfaite, ou alors le concept de perfection, mais aussi d’imperfection, n’auraient pas de signification. Et si c’était le cas, comment pourrait-on encore être pessimiste et désenchanté par la vie ? Le nihilisme exprime rarement autre chose que de la tristesse et des regrets, en fait l'attitude d'un être totalement désabusé, et que je connaissais bien sûr trop bien avant cette expérience. Quand rien, même le meilleur, ne peut être satisfaisant dans la vie, c'est en vérité encore pire que de ne croire en rien parce que l'on ne peut évidemment pas s'empêcher de continuer à penser et croire que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Le spleen ou dégoût de la vie n'est pas dû à des circonstances, c'est une croyance, un mode pensée, une structure mentale et état d'esprit incroyablement pénible, qui dénature la réalité telle qu'elle est, tout ce que l'on est en train de vivre. Et ce processus mental qui dénature tout peut bien sûr avoir des conséquences extrêmement graves, il peut pousser à la mort ou dans le pire des cas, rendre complètement blasé. Il va sans dire que quand je dis que tout est absolument parfait, je ne suis évidemment pas en train de parler du "Commerce des Hommes" comme l'entendait Rousseau.)


La personne et l'être que j’étais se trouve donc en extase devant la création dans le petit jardin de roses de l'Ashram. Puis elle remarque un fait surprenant, sa tête est complètement vide. Depuis son éveil, en effet, pas une seule pensée lui a traversé l’esprit. Elle sait que ce n’est pas normal, mais comment l’exprimer si elle ne dispose plus de sa faculté d’articuler la moindre pensée dans sa propre tête si ce n'est en s'en étonnant ? Elle observe par conséquent le vide intérieur, rien d’autre que l’absence d’une vie mentale, qui ordinairement ne la quittait jamais.


Là, il n’y a pas de quoi s’extasier. Il n’y a rien, pas de pensée ni émotion, pas de sensation ni impression particulière, rien que la perception du vide, une vacuité d'une insignifiance, futilité et petitesse inimaginable, et c'est en cela qu'elle découvre ce qu'est et était vraiment le mental et l'ego. Et pourtant, ce vide n’est pas non plus l'expérience du néant. Le monde extérieur ne l’intéresse plus à présent. Son attention est captivée par ce qui se trouve à l’intérieur d’elle-même, et très vite ou plutôt instantanément, elle découvre au-delà du vide, le vide qui exprime à présent l'absence de vie mentale, son ultime pouvoir, celui de continuer à connaître sa propre existence ou disons plutôt sa propre présence consciente. Au-delà de ce vide, l'être qu'elle incarne demeure présent, et lui n'est absolument pas vide, bien au contraire, il exprime une plénitude parfaitement consciente d'elle-même, ce qui est à son plus haut degré de développement dans toute sa force et intensité.

Cette personne n’est évidemment pas morte ou une sorte de zombie, elle vit au contraire comme jamais elle n’avait pu le faire auparavant. Ce pouvoir de connaître sa propre existence dévoile aussitôt ce qu’il est, infiniment plus sublime que la perfection, la beauté et l’amour qu’elle percevait à l'extérieur d'elle-même. Il n’y a pas d’autre nom à ce pouvoir ultime que celui d’être conscient. Cela peut sembler décevant, mais celui qui en fait vraiment l'expérience n'en demandera jamais plus parce que cela n'aurait aucun sens. En effet, que pourrait-il y avoir au-delà de la faculté de connaître et par conséquent en être conscient ?


En réalisant ce qu’elle est, cette faculté si simple d'être conscient et connaître se dissout alors instantanément dans l’immensité d'une conscience inconnue et impersonnelle, une sorte d'espace gigantesque et incompréhensible, ce que l'on pourrait appeler une conscience universelle. Ce qui permettait à cette personne de connaître son corps, le monde extérieur et le vide mental n’était rien d’autre en fait que cette faculté d’être conscient, autrement dit la faculté de simplement "être", un pouvoir qui ne l’avait bien sûr jamais quittée, mais dont elle ignorait la présence et la vraie nature parce qu’il était trop... évident.


Dans cette contemplation de l’infini et de l’éternité de la conscience, ce n’est plus la personne elle-même qui vit une nouvelle expérience surprenante. Il semblerait que c’est la conscience individuelle, qui découvre à vrai dire ce qu’elle est, sa propre et réelle nature, sans limite et saturée de félicité. Ce qui déterminait la présence d’une personne, son corps et ses perceptions, a disparu. Il ne reste que l’immensité du pouvoir de se connaître soi-même, de connaître le Soi, c'est-à-dire ce qu'est l’être en soi, rien de plus que ce que nous incarnons tous réellement.


(Pour les hindous, Sahaja Samadhi est l’état naturel de l’être en soi, comparé à l'état de veille, rêve et sommeil profond, ce n'est pas un état exceptionnel ou extraordinaire. Selon leur connaissance sacrée, Brahman, c’est-à-dire Dieu, n’est autre que le Soi et Sat-Chit-Ananda, "être, conscience et félicité", c'est-à-dire l'être en soi ou âme, l'Atman, ce que nous sommes tous avec ou sans réalisation du Soi et libération. Et le fait d'être conscient est évidemment la qualité intrinsèque de cet être en soi. Pourquoi ? Parce que si l'être ne pouvait pas se connaître lui-même sans intermédiaire, c'est-à-dire sans perception sensorielle, sensation, émotion et état d'esprit spécifique, non seulement le concept "en soi" n'aurait pas de signification, mais surtout "être" et en "être conscient", autrement dit, la notion de l'être conscient que tout le monde incarne évidemment, n'en aurait pas non plus. Cependant, l'expérience de tout être humain prouve exactement le contraire, personne en effet n'a besoin de preuve ou de manifestations physiques et mentales pour être parfaitement conscient de sa propre existence. Etre et en être conscient sont bien sûr inséparables. L'expérience bien connue de "Je suis", c'est-à-dire j'existe... sans le moindre doute, est uniquement possible parce nous sommes des êtres conscients, et c'est ce que cette expérience dévoile de façon choquante et exclusive.

Afin d'éviter tout malentendu à propos de ce que l'on nomme ordinairement "la libération spirituelle", il est important de comprendre qu’il n’y a personne dans cet état de félicité, dans cet être et cette conscience infinie. L’être est en lui-même "un sans second", Ekam Evam Advityam, une parole sacrée répétée tout au long des Védas. Il n’y a personne dans cet état naturel que l'on appelle Sahaja Samadhi, ni moi ni identité personnelle, rien ! Personne ne réalise en vérité le Soi ; il se révèle spontanément sous forme de témoin éternel ou alors il demeure inconnu.

Personne ne se libère du mental ou de l'ego ; ils cessent simplement de se manifester. Personne ne vit une telle expérience parce qu'elle est purement impersonnelle. La personne qui fait l'expérience d'un tel état de conscience n’a plus d’identité et personnalité, plus le moindre repère pour éprouver une impression "personnelle". Elle est morte tout en demeurant vivante. "Elle fait elle-même partie du décor" si l'on veut l'entendre ainsi. Et c’est avec elle que la conscience découvre la création, rien de plus que la réalité quotidienne, la réalité la plus ordinaire, qui néanmoins l'émerveille à chaque instant.

Il va de soi que de tels propos sont absurdes parce qu'ils sont illogiques et irrationnels. Comment une personne pourrait découvrir qu'en vérité, elle n'est pas une personne ? Cela n'a pas de sens. Par contre, on peut à la rigueur comprendre que la conscience individuelle, qui détermine le fait évident d'être une personne, un être humain, puisse réaliser que ce qui la rend vraiment consciente ne soit pas du tout individuel ni humain, mais universel et impersonnel. Dans un autre registre plus facile à comprendre, on pourrait dire, par exemple, que n'importe qui est capable de réaliser que sa faculté de penser est la même pour tout le monde alors que ses propres pensées sont bien sûr différentes des autres.

Lors d'une telle expérience, la personne redevient en fait ce qu'elle a toujours été, un organisme vivant ou si l'on veut l'entendre ainsi, une combinaison spatiale et temporelle doté d'un cerveau extraordinaire par sa complexité, une sorte d’instrument physique et mental, qui permet de connaître et agir dans le monde où elle vit. Mais si nous incarnons et sommes tous individuellement cette conscience majestueuse, pourquoi s’extasie-t-elle subitement devant ce qu’elle est, ce qu’elle a toujours été et ce qu’elle sera pour l’éternité. Cela n'a pas non plus de sens ; il semblerait par conséquent que la personne avec son corps et son esprit fasse aussi l’expérience de la vraie nature de l’être qu’elle incarne, ou alors on pourrait dire aussi que ce serait en fait la conscience individuelle et personnelle, qui découvrirait subitement sa vraie nature, celle d'une conscience universelle et impersonnelle.

La seule réponse relativement plausible que j’ai trouvée à cette énigme, qui ne permet plus de savoir qui est vraiment le témoin de cette expérience, qui est quoi et qui détient en vérité le pouvoir d’être conscient, est très simple ; il suffit de comparer, comme le fait Shankaracharya, l’intellect à un miroir pour comprendre qu’il a toujours reflété la présence de la conscience dite impersonnelle et universelle pour produire une conscience individuelle et personnelle. Comme le dit en effet Shankaracharya, "Le mental résulte de la réflexion de la conscience sur l'intellect". C’est elle qui lui accorde en fait des facultés psychiques telles que raisonner, se souvenir, imaginer, connaître, etc. Mais cet intellect était avant cette expérience au service de l’ego et du mental, qui encombraient surtout avec des pensées toute son intelligence, c'est-à-dire sa clarté et son pouvoir de refléter la réalité telle qu'elle est, ainsi que la présence de la conscience dite universelle. Il suffit en fait de se regarder dans un miroir pour comprendre que l'être que l'on incarne n'est pas ce que l'on voit, bien que de toute évidence, il y ait une relation entre l'image reflétée dans le miroir, la personne qui la regarde et l'être qui en est conscient.

Si cet ego ou mental cesse donc de manifester sa propre personnalité ou individualité, et par conséquent de s’identifier avec son corps, l’intellect se retrouve alors instantanément inondé par la présence de la conscience pure, et elle seule. On peut donc dire aussi que la personne avec son corps et les facultés de son cerveau se trouve alors dans son état naturel bien que le véritable témoin, le seul et unique sujet vraiment capable d’appréhender l’objet de toutes ses perceptions, soit la conscience et rien d’autre, le corps et le cerveau n’étant que des instruments de connaissance et d'expérience, qui lui permettent de connaître la réalité dans laquelle ils se trouvent.

Il y a évidemment une différence entre l’expérience proprement dite et le compte rendu analytique plus qu'intellectuel qui permet de la décrire. Quand l’expérience est vécue, il n’y a aucun doute possible sur l’impression que l’on éprouve : la conscience universelle et l’être en soi que l’on incarne alors ne font qu’un. Mais durant cette expérience, il est impossible de dire : "Je suis la conscience" parce que la conscience ne parle tout simplement pas ni ne pense. Elle n’est que félicité pure et parfaite.

"Je suis la conscience" n’a pas de signification car le "je ou moi, je" qui l'affirmerait ne pourrait pas représenter autre chose qu’une identité personnelle, et la conscience non seulement n’en a pas du fait qu'elle est impersonnelle, mais elle n’en a pas besoin pour connaître, comprendre et évidemment être consciente. On peut l’appeler Dieu, le Divin, Brahman, Atman, le Soi, etc. si l’on veut. Mais elle-même ne se détermine par rapport à rien de connu ni ne se distingue de la création comme nous allons le voir ensuite. En d'autres termes, la conscience universelle n'a pas besoin de concept et pensée pour se connaître alors que la conscience individuelle ne peut pas s'en passer pour affirmer son apparente existence personnelle.)

La conscience individuelle, qui découvre donc à présent sa vraie nature, celle d'une conscience impersonnelle et universelle, se révèle soudainement vaste, silencieuse, paisible et absolue. Elle s’émerveille de ce qu’elle a toujours été, parfaite et inconnue. Ce pouvoir ne connaît aucune limite, il est lui-même le seul capable de se connaître là où rien ne se manifeste. Il est en quelque sorte un potentiel, qui s’extasie devant sa propre potentialité et rien d’autre puisqu’il n’y a rien à y découvrir ni percevoir. La conscience s’émerveille pour ainsi dire d’être consciente, et il est évident qu’elle ne peut rien faire d’autre hors de la dimension temporelle et spatiale de l’univers où elle ne se situe plus en contemplant son intériorité si l'on peut dire. En l’absence de manifestation, elle ne peut que s’extasier devant son propre pouvoir. Et n’ayant pas les moyens de l’exercer dans le temps et l’espace, c’est-à-dire dans le cadre d’une réalité objective ou d'un monde tangible, qui se manifesterait, ce pouvoir en lui-même n’exprime plus que de la félicité et l'absolu, quelque chose d'indescriptible, qui ressemblerait à une sorte de bonheur extatique sans cause ni raison.


(Une telle expérience n'est pas ce que l'on pourrait dire naturelle ou évidente, c'est pourtant ainsi qu'elle est vécue. On pourrait même dire qu'il n'y a rien de plus naturel et évident alors que vivre avec le mental ne l'est pas du tout. Je ne sais pas non plus combien de temps dura cette expérience. Je me souviens seulement que j’étais debout dans le jardin les yeux ouverts et envahi par le pouvoir inimaginable d’être simplement conscient. Pourquoi ce pouvoir est-il donc inimaginable s’il est si simple et évident ? Le fait d’être conscient détermine en vérité un espace éternel et infini, quelque chose d'impensable. C'est en quelque sorte une autre dimension de soi ou absence totale de dimension, le spectacle pur et suprême d'exister, rien de plus qu'être et se connaître. Mais connaître quoi ? Rien et tout en même temps : connaître l'origine, l'essentiel, l'immuabilité de l'être, le fondement de toute réalité sans la moindre manifestation pour perturber la conscience, connaître en fait ce qui permet de connaître. C'est ce "Je suis" dans toute sa pureté inhumaine, et rien d'autre.

Je ne décris plus à vrai dire une expérience, mais la révélation d’un fait que tout le monde connaît parfaitement bien contrairement à ce que l'on pourrait penser, le simple fait d’être, exister et en être conscient, et aussi un fait dont on ignore la vraie nature parce que l’on ne s’intéresse jamais à ce qui est absolument évident. Le mental est beaucoup trop compliqué pour apprécier la réalité telle qu'elle est, sa vraie nature et ce qui le rend conscient, et aussi parce qu'elle ne lui permet aucune fantaisie, aucun fantasme, aucune manifestation à caractère égocentrique, qui pourrait prouver et affirmer son apparente existence personnelle. Il semblerait d'ailleurs que ce n'est pas du tout sa fonction à moins de recevoir un enseignement spirituel et le forcer à réaliser ce qu'est l'origine de ses propres manifestations. La réalité telle qu'elle est équivaut en fait à son propre anéantissement. Et cela ne l'intéresse sûrement pas, alors il préfère s'en détourner et l'ignorer totalement.

Les hindous disent que la vérité sur l'être que l'on incarne est toujours plus proche de soi que toutes les perceptions que l'on peut en avoir. Que pourrait-il en effet être plus proche de moi que le simple fait d’être conscient de ma propre existence ? Cette vérité peut sembler absurde ou une sorte d’énigme, c’est pourtant un fait d’expérience que personne ne peut nier.)


Est-ce que la conscience individuelle se lasse de sa nature étrangère au temps et l’espace ? Se fatigue-t-elle de l’immensité et sa perfection infinie ? Est-ce qu'elle s'en détourne parce que c'est trop évident et bien connu ? Le fait est qu’elle revient à la découverte de cette petite personne, qui ne peut plus ignorer désormais sa présence. C’est dorénavant elle qui observe ce que cette personne va devenir et faire. Elle lui montre sans explication ce qu’est l’absence du mental et de ce soi-disant ego, une sorte d'entité, qui n'a jamais vraiment exister si ce n'est en pensant..., surtout à toutes ses propres insatisfactions et mécontentements.


Cette personne comprend désormais toutes les paroles insensées qu’elle a lues ou entendues à ce propos comme si elle était soudainement envahit par une intelligence intuitive, qui n'a besoin d'aucun concept, pensée ni mot pour comprendre. Puis la conscience reprend possession de ses perceptions sensorielles. Elle veut à nouveau voir à travers ses yeux et connaître sa vie à l’instant même où elle est vécue. La personne réalise ainsi qu’il n’y a pas en vérité de vie intérieure et de monde extérieur, de séparation entre l'intérieur conscient et la réalité d'un monde perceptible, qu'il soit mental ou physique. Il n'y a en fait qu'une vie, qui se manifeste évidemment par le fait d'en être conscient.


L’espace où se manifeste la création, le monde dit extérieur, est bien sûr identique à l’espace qui rend cette personne consciente de sa propre existence en tant qu'être humain. La dualité fait alors place à un émerveillement total et encore plus incroyable. Le domaine de la "Non-Dualité" est suprême, et il révèle ce qui est encore et toujours parfaitement évident : "Tout est conscience et connaissance." Rien d’autre ne peut exister, et il est bien sûr impossible de les séparer. Connaissance et réalité ne se différencient pas l’une de l’autre ; réalité, connaissance et conscience non plus. Il n'y a plus de "moi" ou mental en relation avec autre chose. En d'autres termes, il est impossible de désunir un fait et la prise de conscience de ce fait, la réalité du monde où nous nous situons et la prise de connaissance de ce monde, et bien sûr pour en finir, la connaissance et ce qui est connu. Il n'y a en vérité aucune dualité possible entre l'être en soi et sa vie terrestre alors que tout dans le monde où il vit se détermine par une dualité évidente, le grand s'oppose au petit, le chaud au froid, la lumière à l'obscurité, l'ignorance à la connaissance, le bon au mauvais, et ainsi de suite pour tout et dans tout, autrement dit toute chose peut évidemment se comparer à ce qu'elle n'est pas.

(Contrairement à ce qu'enseignent dans leur Satsang les Néo gourous occidentaux hallucinés par leur soi-disant éveil spirituel, le concept de "Non-Dualité" n'a aucun rapport avec la réalité du monde dans lequel nous vivons ni avec la vie en général. Quand ils osent enseigner qu'il n'y a pas de dualité ni de différence entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, autrement dit le bien et le mal, ils ne font en vérité que s'excuser de leur manque total de moralité et décence. Il suffit d'ailleurs de voir comment ils vivent pour comprendre sans aucun doute qu'ils font tous sans exception la différence entre une vie facile, confortable et aisée, et une vie qui en serait à l'opposé.

Même si des mondes ou réalités parallèles se manifestent à l’infini dans d’autres dimensions, ce que même la science admet théoriquement à présent, et bien que les petites créatures que nous soyons avec une intelligence très limitée ne puissent pas les appréhender ordinairement, ils n’iront jamais au-delà de ce simple fait : "Conscience et connaissance ne font qu’un, connaissance et perception sont identiques. Tout phénomène ou manifestation se présente sous forme d'information dans un esprit conscient, c'est-à-dire au sein même de la conscience." La conscience, autrement dit le fait d'être capable de connaître et ainsi saisir par l'esprit, et la connaissance, le fait évident qui détermine ce qui est connu, ne peuvent pas être séparées. Tout phénomène réel ou illusoire est inséparable de la conscience, qui en est "le témoin". Ensemble, ils expriment ce que l'on appelle vraiment la "Non-Dualité", Advaïta en sanskrit. Et cela n'a évidemment aucun rapport avec la non dualité entre le bien et le mal que les Néo gourous occidentaux tentent maintenant d'inculquer dans la tête de leurs disciples sans se rendre compte de l'absurdité d'un tel concept sous prétexte que le bien et le mal sont illusoires. Qu'ils se donnent un coup de marteau sur la tête pour simplement réaliser que ce qui fait "mal" n'est ni une illusion ni particulièrement bon ou "bien" pour le crâne. Ils ne comprennent tout simplement pas, bien qu'ils ne cessent d'en causer, ce que signifie la "Non-Dualité", l'absence de séparation entre Brahman et Maya, une conscience universelle et immuable, et un monde ou réalité illusoire parce qu'en perpétuelle transformation.

Pour quelle raison le Divin ou conscience universelle s’amuserait à être quelque chose que ni Lui ni personne ne pourrait connaître ? Cette question n’est pas une nouvelle énigme. Un fait évident qui se manifeste est forcément connu, sinon il n’aurait aucune raison d’être, et par conséquent, il ne se manifesterait pas. Pour comprendre ce raisonnement apparemment absurde ou poussé aux extrêmes de la métaphysique, il faut simplement réaliser que la conscience est en fait universelle, c’est-à-dire impersonnelle, omnisciente et omniprésente, ce que toute personne raisonnable n’admettra évidemment jamais. Pourquoi ? Parce qu’une personne raisonnable reconnaîtra l’existence et la présence d’une chose ou d'un fait connue ou inconnue parce qu'elle-même a un cerveau et des facultés mentales, qui lui permettent de connaître, et uniquement à condition que cette chose ou ce fait soit l’objet d’une perception ou conceptualisation effectuée par ce cerveau et ses facultés mentales, ce que la conscience elle-même ne pourra jamais être pour la bonne raison qu'elle ne peut pas devenir un objet connu ou perceptible, étant elle-même l'hypothétique sujet qui est supposé appréhender tout objet physique et mental, c'est-à-dire qu'elle est l'éternel "témoin", l'Atman, comme l'expliquent et le répètent continuellement les Védas. Il n’y a donc qu’une seule solution pour découvrir ce qu’elle est, c’est de ne pas la chercher comme si c'était quelque chose que l'on puisse percevoir ou saisir par l'esprit, mais au contraire de simplement demeurer conscient et explorer la vraie nature de cette faculté que l'on considère mentale. En d'autres termes, le Divin ne peut pas être inconnu et inconnaissable parce qu'il est ce qui nous rend personnellement conscient, et étant Lui-même cette conscience universelle, il nous suffit donc d'explorer notre propre faculté d'être personnellement conscient pour Le connaître. C'est très simple à expliquer, mais beaucoup moins à réaliser ou en faire vraiment l'expérience.

La véritable question en ce qui concerne la recherche de la vérité est donc de savoir comment procéder pour réaliser au moins sous forme d'expérience ce qu’est la vraie nature de l'être et de la conscience du fait qu'en tout état de cause, nous savons très bien que nous sommes tous déjà des êtres conscients. En vérité, personne ne peut expliquer ce qu'il faut faire. On peut supposer sans se tromper que les pratiques spirituelles comme l’introspection, la méditation, la dévotion, le renoncement à soi et toutes les autres techniques de Yoga préparent à la réalisation du Soi ou son expérience, autrement dit la découverte de la conscience telle qu'elle est. Mais il est impossible d’affirmer qu’elles en sont responsables du fait que cette expérience peut être vécue par n'importe qui, et parfois même des gens qui ne s'intéressent pas du tout à la spiritualité et encore moins le Yoga, alors que de très sérieux yogis ne la vivent pas après des décennies de discipline spirituelle stricte, pour ne pas ascétique. Comme je l’ai écrit dans le livre "Egocentrisme et spiritualité", ces techniques permettent de vider la coupe, mais personne ne sait comment la remplir de félicité et révélation ni pourquoi cela arrive soudainement.

En ce qui concerne la révélation instantanée du sens des paroles sacrées que j’avais lues et entendues dans le passé, je dois raconter un fait qui éclaira un peu le lecteur sur une des causes qui contribua peut-être aussi cette expérience du Soi et de la conscience pure dite universelle. Un jour, j’étais dans l’office de Swamiji pour je ne sais plus quelle raison et je vois un livre jeté par terre. Je lui demande ce que c’est et il me répond que pour le savoir, je n’avais qu’à le prendre et le lire. Quelques jours après l’avoir lu, je lui ramène et lui explique qu’à mon avis, il est possible de transcender la Non-Dualité, c'est-à-dire aller au-delà du Soi et de la conscience en conservant ma propre identité. Il me regarde droit dans les yeux et me dit : "Tu n’as vraiment rien compris." Je l’ai pris bien sûr comme s’il me traitait d’imbécile.

Plutôt frustré pour ne pas dire un peu en colère, je repris le livre pour le lire à nouveau. C’était "Pointers of Nisargadatta Maharaj" écrit par Baselkar, et c’était surtout le premier livre que je lisais concernant la Non-Dualité et le Yoga de la connaissance, le Jnana et l'Advaïta. A cette époque, je m'intéressais aux Sutras de Patanjali, le concept de liberté expliqué par Castaneda dans son livre "Le don de l'aigle" et quelques œuvres d’Aurobindo. Mais j’ignorais totalement les Oupanishads et ce que racontaient les Jnanis et Rishis, ces êtres qui ont apparemment réalisé le Soi et qui connaissent par conséquent la vérité ultime.

Après avoir relu ce livre plus attentivement afin de m'éveiller à de nouvelles pensées et cesser de passer pour un imbécile, je compris effectivement qu’il ne pouvait rien y avoir au-delà de la Non-Dualité. L'idée de pouvoir transcender le Soi et la conscience universelle était évidemment un non-sens parce que le concept lui-même exclue toute notion d'une chose au-delà d'une autre, en particulier de la possibilité de connaître quelque chose au-delà de la faculté d'en être conscient, ce qui effondra bien sûr les fondations de toutes mes croyances, ou plus précisément de ce que j’imaginais. En tant que nihiliste pur et dur à la recherche d’un idéal de liberté aussi stupide que celui qui le cherche, je ne pouvais décemment pas avoir de croyance.

Je ramène donc à Swamiji ce livre en m’abstenant de le commenter pour éviter toute remarque désobligeante, et je lui demande s’il n’aurait pas un autre livre sur le même sujet que je ne connaissais absolument pas. Il bondit dans sa chambre et revint aussitôt avec "Collected works of Ramana Maharshi". Ce livre, et en particulier le texte intitulé "Vivekachudamani", fit beaucoup plus qu’ébranler mon imagination. Je l’ai lu et relu plusieurs fois parce que j’avais l’impression qu’il m’emportait à chaque fois dans une sorte de spirale ou vortex mental, qui s’engouffrait dans le vide avant que je puisse en comprendre le sens, et finalement pour revenir à ce qui avait été dit au commencement du texte. Bref, je ne comprenais absolument rien et ce livre au moment où je le lisais devenait vraiment magique. Il provoquait une sorte d'expérience extatique de l'éternité au-delà des limites de l'entendement. C'était comme si plus j'approchais de la vérité, plus je m'en éloignais, plus je comprenais et plus je sombrais dans l'ignorance, autrement dit j'étais tout simplement en train de perdre la raison.

Et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à vivre le pire cauchemar de ma vie jusqu’au jour où, comme je viens de le raconter, je me suis réveillé avec un corps aussi inconnu que le monde dans lequel il vivait. Je préfère passer sous silence ce cauchemar mental ou ce que l'on appelle 'Nuits sombres de l'âme' parce que c'était de la folie et souffrance au-delà de ce que l'on peut imaginer. Pour tout dire, c'était comme si toute la souffrance de l'humanité depuis son commencement s'engouffrait dans le mental pour le faire exploser. Ce n'est pas du tout une expérience spirituelle recommandable à moins d'être extrêmement masochiste, j'avais l'impression que toute l'horreur du monde se déversait dans le cerveau comme un torrent et je ne savais plus s'il fallait en rire ou en pleurer, ce que je faisais néanmoins à une vitesse infernale. Durant ces crises de folie relativement brèves, fort heureusement, je ne faisais plus que rire et pleurer sans savoir pourquoi. La joie et la souffrance ne se distinguaient quasiment plus parce qu'elles se succédaient beaucoup trop vite.)

Les deux mois qui ont suivi le commencement de l'expérience béatifique du Soi et de la conscience, à ne pas confondre avec la réalisation du Soi proprement dite, ne m’ont laissé aucun souvenir particulier. J’ai continué à vivre paisiblement dans cet Ashram, je suppose, et il va sans dire que j’ai cessé de pratiquer le Yoga. Ma santé s’est très lentement rétablie. Quant à l’idée de mourir, elle s’est volatilisée comme toutes mes autres pensées. Durant ces deux mois et les cinq années qui suivirent, je ne disposais plus de la faculté de penser, ni d’agir non plus, et encore moins de m’identifier avec la personne que j’incarnais pourtant.


Etais-je donc devenu une sorte de zombie, un mort vivant tout juste capable de survivre ? Pas du tout, cette personne vivait au contraire très bien sans moi. Elle savait toujours ce qu’il fallait faire au moment précis où il fallait le faire. Elle ne pratiquait plus la méditation, mais ce qu’elle appelait des "sitting", qui consistaient à s’asseoir, demeurer tranquille et observer. Et parfois, quelques pensées lui traversaient l’esprit, rarement il faut bien le reconnaître. Elle les notait alors sur papier, ce qui devint après des années les matériaux pour écrire le livre "Egocentrisme et spiritualité". Rien ne l’empêchait de vivre sa vie le plus normalement possible, mais surtout sans le moindre souci. Comment aurait-elle pu s’inquiéter de quoi que ce soit en l’absence de sa faculté de penser ? Quand des pensées s’exprimaient, ce n’étaient non plus pas les siennes, mais des manifestations mentales passagères. Certaines situations éveillaient quelques pensées ; il lui suffisait alors de les écouter pour les connaître et agir en conséquence.


Et moi dans tout ça ? Où pouvais-je bien me situer par rapport à cette personne, qui vivait sa vie sans s'en inquiéter ? Qui étais-je et qu’est-ce que je faisais ? Ma présence, si je puis dire, ne se situait ni dans son corps et cerveau ni à l'extérieur non plus, mais seulement dans sa faculté d’être consciente, qui elle ne se trouvait nulle part en particulier, ce qui est incompréhensible bien sûr. Je l’accompagnais pas à pas dans sa vie avec un vif intérêt et sans m’en préoccuper, je contemplais en fait ce qu'elle vivait. Il est tout à fait remarquable de voir ce qu’un corps est capable de faire. Ce corps que je devrais plutôt qualifier d’organisme vivant est évidemment intelligent puisque c'est lui qui dispose d'un cerveau. Il n’a pas besoin d’identité personnelle obsédée par son amour-propre pour vivre et exprimer toutes ses qualités. Il n’est peut-être que de la poussière d’étoiles comme certains le disent, mais c’est sûrement de la poussière organisée, qui a atteint un degré de perfectionnement que rien sur la terre où il vit ne peut égaler.


Le mystère de la vie restait entier. Faute de pensée et de question à ce sujet, il n’y avait en vérité plus le moindre mystère à propos de quoi que ce soit. Le sens de la vie pour ce corps était tout simplement de vivre jusqu’à ce qu’il en meurt. A quoi bon y penser quand la vie est là, en face et à l'intérieur de soi, et aussi réelle que possible à chaque instant. C’était un fait tellement évident qu’il n’était pas nécessaire d’y réfléchir ou s'en inquiéter, ni même de se poser la moindre question à ce propos. Le sens de la vie était tout simplement l'actualisation du pouvoir évident d'être vivant, il était parfaitement inutile d'y penser. Le sens de la vie, c'est vivre, fin à toute complication mentale !


(Revenons à mon séjour absurde dans le petit Ashram où se trouvait celui qui devait devenir par la suite ou plutôt être reconnu comme mon Gourou, Swami Girdanandaji.)


Swamiji ne m’adressait plus la parole. Il en avait fini avec ses propos insensés et questions absurdes. Lorsque l’on se rencontrait, notre relation se limitait la plupart du temps à quelques sourires ou des paroles philosophiques, qui avaient enfin une signification. Pensez-vous que je puisse être allé le voir pour lui expliquer ce que j’étais en train de vivre ? Non, absolument pas, cette idée ne m’a jamais traversé l’esprit. Pensez-vous que je puisse imaginer un instant que ce vieil homme sans âge avec une longue barbe et cheveux blancs, qui lui descendaient en dessous des fesses, avait le moindre rapport avec l’expérience que je viens de décrire et que j'étais en train de vivre ? Mais pour quoi faire, tout était parfaitement simple, naturel et si évident ? Il m’a fallu cinq ans pour réaliser que cette personne était mon Gourou, le moins que l’on puisse dire était que j’avais la tête dure. Rien d’étonnant pour une personne qui ne cherchait que la liberté, une sorte d’idéal qui se traduisait par "Ni Dieu ni maître", et bien sûr "ni Gourou".


Mais le plus difficile à expliquer est que cette expérience du Soi et de la conscience libère totalement la personne de toute contrainte et justification, autrement dit d'exprimer sa personnalité. Elle est ce qu'elle est, rien de fantastique, et rien à dire non plus sur ce qu'elle est en train de vivre. Imaginez seulement ce que vous deviendriez si soudainement vous ne pouviez plus penser. La vie serait si simple et naturelle que vous n’éprouveriez à aucun moment le désir de vous exprimer "personnellement", faute de pouvoir le faire évidemment avec des pensées et par conséquent aussi en agissant. En fait, je dirais que vous n’auriez absolument rien à communiquer, ni aux autres ni à vous-même. Et si en plus vous cessiez de vous identifier avec ce que vous avez toujours considéré comme votre propre corps et vos facultés mentales, non seulement vous n’auriez rien à dire, mais ce serait formellement impossible. Seul le corps et le mental peuvent évidemment exprimer quelque chose de personnelle ?


Le fait est que je ne suis jamais allé voir Swamiji pour discuter de cette expérience ou autre chose. C’est lui, qui, un jour, est venu m’informer que je n’avais plus qu’une semaine avant que mon visa expire, ce que j'avais complètement oublier au sein de l'éternité et l'infini de la conscience que j'incarnais à présent. Ce que l’on peut faire en une semaine sans la moindre pensée dans la tête est tout à fait extraordinaire. Swamiji m’informa non seulement que je devais quitter l’Inde le plus rapidement possible, mais qu’il y avait aussi des manifestations dans le Garhwal, la région où l’on habitait, qui allait m’en empêcher. Toutes les routes étaient coupées et il n’y avait plus de moyen de transport. Vu l’état dans lequel j’étais, vous pouvez facilement imaginer que cette nouvelle me laissa indifférent. Les questions administratives ne préoccupent pas du tout la conscience d’une personne qui s’extasie dans la félicité et l'infini de l'univers.


C’est par conséquent Swamiji, qui, quelques jours plus tard, est venu me chercher en courant parce qu’il avait enfin trouvé un bus, qui descendait à Rishikesh. Je fis donc mon sac, puis me rendis à son office pour lui payer le loyer de ma chambre. Il me fit entrer, me demanda de m’asseoir dans son fauteuil et s’assit à côté de moi sur un tabouret. On regardait paisiblement le Gange, quand, pour aucune raison particulière, je lui dis : "Alors, c’est ça !", "So that's it !", sous-entendu, 'Alors, c'est ça le Soi". Et il me répondit avec un grand sourire en secouant la tête comme le font tous les Indiens : "Oui, c’est ça !'", "Yes, that's it !". Voilà toute la discussion ultra intellectuelle que nous avons eue à propos de l’expérience du Soi et de la conscience universelle avant de nous quitter.


Lorsque j’y repense, c’est à éclater de rire tellement la situation est absurde. Pour le remercier de ce qu’il avait provoqué je ne sais pas comment dans ma vie désastreuse, n’importe qui lui aurait baisé les pieds ou au moins exprimer une certaine appréciation, si ce n'est reconnaissance et remerciement. Mais ce que je vivais était si naturel et tellement intense que cette idée ne m'a jamais traversé l'esprit. Comme je l’ai dit, il m’a fallu cinq ans pour réaliser que j’avais un Gourou et que ce Swami était en fait mon Gourou, c'est-à-dire une personne capable de transmettre directement, je ne sais pas comment, l'expérience du Soi, le genre d'individu que l'on ne rencontre pas à tous les coins de rue, si toutefois on a la chance de le rencontrer une fois dans la vie. Je pris donc mon sac et, après la discussion hautement philosophique que nous venions d’avoir, une discussion métaphysique pour le moins extrêmement brève, je suis parti avec l’intention, comme je lui ai dit, de revenir le plus vite possible parce que je n’avais à cette époque aucune demeure où aller, à plus forte raison que j'avais avant cette expérience l'intention de mourir et quitter notre chère planète le plus vite possible.

Arrivé à Rishikesh, je partis immédiatement à Bénarès où j’avais laissé un sac de voyage au lieu de me rendre directement à la frontière. Ce sac se trouvait chez une personne que j’avais rencontrée quelques mois plus tôt, Jacques Vigne, qui semble être devenu très connu dans le monde de la spiritualité si j’en crois Internet. Mais je ne me souvenais plus du tout où il habitait, et je dois dire à ceux qui ne connaissent pas Bénarès, les vieux quartiers de cette ville qui remonte à la nuit des temps ressemblent beaucoup à un labyrinthe de ruelles où il est très facile de se perdre.


Sans souci et surtout comme d'habitude sans la moindre pensée dans sa tête, la personne que j’étais et dont j’observais la danse ou plutôt promenade s’aventura dans ce dédale de rues pittoresques, qui ne permet jamais de savoir où l’on se situe ni dans quelle direction on se dirige. Je ne sais pas comment un tel exploit est possible, mais elle trouva très vite et sans même savoir comment ce qu’elle cherchait, la maison où j’avais laissé mon sac et que Jacques n'habitait plus depuis longtemps. Après avoir frappé à la porte, une vieille Mataji comme on dit respectueusement en Inde pour parler d'une grand-mère, vint m’ouvrir. Elle ne parlait pas un mot d’anglais. Je lui ai donc expliqué avec des gestes et quelques mots en Hindi le pourquoi de ma visite. Elle ne sembla absolument rien comprendre à ce que je venais faire chez elle et elle me claqua la porte au nez.


Que faire quand il n’y a plus rien à faire ? Et bien, je suis resté devant la porte à attendre sans savoir quoi ni pourquoi. Un quart d'heure après peut-être, Mataji a ouvert la porte avec un grand sourire et mon sac à la main. Y aurait-il quelque chose à comprendre ? La vie est parfois d’une simplicité déconcertante et complètement insensée ; il suffit d'être patient et surtout ne pas chercher à comprendre ce qui n'a de toute façon aucun sens.


Bref, j'avais retrouvé mon sac et je n’avais plus qu’à reprendre un bus pour me rendre à la frontière que je suis arrivé le lendemain à traverser juste avant qu’elle ferme et que mon visa expire. Et cinq jours après mon arrivée au Népal, je me retrouvais dans un avion en destination de la France. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Ce séjour en France ne dura que quelques mois avant que j’embarque de nouveau pour l’Asie, mais cette fois en survolant l’Inde sans m’y arrêter, ce qui est aberrant. Pourquoi suis-je allé m'installer dans une immense ville chinoise infernale et polluée où je ne pouvais même pas lire le nom d'une rue au lieu de retourner dans l'Himalaya au bord du Gange où je connaissais un petit Ashram merveilleux et un Swami pour le moins extraordinaire ? Je n'en ai aucune idée. Ce n'était apparemment pas du tout mon Karma ni ma destinée.


Et c'est ainsi que j'allais passer les cinq années suivantes dans un état extrêmement paisible de félicité où régnait le silence de la conscience jusqu’au jour où une pensée étrange me traversa l’esprit. Cette pensée que je n’oublierai jamais exprimait un fait si évident que je ne l’avais pas encore remarqué : "Mais ce vieux Swami dans la montagne, c’est mon Gourou !" Eurêka, j'atterrissais enfin sur la planète terre et redevenais un peu sensé !


Cette pensée changea instantanément tout mon mode de fonctionnement mental. Le petit mot qui renversa ce que j’étais en train de vivre est ce "mon" Gourou et non les autres mots de cette pensée, autrement dit ce Gourou à "moi". Après cinq ans sans identité personnelle pour ainsi dire ni la faculté d’exprimer mes propres pensées, qui de toute évidence étaient absentes, je me retrouvais soudainement avec un Gourou, un corps, une identité personnelle et toutes mes facultés mentales sans pour autant quitter la plénitude de la conscience, autrement dit, en une fraction de seconde, j'avais réintégré la personne que j'incarnais à présent et cinq ans auparavant, et toujours sans savoir pourquoi.


Un tel revirement de situation aurait dû me surprendre, il me laissa en vérité complètement indifférent. Et la première chose que je fis est de prendre la décision de repartir en Inde pour retrouver ce qui était devenu alors "mon" Gourou que je ne revis malheureusement jamais avec son corps du fait que, comme le nouveau Swami m'en informa, il s'était "volatilisé" cinq ans auparavant, encore une autre histoire de fou bien indienne que je ne préfère pas raconter. Mais cela me permit quand même de rencontrer une autre personne extraordinaire à Gangotri, Monsieur Brahma Chaitanya, qui, lui par contre, m'initia au Védanta et en particulier l'Advaïta avec une énorme quantité de livres à étudier, ce qui me permit entre autre de cesser de trop délirer dans mon nuage de félicité sans soucis.

Il est en effet très facile de s'imaginer "libéré" du corps et du mental, et même de ce monde, après une expérience aussi traumatisante même si l'expérience elle-même est somptueuse. C'est sans le moindre doute une sorte de trauma, qui peut avoir de sérieuses conséquences, et des conséquences, qui peuvent faire perdre tout équilibre psychologique. Simplement dit, c'est le genre d'expérience qui peut rendre complètement fou et induire un comportement franchement dangereux pour soi et les autres en l'absence de l'assistance d'un Gourou. Par bonheur, j'étudiais durant ces 5 années le Taiji et Qigong dans cette gigantesque ville chinoise avec un vieux maître chinois bien illuminé aussi, ce qui me permit d'apprendre à m'enraciner sur terre, ce dont j'avais vraiment besoin pour ne pas perdre la raison, et en plus je devais travailler pour payer les factures très différentes du niveau de vie en Inde, loyer, nourriture, transport, etc., la thérapie la plus parfaite pour se remettre d'un éveil spirituel foudroyant et complètement délirant. Voilà le plus sérieusement possible la description de cette expérience.

Pourquoi avoir raconté cette histoire, si ce n’est pour me vanter que je suis une sorte d'illuminé, un libéré vivant, un éveillé, et pourquoi pas non plus un Gourou à mon tour, un Jnani ou je ne sais quelle autre idiotie comme on l'entend actuellement dans tous les Satsang en occident ? Pensez-vous sincèrement qu'une telle expérience fasse devenir quelqu'un le fils de Dieu, un avatar ou un maître et enseignant de quoi que ce soit ? Elle dévoile seulement ce que nous sommes tous, notre vraie nature, et rien de plus. Aucune explication, aucun mode d'emploi, connaissance conceptuelle, cosmogonie, commentaire intellectuel, méthode, enseignement ou quelque chose qui pourrait avoir un sens ne l'accompagnent. La conscience devient purement et simplement "Mouna", le silence absolu et une présence universelle, et elle n'explique évidemment pas comment enseigner ou réaliser la vérité qu'elle révèle. Et de là à imaginer qu'elle fasse devenir un saint, et bien il suffit de voir ce qui se passe actuellement dans le milieu de la Néo spiritualité occidentale pour comprendre que ce n'est pas du tout le cas. Ce serait même plutôt le contraire.


Sans aucun doute, ce genre d'expérience "libère" de tout problème personnel au moment où elle est vécue, ensuite c'est un trauma, un choc et déséquilibre total qu'il faut résoudre par tous les moyens possibles et très rapidement parce que l'on ne sait plus du tout qui et ce que l'on est. Ce n'est absolument pas un remède miracle à des problèmes psychologiques, dépression, psychoses ou autres comme on le fait croire aujourd'hui. Il faut reconstituer et retrouver ce que l'on appelle communément "le bon sens", une sorte de discernement et lucidité rationnelle, qui empêchent de faire n'importe quoi, et cela prend du temps, de longues méditations où l'on réapprend à raisonner plus ou moins intelligemment, mais surtout humainement, sans délirer sur des concepts comme quoi tout est énergie, rien n'est séparé et nous sommes tous Un. Sincèrement, qui voudrait faire Un avec Hitler, Saddam Hussein ou son voisin ?


Quand j'ai découvert des années plus tard l'existence de tous ces occidentaux mégalomaniaques et narcissiques, de vrais psychopathes, qui prétendent soudainement être devenus des Gourous ou quelque chose de ce genre après avoir vécu une expérience spirituelle, je n'arrivais pas à y croire. Mais qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie ? Qu'ont-ils pu comprendre à une expérience, qui n'explique absolument pas comment il est possible de la vivre, ni ne confère aucun enseignement, et qui explique encore moins ce qu'est ou devrait être la vie ? Au lieu de réaliser qu'ils sont aussi humains et ignorant que n'importe qui, ces soi-disant gourous se prennent pour Dieu..., qui, comme ils le disent ouvertement, aurait une expérience humaine, et bien sûr ils veulent enseigner à tout le monde comment vivre et réaliser le Soi alors qu'ils ne peuvent pas connaître eux-mêmes le pourquoi de cette expérience..., si toutefois, ils l'ont vraiment vécue, ce dont on peut facilement douter dans certains cas en écoutant attentivement ce qu'ils en racontent. Parmi tous ces soi-disant Néo gourous, il y a en effet ceux qui ont vécu cette expérience extraordinaire, une grande majorité dirai-je, mais il y en a aussi, qui de toute évidence récitent la leçon qu'ils ont bien apprise pour se faire passer pour des maîtres, enseignants ou guides spirituels, et en tirer un profit purement personnel, la plupart du temps financier.


J’aimerais que le lecteur comprenne que la personne que j’étais avant, durant ces cinq années et toutes celles qui suivirent n’a pas changé. Pourquoi devrait-elle changer ? C'est un être humain comme tous les autres, qui n’est sûrement pas parfait, mais la perfection elle-même est-elle autre chose qu’une pensée et un concept particulièrement indéfinissable en ce qui concerne le vécu et la personnalité ? Bien sûr que cette expérience, après avoir quitté l'état extatique qu'elle provoque, fait réfléchir sur ce qu'est la vraie nature de la conscience de soi, sur la vie elle-même et ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui, mais elle ne fait pas devenir mieux, supérieur, instantanément purifié et plus intelligent ou libéré que le commun des mortels. Et ce n'est sûrement pas une thérapie ou psychothérapie capable de résoudre des problèmes personnels, en particulier psychologiques comme on le prétend actuellement, ce serait plutôt le contraire. Il suffit de voir comment se comportent les Néo gourous pour s'en rendre compte, au lieu d'enseigner par l'exemple, ils enseignent ce qu'ils sont incapables de vivre et incarner. Il ne faut pas s'en cacher, une telle expérience est après coup extrêmement perturbante, et il faut du temps pour redevenir relativement sensé, pour réintégrer la réalité comme on le dit aujourd'hui.


Qu'y aurait-il donc à enseigner après cette expérience surtout sans avoir au moins étudié un système spirituel sensé que l'on trouve uniquement dans des paradigmes traditionnels très anciens, ce dont les Néo gourous ne veulent pas entendre parler sous prétexte qu'ils ont transcendé tout dogme et religion, bien que ce soit quand même et de toute évidence leur seule source d'inspiration pour improviser à la va-vite des enseignements insensés qu'ils préféreront évidemment qualifier de "paradoxal", le mot clé, qui permet de mettre un terme à toutes discussions et questions ? Qui est en droit de donner des leçons aux autres dans un monde où personne ne comprend vraiment rien, pas même son propre Karma, c'est-à-dire sa vie et le pourquoi de cette vie, et encore moins le Karma des autres ? Et pourquoi faudrait-il profiter d'une expérience spirituelle, sous-entendu du sacré, pour détenir un pouvoir sur les autres, celui entre autres de leur dire ce qu'ils devraient être et faire, et bien sûr se faire payer pour cela ? C'est insensé, hypocrite et malsain. Si ces occidentaux veulent vraiment suivre la tradition hindoue du Gourou ou guide spirituel, qui n'a vraiment de sens que dans le contexte hindou, ont-ils une idée de ce que cela signifie vraiment ? Ils devraient lire la vie de Ramana Maharshi et bien réfléchir à leur prétention au lieu de considérer la spiritualité comme un ego-trip commercialisable, qui, sans même sans rendre compte, va les corrompre encore plus qu'ils le sont avec leur arrogance et hypocrisie. C'est pour le moins s'attirer consciemment un mauvais Karma dont tout le monde se passe avec plaisir.


Le concept de libération spirituelle ou soi-disant "éveil spirituel" comme on l'entend actuellement en occident est absurde. Quelles que soient la ou les vérités qu’elle réalise, une personne demeure un corps et les facultés de son cerveau, un homme reste un homme, une femme demeure une femme. Certes, l'être que nous incarnons est divin, c'est-à-dire purement conscient et éternel, et il est possible de le réaliser, mais n'oublions pas que celui qui le réalise personnellement est mortel et sûrement pas un dieu. Toutes les histoires magiques et extraordinaires que l’on raconte à propos de cette soi-disant libération ou éveil ne concernent pas le but ultime de la spiritualité, connaître la vérité, découvrir ce qu'est la vraie nature de la conscience et finalement réaliser le Soi en demeurant sage et sensé, c'est-à-dire humain, le plus humain possible au lieu de se prendre pour Dieu qui aurait une expérience humaine.


L'expérience de la félicité, d’un bonheur et d’une libération totale que nous cherchons tous d’une certaine manière, n’enseigne rien et surtout pas comment la vivre. L’expérience montre "ce qui est", ce qu'est la réalité telle quelle, et elle le fait sans explication. Les quelques personnes que j’ai rencontrées sur la route et qui ont aussi vécu la même expérience, que l’on ne peut pas vraiment considérer comme une expérience puisqu’elle ne révèle en fait que l’être en soi que tout le monde incarne déjà, sont toutes d’accord : cette expérience ne fait pas devenir mieux personnellement, ni un saint ni un Gourou. Elle révèle un autre domaine de la réalité que l'on ignore. Et ce domaine est si simple et évident qu’il est difficile d’en causer avec ceux qui ne le connaissent pas. En fait, il est absolument impossible de communiquer cette vérité et d'en parler de façon cohérente. On peut dire que ce récit en est une preuve évidente.

Le pire ou disons plus gentiment le plus surprenant dans cette expérience est qu’elle révèle aussi que tout est absolument parfait, ce qui est évidemment immoral dans un monde où tant de gens souffrent pour des raisons que personne ne considèrera comme illusoire. Mais c’est ainsi, et c’est à chacun de l’entendre comme il le pourra et d’agir comme il le voudra selon ses choix et convictions personnels, mais surtout avec décence et une morale de base, un Dharma. Ce n'est évidemment pas parce que l'on fait l'expérience que tout est parfait que l'on peut se mettre à faire n'importe quoi ou tout supporter. Ce type de réalisation expérimentale, qu'il ne faut surtout pas confondre avec la réalisation du Soi, une sorte d'aller simple purement spirituel et sans retour, n’est pas non plus une porte ouverte à l’indifférence ou une extase permanente, qui permettrait d’oublier les réalités du monde où nous vivons. Il faut comprendre que si tout est "absolument" parfait, cela signifie aussi que rien ne l'est en fait "relativement", c'est-à-dire personnellement.


La conscience adore l’action, elle aime sa Shakti si l'on peut dire. La création est le seul moyen qu’elle a pour sortir de son propre état de félicité éternelle et extatique sans la quitter. C’est, comme le disent les hindous, une performance, une danse, un spectacle "illusoire", Maya, une sorte de rêve cosmique comparable au jeu d'un enfant, qui ne connaît pas le bien et le mal. Oui, c’est immoral si l'on tient compte de toutes les souffrances de ce monde, encore faut-il comprendre le contexte ou modèle philosophique de cette vision de la réalité, et ce qui signifie vraiment "Maya". Le monde est une illusion parce qu'en perpétuelle transformation et seulement par rapport à l'immuabilité de la conscience, mais il ne l'est absolument pas pour celui qui y vit.


Quant à enseigner qu'il n'y a pas de différence entre le bien et le mal, c'est de la folie digne d'un psychopathe. Mais si c'était vrai, pourquoi alors chercherait-on à se libérer du mal procuré par la souffrance ? Si tout est un illusion comme ces Néo gourous l'affirment actuellement, a quoi cela servirait d'aller dans un Satsang et écouter les paroles d'un égomaniaque, qui se prend pour un Gourou, puisque lui-même et ses paroles sont aussi des illusions ? De tels propos, comme l'absence de libre arbitre très en vogue actuellement, n'ont pas de sens.


Sur un autre plan, voyez par contre ce qu’a produit la morale judéo-chrétienne ou autre de l’humanité des temps modernes. N’oubliez pas aussi que ce type d'entendement des hindous que l'on peut bien sûr considérée comme totalement immorale commence toujours par une spiritualité fondée sur la pratique de Yamas et Niyamas, le code moral et social le plus évident sur toute la planète, qui enseigne comment vivre correctement en respectant les autres et soi-même, et en respectant aussi la nature, le monde peut-être considéré comme illusoire dans un paradigme spirituel, mais aussi bien réel dans le vécu. Et il va sans dire qu'il repose sur la non-violence, Ahimsa, comme l'a suffisamment rabâché Mahatma Gandhi. Que reste-t-il de ce code en Occident ? Et c’est nous qui allons juger que la spiritualité hindoue est immorale sans même savoir ce qu'elle enseigne, que le monde ne peut décemment pas être parfait et en même temps de la même nature qu'un rêve, et que nous ne sommes pas en droit d’incarner le Divin ou une conscience universelle sous prétexte que c’est un privilège accordé seulement à une élite de messies, pour ne pas dire un seul et unique initié, ou fils de Dieu ? Comment Dieu pourrait-il être en fait aussi immoral et insensé ? Quant au paradigme dit scientifique et matérialiste, qui est franchement en train de devenir pseudo scientifique et aussi dogmatique qu'une religion, avec des gens comme Sam Harris ou Richard Dawkins, toute question de moral est exclue puisque nous ne sommes rien de plus selon eux que des robots organiques privés de libre arbitre et sous le pouvoir de gênes égoïstes. Avant une telle définition de l'humain et de la vie, on peut en effet mettre une croix sur la civilisation et toute décence, s'attendre à tout et surtout ne plus rien juger ni chercher à comprendre dans un contexte totalement bestial.


Dans la spiritualité New Age ou Néo Advaïta telle que nous la connaissons aujourd’hui, 99% sont l’histoire et la recherche de pouvoirs... psychiques ou alors très ordinaires liés de près ou de loin à "l'argent, le sexe et la notoriété", c'est-à-dire le pouvoir sous toutes ses formes, y compris celui d'être éveillé, illuminé et libéré pour se distinguer personnellement et s'élever au-dessus d'une foule qui ne le serait pas ; 1% seulement concerne la vérité, la vraie et ultime connaissance que l'on appelle aussi la sagesse. Mais ce que les adeptes de ce genre de spiritualité narcissique ne voient pas, c’est que ce tout petit 1% détermine en vérité le pouvoir suprême, le pouvoir ultime d’incarner la conscience universelle et de vivre en paix. Oui, simplement vivre en paix avec soi et les autres, encore faut-il comprendre ce que peut signifier le mot "paix" en ce qui concerne le Soi et la conscience universelle si l'on veut imaginer un instant ce que représentent vraiment la beauté, l'amour et la perfection de cette sérénité, qui règne à l'intérieur de soi et dans tout l'univers, sauf sur notre planète bien sûr.


Aurions-nous une autre mission dans la vie que vivre avec la conscience en paix et un petit corps, qui mourra tôt ou tard, en respectant le monde où l'on vit ? Rien ne nous empêche d’agir comme nous l’entendons en ayant recours au libre arbitre, mais pourquoi ne pas le faire sans se torturer l’esprit avec des pensées toujours plus ou moins à caractère narcissique, et surtout avec la dignité d'être humain et d'exprimer cette humanité, sans chercher à faire souffrir les autres et soi-même par plaisir ou simplement pour des raisons complètement stupides et égocentriques.


La seule leçon que je tire de cette expérience est comme le disait Ramana Maharshi : "Penser n'est pas notre vraie nature", et j'ajouterais que s'abstenir volontairement de réfléchir sainement et intelligemment ne l'est pas non plus. Il y a en effet autre chose dans la vie que ressasser continuellement les mêmes pensées égocentriques et se prendre pour ce que l'on est pas en se racontant des histoires mirobolantes et scénarios délirants, autrement dit en fantasmant. Il existe une expérience, qui est absolument vraie et dont il est impossible de douter. Elle est plus vraie que tout ce que l'on peut imaginer. Et n'importe qui peut la vivre, il suffit de la chercher paisiblement là où elle se trouve et être sincèrement dévouée à cette recherche. Il suffit à vrai dire de vouloir connaître la vérité parce que l'on sait intuitivement que notre petite connaissance conceptuelle de la vie, de nous-mêmes et de la réalité en général est fausse ou trop limitée pour être authentique. Et si cette expérience ne fait pas exploser tous les plombs comme cela m'est arrivé, mais au contraire, elle est suffisamment sobre et saine pour révéler ne serait-ce que la beauté et perfection d'un brin d'herbe, c'est encore mieux.


Comprenons-nous que notre vie et nos pensées ne sont la plupart du temps qu’un prétexte pour affirmer la personnalité d’un moi et ego ou identité personnelle, qui est en fait plus conceptuelle que réelle ? Est-ce que nous réalisons à quel point nous gâchons notre vie mentale avec des pensées futiles, pour ne pas dire complètement psychotiques, au lieu d’être ce que nous sommes, un corps, une sensibilité fragile et précieuse, une intelligence et surtout une conscience éternelle et infinie. C’est ce que nous ont donné la nature, la création et le Divin ou intelligence universelle. N’est-ce pas un don remarquable que nous détenons pour toute la vie ?


Il y a trop de souffrance dans le monde : pourquoi faudrait-il en ajouter avec nos petits problèmes d’identité personnelle et notre narcissisme ou amour propre, qui, certe, ne sont pas totalement inutiles dans la mesure où ils sont l'expression d'un instinct de survie absolument indispensable pour exister ? Nous disposons d’une faculté divine et parfaitement naturelle, le pouvoir de penser, imaginer et communiquer intelligemment. Qu’est-ce que nous en faisons ? Nous avons le pouvoir suprême d’être conscient. Qu’est-ce que nous en connaissons vraiment ? Est-ce en allant sur Mars ou en connectant tout le monde sur Internet que nous allons réaliser ce que nous sommes et nous libérer de souffrances intérieures parfaitement inutiles ? On peut évidemment s'attendre au contraire, et on le voit déjà très bien de nos jours en Occident. Qui n'est pas pessimiste sur l'avenir, complètement déprimé ou en pleine dépression nerveuse, pour ne pas dire proche d'un suicide conscient ou alors complètement inconscient en s'intoxiquant par tous les moyens et avec n'importe quoi, y compris Internet et des SMS dépourvus de toute signification ?


La culture actuelle nous incite à désirer et en vouloir toujours plus, mais sans aucun espoir sur ce qui arrivera demain. Plus d’argent, plus de pouvoir et plus de notoriété immédiates pour gonfler si l'on peut dire l’ego de plus en plus d'illusions, et bien sûr se retrouver avec encore plus de problèmes personnelles. La vie n’est-elle pas suffisamment compliquée dans le monde d’aujourd’hui ? Au lieu de penser à longueur de journée au passé, au présent et à l'avenir, à ce "moi, moi et moi", réfléchissons sainement à ce que nous voulons vraiment et surtout à ce que nous sommes tous individuellement, des petites créatures conscientes avec un potentiel spirituel inimaginable, créées comme le terme l’indique, avec une vie à vivre sans prétention et pour pas très longtemps. Autrement dit, ce n'est pas la peine de perdre son temps dans des futilités mentales, qui ne rendent ni heureux ni relativement équlibré.


"J’ai des problèmes", mais c’est la plupart du temps pour prétendre que "Moi, moi, moi..., j’existe". "Je veux, je peux, je désire, je souhaite, j’espère, j’aimerais, je, je, je, moi je...", c’est encore s’accorder beaucoup trop d’importance et pour aucune raison intelligente. "Je suis un maître spirituel, un guide et enseignant, un Gourou", oh là là, mais pour qui se prennent-ils ? "Je suis un sage", laissez-moi rire, la vie est tout sauf prétendre être plus sage qu'un autre.


Si la sagesse existe quelque part, elle se révèle en cherchant à être sage, et non en prétendant l'incarner ou l'avoir trouvée. Comment découvrir la vérité si nous ne la cherchons pas au-delà du mental et ses manifestations égocentriques ? Un minimum de folie est bien sûr indispensable pour au moins imaginer qu'une vérité sacrée existe. Mais cette folie divine ne fait pas souffrir ni ne rend dépressif. Et elle ne cherche pas non plus à nuire aux autres et en particulier leur compte en banque sous prétexte de partage et compassion. Elle ouvre au contraire des horizons que l'on découvre en toute humilité avec joie, plaisir et bonheur. "Le mystère de la vie n’est pas un problème à résoudre, mais une réalité à expérimenter" comme le disait Aart van der Leeuw.


En fin de compte, toute cette expérience insensée que je viens de raconter se résume à simplement découvrir la paix intérieure, rien d'autre ! Et fort heureusement, il n'est pas nécessaire de vivre une telle expérience pour la trouver. Il suffit de vivre de façon sensée en parcourant tranquillement une voie spirituelle décente pour en finir avec le narcissisme que tout le monde subit et qui rend la vie infernale pour soi et les autres, sans compter la planète entière et ses ressources. La seule chose qui nous fait réellement souffrir, c'est en fait "le culte du moi". Voilà ce que révèle vraiment cette expérience. Cela peut paraître décevant et même insignifiant quand on entend tous les récits d'éveil spirituel, qui pullulent sur YouTube, mais quand on réalise ce que cela signifie vraiment, même la recherche de félicité ou libération est franchement ridicule, ce n'est rien de plus qu'un ego-trip comme tous les autres.

Une authentique spiritualité décente est sans le moindre doute à réintroduire dans notre culture occidentale complètement décadente et corrompus, pour ne pas dire agonisante, mais la Néo spiritualité narcissique d'aujourd'hui, qui parmie d'autres idioties enseigne les mérites de l'égoïsme, l'avidité et l'hypocrisie – "Je veux mon éveil spirituel, c'est le mien, c'est à moi, je veux bien le partager, mais il faudra payer, vous n'arrivez pas à ma cheville, etc." – personne n'en a besoin. C'est un phénomène culturel très approprié à notre crise de civilisation malade, et non un éveil spirituel. En vérité, la spiritualité n'est pas du tout une recherche d'expériences extraordinaires, non ordinaires ou psychédéliques, qui permettraient de se distinguer du commun des mortels, mais celle de la sagesse.


1 / 12 / 2011


La Non-Dualité et l'absolu


Rien de plus absurde à expliquer, rien de plus divin à expérimenter. Avant de devenir des concepts appartenant à un système philosophique très précis, la Non-Dualité et l'absolu déterminent l'état de l'être en soi et surtout la vraie nature de l'être conscient que nous incarnons. Une telle connaissance est évidemment beaucoup plus que de la philosophie ou métaphysique. Ces concepts sont des phénomènes observables dont on peut faire l'expérience. Il s'agit en fait de ce que nous incarnons en permanence.

Pour vraiment comprendre ce qu'est la Non-Dualité et l'absolu, qui ne s'en diffère pas, il suffit d'observer ce qu'est notre faculté d'être conscient sans aucune autre perception. En d'autres termes, il suffit d'être pleinement ce que l'on est déjà, ce qui n'est pas du tout évident pour 2 raisons.

Premièrement, il est très facile de confondre le fait d'être avec la perception d'une sensation purement physique, celle du corps dans l'espace et celle du silence mental à l'intérieur de soi.

Deuxièmement, la concentration sur le fait d'être purement et seulement conscient fait systématiquement chuter dans un état extatique. Mais cet état extatique est bien sûr un phénomène observable, c'est-à-dire l'objet d'une expérience et non le sujet ou témoin de cet état, la conscience, qui, elle, l'observe. Il faut donc renoncer à toute expérience possible même la plus extatique et divine, ce qui revient à dire que l'expérience de la conscience se situe en fait au-delà de toute expérience ou alors qu'en vérité, ce n'est pas du tout une expérience puisqu'elle est sans objet et que seul le sujet ou témoin de cette recherche de connaissance est présent.

Pour mieux comprendre une telle bizarrerie, disons que la conscience n'a pas besoin de faire l'expérience de ce qu'elle est parce que c'est déjà un fait permanent et incontestable, quelque chose qui est reconnu comme certain et parfaitement bien admis. La conscience est avant tout évidemment consciente d'elle-même, il ne peut pas en être autrement. Et l'idée même que la conscience puisse vivre une expérience n'a aucun sens, elle ne peut en être que le "témoin".

Qui ou quoi cherche donc à faire l'expérience de la conscience ? C'est bien sûr quelque chose, qui doit aussi être conscient d'une certaine manière, mais qui n'est pas cette conscience. Il existe de nombreux mots pour qualifier cette chose et ils sont sans grande importance comparés à l'expérience elle-même de la conscience.

Dans le domaine spirituel, l'expérience est primordiale parce que son intention ultime est de réaliser une vérité au-delà de toute expérience, les explications, définitions et systèmes philosophiques, qui essaient tant bien que mal d'en causer, sont approximatifs, symboliques et narratifs. Il suffit en fait de comprendre que la conscience est l'ultime témoin de toute expérience, et que le réaliser ne peut donc pas être une expérience. Mais alors qu'est-ce que c'est ? Et bien, c'est ce que l'on appelle évidemment une réalisation, que l'on peut actualiser en permanence dans le quotidien.



6 / 12 / 2011


Pour l'amour de Dieu, mais qu'est-ce que c'est que cette expérience spirituelle ?


A quoi ça sert ? Et finalement, est-ce que cela doit servir à quelque chose ? Est-ce qu'elle révèle au moins une vérité sur la vie quotidienne ? La vie est déjà une succession interminable d'expériences, alors en quoi une expérience dite spirituelle pourrait-elle aider à mieux vivre ?

Le concept de "synchronicité" et "coïncidence significative" est très intéressant du fait qu'il est incompréhensible et que l'on pourra par conséquent en discuter aussi longtemps que cela divertira le mental et passionnera l'ego. Mais ce que Jung ne semble pas comprendre, c'est qu'il n'y a que des coïncidences significatives dans la vie et la réalité telle qu'elle est, la réalité quotidienne dont nous faisons l'expérience en permanence. De toute évidence, toute vie est parfaitement synchronisée et significative, ainsi que le fonctionnement de l'univers dans sa totalité, sinon la vie ne pourrait pas se manifester.

En d'autres termes, comment cette réalité dite ordinaire pourrait ne pas être une suite ininterrompue de coïncidences significatives du fait qu'elle se manifeste par un nombre infini d'événements, qui se produisent en même temps et dont nous ne sommes absolument pas conscients ou très rarement ? Et comment ne pourrait-elle pas être significative puisqu'elle éveille continuellement des pensées et même des questions auxquelles on essaie désespérément de trouver une réponse ou solution ? En effet, toute personne sensée, qui se pose des questions sur le sens de sa vie, par exemple, part obligatoirement du principe que sa vie doit avoir une signification sinon pourquoi se poserait-elle la moindre question à ce propos ? Ce qui n'a pas de signification, c'est-à-dire qui est insignifiant, est par définition sans intérêt, valeur et importance, et par conséquent cela n'éveille ni question ni pensée.

L'intellect fonctionne toujours de façon intelligente, logique et évidente, ce qui ne signifie évidemment pas qu'il soit capable de répondre à toutes les questions qu'il se pose, si ce n'est en reconnaissant parfois sa propre ignorance et en l'exprimant par "Je ne sais pas". Mais ce "Je ne sais pas" signifie évidemment que le "moi, je" n'en comprend pas la signification, ce qui détermine encore que cela doit en avoir une. Bref, peu importe comment la pensée, le mental, l'ego et l'intellect s'expriment, ils admettent volontairement ou inconsciemment que tout a une signification, et que la notion de hasard, qui permettrait à des événements de se produire de manière chaotique, n'aurait pas de sens.

A présent qu'en est-il en l'absence de pensée, c'est-à-dire lors d'une expérience spirituelle, qui s'impose par le silence mental ? Peut-on concevoir que la vie a encore un sens ou une signification quand le mental cesse de penser et raisonner comme il a l'habitude le faire continuellement ?

Quand le mental s'arrête, ce qui signifie entre autres que l'on cesse de sauter en permanence du passé dans le futur et vice versa avec des pensées, concepts et abstractions, que resterait-il ? Seulement la perfection du moment présent, la réalité telle qu'elle est, et évidemment que des coïncidences significatives, c'est-à-dire des relations évidentes de cause à effet produisant des événements, qui ont forcément une signification au sein de cette perfection puisque chaque chose en relation avec les autres produisent un ensemble cohérent.

L'être pensant, autrement dit l'ego, peut se poser beaucoup de questions à tout propos, mais l'être en tant que tel avec son intelligence naturelle, qui se passe de toute pensée, ne peut pas concevoir que la perfection qu'il appréhende lors d'une expérience spirituelle puisse être dépourvue de signification. Ce qui est parfait, naturel et évident, c'est-à-dire ce qui est dans l'instant présent, a forcément un sens flagrant. Autrement dit, tout est parfaitement synchronisé et significatif, et en vérité, seul le concept de "coïncidence significative" nie la synchronicité de tout ce qui arrive dans la vie parce qu'il laisse entendre que certains événements ne seraient ni synchronisés ni significatif. Et cela signifierait aussi que la vie se déroule en général n'importe comment sauf lors de coïncidences significatives, ce qui n'est évidemment pas le cas comme tout le monde le constate aisément.

En résumé, le concept de "coïncidence significative" n'a pas de signification sauf en tant que pensée dans un raisonnement, qui ne tient pas compte de l'ensemble de la réalité parce que l'expérience spirituelle montre que tout est parfaitement synchronisé, tout coïncide et tout est significatif du fait que tout est produit grâce à une relation de cause à effet que personne ne peut nier. Il est vrai néanmoins que certains événements et concours de circonstances défient l'entendement. Il n'y aurait pas non plus de perfection sans mystère pour nous autres petits humains, qui ne disposent que d'un petit cerveau pour comprendre certains faits que l'on ne peut pas conceptualiser et rendre rationnel.

Certains événements enseignent plus sans les comprendre que beaucoup d'explications. Et si certains d'entre eux auraient plutôt tendance à se répéter inlassablement, c'est que de toute évidence, on n'a toujours pas compris leur signification. Il semblerait même que la vie essaie d'enseigner quelque chose qu'il est impossible de vraiment comprendre, mais que l'expérience spirituelle puisse révéler sans explication. Alors, est-ce que l'expérience spirituelle et les coïncidences significatives ou insignifiantes servent à quelque chose ? Oui, sans le moindre doute, encore faut-il ne pas les interpréter n'importe comment non plus.

Si l'on remarque parfois d'étranges coïncidences, qui défient la raison, sous-entendu qu'il peut aussi se produire un nombre infini d'autres coïncidences que l'on ne remarque tout simplement pas, ne se manifestent-elles pas pour simplement révéler un ordre cosmique absolument parfait, certes, au-delà de l'entendement, mais que l'on peut néanmoins appréhender et réaliser, autrement dit en faire l'expérience en permanence ?



10 / 12 / 2011


La nature des choses


Faire l'expérience du Soi, c'est-à-dire de la conscience pure dite universelle, ou du simple fait d'être conscient, n'est rien de plus que réaliser ce qu'est la vraie nature de l'être que l'on incarne, et certains diront de l'âme que l'on incarne. Du fait que l'on est tous des êtres conscients et qu'aucune preuve n'est nécessaire pour le réaliser, il est évident que la vraie nature de l'être que l'on incarne est par conséquent cette conscience. C'est pour ainsi dire un truisme plutôt stupide, mais dont on ne comprend pas toujours la signification ni les véritables conséquences.

On ne voit pas l'espace, on regarde ce qui se trouve dans l'espace. On ne voit pas la lumière, on regarde ce qui est illuminé. On ignore la présence de la conscience, on apprécie seulement le fait d'être conscient d'une multitude de perceptions. Dommage de ne pas voir ce qui se trouve à l'intérieur de soi ! Espace, lumière et conscience.


13 / 12 / 2011


L'expérience du Soi, c'est "être"


Rien de plus, rien de moins non plus, alors à quoi bon en discuter ? Tout le monde sait ce que signifie "être". On sait en effet ce que cela signifie, mais on ignore aussi ce que c'est. On n'a en vérité aucune idée de ce que cela signifie, et pour cause, "être" n'a pas de rapport avec une pensée, une idée ou une perception. Cela ne peut être qu'une expérience directe ou une réalisation.

La présence de l'être en soi, qu'est-ce que c'est ? Pour la connaître, il faut obligatoirement faire l'expérience de la vraie nature de l'être que l'on incarne, c'est-à-dire se trouver dans l'état le plus naturel qui soit, "Sahaja Samadhi" en Sanskrit.

Est-ce que les manifestations du corps et du mental déterminent cet état ? Est-ce que je suis, c'est-à-dire j'existe, parce que je pense et peux agir ? Est-ce que l'être cesse d'exister en l'absence de pensée et action ? La réponse est évidente.

Comme le disent les Hindous, "Réaliser le Soi, c'est être le Soi", et par conséquent ne plus être le corps et le mental. Mais que peut signifier ne plus du tout être concerné par la personne que l'on incarne ordinairement ?

Pour le savoir, il suffit d'en faire l'expérience. Est-ce une expérience transcendantale ? Non, c'est l'expérience la plus évidente que l'on puisse vivre, mais que l'on ignore pourtant, non pas parce que l'on ne la vit pas déjà, mais uniquement parce qu'elle est trop simple, naturelle et évidente.

En fait, il n'y a rien de plus simple que de réaliser le Soi, mais pour vraiment le réaliser, il faut arriver à un degré de simplicité, qui peut sembler humainement impossible à atteindre.



17 / 12 / 2011


Non-Dualité ordinaire


_ Est-ce que la Non-Dualité est une expérience religieuse ? Une expérience mystique ? Une expérience transcendantale et non-ordinaire ?

_ C'est beaucoup plus simple que ça. L'absence de "Moi, je" ou manifestation mentale pour se différencier de l'objet d'une expérience révèle ce qu'est la Non-Dualité. Peu importe l'expérience, la plus ordinaire sera absolument parfaite pour réaliser ce qu'elle est. En vérité, la Non-Dualité est l'unique expérience qu'il est impossible de ne pas vivre en permanence. En effet, si l'on tient compte que la vie est une suite ininterrompue d'expériences, comment pourrait-on séparer l'objet d'une expérience de la conscience, qui en est le témoin ? C'est impossible.


Je me souviens de moi-même


Comment pourrait-on sincèrement l'oublier ? Le passé n'est pas une illusion ni autre chose que la manifestation du vécu. "Moi-même" ne signifie en fait rien d'autre que vécu. Mais est-il possible de faire une expérience "impersonnelle", c'est-à-dire sans "Moi, je", qui serait pourtant vécue ? A vrai dire, toute expérience est bien sûr vécue, mais aussi impersonnelle tant que le moi ne se l'attribue pas.

Il y a pour ainsi dire autant de différence entre vécu et "Moi, je" qu'entre vivre et "Moi, je ne suis pas content". Et pour cause, le vécu est forcément frustrant tout simplement parce qu'il appartient au passé, il ne pourra jamais être revécu. Autrement dit, "être moi-même", c'est tout ce que l'on peut imaginer sauf être heureux et en paix. Et "ne plus être ou n'être rien" sera forcément encore pire. Alors que faut-il être pour tout simplement être ? Et bien si la réponse n'est pas évidente, ce n'est même pas la peine de la chercher.



5 / 1 / 2012


Avec les autres, c'est trop facile


Si vous aimez les expériences, ne vous contentez pas d'être l'expérimentateur, soyez aussi le cobaye. Non seulement vous serez le premier à en connaître les résultats, mais aussi le premier à en subir les conséquences et savoir si votre expérience est ratée ou réussie.

Simplement en guise d'aparté pour la défense des animaux, y compris bien sûr les animaux humains dans leurs rapports avec les autres et eux-mêmes. Qui n'entretient pas une relation privilégiée avec soi ? On peut appeler ça du narcissisme ou amour-propre, mais à un moindre degré, ce n'est rien de plus que la vie intérieure. Et bien sûr, toute vie intérieure ou autre est vécue, c'est-à-dire qu'on en fait l'expérience en permanence en étant l'expérimentateur et le cobaye. Peut-on alors parler de justice immanente et Karma instantané ?

Faire du mal à l'autre, c'est en fait toujours se faire du mal en premier. Et en poursuivant ce genre de raisonnement, on en arrivera donc à la conclusion que l'égoïsme, qui est censé rendre heureux, est le nec plus ultra du masochisme, qui lui ne rend jamais heureux, bien sûr.


12 / 1 / 2012


Expérience psychotique


Un psy ne manquera pas de considérer que l’expérience de la conscience pure dite universelle et de l'être en soi dans toute sa pureté, l'expérience mystique et la réalisation d'une sorte d'au-delà, ne sont rien d'autres que des crises psychotiques aiguës. Et il aura bien sûr une montagne d’arguments pour le prouver et même s'en convaincre personnellement pour rester relativement sain et équilibré. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que tout le monde aimerait avoir cette psychose, lui le premier.


Expérience vécue


La vie est une succession d'expériences, qui n’arrêtent pas d’enseigner jusqu’à la fin, et peut-être plus que jamais vers la fin ou au moment même où l'on va mourir. On pourrait presque dire que vivre, expérimenter et apprendre sont en vérité synonymes.

Et une des expériences les plus enrichissantes que l'on puisse vivre est bien sûr de mourir... à soi-même tout en demeurant vivant. Mais qu'est-ce qu'une telle expérience enseigne ? C'est impossible de le dire vraiment. C'est sans aucun doute une expérience marquante, une source d'inspiration et le sujet de longues méditations.

Un enseignement spirituel imposé par la vie elle-même peut autant répondre à des questions qu'en poser. On peut appeler cela sans se tromper "évolution naturelle" : se laisser emporter par un ordre cosmique sublime, qui ne cesse d'enseigner. Mais qui enseigne quoi au juste ? C'est à chacun de le savoir.

A chaque instant, nous sommes l'incarnation d'un Karma absolument unique au monde et depuis tous les temps. En y introduisant volontairement et en connaissance de cause et d'effet, on peut en changer le cours n'importe où et n'importe quand.


Vide ou plein


La plénitude est une sorte de vide où rien pourtant ne manque, non pas parce qu'il n'y a rien, mais justement parce que tout ce dont on a besoin est présent.

Pas la moindre trace de désirs et de manques, c'est ce que l'on pourrait appeler une paix divine et entière satisfaction. On pourrait même dire qu'en fait, le mental s'arrête puisqu'il n'exprime plus aucune frustration. N'est-ce pas ce que l'on fait en pratiquant la méditation !

Il n'y a rien de plus vide et fastidieux pour le moi et le mental que de méditer, et ils ne découvriront pas non plus l'extase de la plénitude en s'abstenant de méditer. Paradoxe ou simple évidence ? Une expérience intéressante, pour sûr !


Il y a des expériences et des expériences


Toute expérience a de nombreuses et sérieuses conséquences. Aussi mieux vaut chercher de bonnes expériences quand c’est possible. C'est ce que propose la vie spirituelle en général, sous-entendu la recherche du sacré et non celle d'un pouvoir. Et ce sera encore et toujours à chacun de différencier une bonne expérience d'une mauvaise, ce qui vaut la peine d'être cherché et ce qui est en fin de compte sans importance.

Oui, mais comment le savoir avant de l'avoir vécue ? Des concepts comme "la santé, le juste milieu et l'équilibre à l'intérieur de soi" peuvent aider parce que tout le monde sait ce que signifie tomber malade, la disharmonie de la vie mentale et affective, la souffrance et l'insatisfaction. Ce sont des repères dans la vie spirituelle ou même quotidienne, qui ne mentent jamais.

Quand on cherche quelque chose que l'on ne connaît pas, on a forcément besoin de se référer à quelque chose de bien réel pour s'orienter. C'est le propos de toute voie spirituelle comme le Dharma : "demeurer juste et correct dans tout." Et bien sûr l'ego demandera, comme s'il ne le savait pas, ce que signifient vraiment "juste et correct" dans telle ou telle situation. Qu'il se réfère alors à la signification de "santé, milieu et équilibre ou tout simplement paix intérieure" pour le savoir parce que ce genre de questionnement sera sans fin et surtout infantile, et pire encore, il empêchera la recherche de ce qui est juste et correct de s'effectuer. On peut facilement d'ailleurs se rendre compte, même dans nos propres pensées, que quand ce genre de questionnement sans fin commence, c'est simplement parce que l'on ne désire surtout pas en vérité savoir ce que juste et correct pourraient signifier.

On ne peut pas empêcher l'hypocrisie de la vie mentale de se manifester quand on cherche la vérité, mais on peut très facilement la remarquer à l'instant même où l'on cherche réellement la vérité. Il est très facile de comprendre ce fonctionnement mental, comment pourrait-on chercher la vérité en étant faux soi-même, en se mentant, en s'illusionnant, en se racontant des histoires, en étant tout sauf honnête avec soi ?



2 / 11 / 2012


Des illusions souvent plus réelles que la réalité elle-même


Si l'état de pleine conscience, Sahaja Samadhi, détermine l'état naturel de l'être que nous incarnons vraiment, pourquoi est-ce si difficile d’en faire l’expérience et ainsi le connaître, ou dans le meilleur des cas, réaliser le Soi et être enfin libéré pour toujours de l'ignorance, qui empêchait d'en prendre connaissance ? Et comment peut-on vraiment le considérer naturel si la quasi-totalité de l’humanité ignore cet état de l'être en soi, rien de plus que l'état de l'être conscient que tout le monde incarne obligatoirement ?

De telles questions sont sensées, mais elles partent du principe que nous ignorons cet état, ce qui n'est évidemment pas faux dans la mesure où nous cherchons à réaliser ce qu'il est, mais ce qui n'est pas vrai non plus à moins d'ignorer des faits beaucoup trop évident pour être nier. Pouvons-nous, par exemple, ne pas savoir et même réaliser en permanence que nous sommes pleinement conscient durant l'état de veille ? Oui, dans la mesure où nous portons notre attention sur autre chose, l'objet d'une perception ou d'une pensée la plupart du temps, et non si nous tenons compte que nous ne pouvons pas porter notre attention sur quoi que ce soit sans en être évidemment conscient.

Personne à vrai dire ignore réellement cet état naturel de l'être en soi et de la conscience parce que personne ne peut s'empêcher d'être, c'est-à-dire exister et en être pleinement conscient à tout instant. Seuls le mental et l'ego peuvent vivre dans un monde d'illusions et ignorer la présence de l'être et de la conscience. Et pour en sortir, ils ne peuvent que s'anéantir ne serait-ce qu'un instant, ce qui est fondamentalement contre la nature même de tous nos désirs personnels et non spirituels. En fait, ignorance et illusion sont identiques, il va de soi en effet qu'en s'illusionnant, on ignore instantanément ce qui est réel.

Nous n'ignorons pas l'état naturel de l'être que nous incarnons parce que nous ne le connaissons pas, mais uniquement parce que cela ne nous intéresse pas de le découvrir pour réaliser ce que c'est vraiment. Et pour ce faire, il suffit bien sûr de s'intéresser à ce qui est parfaitement évident, ce qui supposera néanmoins une succession de petits efforts, qui deviendront vite astreignants. C'est en fait tout le propos de toute vie spirituelle.

Bref, on ne réalise pas le Soi et on ne peut pas non plus faire l'expérience de la conscience sans se soumettre à une discipline spirituelle même si c'est le mental et l'ego qui fournissent un effort pour s'anéantir ne serait-ce qu'un moment. De toute manière, qui d'autre que le mental et l'ego voudraient faire l'expérience de l'être et de la conscience ? Sûrement pas l'être et la conscience eux-mêmes puisqu'ils ne peuvent pas ignorer ce qu'ils sont.

Etre et conscience ne font qu'un. La conscience illumine l'être en permanence, ce qui signifie simplement que l'être que nous incarnons ne peut jamais ignorer son état naturel, celui d'être pleinement conscient. Avons-nous donc besoin d'une expérience pour le réaliser ? Oui pour certains parce qu'ils sont comme Saint Thomas, et non pour d'autres parce que l'absurdité de la question leur révélera au moins intellectuellement la vérité, ce qui arrêtera instantanément le mental.


11 / 2 / 2013


Vrai et faux


Le concept d’illumination et libération n’est pas une illusion. Par contre, l’idée "Moi, je suis illuminé et libéré" est la pire de toutes les illusions.

Sincèrement, comment une idée, c'est-à-dire une pensée, pourrait-elle être plus illuminée et libérée qu'une autre ? La question semble complètement stupide, mais elle révèle tout le problème d'une recherche spirituelle, qui ne va pas au-delà de méditations intellectuelles et discussions, autrement dit au-delà du mental.

Sincèrement, comment le "Moi, je", l'ego, une identité personnelle, rien de plus qu'un concept, une sorte d'entité purement intellectuelle et même linguistique si l'on veut l'entendre ainsi, pourraient être illuminés et libérés ? Mais libérés de quoi, et pour en faire quoi ?



21 / 3 / 2013


Mouna, le silence absolu


Le silence de la conscience est l'expérience d'un état d’esprit et espace spirituel, qui généralement contient toutes les perceptions possibles, y compris bien sûr les plus bruyantes. Vaste, silencieux et paisible, c'est l'expérience d'une absence totale d'expérience ordinaire.

En effet, on ne peut pas dire que la conscience puisse vivre une expérience, mais qu'elle en est parfaitement consciente, ce qui, par définition, lui suffira amplement. Elle ne peut autrement dit qu'en être le seul et unique "témoin". Par contre, le mental et l'ego peuvent faire et vivre des expériences, eux seuls en sont réellement capables. Et en l'absence d'expérience bien sûr, ils s'anéantissent instantanément. C'est ce qui se passe à chaque fois que l'attention se porte sur le fait d'être conscient et rien d'autre. Est-ce encore une expérience extatique, mystique ou non-ordinaire ? C'est sans aucun doute quelque chose de très étrange, qui ne correspond plus à ce que l'on connaît de soi, c'est-à-dire du moi et du mental, du fait que leurs manifestations sont absentes.

La question n'est donc pas de savoir si l'expérience d'une absence totale d'expérience est encore une expérience ou non. Dans une recherche purement expérimentale et vraiment spirituelle, il n'y a en fait aucune question. Il suffit de porter son attention sur la faculté d'être conscient, voir et observer pour connaître. C'est tout ce qui est nécessaire pour réaliser la vérité au moins pendant un instant.



15 / 4 / 2013


La plénitude du "ici et maintenant"


Le mot "plénitude" signifie abondance, état de ce qui est plein et complet, ample et épanoui, à son plus haut degré de développement, dans toute sa force, son intensité et intégralité.

Quand il s'agit de "plénitude intérieure", on peut facilement imaginer ce que c'est parce que ce n'est évidemment pas un état d'esprit totalement inconnu. Ce n'est rien de plus qu'un état de conscience très paisible et silencieux, sans désir et sans stress que tout le monde a au moins vécu à plusieurs reprises dans le passé.

C’est en fait l’expérience fondamentale de la conscience elle-même. Et cette expérience d’être simplement et pleinement conscient est bien sûr disponible à tout instant, il suffit d’en prendre conscience ici et maintenant, n'importe où et n'importe quand.

Plus on est conscient de ces sortes de petites illuminations instantanées, plus elles se produisent involontairement. Et cela peut très vite devenir l'expérience d'un état d'esprit tout à fait naturel. Mais est-ce que cet état sans désir et aspiration particulière détermine la fin d'une recherche spirituelle ?

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, on ne progresse pas sur une voie spirituelle sans faire l'expérience d'une multitude d'états de conscience dont aucun d'entre eux détermine en vérité ce qu'est la conscience elle-même, le véritable témoin de tous ces états dit de conscience.

Conscience et état de conscience ne sont pas identiques, expérience et réalisation non plus. Peut-on donc faire l'expérience de la conscience telle qu'elle est vraiment ? Oui et non ! L'expérience ne peut que révéler ce qu'est la conscience, c'est-à-dire le Soi ou ce que l'on appelle le témoin, mais elle ne permet pas de l'intégrer en soi, c'est-à-dire dans le fonctionnement intrinsèque du mental.

Expérience et intégration ou réalisation appartiennent à des domaines différents. On peut faire et vivre une expérience, mais on ne peut pas intégrer une expérience. L'intégration d'une expérience proprement dite n'a aucun sens. On peut à la rigueur réaliser la signification d'une expérience, son pourquoi, comment et ses conséquences, admettre très facilement que toute expérience laisse une empreinte à l'intérieur de soi, mais dans le domaine spirituel, réaliser ou intégrer l'expérience du Soi ou de la conscience pure dite universelle est entièrement faux ou une nouvelle illusion.

On réalise le Soi ou on ne le réalise pas du tout. Et il semblerait que ceux qui le réalisent sont extrêmement rares ou alors si humbles que l'on ne les remarque pas. Tout ceci pour simplement dire qu'il ne faut pas confondre expérience spirituelle et réalisation comme on le fait si souvent aujourd'hui. Ce n'est sûrement pas en essayant de se persuader que l'on est libéré après une expérience dite spirituelle ou un soi-disant éveil qu'on le devient. C'est en fait exactement le contraire pour des raisons plus qu'évidentes. Ne serait-ce que la pensée "Je suis libéré, éveillé, etc." ne peut être qu'un mensonge.

A aucun moment la conscience, le mental, l'ego, le moi, le corps, l'énergie vitale ou nos émotions ne peuvent être ou même auraient besoin d'être autre chose ou autrement que ce qu'ils sont, cela n'aurait pas de sens. Que ce soit le mental, le moi ou l'index d'une main, ils ont évidemment une fonction "vitale" pour tout simplement vivre "normalement". De quoi auraient-ils besoin de se libérer ?



12 / 5 / 2013


Limite de l'entendement


L’extrême ne se découvre pas dans des exploits physiques, mais juste derrière chacune de nos pensées…, n’importe laquelle à vrai dire. Et d'autre part, une expérience spirituelle authentique est toujours d'une certaine manière une excessive histoire d’amour avec la conscience, qui, elle, ne la vit pas.

L'ego peut vivre une expérience et l'adorer jusqu'à s'en rendre malade et perdre sa santé mentale, mais la conscience se contente de l'observer. Aucune expérience ne peut libérer l'ego de ce qu'il est vraiment, une nécessité purement vitale, qui ne peut s'empêcher de se passionner en vivant des expériences. Fort heureusement d'ailleurs, sinon on en mourrait instantanément. Si l'ego arrivait à se libérer de ce qu'il est et ce qui le conditionne, cela reviendrait à dire que tout le mental se serait détruit. En d'autres termes, ce serait une mort cérébrale.

L'amour divin, au contraire, ne tue pas, il est identique à la présence de la conscience et totalement dépourvu de passion et émotion. C'est à l'ego d'en prendre conscience.



11 / 7 / 2013


Expérience


"Qui vivra... verra", fin de l'histoire !


Pas de dualité, pas de différence


"Avant l’illumination, couper du bois et transporter de l’eau. Après l’illumination, couper du bois et transporter de l’eau."

Quelle différence ? Il n’y a pas de différence. C’est précisément ça la vraie différence entre avant et après. Celui qui pense être différent après une illumination ou expérience spirituelle n'a rien compris à l'anecdote, et encore moins à la non-dualité.

Pendant l'illumination, il se passe incontestablement quelque chose de différent. Après, on est enfin libérer de toute différence. Et il va de soi que dans le domaine de la spiritualité, le mot différence signifie souvent prétention, ignorance et de plus grandes illusions.

Etre et faire


Je suis ce que je fais au moment où je le fais. Et je ne peux le faire uniquement parce que j’en suis conscient. Est-ce que cela signifie qu'être et faire sont identiques ? Oui quand je le fais, et non quand j'en suis conscient.

Le moi peut s'identifier à ce qu'il fait, la conscience ne peut pas en faire autant. Par définition, la conscience ne fait jamais rien, et il est facile d'en faire l'expérience. Il suffit de réaliser que la faculté d'être conscient est toujours passive, ce qui ne signifie pas inactive. Elle observe sans réaction, ce qui signifie qu'elle peut agir librement... en prenant une décision.

Si ceci est compris, on peut facilement réaliser la différence entre action et réaction, puis faire l'expérience d'agir sans agir, ce que les Chinois appelle Wu Wei. De tels concepts sont très étranges, voire complètement absurdes, mais il suffit de pratiquer le Dharma ou une méthode de méditation en action comme Mindfulness, par exemple, pour en faire l'expérience en quelques secondes.

Philosopher est une chose, pratiquer et en faire l'expérience est autre chose de beaucoup plus passionnant. Toute expérience spirituelle enseigne en fait à sortir du mental sans le quitter.

Quand j'agis, je me situe obligatoirement dans le mental, mais quand j'agis sans agir, je ne suis plus dans le mental, ce qui ne m'empêche pas non plus d'agir. Encore et toujours le libre arbitre !

On a tort d'imaginer qu'une authentique expérience spirituelle est toujours plus ou moins hors d'atteinte alors qu'il est absolument impossible de ne pas la vivre à chaque instant. De là à dire que la vie entière est une expérience spirituelle que l'on ne vit pas pour de multiples raisons, en particulier des raisons liées à un narcissisme oppressant, il n'y a qu'un pas. "Moi, je ne m'intéresse qu'à moi" est de toute évidence à l'extrême opposé de toute expérience spirituelle digne de ce nom, et même de toute recherche du sacré. Et pourtant, on ne peut pas s'empêcher de commencer par soi. Alors que peut-on vraiment faire si l'on aspire à une sincère recherche du sacré ? Comme le disait Bouddha, rester correct et trouver un juste milieu entre soi et les autres devraient amplement suffire.


8 / 8 / 2013


Tat Vam Asi, cela tu es, tu es ça


Ne faire qu’un avec la conscience, c’est être conscient de la personne que l'on pensait être, et par conséquent, ne plus être la personne qui s’imaginait elle-même être consciente. Si l'on devient donc cette conscience pure dite universelle, qui va pouvoir en causer et avec qui ?

Tat signifie "ça", c'est-à-dire le Soi, pur être, pure conscience et pure félicité, le Divin, l’absolu et la non-dualité. Comment cette non-dualité pourrait-elle par conséquent parler. Et avec qui ou quoi pourrait-elle communiquer si, par définition, il n'y a pas de dualité, un autre ou autre chose pour s'en différencier ? Cela n'a absolument aucun sens.

Le concept de non-dualité exclue la notion qu'il puisse y avoir un decond, un autre, autrement dit autre chose, il exclue toute notion de "relation" d'une chose avec une autre. L'expérience de "Dieu m'a parlé" est donc complètement insensée. Si Dieu est la totalité et l'absolu, c'est-à-dire la non-dualité, avec qui pourrait-il s'entretenir ?

Ceux qui pensent que Dieu leur a parlé imaginent peut-être que Dieu est gâteux, ou alors ils font vraiment l'expérience d'un esprit, qui, lui, se fait passer pour Dieu. On pourrait alors se poser quelques questions sur la réelle nature de cet esprit et pourquoi il se fait passer pour Dieu. Mais on constate aussi qu'en vérité, ce sont plutôt les mystiques eux-mêmes, qui prétendent que c'est Dieu qui leur a parlé alors que cet esprit n'a jamais dévoilé son identité.

Dans aucun récit d'expérience mystique, il est dit : "Je suis Dieu et je vais te parler." Pourquoi pas ? La moindre des choses serait de se présenter, surtout quand on est Dieu. C'est en fait toujours le mystique, qui l'interprète ainsi, pour ne pas dire qui projette cette pensée ou désir sur sa propre expérience, une expérience divine où Dieu en fait absent.

Quoi qu'il en soit, revenons à des questions beaucoup plus sensées et évidentes : est-ce que la conscience individuelle ou universelle pourrait parler ? Autrement dit, est-ce que la faculté d'être conscient et dont la fonction est évidemment d'observer et connaître celui qui parle et ce qui est dit pourrait soudainement se mettre à causer en son propre nom ? Cette question n'a aucun sens. Que ce soit la conscience dite individuelle ou universelle, le Divin, l’absolu ou la non-dualité, cela ne parle pas puisque c'est le témoin de celui parle et de ce qui est dit.

On n'effectue pas une recherche de la vérité pour se mettre à halluciner, mais au moins pour réaliser ce qui est parfaitement clair et évident, et en plus très simple à comprendre.

Personne ne confond ses yeux avec qu'ils voient ou tous ses autres sens de perceptions avec ce qu'ils perçoivent. Pourquoi en serait-il alors différent avec la faculté d'être conscient ? Cesser de confondre, c'est-à-dire de s'illusionner, est une expérience purement spirituelle disponible à tout instant. Il suffit de réaliser que la fonction de la conscience est d'être bien sûr consciente, et celle du mental est entre autres de penser.



30 / 8 / 2013


Espace infini


Il faut être extrêmement petit pour faire l’expérience d’un espace infini. Si petit qu’à la fin…, "la fin justifie les moyens".

Neti Neti, "Je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela", la négation ou abnégation de soi, n’est pas une fin en soi, mais un moyen auquel il faut tôt ou tard renoncer. Aucune expérience spirituelle ne peut nier les conditions primordiales à toute expérience, qui sont bien sûr le corps et le mental ou ego, c’est-à-dire la personne que l’on est et qui, elle seule, est capable de vivre une expérience.

Une vérité, sans en faire l'expérience, n'est que de la poésie ou une pensée. Si une expérience spirituelle permet à celui qui la vit d'imaginer qu'il n'est plus un être humain, elle est tout simplement insensée. Le Mantra "Je suis le Divin", Aham Brahmasmi, ne signifie pas que le moi et sa conscience individuelle cessent d'être humains. "Je suis le Divin" est un Mantra ou vérité sacrée, c'est-à-dire une vérité impersonnelle, ce qui signifie que cette parole ne concerne absolument personne.

Celui qui fait l'expérience de "Je suis le Divin", doit comprendre que ce n'est pas une expérience que l'on peut s'attribuer personnellement. L'expérience peut être authentique, mais si elle devient personnelle à après l'avoir vécue, ce n'est rien de moins qu'une psychose, de la folie qui démontre que la personne n'a en fait rien compris à son expérience.



3 / 10 / 2013


Aucune illumination ne paiera les factures


Pour en finir une fois pour toutes avec le délire actuel concernant le supposé "éveil spirituel", qui libère instantanément de tout et surtout de rien, il suffit de savoir qu'aucune expérience non ordinaire ne prend en charge la vie quotidienne.

Quelle que soit l’expérience spirituelle, il y a une expérience qui ne s’arrêtera pas aussi longtemps que nous sommes en vie, celle qui fait de nous des êtres humains, et non des entités surnaturelles ou divines dans une autre dimension.

C’est pourquoi la vie est d’une certaine manière l’expérience la plus spirituelle que nous puissions vivre, le grand maître, parce que, peu importe ce que nous essayons de réaliser dans notre recherche de la vérité suprême, nous n’irons jamais au-delà de nos besoins vitaux, des besoins aussi basiques que boire, manger et dormir.

Il faut choisir et avant tout arrêter de délirer, nous avons le choix entre spiritualiser notre vie entière avec tout ce qu'elle contient ou alors se contenter d'expériences hallucinantes, qui seront toujours décevantes et frustrantes parce que, par définition, toute expérience ne dure jamais longtemps, fort heureusement d'ailleurs en ce qui concerne celle de la souffrance.

Alors finalement, qu'est-ce que c'est vraiment l'illumination, ce soi-disant éveil spirituel ? Un spectacle époustouflant ou simplement parcourir une noble voie spirituelle au quotidien ?

L'un n'empêche pas l'autre de toute façon !


Lux Omnia Vincit


"La lumière triomphe toujours"

La preuve que n’importe qui peut le faire, c’est que je l’ai fait. La preuve que je peux le faire, c’est que quelqu’un l’a déjà fait.

Dans une recherche spirituelle, il n'y a pas de surdoué. Il n'y a que désir et volonté. Et ce désir, cette volonté et par conséquent libre arbitre sont eux-mêmes des expériences absolument extraordinaires que l'on peut vivre n'importe où et n'importe quand à condition bien sûr de le désirer et le vouloir au lieu de se laisser emporter par le cours des événements, c'est-à-dire le fonctionnement ordinaire du mental.

La vie spirituelle ne va pas à l'encontre du mental ou de l'ego, elle les transforme instantanément. Elle ne change pas leurs fonctionnements et conditionnements fort heureusement, elle leur offre simplement l'opportunité de se manifester dans une autre dimension, plus noble et sublime pourrait-on dire. C'est là où se situe réellement l'éveil spirituel, et il va de soi qu'il n'est jamais acquis.

Pour qu'un éveil spirituel soit permanent, il suffit en fait de parcourir la voie spirituelle que l'on s'est fixé et ne jamais en sortir, ce qui est humainement impossible. La vie ne pourrait pas devenir spirituelle si parfois elle ne l'était pas. Aucune frustration en cela, on ne peut pas mieux apprendre qu'en faisant des erreurs.



8 / 10 / 2013


Encens pour les dieux


Si le but suprême de la vie spirituelle était de vivre des expériences non ordinaires ou de conscience modifiée en permanence, les boutiques d’hallucinogènes seraient les seuls lieux sacrés où l’on viendrait prier. Et pourquoi pas non plus transformer tous les temples, églises et cathédrales en supermarchés ? On pourrait enfin parler d'une authentique spiritualisation de la civilisation occidentale... ou plus justement à l'occidental.



24 / 10 / 2013


Extraits d'un interview de David Godman par Rick Archer disponible (en anglais) à

http://www.youtube.com/watch?v=0xayU4f5--I


RA - "Il y a un vieux proverbe Tibétain qui dit : "Ne confondez pas compréhension et réalisation, réalisation et libération." Cela implique donc qu’il y a différents degrés de réalisation et niveaux d’illumination."

DG - "Non, il y a des niveaux d’état d’esprit ; il y a des niveaux différents d’expériences, mais pas de degrés de libération. Tous les êtres libérés se trouvent dans le même état. N’importe qui d’autre se trouve dans un état d’esprit."

Il serait en fait plus juste de dire qu'il ne faut pas confondre compréhension et expérience, expérience et libération, la réalisation du Soi et la libération spirituelle étant identiques.

Quant à dire que tout être libéré se trouve dans le même état, Sahaja Samadhi, c'est évident puisque cet état est impersonnel. Le fait d'être conscient est bien sûr le même pour tout le monde. Tout être humain est bien sûr aussi un être conscient, mais un être qui ignore la vraie nature de sa conscience contrairement à un être libéré, qui lui la connaît parfaitement bien en permanence.

Il n'y a à vrai dire aucune différence entre un être libéré et un autre qui ne le serait pas, si ce n'est que le premier vit dans un état où la présence de la conscience est une évidence et une expérience permanente, et que le deuxième l'ignore totalement.


10 / 25 / 2013


Lux mentis scientia


"La connaissance est la lumière de l’esprit"

La connaissance sacrée n'est rien de plus que le pouvoir d'appréhender la réalité telle qu'elle est, claire comme de l’eau de roche, et la recevoir comme une douche spirituelle, mais à l'intérieur de soi. Il est inutile de chercher à comprendre, il suffit d'arrêter de penser et voir par soi-même, contempler, admirer, s'extasier, se laisser pénétrer de félicité par tous les pores physiques, mentaux et affectifs, et surtout cesser de chercher des expériences non ordinaires.

La plus sublime expérience spirituelle est de découvrir la réalité telle qu'elle est en toute simplicité. Toutes les expériences non ordinaires avant d'être comprises et assimilées rendent narcissique, déséquilibré et complètement malade. Il est facile de s'en rendre compte aujourd'hui, tous ceux qui vivent de telles expériences se prennent maintenant pour des illuminés, gourous et guides spirituelles dont les propos sont complètement incohérents.

Mais pourquoi donc une expérience spirituelle devrait rendre différent du commun des mortels, permettre de devenir un être exceptionnel, alors que cela devrait exactement le contraire si l'on a un tant soit peu une vision humanitaire d'une sorte d'union spirituelle ? Est-ce si difficile à comprendre ? D'un côté, ces Néo gourous ne cessent d'enseigner que l'on est tous Un, tous connectés, que tout est une seule et unique énergie et rien n'est séparé, il n'y a pas de dualité ni de différence entre quoi que ce soit, et blablabla, et d'un autre côté, il se différencie de tout et tout le monde en prétendant "Moi, je suis éveillé et vous..., vous le n'êtes pas". Cela n'a aucun sens, ce ne sont que des prétentions stupides, du narcissisme et une psychose que l'on ne peut sûrement pas considérer comme un éveil spirituel. Si une authentique libération spirituelle devait avoir lieu dans la vie intérieure d'une personne, elle devrait au moins la rendre saine, décente et un petit peu sage au lieu de lui faire prendre des vessies pour des lanternes sacrées et son superego pour une illumination. Que l'ego se libère de lui-même et ses souffrances personnelles en se glorifiant sous forme de superego spirituelle ou surmoi psychotique, ce n'est évidemment pas une libération ou réalisation du Soi.


19 / 12 / 2013


Vivre sa propre expérience


La pensée prouvera toujours que l'on a raison et très souvent aussi que les autres ont tort. Et après ? La recherche de la vérité suprême ne propose pas d’avoir tort ou raison, c’est seulement une recherche, qui démontre évidemment que l'on ne sait pas, que l'on ne comprend pas et que l'on n'a pas encore réalisé ce qu'est cette vérité.

Quant au Gourou qui est censé savoir et connaître, il a surtout compris la différence entre la connaissance conceptuelle et celle fondée sur l’expérience ou la réalisation du Soi.

Une telle connaissance est dans certains cas transmissible de Gourou à disciples dans la mesure où le disciple est un réceptacle apte à l'assimiler. Dans le cas contraire, le Gourou ne peut rien transmettre. On ne peut même pas dire qu'il est vraiment un Gourou pour son disciple du fait qu'il ne transmet pas cette dite lumière de la connaissance.

Le mot Gourou signifie "capable de dissiper l'obscurité", l'obscurité signifiant l'ignorance, et la lumière ou illumination qu'il transmet étant la connaissance. Il n'est pas forcément un enseignant comme on le conçoit ordinairement, et il se peut même qu'il n'est absolument aucune connaissance conceptuelle, cosmogonie, enseignement spirituel, voie, explication, conseil et méthode à transmettre, ce qui provoquera inévitablement de sérieux problèmes à son disciple, qui lui va devoir au moins comprendre, relativiser et assimiler ce qui lui arrive s'il ne souhaite pas devenir complètement fou, ce qui sera d'ailleurs le cadet des soucis de son Gourou. A vrai dire, le Gourou transmet le sacré à tout le monde, à tous ceux qui veulent ou peuvent le recevoir. Il ne fait pas commerce de privilèges accordés à certains et non à d'autres. C'est en fait le disciple qui projette la notion de sacré et Gourous sur la personne qu'il admire. Lui-même n'utilise des concepts et vocabulaire pour communiquer verbalement et non pour s'en glorifier dans sa vie intérieure.

L'expérience du sacré n'est pas toujours ce que l'on peut croire, on pourrait même dire que cela ne l'est jamais. Même une toute petite expérience spirituelle apparemment sans grande importance est complètement incompréhensible. Il faut au minimum un paradigme spirituel cohérent pour l'intégrer et lui donner un sens. Sans ce sens, elle est évidemment insensée et déstabilisante. Et le rôle du Gourou dans certains cas peut être de relativiser cette expérience afin que le disciple cesse purement et simplement de délirer à ce propos.

Chacun vit sa propre expérience... spirituelle ou ordinaire, mais toutes ont exactement le même fondement, la présence d'une conscience, qui observe paisiblement. Et dans cette paix intérieure, il n'y a pas de délire ou folie des grandeurs, mais que des choses... de la vie extrêmement simples.


Etrange conception du temps


S’il est possible de prédire ou imaginer ce que sera l'avenir, c’est probablement parce qu’il a lieu maintenant. Pourquoi alors ne pas tout simplement s'intéresser à ce qui est présent ?

Si l'on est capable de se souvenir du passé, c'est qu'il est inévitablement toujours présent sous une forme apparemment imperceptible. Pourquoi alors ne pas tout simplement faire l'expérience de son aboutissement, ce qu'il produit ici et maintenant.

Le mental a toujours un pied dans le passé pour poser l'autre dans l'avenir. Mais est-ce que la mémoire et l'imagination ne prouve pas en fait que l'on ne se situe ni dans l'un ni dans l'autre ? En d'autres termes, peut-on penser au passé ou l'avenir sans vraiment faire l'expérience du présent ? C'est impossible, et pourtant, tout prouve le contraire lorsque l'on y pense.


Seul et unique


Etre seul et unique au monde est le privilège suprême de tout être conscient. Et c'est avec cet aspect absolument seul et unique de soi que l'on peut faire l'expérience de l'universalité de la conscience. C'est purement et simplement le chef-d'œuvre d'un Dieu au-delà de toute conception, le privilège d'être unique au monde et depuis tous les temps.

Non seulement personne n'a pu et ne pourra être ce que l'on est maintenant, mais on ne peut pas non plus être la personne, qui existait il y a un instant, ni celle qui existera dans une fraction de seconde.

A aucun moment il est possible de quitter l'inconnu et le privilège suprême d'être absolument unique, rien de plus qu'être soi. Si cela n'est pas une expérience, qui vaut la peine d'être vécue, qu'est-ce que l'on pourrait vouloir de plus ? S'en libérer, peut-être, mais sûrement pas en la quittant.


Etre et connaître


La réalisation du Soi n’est à propos de devenir autre chose que ce que l'on est déjà, cette réalisation ne concerne que l'être en soi. Et l’étant déjà, on ne peut qu’en devenir conscient ici et maintenant et à chaque instant.

On peut ne pas connaître, mais on ne peut pas s'empêcher d'être. Il suffit donc de faire l'expérience de cet être pour le connaître. "Je suis, j'existe" est l'expérience la plus évidente qui soit, et elle seule peut libérer de ce que l'on n'est pas.

Mais il y a bien sûr un petit problème dans ce type de réalisation. De toute façon, il y a toujours un problème dans la condition humaine. C'est même à se demander si une telle recherche pourrait intéresser qui que ce soit s'il n'y en avait pas. Du fait que "Je suis, j'existe" est l'expérience la plus évidente qui soit, pour ne pas dire la plus ordinaire et connu, on préfère chercher autre chose que ce que l'on est déjà.

La réalisation du Soi consiste à simplement réaliser ce qu'est l'expérience la plus évidente que l'on est en train de vivre à chaque instant. Mais pour parler de véritable libération spirituelle, il faut que cette réalisation s'actualise en permanence.

La réalisation du Soi ne peut pas se situer au niveau de l'entendement, autrement dit, elle ne peut pas être simplement intellectuelle. Elle doit passer de la puissance à l'acte, et de la virtualité à la réalité ordinaire, d'un concept à une évidence. Si l'on a besoin de se souvenir d'une expérience du Soi ou de la conscience, c'est-à-dire y penser, pour en refaire l'expérience, ce n'est pas une réalisation du Soi.



23 / 12 / 2013


Félicité


Le vrai plaisir se situe au-delà de tous les plaisirs. Mais qui aura le courage d’y goûter ?

Renoncer à tous les plaisirs pour en connaître la quintessence n'est sûrement pas évident. Dans le domaine spirituel, l'humain a cette fâcheuse tendance de se contenter de toutes petites miettes au lieu de croquer à pleine dent dans le gâteau... ou le fruit que le mental défend, mais n'interdit pas.

La nature humaine est hédoniste, tout l'univers l'est aussi en ce sens qu'il tend inévitablement à la perfection, le meilleur, la préservation. L'expérience du Nec Plus Ultra est toujours présente, partout et tout le temps. Il suffit de la chercher dans l'extrême simplicité pour la trouver.



5 / 1 / 2014


"Spirit-réalité"


Qu’est-ce que l’illumination ? Voir la réalité telle qu’elle est ! Qu’est-ce que la réalité telle qu’elle est ? Nous n’en avons pas la moindre idée.

Nous ne pourrons jamais en avoir une idée. C’est justement le propos de l’illumination, la réalisation et actualisation, en faire l'expérience directement sans en avoir la moindre pensée. Et après l'illumination, on ne sait toujours pas ce que c'est, et cela n'a plus la moindre importance.

Heureusement qu'on n'a plus besoin de le savoir, et que l'on peut en même temps s'en réjouir. Faute de mieux, c'est déjà une petite libération. Parfois il faut savoir se contenter des expériences que l'on vit, et ne pas s'en contenter non plus pour poursuivre la recherche d'une expérience ultime, qui pourrait enfin mettre un terme à tout ce délire de perpétuelles insatisfactions.

Tout recherche spirituelle sous forme d'expérience est inévitablement l'expression d'une insatisfaction profonde : enfin être et vivre ce que l'on n'est pas et ce que l'on ne vit pas. Il ne peut pas en être autrement alors que l'on cherche la fin de toute insatisfaction et souffrance. Il se pourrait donc qu'une authentique recherche spirituelle n'est en fait aucun rapport avec l'expérience dite spirituelle. Si c'est le cas, à quoi se réfère-t-elle alors ? Une recherche spirituelle sans recherche d'expériences particulières, qu'est-ce que cela pourrait bien être ? Voilà une question intéressante que l'on aborde jamais dans des Satsang. Peut-être que le mot "sagesse" suffirait pour tout dire à ce propos.


9 / 1 / 2014


Stade suivant


Après une intense expérience spirituelle, il faut expérimenter de nouvelles façons de faire les choses, être et vivre avec de nouvelles structures mentales et ne pas s'en contenter, sinon à quoi aurait-elle servi ? Juste le plaisir de vivre une expérience pour en chercher une autre, et une autre et encore et toujours une autre ? Mais cela n'est que l'expression d'une avidité inintelligente, qui ne comprend pas du tout le propos d'une expérience spirituelle, intense ou ordinaire.

C'est en fait après une intense expérience spirituelle que la recherche commence vraiment parce que l'on sait enfin ce que l'on cherche et où le chercher, dans la réalité dite ordinaire. Et le savoir ne rend ni mieux ni pire que ceux qui ne le savent pas. L'expérience permet seulement de définir l'objectif que l'on se fixe personnellement, et qui peut être totalement différent d'une autre personne bien qu'elle ait vécu exactement la même expérience. Cela s'appelle recherche de réalisation et actualisation.

De toute façon, il est impossible de vraiment savoir ce qui s'est passé durant l'expérience, et encore moins pourquoi ni comment. En fin de compte, l'expérience spirituelle rend encore plus ignorant que ceux qui ne l'ont pas vécue, c'est en fait à en mourir de rire à condition de conserver le sens de l'humour sinon cela peut devenir dramatique et même rendre complètement psychotique.

Penser être arrivé au terme d'une recherche spirituelle après une expérience dite non ordinaire fait obligatoirement devenir un clown pitoyable dans le meilleur des cas. Et nombreux sont ceux qui actuellement adorent ce rôle. Après avoir vécu une expérience sublime, on peut se demander en effet comment ils apprécient un rôle aussi minable ? C'est probablement de la faute de leur ego, diront-ils... en parlant des autres évidemment et non d'eux-mêmes, mais il serait peut-être plus juste de dire à cause de leur narcissisme.

Après tout, devenir un clown, qui caricature un gourou, peut aussi devenir une expérience très intense, mais celle-là n'est sûrement pas spirituelle. L'expérience d'une psychose ridicule ne peut décemment pas être considérée comme spirituelle, mais uniquement mentale et purement égotique.


Image complète ou fausse image


Notre vraie nature est celle d’un vaste espace conscient absolument sublime que nous ne pouvons pas vraiment ignorer totalement. "Etre" détermine en fait la présence d’une félicité infinie toujours présente dans la conscience. Et personne ne peut nier que nous sommes tous des êtres conscient, autrement dit l'incarnation de cette conscience peut-être perçue comme très limitée, mais néanmoins infinie si l'on se donne au moins la peine d'y réfléchir un peu.

Mais notre vraie nature n’est pas seulement celle de l’être et de la conscience. Nous incarnons aussi l’expérience de la vie avec un corps et un esprit. Sans eux, aucune expérience ne serait possible, ni celle d'une conscience infinie, ni celle d'être tout simplement humain.

On pourrait donc en déduire que la vie se distingue de l'être et la conscience, mais en est-il vraiment ainsi ? La vie ne se différencie en rien de l'être incarné et la conscience dite individuelle, et de plus, cette expérience est parfaitement évidente et vécue en permanence. Mais quelle signification a-t-elle dans le quotidien, celui que l'être et la conscience ne quitterons jamais aussi longtemps que le corps et l'esprit survivront ?

On nous parle beaucoup de Non-Dualité aujourd'hui dans la Néo spiritualité, mais en termes ultra-intellectuels pour ne pas dire si métaphysique qu'ils sont franchement incompréhensibles. Mais si cette Non-Dualité est réellement une vérité, et de surcroît une vérité suprême, elle doit obligatoirement se situer aussi dans l'expérience la plus ordinaire du quotidien.


Félicité et puis quoi ?


Si l'expérience de la félicité pouvait résoudre tous les problèmes de la vie quotidienne, l’humanité entière vivrait dans un paradis depuis longtemps. L'expérience de la félicité ne nous a jamais en réalité quitté depuis notre naissance, mais on préfère la convertir en une expérience de mécontentement, autrement dit la prendre pour soi, c'est-à-dire de façon égoïste, pour en faire ce qu'elle n'est pas, l'exact opposé de ce qu'elle est.

Mais pourquoi le mental convertit cette félicité en mécontentement, la réalité en illusion, la vérité en mensonge, la connaissance en ignorance, la lumière en ténèbre, la liberté en esclavage, le bonheur en souffrance, l'être en non-être, etc. ? Ce sera sa fonction naturelle aussi longtemps que l'on n'inverse pas son fonctionnement à forte tendance narcissique ou pour le moins égocentrique.

Admettons, mais pourquoi le mental fonctionne ainsi s'il est naturellement égoïste pour simplement se défendre et survivre ? Pourquoi, par exemple, une expérience spirituelle sublime ne dure pas indéfiniment et se convertit plus ou moins en psychose ? Il est évident que toute expérience de la félicité stoppe instantanément toute évolution, toute amélioration, toute progression, toute maturité et toute recherche spirituelle. Une telle expérience est tout simplement stagnante et sans intérêt après l'avoir vécue. C'est un moyen et non une fin en soi.

Elle a de toute évidence une fonction à un certain moment de la vie, comme toute autre expérience, mais quand elle ne sert plus à rien, elle s'arrête de même que le corps meurt lorsqu'il est épuisé. Toute expérience spirituelle ou autres entre dans le cadre de l'ordre naturel des choses de la vie, un ordre cosmique. Pour comprendre cet ordre et loi universelle, il suffit de se référer à une cosmogonie appartenant à un système traditionnel, c'est évidemment sa fonction descriptive. Et cela n'ira bien sûr pas au-delà d'une description, mais une description, qui peut aussi devenir une expérience purement conceptuelle et intellectuelle..., et tout aussi sublime.

En fin de compte, qu'est-ce qui n'est pas une expérience, une expérience vécue, le simple fait de connaître, une connaissance, une information connue et bien sûr la présence de la conscience qui en prend connaissance ? Existe-t-il en fait autre chose que conscience et connaissance, une Non-Dualité, qui pourtant se distinguent très clairement et sans le moindre doute par la simple notion de "témoin", Atman ? Les Védas en arrive même à certifier que l'Atman est Brahman, le témoin est Dieu. Il n'y a pas d'autres Dieux que cette conscience universelle, et il est impossible d'ignorer sa présence parce que nous sommes de toutes évidence des êtres conscients. C'est en fait l'expérience la plus ordinaire que l'on puisse vivre et connaître.



23 / 2 / 2014


Maître Dipa Ma à propos de l’illumination


"Oh, vous ne comprenez pas. La vie était triste et ennuyeuse avant. Toujours la même routine, rien de nouveau. Mais une fois que vous vous êtes débarrassé de tous ces vieux trucs que vous transportiez partout, chaque moment est plein de fraîcheur et nouveau, intéressant et vivant. Maintenant tout exprime de la joie et a du goût. Deux moments ne sont plus jamais les mêmes."

A-t-on besoin d'une illumination, expérience foudroyante, non ordinaire, transcendantales, etc. pour simplement réaliser que deux moments ne sont jamais les mêmes ? Même en contemplant un mur parfaitement blanc et uniforme pendant une très longue durée, cela semble parfaitement évident. La recherche "à tout prix... ou plutôt n'importe quel prix" d'expériences non ordinaires n'a rien de spirituel si ce n'est que pour rendre la réalité ordinaire un peu plus excitante et moins routinière. Une expérience dite spirituelle, qui ne révèle pas que tout est sacré, et que le sacré lui-même est totalement indépendant de ce tout, n'a en fait rien de spirituelle, c'est tout au plus une expérience paranormale, autrement dit différente des normes.



18 / 3 / 2014


Libre arbitre ou fatalité


Matérialisme ou spiritualisme, réalité concrète ou rêve illusoire, le pouvoir de la conscience de soi ou celui des circonstances, etc.

Comment se fait-il qu’aucune théorie ne puisse vraiment expliquer comment se déroule la vie telle que nous la vivons à chaque instant ? Du fait que nous la vivons, nous devrions le savoir sans même avoir recours à une théorie. Est-ce que ce sont nos choix, c’est-à-dire l'aboutissement de notre liberté de penser comme nous l'entendons, l’inconscient ou les circonstances, qui déterminent réellement nos actions ?

Il semblerait que toutes les théories à ce propos soient aussi fausses que vraies, qu’aucune d’entre elles ne soit capable de répondre aux questions qu’elles soulèvent elles-mêmes parce qu'il va sans dire que sans ses théories, nous vivons exactement comme nous devons, pouvons et voulons le faire. C'est un fait tellement facile à observer que c'est une évidence en dépit de chaque théorie dont le seul propos sera de défendre un point de vue pour en condamner un autre.

Il est en effet évident que nous pouvons agir en ayant recours au pouvoir de nos pensées, notre liberté relative, le libre arbitre et notre volonté, et que ces choix se feront bien sûr au sein de la situation où nous nous trouvons, dans un ensemble et en fonction des circonstances, qui eux définiront non pas notre "liberté", mais ce qui est "possible" à un moment donné dans un contexte spécifique.

Au-delà de toute théorie, description et conceptualisation, est-ce que cette liberté versus possibilité est un fait observable, est-ce une expérience qu'il est possible de vivre pour enfin savoir comment se déroule vraiment la vie ? En fait, la vraie question serait plutôt de savoir comment on pourrait s'abstenir d'en faire l'expérience à tout instant.


"Je suis ce que j'étais et je serais ce que je suis"


Il est inutile d’essayer de s'en libérer, l'expérience spirituelle n’a aucun rapport avec l’oubli de toutes sortes d'insatisfaction, l’insensibilisation à la douleur et souffrance, une anesthésie générale ou l'absence des facultés mentales permettant de raisonner de façon cohérente. Si une expérience quelconque devait produire une sorte de lobotomie ne serait-ce qu'émotionnelle, en quoi serait-elle vraiment spirituelle ou simplement humaine ?



20 / 4 / 2014


Tao et illumination


On ne dit pas qu’un livre est génial parce que l'on a adoré une phrase au milieu de toutes les autres, qui, elles, étaient plutôt sans intérêt ou tout à fait ordinaires. Que pourrait bien signifier une phrase hors de son contexte ? C'est le problème que produisent toutes les expériences spirituelles sublimes, qui auraient tendance à faire oublier la réalité quotidienne. Peu importe comment on vit une expérience de la Non-Dualité et l'entendement que l'on en aura par la suite, elle se situera toujours dans le domaine de la dualité et celui de la réalité quotidienne que l'on cherche d'une certaine manière à fuir. Reste à savoir alors pourquoi on ne supporte pas cette réalité telle qu'elle est alors que c'est inévitablement celle dans laquelle on vit.

Aussi il y en a qui préfèrent renoncer à toutes expériences spirituelles sublimes et s'extasier devant le monde le plus ordinaire que l'on puisse imaginer et surtout percevoir, et qui bien sûr n'a pas besoin d'être imaginé, mais seulement perçu tel quel. Le grand avantage de cette recherche de la sagesse à l'opposé du mysticisme en général, c'est que ces renançants à toute expérience non ordinaire ne sont jamais déçus, mais pour ainsi dire toujours en extase. Facile à comprendre, n'est-ce pas ! Mais très difficile à admettre quand on ne fait que l'éloge d'expériences mirobolantes, qui seraient censé résoudre tous nos problèmes personnels comme par enchantement.


Singularité du bien et mal


L’éternel conflit entre le bien et le mal, le bon et le mauvais, le plaisir et la souffrance, le bien-être et les petites déceptions est loin d’être terminé même si l'on pense en être libéré. Il suffit de sortir du rêve illusoire d'un soi-disant éveil spirituel pour en apprécier le spectacle, qui ne manquera pas de faire un peu réfléchir de façon sensée sur "Mon ego s'est dissout, j'ai réalisé l'ultime vérité, etc.".

Ce conflit entre des valeurs opposées, qui détermine de toute évidence une dualité, ce que certains appelleront "anges et démons intérieurs", est en fait une expérience beaucoup plus spirituelle que celles que l'on qualifie de transcendantales ou de conscience modifiée. Nier l'expérience de la réalité quotidienne la plus ordinaire et que l'on ne peut pas de toute façon s'empêcher de vivre bon gré mal gré, bien ou mal, au profit d'une expérience mystique et extraordinaire est purement et simplement sans intérêt. Ce n'est rien de plus qu'une performance spectaculaire que l'on peut bien sûr admirer au moment où elle se déroule, mais qui n'est en fait rien de plus qu'un spectacle, quelque chose que l'on peut apprécier, mais qui ne peut pas durer.

Si tout ce que l'on peut vivre n'est pas spirituel, rien ne peut vraiment l'être. L'éveil dit spirituelle que l'on vend de nos jours est en fait l'expérience d'une exclusivité discriminative, qui, par définition, n'est pas du tout spirituelle, et encore moins l'expression de la Non-Dualité, d'une unité qui ne connaîtrait aucune séparation. Si l'on prend en considération le concept de "Non-Dualité", il inclut de toute évidence la dualité de toute réalité manifesté. Il ne l'exclut pas, mais nie sa validité, c'est-à-dire ce qui peut être considéré comme absolument vrai et fondé. En d'autres termes, la Non-Dualité est le fondement de toute dualité alors que le contraire serait impossible. On en revient finalement la l'exemple bien connu d'un film projeté sur un écran pour illustrer le rapport entre dualité et Non-Dualité. Sans un écran parfaitement blanc, aucun film projeté pourrait se manifester et ainsi être visible.


23 / 6 / 2014


L’image du crucifié ou celle de superman


Le mythe du héro, quel qu'il soit, ne changera pas, tant que l'être humain sera humain, il cherchera toujours à devenir ce qu'il n'est pas. C'est ce que l'on appelle tout simplement rêver et s'illusionner, ou même parfois imaginer et simplement penser.

Quand il est dit que la libération se trouve à l’intérieur de soi, et que le vrai bonheur et la tranquillité de l’esprit ne se découvrent aussi nulle part ailleurs, cela ne signifie sûrement pas que notre relation avec le monde extérieur soit sans importance ou la vie ne vaille pas la peine d'être vécue, si ce n'est pour s'en libérer le plus vite possible.

La touche finale de l’enseignement de Jésus est probablement quand, sur la croix, il s’est mis à douter de l’authenticité de son identité avec Dieu et ainsi démontrer qu’il était toujours humain. N’importe quelle personne raisonnable comprendra ses doutes dans de telles circonstances sans la moindre explication du fait que nous sommes tous aussi humains que lui au moment où il dit "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?". Il est à noter au passage qu'il ne demande pas "M'as-tu abandonné ?", mais "pourquoi ?", ce qui signifie en fait qu'il n'a aucun doute à ce propos.

Qui dans ce monde pourrait sincèrement penser qu’un être humain est capable de faire l’expérience de la félicité ou d'une espèce de libération sous la torture ou avec un clou dans chaque main et chaque pied et en plus suspendu à une croix ? Si c’était vraiment possible après être libéré spirituellement, pourquoi tous les vrais sages et Gourous, y compris aussi tous les charlatans et imposteurs, qui se font passer actuellement pour des enseignants spirituels, apprécient de toute évidence une vie sans complication et risque particulier, et le plus confortable possible comme n’importe qui d’autre.

Pourquoi tous les vrais sages et Gourous enseignent-ils entre autres la modération, comment être sain de corps et d'esprit, correct et raisonnable, et non pas comment devenir un martyr parfaitement insensible à la souffrance pour prouver l’authenticité de leur enseignement concernant leur libération spirituelle ?

Revenons sur terre et cessons de nous égarer dans les étoiles ou superstars avec des rôles dignes de bandes dessinées. Et arrêtons d’imaginer que la libération spirituelle rend surhumain ou tout bonnement inhumain, que Jésus n’a pas pu souffrir sur la croix ou que Ramana Maharshi était totalement indifférent à la tumeur cancéreuse qu’il avait sous son bras comme certains Néo gourous l'enseignent de nos jours. Mais pourquoi disent-ils des choses si stupides ? Pour rendre leurs interviews et soi-disant Satsangs encore plus spectaculaires comme si leurs pseudo-enseignements n'étaient pas suffisamment absurdes, ou parce qu'ils sont complètement intoxiqués par la culture du spectacle et de la pub, des films Marvel et un supposé éveil spirituel, qui leur font croire qu'ils peuvent aussi devenir de super héros alors que toute leur vie quotidienne leur prouve exactement le contraire ? Business, notoriété, hypocrisie et pouvoir, en un mot narcissisme, répondraient-ils s'ils étaient un tout petit peu sincères !

Il est dit que notre vraie nature est Sat Chit Ananda : pur être, pure conscience et pure félicité. Mais la vraie nature de qui et de quoi ? Si ce n’est pas celle de l'humain, c'est-à-dire de la petite personne avec un corps, un cerveau et un système nerveux que nous sommes tous individuellement, cela ne peut évidemment pas être la vraie nature de Brahman, le Divin, qui lui-même n'est rien d'autre que Sat Chit Ananda, et qui n’a jamais été autre chose. Est-ce difficile à comprendre ?

Brahman n’a pas besoin de réaliser le Soi ou être libéré de quoi que ce soit, et encore moins de vivre une expérience, qui l'éveillerait spirituellement à je ne sais quoi. Il est intelligence et connaissance absolue, et il ne peut par conséquent pas ignorer sa vraie nature, c’est-à-dire ce qu'il est. En d'autres termes peut-être plus évident à comprendre, comment la connaissance pourrait-elle cesser de connaître, l'intelligence se convertir en ignorance ou la conscience devenir inconsciente d’elle-même ? Ou encore de manière plus imagée, comment pourrait-il rester des traces d’obscurité dans un espace parfaitement lumineux ? Ce serait un non-sens, une absurdité, une bêtise, et non un paradoxe comme l'enseignent les Néo Advaïta gourous quand ils ne savent plus quoi dire.

Enseigner comme ils le font aujourd’hui que Dieu s’est perdu ou qu'Il a oublié ce qu'Il est dans l’intention de manifester l’univers, puis de découvrir sa vraie nature grâce à un éveil spirituel, illumination ou réalisation du Soi est insensé, et cela contredit en plus toutes les définitions faites sur Brahman dans le Védanta et les Mahavakyas, les grandes paroles sacrées, que cs Néo gourous ont repris pour improviser leurs soi-disant enseignements sans même chercher à en comprendre la signification. L'assertion "Je suis Dieu, qui a une expérience humaine" qu'ils enseignent actuellement est anti-spirituel. Cela ne va pas au-delà d'une vérité sacrée pour un psychopathe.

Nous ne sommes rien de plus que d’humbles êtres humains avec une nature divine, des Jivatman comme l'explique le Védanta, Jiva désignant l'humain et Atman le Soi. Rien de plus dans ce monde, et ne serait-ce pas suffisant ? "Je suis Brahman" est un Mantra sacré, qui ne concerne que la vraie nature de l’être conscient que nous incarnons, et non de qui nous sommes en tant qu'être humain. Nous sommes des créatures ou êtres humaines, et le fait de le savoir naturellement à tout instant et sans le moindre effort, c'est-à-dire en être parfaitement conscient, démontre que notre vraie nature est cette conscience pure et éternellement présente en toutes circonstances.

Nous sommes des êtres humains conscients, et ce n'est sûrement pas, heureusement d'ailleurs, un éveil spirituel, qui pourrait changer cette condition humaine. La conscience est notre vraie nature, être humain est notre modeste condition. Alors pourquoi faudrait-il ne pas s'en réjouir en appréciant les deux ? C'est déjà l'expérience la plus évidente que nous puissions vivre et vivrons jusqu'à notre dernier soupir. Il suffit de le réaliser pour se libérer des illusions du super héro pitoyable que l'ego incarne tant bien que mal, mais que rien en fait ne l'oblige à incarner si ce n'est ses propres désirs et fantaisies, rien de plus que ses rêves, qui se convertissent inévitablement en cauchemars quand il réalise qu'il ne sera jamais superman.


Spationaute


Est-ce que le corps est une combinaison spatiale et temporelle sous le contrôle automatique d’un cerveau prodigieux que l’on abandonne lorsqu’elle n’est plus fonctionnelle ou simplement parce qu'on n'en a plus besoin ? Si c’est le cas, autant avoir sans attendre une expérience vraiment cosmique avec un tel scaphandre terrestre !

S’asseoir, fermer les yeux, observer et se laisser aller jusqu’aux confins de l'univers juste pour voir ce qu'il y a au-delà. La méditation est toujours l'expérience transcendantale de celui qui médite et non de celui qui en est le témoin. C'est tout ce que l'on voudra et pourra..., sauf "Moi". En vérité, la méditation commence instantément dès que l'on cesse de se contempler.

La combinaison spatiale et temporelle dotée d'un cerveau remarquable n'est évidemment pas l'objet de l'exploration que cette combinaison rend possible. C'est un moyen et non une fin en soi, ce qui signifie que la recherche spirituelle n'est pas une recherche du bien-être ou d'une attitude narcissique. Le bien-être en tant que "être bien dans tous les domaines existentiels", et en particilier en bonne santé physique, émotionnelle et mentale, n'est qu'un véhicule pratique pour accéder au spirituel.


Maintenant


Carpe Diem, saisir l'instant présent et ne pas trop se fier au suivant !

Tout être vit mentalement dans une dimension insaisissable totalement au-delà du mental qu'il peut néanmoins appréhender directement par l'expérience. Et s'il est un peu intelligent, il fera très attention au moment suivant. Cet être doit avant tout survivre pour continuer à faire l'expérience de cette dimension sublime en gardant les pieds sur terre et la tête dans une conscience cosmique.


Psychédélique


"- Qu’est-ce que vous pensez des drogues qui provoquent des états psychiques très particuliers en perpétuel développement ?

- Si la nature de votre esprit est l’ignorance, tout ce que vous obtiendrez sera une ignorance très particulière en perpétuel développement."

Lama Govinda

Il en va bien sûr de même avec tous les supposés états modifiés de conscience.


Le grand jeu cosmique ou franchement comique


Si vous imaginez que vous êtes éveillé, illuminé et libéré, posez-vous la question : "Qui est illuminé et libéré ?" Et bingo..., retour à la case départ. C'est une expérience très amusante et parfois décourageante.

Un dit libéré ne s'imagine pas libéré, l'être lui suffit amplement. "L'être" est bien sûr à prendre dans les deux sens du terme.


En provenance de la quatrième dimension


_ C’est comment que d’être humain parce que sans combinaison spatiale, c’est plutôt vaste.

_ Ça va plutôt bien. En dépit de la surpopulation, il y a encore beaucoup d'espace sur terre et dans la galaxie.

_ J'en suis ravi, mais ne comptez pas sur moi pour y revenir.

_ Ce ne sera la peine, vous y êtes encore !


Une très dangereuse affirmation et croyance


_ Je parle depuis ma propre expérience, mon éveil spirituel, ce qui m'a permis de devenir universel et complètement libéré.

_ Le jour où une expérience ou l'univers sera capable de parler, on en causera.

_ Vous ne comprenez pas que mon expérience m'a libéré de l'ego, mon corps et même mon esprit, qui me faisait croire à ce que je ne suis pas.

_ Il semblerait qu'il ne reste plus grand chose pour en causer ! Mais pour nous barber, il doit y en avoir encore beaucoup trop.

_ Vous ne comprenez vraiment pas que nous sommes tous la conscience universelle, l'être absolu, Dieu Lui-même en train d'avoir une expérience humaine. Ce n'est pourtant pas difficile à comprendre.

_ En ce qui vous concerne, je comprends que ce n'est probablement pas la plus intéressante que Dieu puisse avoir. Dieu parle donc depuis son expérience universel de sa propre expérience humaine ou peut-être le contraire, allez donc savoir ! Sincèrement, s'Il ne se retrouve pas avec au moins quelques problèmes universels d'identité personnelle, il aura beaucoup de chance. Bref, encore un psychopathe !

_ C'est franchement pénible de prendre tous le schyzophrènes pour des malades mentaux.

_ Mais cher ami, s'ils n'étaient pas schyzophrènes, ce ne seraient pas des malades mentaux.


Statique et plein d’énergie


Ce qui est remarquable avec la conscience pure dite universelle et l'éveil spirituel, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’attendre que quelque chose se produise dans le futur, c’est toujours en cours de réalisation.

C'est bien de savoir que l'espace et le temps sont des illusions, mais la réalisation de la conscience immuable ne se situe nulle pas ailleurs que dans ce monde temporel et spatial. On ne cherche pas là où cela ne se trouve pas à moins d'avoir envie de vraiment perdre son temps.


13 / 7 / 2014


Conscient de soi maintenant


Conscient, c’est-à-dire capable de connaître pleinement, est toujours et seulement possible ici et maintenant, partout et tout le temps.

Et le fait d’être parfaitement conscient de soi ici et maintenant, l’attention pure autrement dit, détermine aussi un état d’esprit où il n'y a en fait absolument rien à connaître à l'intérieur de soi.

Mais peut-on réaliser ce que cela signifie vraiment, le pouvoir et la beauté d’un tel instant ? C'est en vérité si simple que cela peut sembler totalement inintéressant alors qu'il n'y a en fait rien d'autre à réaliser.

Pouvoir ultime, beauté suprême et perfection absolue, ce que certains appellent "amour divin", qu'est-ce que l'on pourrait vraiment désirer de plus ? Une expérience extraordinaire, qui révélerait autre chose que l'ordinaire ??? Non non non, celui qui croit cela ne sait pas que l'ordinaire n'existe nulle part... ailleurs que dans ses propres croyances. L'ordinaire se situe seulement dans son imagination et illusion, c'est lui qui rend la danse cosmique, qui produit les apparences du quotidien, en réalité ordinaire et plutôt pénible. Le pouvoir ultime de toutes les lois universelles est de ne jamais reproduire le même instant. Cela s'appelle tout simplement le temps.


Etre ou ne plus être… le penseur ou le moi


L'identité personnelle "Je suis le penseur" est une expérience, qui ne peut avoir lieu qu'en pensant. Et il en va de même pour toute autre identité personnelle, qui requiert obligatoirement un processus mental. Il n'y a pas d'identité possible sans avoir recours au minimum à un processus d'identification quelconque.

Mais l'absence totale de pensée et processus mental, lors d'une méditation par exemple, révèle la présence d'une conscience individuelle, qui n'a évidemment rien d'universelle ou divine. En quoi alors cette expérience est-elle plus spirituelle que celle de penser ou s'identifier avec quelque chose, qui ne pense pas, le corps, une sensation, etc. ? En fait, est-elle vraiment plus spirituelle ? Il suffit d'en faire l'expérience pour le savoir. Le mot spirituel n'est bien sûr qu'un terme avec une définition, mais ce qu'il détermine n'est ni conceptuel ni définissable.



6 / 9 / 2014


"La vie est un état d’esprit"

(dans le film "Bienvenue, Mister Chance", "Being There", de Hal Ashby)


Si la libération spirituelle évidemment vécue n’est rien de plus qu’un état d’esprit, la vérité sacrée devrait l'être aussi. Mais que pourrait bien signifier "La vérité ou le sacré est un état d’esprit" ? Cela n'aurait aucun sens. La vérité sacrée n'est donc ni mental ni intellectuel. Et il est par conséquent inutile de la chercher avec des pensées ou dans le mental.



9 / 10 / 2014


C’est la vie !


Toutes les vies sont différentes et les besoins de chacun le sont aussi bien que le désir de libération, liberté et bonheur soit le même pour tous. Mais que cherche-t-on vraiment ? Qu'est-ce que l'on entend par libération ? Une expérience savoureuse, qui ne dure pas, ou une sorte de révélation, qui ne s'arrête jamais. Les deux sans aucun doute !

Autrement dit, comment pourrait-on concevoir une libération spirituelle sans en faire l'expérience ? Et on pourrait d'ailleurs aussi dire le contraire, comment vraiment faire l'expérience de quelque chose sans en être spirituellement libéré, c'est-à-dire complètement détaché et de ce fait, totalement libéré ? Mais si l'on est par conséquent libéré de l'expérience même d'une libération, la libération elle-même n'a plus la moindre importance.


Et après ?


Après tout, la vie continue. Et comment elle est vécue dans le présent est bien sûr plus important que toute expérience passée. Si la vie elle-même n'était donc pas la plus spirituelle de toutes les expériences, aucune expérience ne pourrait l'être plus qu'une autre, ce qui revient à dire que la plus spirituelle de toutes les expériences est celle de la vie la plus ordinaire.

Le problème de la spiritualité versus la sagesse est de chercher une expérience que l'on ne vit pas déjà ici et maintenant au lieu de réaliser la vraie nature de celle que l'on vit à chaque instant.


25 / 10 / 2014


Le Soi


Le pouvoir du mental est si extraordinaire qu’il semblerait parfois que le microcosme et le macrocosme s’associent à la perfection et des informations transfèrent d'un cosmos à l’autre jusqu'au point où les deux se confondent. Cela arrive lors d'expériences spirituelles tout à fait extraordinaires, qui donnent "l'impression" de tout comprendre et connaître de l'univers sans pour autant, malheureusement, pouvoir expliquer quoi que ce soit à ce propos. Ce genre d'expérience est sans conteste absolument géniale, mais jusqu'à preuve du contraire, elle ne rend pas plus intelligent, ni même n'enseigne comment bien faire cuire un œuf sur le plat.

Et le plus remarquable est que ce genre d'expériences peut aussi avoir lieu avec le corps. On peut en effet avoir l'impression divine de faire physiquement Un avec tout l'univers, avoir une sensation de connexion cosmique, si l'on peut dire, et ressentir un espace infini à travers soi et dans tout le corps. Ce n’est bien sûr qu’une impression subjective comme toutes autres impressions, sensations et expériences.

De son côté, le Soi ne peut pas être perçu sous forme d'impressions et expériences subjectives. On peut réaliser et ainsi être le Soi lors d'une expérience momentanée ou réalisation définitive, mais on ne peut pas l'appréhender et le connaître d’un point de vue intérieur ou extérieur à soi ou en relation personnelle avec ce qu’il est lui-même, une conscience pure et universelle. Comme on le dit parfois dans des spiritualités traditionnelles, le seul moyen pour connaître le Soi, c'est en fait d’être le Soi, et au moment où on le connaît, on n'est évidemment plus le corps et le mental, "moi, je", l'ego ou une identité personnelle.

Une telle expérience ou réalisation ne peut pas être intellectuellement comprise, mais seulement vécue parce qu'elle défie toutes les lois de la logique et l'entendement. Elle est tout simplement insensée et irrationnelle. En effet, si cette expérience ou réalisation est vécue, et qu'elle révèle que l'on est le Soi, et non le corps et le mental, qui vit en vérité cette expérience ou réalisation ? Seule une personne avec un corps et des facultés mentales, c'est-à-dire un être humain tout à fait ordinaire, peut vivre une telle expérience ou réalisation.

En d'autres termes, il faut être ce que l’on n’est pas pour réaliser ce que l’on est vraiment, ou dit de façon encore plus insensée, il faut être une personne pour découvrir que l'on n'est pas en vérité une personne, ce qui est a priori complètement absurde pour ne pas dire stupide.

Par contre, cela peut avoir un sens si l'on prend en considération le terme significatif que l'on oublie souvent actuellement dans les grands discours spirituels, qui deviennent vite insensés : "la vraie nature de soi", c'est-à-dire de l'être que toute personne incarne inévitablement. Personne ne peut en effet nier "Je suis et j'existe", autrement dit tout le monde est l'incarnation d'un être spécifique et unique. La question est donc de savoir si l'on peut découvrir la vraie nature de cet être. Est-elle aussi unique et spécifique à chaque individu ou universelle et exactement la même pour tous ? L'expérience ou réalisation du Soi révèle que la vraie nature de l'être est en vérité celle d’une conscience pure et universelle, qui ne se compare bien sûr en rien à celle de la conscience individuelle résultant entre autres des facultés mentales du cerveau.

Quelle est donc l’expérience vécue par une personne qui a réalisé le Soi ou qui est en train de découvrir ce qu'il est ? Et c’est là où le concept de "Non-Dualité" vient véritablement en aide parce qu’il permet de se faire une idée de ce qui semble complètement absurde. Le Jnani ou apprenti Jnani, personne qui détient et incarne la connaissance sacrée, est le Soi sans pour autant perdre la connaissance et l'expérience de son corps et de ses activités physiques et mentales. Cela signifie que cette connaissance et expérience purement personnelle demeurent, mais sans identification avec le corps et le mental. Pour être encore un peu plus précis, cela signifie simplement que la vie continue, mais le processus d'identification s'arrête. On notera au passage que la raison de cette interruption ou arrêt définitif est formellement inconnue, et on peut facilement supposer d'ailleurs qu'il est préférable qu'il en soit ainsi. A moins d'être complètement fou, personne ne souhaiterait modifier l'ordre cosmique à aucun niveau que ce soit, cela résulterait inévitablement en une destruction de soi, puis de tout l'univers. Imaginez simplement ce qui arriverait si vous faisiez soudainement tourner dans le sens contraire une minuscule roue dans une vaste mécanique destinée à produire un objet bien réel. En guise de nouvelle réalité productive, toute l'usine ferait rapidement faillite.

La conscience universelle, qui est aussi pur être et pure félicité, se substitue donc lors de la réalisation du Soi ou d'une expérience momentanée du sacré à la conscience individuelle d’être une personne limitée par ses facultés physiques, émotionnelles et mentales. L'être en soi est ce qu’il est, c'est-à-dire Sat-Chit-Ananda, Brahman, l'Atman, bien qu'étant encore et bien sûr un être humain, c'est-à-dire incarné. En termes sanskrits, c'est toujours un Jivatman, une être humain comme tous les autres, mais qui a la particularité d'être aussi un Jivanmukta, un être humain libéré de son ignorance puisqu'il détient la connaissance de sa vraie nature.

En résumé, il faut faire très attention à des assertions telles que "Je suis le Soi, je suis Brahman ou l'Atman, je suis Sat Chit Ananda, je suis le Divin, etc." parce que la personne qui le dit ne peut évidemment pas l'être. Par contre, elle peut néanmoins exprimer, faire l'expérience et réaliser ce qu'est la vraie nature de sa propre existence consciente. Ce n'est pas un paradoxe, mais une simple évidence, de même que tout individu peut prétendre être unique au monde et universellement humain comme tous les autres.



3 / 12 / 2014


"Le sage est illuminé, mais il ne le fait pas savoir."

Citation Taoïste de Chu-Feng


Pourquoi pas après tout ? Est-ce qu'il ne le fait pas parce qu'il ne le peut pas ou parce qu'il ne le veut pas ? Voilà la vraie question, une question que l'on a d'ailleurs posée à Ramana Maharshi, et à laquelle il n'a jamais répondu parce qu'elle n'a pas de sens.

Sans entrer dans une description de ce qu'est et comment fonctionne le mental humain selon le Védanta, "le mental étant la réflexion de la conscience universelle sur l'intellect" et ainsi de suite, disons simplement que l'impersonnel ne peut pas s'exprimer personnellement pour faire savoir qu'il est personnellement impersonnel, cela n'aurait aucun sens, pas plus que la conscience universelle pourrait devenir individuelle pour dire qu'elle est universelle, ce qui serait tout aussi absurde.

Mais sur un plan beaucoup plus pratique qu'intellectuel ou disons spirituel, pourquoi n’est-il pas conseillé en général de parler d’illumination ou expérience non ordinaire dans la spiritualité traditionnelle, mais seulement de la voie, qui y conduit ? La raison en est simple, dès que l’ego, autrement dit le mental, entend la description d’une expérience ou état particulier, libéré ou autres, et qu’il se figure, c'est-à-dire se représente dès lors l’expérience extraordinaire qu’il désire vivre, il peut la reproduire instantanément ou plus tard inconsciemment dans son imagination, mais seulement avec ses propres moyens, c’est-à-dire ses facultés mentales. Le mental et l'ego, qui est l'identité personnelle qu'utilise le mental pour s'exprimer, ne peuvent évidemment pas concevoir ce qui se situe au-delà du mental et de l'ego. Et bien sûr, le fruit de l'imagination ou d'une illusion n'a aucun rapport avec l'expérience authentique de l'illumination, la conscience universelle ou le Soi.

Si vous doutez qu'un tel processus mental puisse être possible, demandez-vous simplement comment l'on peut faire l'expérience d'un rêve quand on dort ou d'une situation imaginée lorsque l'on est éveillé. Aussi étrange que cela puisse paraître, tout concept, représentation et description peuvent devenir l'expérience d'une réalité vécue parce que la mémoire inconsciente n'oublie jamais la moindre information et la fonction du mental est de tout transformer en expérience chargée d'émotions. On peut en arriver ainsi à avoir très peur d'un simple morceau de corde sur un chemin obscur en imaginant que c'est un serpent, mais celui qui en a peur n'aura du tout l'impression d'halluciner au moment où il vit une telle émotion. Inutile d'expliquer ce qui se passerait dans le cas contraire, imaginer qu'un vrai serpent n'est qu'un vieux morceau de corde, ce serait encore pire.

Ceci dit, une vraie spiritualité ne se réfère pas à des descriptions d'expériences comme on le fait actuellement, à tel point que l'on peut se demander si les Néo gourous ont autre chose à raconter, mais à des enseignements, qui permettent de vivre ces expériences. Et si l'on cherche sincèrement ce que sont ces authentiques enseignements, bonne nouvelle..., ils se trouvent dans tous les écrits véritablement sacrés que l'on peut très facilement se procurer n'importe où, y compris bien sûr sur Internet et en plus gratuitement du fait qu'ils n'ont jamais eu de copyright.



17 / 3 / 2015


Bonbons magiques pour enfants magiques


Les expériences non ordinaires ou soi-disant "éveils spirituels" ne sont rien de plus que des friandises sur la voie de la libération. Elles sont bonnes à déguster, mais elles carient les dents et sont finalement sans importance. Personne ne peut vivre en mangeant des friandises, ce n'est pas à proprement dit de la nourriture.

Heureux sont en fait ceux qui n'ont jamais vécu d'expériences spirituelles inévitablement traumatisantes. Sans compter qu'une expérience sublime, qui fait croire que l'on est Dieu, une intelligence universelle ou quelque chose de ce genre ne peut pour le moins que rendre complètement stupide si ce n'est psychotique. Toute expérience spirituelle produit obligatoirement des effets secondaires indésirables qu'il faudra par la suite se débarrasser, autrement dit se purifier. Et quand il s'agit de névroses post-traumatiques suites à une expérience mystique, c'est beaucoup plus facile d'en causer que le faire. C'est pour ainsi dire le travail de toute une vie.

Toute expérience dite non ordinaire se passe dans le temps et l'espace, elle ne dure qu'un moment et ne rend personne mieux ou plus heureux. Aucune expérience spirituelle n'est véritablement transformatrice et libératrice, et encore moins thérapeutique, comme on essaie de le faire croire actuellement. Par contre, la recherche et voie spirituelle que l'on empreinte pour effectuer cette recherche le peut, c’est sa véritable fonction à condition bien sûr que cette voie soit clairement définie avec des principes et pratiques sensés, et surtout une morale évidente, naturelle et très simple dans le genre "ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse". L’expérience spirituelle est toujours sublime et irrationnelle. La voie, par contre, est sagesse pure et simple, sagesse dans le quotidien et surtout rien d'extraordinaire, c qui la rend en fait beaucoup plus qu'extraordinaire !

La libération spirituelle est, si l'on veut l'entendre ainsi, absolue, c'est-à-dire sans retour, alors que toute expérience spirituelle n'est que relative. La voie conduit évidemment à cette libération spirituelle définitive. Mais l’expérience spirituelle n'est en fait qu'une voie sans issue, on ne peut qu'en revenir pour retrouver la véritable voie.

Une expérience spirituelle produit inévitablement ce que l'on appelle Samskara et vasana, "des impressions passée conscientes ou inconscientes". Bien qu'effective et révolue, elle s'inscrit dans le cadre d'une relation de cause à effet, un Karma. En d'autres termes, toute expérience, bonne ou mauvaise, produit un Karma. Et quand on cherche à "se libérer", peu importe ce que l'on entend par ce terme, on ne peut évidemment pas le faire en s'attachant entre autres à des expériences et impressions passées. Dit de façon provocative, aucune expérience spirituelle n'a la moindre importance quand on cherche la libération ou réalisation du Soi, ce qui, de toute façon, ne les empêchera pas de se produire.

Cela signifie simplement que si l'on s'arrête à une expérience spirituelle, sous-entendu qu'on s'imagine libéré après l'avoir vécue, on se condamne en fait à en souffrir. Pour s'en rendre compte sans même connaître ce qu'est la psychologie, il suffit d'écouter les propos narcissiques de tous les soi-disant gourous occidentaux, qui ont sûrement vécu une expérience qu'ils appellent un éveil sprirituel, et savoir que le narcissisme ne rend jamais heureux, mais complètement malade et finalement minable.


1 / 5 / 2015


Eveil spirituel ou nouveau rêve


Dès que l'on "pense" être spirituellement éveillé, illuminé ou libéré, on peut être sûr qu'on ne l'est pas du tout, et sans le moindre doute beaucoup moins qu'avant l'avoir "imaginé". De telles "idées" ne sont rien de plus qu'un nouveau "jeu mental", celui d'un ego bien sûr, qui joue comme d'habitude avec ses propres pensées purement narcissiques. Qui d'autre que le moi, c'est-à-dire le mental, pourrait penser et imaginer qu'il est libéré ? La conscience individuelle, la conscience universelle ? La conscience est le témoin du grand spectacle intérieur, sa fonction est de contempler, observer, voir et connaître, et non de penser ou se prendre pour ce qu'elle n'est pas.

Quand le moi a la prétention dans sa vie intérieure ou publique d’avoir réalisé le Soi, la conscience universelle, la non-dualité..., et ainsi connaître la vérité suprême, ultime ou divine, cette identité personnelle n’a rien réalisé du tout, elle devient tout simplement schizophrénique. Lui seul peut "croire", autrement dit se créer un système de croyance pour ne pas dire religion, à une réalisation ou libération de ce genre.

De telles considération sur soi sont évidemment l'expression d'un amour-propre que tout le monde connaît à un moindre degré et le cadet des soucis de la conscience individuelle ou universelle, qui, elle, ne fait rien d'autre qu'observer paisiblement, du fait que c'est sa fonction, le cirque des pensées et états d’esprit se succéder les uns après les autres dans le mental.

Un état d’esprit merveilleux, non ordinaire ou apparemment libéré n'est rien de plus qu'un état d’esprit comme tous les autres. Aucun état d'esprit ne détermine la réalisation ou présence de la conscience que l’on ne peut évidemment pas associer à un état particulier, qui inévitablement la conditionnerait, puisqu’elle est par définition inconditionnée et absolue, ce serait un non-sens.

Et pourtant la spiritualité, le Védanta et Gaudapada en l'occurrence, nous parle d'un quatrième état, "l'état naturel", qui serait celui du libéré ou Jivanmukta, les trois autres étant l'état de sommeil profond, l'état de rêve et l'état de veille.

Si le concept de non-dualité, Advaïta, signifie bien qu’il n’y a "pas de second", et qu'il détermine ce qu'est la vérité suprême et la présence de la conscience universelle, et par conséquent aussi la réalisation du Soi et la libération, il n’y a pas de limite ou conditionnement à cette Non-Dualité, ni aucune restriction possible à cette absence de second. Et il ne peut par conséquent pas y avoir quelque chose au-delà ou différent de ce que représente le Soi, c'est donc l'antithèse de tout état particulier comparable à un autre état. Comment peut-on alors considérer que l'on puisse faire l'expérience d'un quatrième état inconditionné si tout état détermine obligatoirement une condition, un conditionnement et quelque chose de spécifique et différent à une autre chose, un autre état en l'occurence ? Et on peut même aller plus loin dans ce questionnement si l'on part du principe que toute expérience vécue est au minimum conditionnée par celui ou ce qui vit cette expérience.

L'expérience de la conscience universelle montre que l'état de sommeil profond, de rêve et de veille ne concernent que le mental, Manas en Sanskrit, et qu'il existe un autre état totalement indépendant, qui n'est pas conditionné par le mental, l'état naturel de ce que l'on appelle l'intellect, Buddhi. Sans s'attarder sur ce sujet, qui demanderait de longues explications pour être bien compris, disons que mental et intellect ne sont pas identiques bien que pour le commun des mortels, les deux se confondent sans la moindre distinction.

En termes très simplifiés, on peut affirmer que le mental et l'ego font l'expérience de ce qu'ils pensent, et qu'ils imaginent être éveillé, illuminé ou libéré après une expérience spirituelle n'a absolument rien détonnant du fait que leur fonction est de croire en leurs propres pensées. Autrement dit, quoi qu'ils pensent est forcément vrai au moment où ils le pensent du fait que le penseur ne peut pas se distinguer de ses propres pensées.

Par contre, la fonction de l'intellect est différente, il reflète comme un miroir ce qui est, rien de plus et rien d'autre. Si le mental s'arrête pendant un moment de se manifester avec ses pensées et son ego, l'intellect, lui, continue à faire l'expérience de la réalité telle qu'elle est, la réalité du monde extérieur et de la personne qui s'y trouve, mais aussi la présence de la conscience, qui l'illumine et le rend si l'on peut dire intelligent et conscient. Ce type d'expérience détermine ce qu'est le quatrième état, qui n'a bien sûr aucun rapport avec le mental si ce n'est l'arrêt total de ses manifestations.

Ce quatrième état, Sahaja Samadhi, ne change absolument rien à la personne, qui se trouve dans cet état. Il détermine seulement l'arrêt du mental et les manifestations de l'ego, qui se prend pour un être conscient alors qu'il n'est qu'une identité personnelle, rien de plus qu'une commodité conceptuelle, au service du mental et l'intellect. En vérité, le moi n'est rien de plus qu'un mot, trois lettres de l'alphabet.

Prétention burlesque


Si quelqu’un prétend avoir réalisé le Soi, un Soi par définition "sans second", à qui pourrait-il prétendre une telle réalisation ? A un autre, qui ne serait pas un second, à quelqu’un, qui serait séparé et différent, mais néanmoins identique et inséparable de celui qui le prétend ?

Cela n’a tout simplement pas de sens. De telles prétention sont absurdes et franchement risibles. Elles ne signifient rien d'autre que "Moi, je suis le Soi". Malheureusement pour lui, le moi ne sera jamais plus que le moi, c'est-à-dire l'ego. Et à vrai dire, il devrait en être ravi. Si le moi pouvait devenir le Soi, cela signifierait que la personne qu'il incarnait n'a pas vraiment réalisé le Soi. Comment pourrait-il alors être devenu le Soi sans que la personne qu'il incarne le réalise ? Un tel raisonnement est sans fin, complètement absurde et vraiment stupide, mais c'est celui que l'on entend actuellement dans tous les Satsang.


Vivre des expériences spirituelles…, et puis quoi ?


Si l'on retire de la vie spirituelle la recherche d’éveil sous forme d'expériences non ordinaires, que reste-t-il ? L’expérience de la vie dite spirituelle telle qu'elle est, c'est-à-dire complètement ordinaire et quotidienne. De même que la vie continue quand on ne se nourrit pas en dehors des repas, la vie spirituelle ne s'arrête pas lorsqu'on ne cherche plus à vivre une expérience spirituelle, lors d'une méditation par exemple.

Quand effectue une sérieuse recherche spirituelle, il faut arrêter de croire à ce mythe très rentable vendu par des Néo gourous qu'une expérience non ordinaire puisse résoudre comme par enchantement tous les problèmes personnels, ceux d'un état plus ou moins dépressif en général. Ce n'est absolument pas le but de ce genre d'expérience, mais celui de la vie spirituelle proprement dit.

Alors si l'on a le privilège de vivre une ou plusieurs de ces expériences extraordinaires, que reste-t-il de la vie spirituelle quand l'expérience est terminée, rien ? Est-ce que le propos de la vie ou recherche spirituelle ne serait de vivre que des expériences hors du commun et bien sûr maudire le quotidien parce qu'il est ordinaire ? Tout sincère chercheur de vérité devrait se poser cette question fondamentale avant de s'égarer dans une recherche exclusive d'expérience, qui ne vont pas l'aider à mieux vivre, mais au contraire rendre sa vie quotidienne encore pire.

Encore faut-il savoir ce que l'on entend par recherche et vie spirituelle, c'est-à-dire la spiritualité en général. Il est très facile de le savoir quand, par exemple, il est dit que la mission de tous les grands maîtres est de ramener le Dharma au sein de l'humanité. Et les Hindous préciseront d'ailleurs qu'il ne s'agit pas de n'importe quel Dharma, mais du Sanatana Dharma, "la loi éternelle".

Cette loi éternelle n'inclut pas seulement une connaissance conceptuelle pour expliquer la vérité suprême, mais surtout l'expérience des droits et devoirs de chacun en tant qu'être humain indépendamment de ce qu'il représente socialement. C'est avec cette loi éternelle à l'intérieur de soi, c'est-à-dire attitude mentale et façon de penser, formatage de l'esprit pourrait-on dire, que l'on fait vraiment l'expérience de la vie spirituelle, d'une vie tout à fait ordinaire, mais devenu en plus spirituelle grâce à la connaissance et pratique du Dharma.

Il ne faut pas confondre comme on le fait actuellement spiritualité et mysticisme. Et il ne faut pas non plus se plaindre de ce qu'est le monde d'aujourd'hui si l'on ne s'intéresse pas à ce qu'est la condition humaine, l'expérience la plus ordinaire d'être humain. Heureusement, nous avons toutes les névroses, psychoses et dépressions nerveuses pour nous rappeler ce qu'elle est. En effet, la fonction de tous ces désordres mentaux est de nous rappeler que nous ne respectons pas le Dharma, la loi éternelle... et naturelle d'être humain. Contrairement à ce que l'on pourrait facilement croire de nos jours et surtout en Occident, aucun déséquilibre mental n'est naturel et fort heureusement éternel aussi.

L'expérience de la spiritualité sans connaissance et pratique du Dharma n'est pas du tout spirituelle, elle est purement et simplement insensée et stupide. Comme on le sait très bien, on ne met pas la charrue avant les bœufs. Une expérience spirituelle non ordinaire sans respect pour les droits et devoir d'être humain, autrement dit sans formatage correct et décent de l'esprit, n'est rien de plus qu'un énorme tremblement de terre sous un gratte-ciel mental de cent étages construit sans fondation, ça va faire mal. Et devinez qui se trouve dans l'édifice à tous les étages, l'ego !



2 / 6 / 2015


Compréhension


Avec tous les soi-disant gourous d'aujourd'hui, qui ne savent que baratiner et tergiverser pour finalement ne rien dire, mais néanmoins se faire payer par n'importe quelles stratégies commerciales pour l'entendre, nombreux sont ceux qui pensent que l’éveil spirituel et la réalisation du Soi ne sont rien de plus qu'une sorte d’accomplissement intellectuelle et illumination mentale, peut-être dans un recoin du cerveau assez obscur comme le découvrira probablement la neuroscience très à la mode actuellement, surtout dans la Néo spiritualité au courant de tout sauf ce qu'est la spiritualité, parce que dans le domaine de la psychologie, elle ne sert absolument à rien jusqu'à présent. On peut même se demander si la neuroscience n'est pas en fait seulement au service du transhumanisme.

Comment tout cela pourrait-il donc vraiment avoir un sens ? L’éveil spirituel et la réalisation du Soi transcendent de toute évidence l’intellect, la raison et toute pensée si ce sont vraiment des phénomènes ou événements spirituels, c’est-à-dire au-delà de tout concept. Si cet éveil et réalisation n’étaient qu’une sorte de compréhension libératrice, il serait seulement nécessaire de réaliser que la conscience ne peut être l’objet d’aucune perception, mais évidemment l’immuable sujet, le seul et unique témoin capable de percevoir et connaître, et que ce témoin ne peut évidemment être qu'au-delà de tout ce qu'il est possible de percevoir et connaître, y compris le temps et l’espace. Et de par ce fait, il incarne obligatoirement l'être absolu, une paix suprême et félicité infinie.

Mais le comprendre avec des concepts et raisonnements cohérents, et même très intelligents, ne permet pas d'en faire l'expérience, ni de le réaliser et l'actualiser, c'est-à-dire en faire un fait vécu, une évidence. Tant que l’être en soi, la paix de l'esprit et la félicité inébranlable ne sont pas l'expérience d'un être vivant, et d’une certaine façon une révélation spontanée, qui ne laisse aucun doute sur ce qu’ils sont, cela ne va pas au-delà d’une connaissance purement spéculative et sans grande importance.

On peut alors se demander pourquoi aujourd’hui une foule d’occidentaux pensent que la spiritualité n’est rien de plus que matière à réflexion et n’a pas à être pratiquée, et pourquoi en plus ils appellent cette sorte d'intellectualisme "la voie directe" du fait qu’en vérité, il n’y a pas du tout de voie, pas de Dharma, pas de pratique et pas de cosmogonie cohérente, aucun enseignement, mais seulement de grands discours vaguement métaphysiques, pour ne pas dire pataphysiques et ridicules. Si la compréhension était vraiment identique à un éveil spirituel ou la réalisation du Soi, il suffirait en fait de comprendre que 1-1=0 pour se libérer du mental et de la souffrance. Mais jusqu'à preuve du contraire, cela n'a encore libéré personne.


11 / 5 / 2016


Le mystère des évidences


Soyons absolument sûrs que la mort dira ce qu’était vraiment "Le sens de la vie" à tous les croyants et nihilistes sans exception d’une façon ou d’une autre. Et s’il n’y a rien ni personne pour l’entendre, ce sens de la vie sera d’autant plus percutant et évident. Bref, il vaut mieux en faire l'expérience avant de mourir parce que la pensée ne saura jamais si elle a tort ou raison. Penser, c'est en fait douter et chercher des réponses. Et en dehors de la pensée, il n'y a ni mystère ni évidence, ni sens ni question, mais seulement la vie telle que tout le monde la connaît. Est-ce que le sens de la vie pourrait avoir un autre sens que de vivre ? Par contre, comment bien vivre, qu'est-ce que la vie bonne, comment vivre correctement, de quelle manière peut-on devenir vraiment humain, etc. sont les vraies questions que soulève la spiritualité. Et dans cette thématique, il n'est pas question d'expériences non ordinaires ou de conscience modifiée. Notre conscience ordinaire suffit amplement.

La question que soulève vraiment la spiritualité se résume en fait à "Comment cesser d'être stupide, et ainsi faire du mal aux autres et à soi-même ?. Et là, la réponse n'est pas vraiment simple. Où disons plutôt qu'elle est extrêmement simple comme le prouvent Bouddha, Jésus ou Lao Tzu dans leurs enseignements, mais son extrême simplicité la rend en fait extrêmement compliquée.



2 / 11 / 2016


Des niveaux de quoi ?


On peut à la rigueur concevoir qu'il existe de nombreux niveaux de compréhension en ce sens que l'on peut effectivement toujours mieux comprendre et en comprendre toujours plus dans le monde où l'on vit et dont on ne sait pas grand-chose en dépit de la science, qui aimerait nous faire croire le contraire, mais parler comme le font les Néo gourous dans leur soi-disant Satsang de niveaux de réalisation et niveaux ou évolution de la conscience dans le domaine de la spiritualité, ou faire croire que la libération spirituelle est un processus évolutif sans fin, n'a pas de sens, bien que ce soit néanmoins la meilleure stratégie commerciale que l'on puisse trouver du fait que le gourou est toujours censé avoir une bonne longueur d'avance sur ces adeptes.

Pour celui qui réalise la vérité suprême ou simplement fait pendant un certain moment l'expérience d'une conscience universelle, qui n'a ni commencement et fin, ni mesure possible dans aucune direction, ou qui fait l'expérience de la Non-Dualité, qui, par définition, n'admet pas la notion qu'il puisse exister un "second" ou autre chose d'inférieur ou supérieur, ou encore qui fait l'expérience du Soi, qui détermine l'absolu, c'est-à-dire qui ne connaît aucune limitation et restriction, comment pourrait-il y avoir des niveaux de réalisation ou libération, ou une sorte de processus évolutif ? Est-ce que ces Néo gourous comprennent au moins le sens du terme "Non-Dualité" alors qu'ils en parlent tant ? Ils prétendent tous sans exception être éveillés à une conscience infinie, éternelle et immuable, qui n'exprime aucune dualité ni ne connaît de second, une conscience qui est Une et la totalité où il n'existe aucune séparation, et ils enseignent que cette conscience est en perpétuelle évolution, mais comment font-ils pour ne pas voir le non-sens et l'absurdité de leurs propos ? En dépit de leur éveil fantastique ou plutôt fantasmagorique, ils sont dans une telle confusion qu'ils ne font même pas la différence entre le concept d'infini et éternité, et la théorie d'un univers en expansion, qui est scientifique et sans le moindre rapport avec la spiritualité.


Le laboureur tire la charrue, mais n'y parviendra jamais sans un bœuf


Les expériences non ordinaires dans la Néo spiritualité occidentale ne sont vraiment pas ordinaires. Tout le monde réalise la même vérité, la vérité suprême, absolue et unique, le même Soi, la même conscience universelle, la même Non-Dualité, et chacun raconte quelque chose de différent des autres. Certains osent même maintenant parler de "philosophia perennis". C'est à se demander si l'on ne frappe pas tous la même cloche pour émettre un son que personne d'autre que soi ne pourra entendre.

Revenir à une voie et recherche spirituelle sensée est la seule solution que l'on puisse trouver après une expérience non ordinaire ou soi-disant éveil spirituel en dépit de ce que certains pensent et qui se résume la plupart du temps à "Maintenant que je suis éveillé et libéré, il ne me reste plus qu’à devenir gourou et ne pas me faire de soucis pour l'avenir La vie est géniale, je vais pouvoir enfin donner des leçons à tout le monde et remplir mon compte en banque". C'est plutôt triste à observer, mais c'est actuellement le seul propos d'un éveil spirituel et expérience non ordinaire en occident.

Une telle pensée n’exprime sûrement pas la moindre sagesse ou réalisation de quoi que ce soit, si ce n’est celle d’une ambition personnelle purement narcissique avec un soupçon de folie des grandeurs, si ce n'est de la mégalomanie et paranoïa.

Vouloir aider les autres est en leur enseignant la bonne parole et en particulier tout sur la Non-Dualité ou quelque chose qui y ressemble une très noble aspiration, mais vouloir devenir un gourou ou guide aveugle, qui n'a absolument rien réalisé ni compris, pour diriger d’autres aveugles n’est en aucun sens une démarche généreuse ou l’expression de la compassion malheureusement très à la mode actuellement et si rentable qu’elle devient un véritable "commerce de la misère humaine".

Une expérience ou véritable enseignement spirituel ne peuvent pas devenir un nouveau produit de consommation. Cela n'arrivera jamais aussi longtemps que l'on cherche quelque chose d'authentique ou que l'on essaie d'exprimer une vérité. La spiritualité et la sagesse ne seront jamais un commerce parce que, par définition, le commerce est fondé sur l'échange et l'inégalité : "Moi, j'ai ou je suis quelque chose que toi, tu n'es ou n'a pas. Qu'est-ce que tu peux donc me donner que je ne suis ni n'ai pas ?", alors que la spiritualité et la sagesse sont fondés sur ce que "nous" sommes et avons en commun.



5 / 2 / 2018


Cela ne pourra jamais changer


"Ce qui naît doit mourir, ce qui est acquis sera perdu." Et en ce qui concerne toute expérience spirituelle, ce qui a un commencement aura une fin, ce qui arrive s’en ira et ce qui apparaît disparaîtra, cela n'a pas la moindre importance en matière de réalisation et libération spirituelle.

Cette très simple vérité à comprendre rejette par conséquent toute recherche d'expérience non ordinaire même les plus sublimes, et surtout les plus sublimes, autrement dit les plus trompeuses.

La vérité est vraie, c'est tout ce que l'on peut vraiment en dire sans se tromper, et ce n'est évidemment pas une expérience. Elle est toujours à l'intérieur et en face de soi. Personne ne peut la manquer, mais elle est peut-être si ordinaire qu'on ne la remarque pas.




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