Histoire de l'escalade à Mortain
Une première à Mortain
Nous sommes en 1951, l'escalade n'existe presque pas encore en Normandie.. Mais, les pratiquants existent puisqu'à cette époque des passionés de la montagne se réunissent pour former la section caennaise du CAF. D'ailleurs selon André Gosset, journaliste au "Paris-Normandie", "Les alpinistes et habitués de la montagne sont plus nombreux à Caen et dans la région qu'on ne le pense.....Il est donc opportun de les rassembler dans une section du club alpin, qui verra très probablement le jour la semaine prochaine à Clécy, au pied des rochers de granit, où toutes les personnes intéréssées par la question seront invitées"
Mais le fait le plus marquant, c'est que la veille des réunions préparatoires, un évènement incroyable pour la région eut lieu: Un guide de Chamonix "Henri Thiolière", également membre de l'équipe olympique de Saut à Ski se retrouve au pied de l'Aiguillette de Mortain.
"Il s'agissait de cette aiguille de granit haute de trente mètres environ, d'une verticalité absolue, agrémentée de longs passages en surplomb...Dimanche matin, Henri Thiolière était à pied d'oeuvre et se hissait au sommet de l'aiguille en un peu moins d'une heure. Jamais encore, à la connaissance des gens du pays, cette escalade n'avait été faite et la première ..était signée par un maître de l'alpinisme".
Dans le ton, nous sommes presque dans de la littérature alpine, un peu plus et on imagine la tempête de neige agrémenter le tout.
Déjà Mortain allait avoir son aura de danger, lisez plutôt: "L'entreprise est un peu risquée, reconnut Henri Thiolière, car j'étais démuni de mon attirail de grimpeur. De plus le granit de Mortain est lisse et non rugueux comme celui des Alpes et la plupart des prises sont d'autant plus mal aisées qu'elles sont inclinées vers le bas. Il ne faudrait pas se lancer sur cette aiguille sans être "assuré", le danger est grand de dévisser. Je n'ai d'ailleurs pas choisi...l'itinéraire le plus scabreux; une autre face de l'aiguille offre plus de difficultés encore et reste vierge d'escalade."
Une terrible question est alors posée par notre journaliste: "Vous aurez montré la voie aux alpinistes normands. Mais croyez vous que l'aiguille de Mortain soit à la portée d'un amateur?"
Sympa, le guide répond "Bien sûr...il suffirait de l'aménager en posant quelques pitons de-ci de-là pour permettre ce que nous appelons l'escalade artificielle. Vous possédez ainsi dans la région de la suisse normande,en particulier à Mortain et à Clécy, d'excellents rochers susceptibles de former de bons grimpeurs. Les roches de Fontainebleau, si fréquentées sont beaucoup plus modestes...."
Ainsi, il y a soixante ans, Mortain ouvrait ses portes aux pitons...Pitons qui allaient voir une terrible bataille 25 ans après...Mais c'est déjà une autre histoire!
Pourtant, une bataille d'historiens pourrait avoir lieu. Si cet article des années 50 donne la primauté à Henri Thiollière, une autre piste prétend que la première pourrait être plus ancienne. En effet, dans les années 70 à Chamonix, à la faveur d'une angine, Didier Laisné découvre dans le cabinet d'un vieux médecin la photo de notre aiguillette!
Cette photo des années 40 montraient des chamoniards grimpant ce qu'on appelle aujourd'hui "La Gobbi"... Sur ce sujet, Didier mêne l'enquête!
Les années 60/70: une falaise qui se développe
Quelques photos d'archive datant de cette période. Elles sont issues de la collection personnelle de Guy Brehée, dont Didier Laisné nous retrace en quelques lignes la biographie
Guy Bréhée est né en 1941 à Domfront où ses parents tenaient une épicerie. Ses premiers pas de grimpeur se font un peu tardivement à 27 ans mais sont rapidement compensés par une grande activité "tous azimuts" ! il y a peu de falaises dans la région qui n'ont pas leur voie ou variante "Guy Bréhée"... parmi les plus marquantes, la Henri II à Mortain, en 1971, en chaussures de montagne, encordé à la ceinture ! un gardien de refuge se trouve à l'origine du nom : "sers toi en riz !"
Depuis, Guy n'a cessé de grimper et passe encore sans souci dans le 5c en tête (2021)...alpiniste de bon niveau également, il organise encore tous les étés des stages en montagne avec son club à Vitré où il réside.
Son fils Frédéric est guide à Chamonix.
Les enfants grimpeurs que nous étions à Mortain au début des années 70 ont indéniablement été marqués et influencés par la rencontre de ce "grand" homme passionné,talentueux mais bienveillant...un exemple que je suis tellement heureux de pouvoir encore croiser.
Les années 1970: Le libre à tout prix
Les chroniques de Didier retrace l'une des période les plus importantes dans l"évolution de l'escalade, tant à Mortain qu'en France.
En bandeau, à gauche, le vieux topo des années 70 (?) annoté par Didier, lors de la libération des voies et des nouvelles ouvertures. A droite, Didier en couverture du topo de 1989.
En prime, un dessin préparatoire au topo de 1989.