Domes de miage et bionnassay (2007)

C'est Alain qui m'a proposé ce merveilleux raid et j'ai tout de suite acquiescé. J'avais déjà eu l'occasion d'effectuer à deux reprises la traversée des Dômes. Je la tiens pour une des plus belles courses que je connaisse à ce niveau de difficulté. Et bien sûr, j'avais remarqué la belle aiguille de Bionnassay et son extraordinaire arête nord-est mais je n'avais pas eu l'occasion d'aller y traîner mes crampons!!! . Cette superbe chevauchée d'arêtes ne pouvait que m'enthousiasmer.


Nous commençons par une petite visite à l'OHM où l'on est toujours très bien accueilli. Nous apprenons que les conditions de course sont idéales et que le refuge Durier n'est pas gardé. « Comme cela nous serons moins nombreux » lançons nous en guise de boutade. « Ne croyez pas cela » nous répond le gendarme de service, beaucoup d'alpinistes sont passés se renseigner.


Au terme d'une petite grimpette sans encombre, nous arrivons au refuge des Conscrits. En allant repérer le départ du sentier pour gravir l'aiguille de la Bérangère, nous surprenons de jeunes bouquetins de l'année et nous restons un bon moment à les regarder faire les zazous. Quelle santé!!! Bon dîner, nuit paisible, nous sommes en pleine forme pour attaquer le premier volet de notre traversée. Qu'on la fasse d'ouest en est ou d'est en ouest cette ballade entre ciel et terre est toujours aussi agréable dans un décor somptueux. En approchant du col des Dômes, nous croisons les cordées qui effectuent la traversée dans le sens « normal ». Puis nous gravissons le dôme culminant qui, à l'écart de la traversée « classique », est beaucoup moins fréquenté. Nous poursuivons sur l'arête qui maintenant s'infléchit vers le refuge Durier. En vue de celui ci, quelques passages de désescalade assez raides nous demandent plus d'attention.


Petite boite de tôles et de bois posée au milieu de nulle part, ce refuge a le charme indéfinissable des abris de haute altitude. S'y entasser à 13 (la veille, ils étaient 18 – notre gendarme avait raison!!!) demande un minimum d'organisation. Comme souvent lorsque le lever est très matinal et l'engagement plus important, le réveil sonne alors que je viens juste de trouver le sommeil. Petit déjeuner rapide et nous nous encordons directement dans le refuge. Dans la nuit, un petit vent vif nous accompagne alors que nous remontons des pentes neigeuses qui se redressent et s'affinent. Nous arrivons au pied du grand bastion rocheux. Comme celui ci est en mixte, nous gardons les crampons.

Pas de difficultés particulières et nous progressons régulièrement à corde tendue en exploitant au mieux le terrain pour nous protéger. Soudain alors que j'opère un rétablissement en haut d'un petit mur un curieux blink blink retentit. Merde mon crampon!!! Je repère la direction de la chute et demande à Alain de me mouliner pour tenter une opération de récupération. Hélas, celui ci demeure introuvable et je devrai donc finir la course avec un seul « crabe ». Une dernière pente de neige en « s » nous amène sur le sommet bellement aérien!!! Et l'arête nous attend aussi lumineuse et pure qu'un dessin de Samivel. Nous la franchissons tantôt sur son flanc, tantôt sur son fil. Du bonheur à l'état brut. Les traces et les conditions sont bonnes et l'absence de ce satané crampon ne se fait pas trop sentir. Nous progressons vers le dôme du Goûter alors que le temps s'abernaudit et quand nous rejoignons celui ci il disparaît dans les nuages. Etrange ambiance ouatée sur ce mamelon géant sans repère. Le silence est assourdissant mais soudain au loin nous entendons de multiples voix. Nous venons de retrouver la voie normale du Mont Blanc. Fini le calme et la solitude!!!

Nous passons par le refuge du Goûter – plein comme il se doit – et entamons la descente de l'aiguille éponyme. C' est la partie obscure de la course. Le rocher est plus que douteux; ça monte, ça descend, ça se croise dans tous les sens et au moment de traverser le sinistre « grand couloir » pour la première fois de la journée, j'ai les jetons!!!


Le TMB nous attend au nid d'aigle et nous n'avons plus qu'à nous laisser descendre dans la vallée. Un peu plus tard autour d'un apéro, un peu euphorique, nous nous remémorons ces merveilleux moments. Ce n'est pas le coté le plus désagréable de l'alpinisme!!!

Dominique

P.S.: désolé il n'y a pas de photos d'Alain, mon appareil photo a suivi le même chemin que mon crampon quelques jours plus tard!!!