01 Système parental

« Leur modèle de relation est le Fihavanana (filongoa), c’est à dire la façon dont on se comporte entre parents : en étant souriant, accueillant, gentil. On ne reconnaît pas d’autre modèle-type de rapport humain. Le Fihavanana combat la crainte profonde de l’éclatement, de la guerre civile, de l’anonymat. On vit dans une société d’inter-connaissance ». Patrick Rajoelina nous dessine ainsi la clé de voûte de la société malgache.

Jadis, cette alliance était le garant des valeurs traditionnelles. L’insécurité n’a pas empêché l’épanouissement de la sagesse malgache, dans un climat heureux d’une île défendue de l’extérieur et où la tradition des ancêtres (Fomban-drazana) apporte la stabilité.

Le sentiment de la responsabilité de la communauté et de l’équilibre relie chaque homme à l’ordre du monde, dans une conception finalement optimiste « mamy ny aina » : la douceur de vivre.

Le vol de zébus était une obligation sociale des Bara : un jeune homme ne peut se marier sans avoir prouvé sa force (en plus du ringa ou lutte à mains nues). A l’origine, cette coutume qui poussait le jeune Bara à subtiliser un bœuf pour séduire la jeune fille de ses rêves, n’était qu’un traditionnel vol « sportif » de zébu. Elle ne portait guère préjudice à leur organisation, tant que l’équilibre était respecté.

Au fil du temps, l’envie grandissante, et aujourd’hui pour des motifs purement spéculatifs, cela a dégénéré en brigandage pour devenir un véritable fléau social. Néanmoins, il demeure un élément important de la cérémonie de mariage, car, la dot est toujours constituée d’offrande de zébus que les hommes iront dérober chez le clan avoisinant.

Vol de zébu & Psychiatrie

Qualifié d’obéissance à un impératif initiatique le vol de zébu chez les Bara n’est pas considéré comme délinquance en milieu tribal.

LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES DES POPULATIONS AUTOCHTONES - ASNOM.

PATRILOCAUX, les nouveaux couples éliront domicile dans le village paternel de l’époux comme le rappelle cette maxime : « kofehy manara-panjaitra » l’épouse est comme le fil qui suit l’aiguille. POLYGAMES, les Bara respectent la FILIATION PATRILINEAIRE, privilégiant ainsi l’ascendance paternelle.

Les unions à caractère ENDOGAME sont d’usage courant : Profiter des liens déjà existants afin de renforcer la stabilité de la société, tout en réduisant les conflits. Par la même occasion, les richesses restent au sein du groupe pour la préservation du patrimoine.

"Matriarcat"

article du 06.03.2012

Ce diagramme pourrait s’insérer entre Olona et Razana sur le diagramme récapitulatif des fondements de la croyance malgache (voir "société")

Toutefois, ils avaient leur conception de l’INCESTE, suivant des règles bien établies :

  • Est interdite, l’union des enfants issues de la même mère car ils sont de même cœur (tampo raiky) ou du même utérus (troky raiky).

  • Il en est de même des enfants de deux sœurs.

  • Est tolérée, l’union d’enfants de même père mais de mères différentes : ils sont seulement « presque » frères et sœurs (anaka piolotsy).

  • Le mariage idéal se fera entre les enfants d’un frère et d’une sœur.

  • La plupart du temps, l’union se fera entre neveux et nièces.

Un COMPROMIS ou ala-faly est possible pour les « cas particuliers ». Un sacrifice de zébu s’imposera, afin d’absoudre le caractère incestueux d’une union. Jadis, le couple était enduit du sang lors de l’offrande, afin de les purifier. Aujourd’hui, le don d’une certaine somme d’argent à la famille suffira.

La STERILITE est vécu comme un véritable malheur. Ne pas disposer de descendance est la pire des situations. Qui s’occupera des sépultures ? Qui aidera aux divers travaux quotidiens ? A qui reviendra tous les biens, fruits de ces durs labeurs ?

Il est d’usage que le couple vive en commun afin de vérifier leur fécondité. Dans ce cas, le vody ondry ratifiera solennellement leur union. Il ne s’agit pas d’un marchandage sur la valeur vénale de l’épouse, mais plutôt une occasion pour vanter ses qualités et compétences, tout en renforçant les liens sociaux à travers de longs palabres très animés. Pour ce faire, on n’hésitera pas à faire appel à d’authentiques spécialistes de discours et du verbe.

Notons au passage qu’il y a un renouveau de l’art du KABARY (voir le site du FIMPIMA)

L’ADOPTION répond à toutes ces incertitudes, d’autant plus qu’elle permet de conjurer le mauvais sort (vintan-dratsy) d’un enfant né sous mauvaise augure, en le plaçant au sein d’une famille plus chanceuse.

Les idées sur la procréation sont fortement imprégnées d’un certain machisme, où le PROCESSUS DE SOLIDIFICATION marquera l’être humain tout au long de sa vie :

                  • Effectivement, c’est le sperme du géniteur qui solidifie le sang de la mère, engendrant le futur bébé. Le cas échéant, le sang de la mère garde le même état liquide et s’écoulera sous forme des menstrues.

                  • Les rituels de passage de l’enfant à l’âge adulte, comme la circoncision, le confirme par la consolidation de son caractère.

                  • Enfin, à la mort, la chair (élément féminin) tombe pour que subsistent les os (éléments masculins) : Ultime solidification avant l’entrée au panthéon des ancêtres.

"Liquide fécondant"

article du 06.03.2012

Si les relations extra-conjugales sont tolérées en dehors des périodes de grossesse, le père de famille est tenu à respecter l’abstinence, avant l’arrivée du nouveau-né afin de mieux le préserver. L’accouchement se passe dans la maison paternelle de la future mère. Ce n’est qu’au retour de l’enfant dans le village que le père commencera à avoir une influence sur lui.

A la naissance, il est d’usage d’attribuer un nom laid à l’enfant, afin de le protéger contre les mauvais esprits. La puberté sera marquée par l’attribution d’un nom définitif. Il arrive qu’on change encore de patronyme, même à l’âge adulte, suite à une ascension sociale (souverain) ou par exemple à l’issue d’une grave maladie.

Eschatologie & Au-delà

Au siècle dernier le missionnaire, le Père ABINAL expliquait :

« AMBONDROMBE, la montagne est divisée en trois zones circulaires égales. Durant la première année, les âmes habitent la zone inférieure ; elle montent ensuite à la seconde zone et arrivent, vers les commencements de la troisième année, au sommet du rocher dans la région du nuage qui le couronne […] Lorsqu’un souverain s’approche de la mort, des ombres choisies sont envoyées au devant d’eux ; on les voit errer autour de la capitale et annoncer le prochain deuil par les feux de leurs torches lugubres. »

Allant jusqu’à comparer aux fêtes de Noël et de nouvel an chez les occidentaux, l’importance des funérailles Bara, dans

"Les Rites de l'Au-delà" Odile Jacob, 6 sept. 1995 - Jean Pierre MOHEN n’hésite pas à dire que :

« Le thème abordé par les Bara dans leurs rites funéraires est celui de la continuité de la vie dans la mort. Celle-ci, quand elles intervient, n’est pas seulement le passage dans l’après-vie, mais la continuation d’un processus de vie commencé depuis longtemps avec les ancêtres ascendants, sous forme de production vitale, de procréation, de construction de tombe et d’instauration du culte funéraire des ancêtres, garant de l’ordre social. La continuité de la vie concrète est palpable à l’échelon individuel et collectif » (p112 - p114)

« La mort malgache est une transition entre la vie terrestre et la libération de l’âme, et considère que la transition commence à la conception de l’enfant, quand l’utérus de la mère est inondé de sang féminin et qu’il reçoit le sperme masculin » (p115)

« Le décès d’une personne provoque un excès d’ordre, une crispation sociale et émotive qui bouleverse l’équilibre de la vie quotidienne entre la vitalité et l’ordre » (p116)

« Les Bara cherchent, grâce aux rites funéraires, à compenser le déficit de ce déséquilibre par l’accroissement symbolique de la vitalité » (p116)

Dans l’ancien temps, les malgaches ne croyaient ni au paradis ni aux enfers. Néanmoins, le passage dans l’Au-Delà était quand même l’objet de rituels spécifiques. L’animisme malgache est, en lui, une forme de communication constante avec le monde invisible. Aujourd’hui, les croyances malgaches se partagent entre les religions révélées et les cultes ancestraux, ou bien, la plupart du temps, elles concilient les deux.

LA DIMENSION RELIGIEUSE EST PARTOUT !

Avant l’usage des tombeaux, les Bara n’enveloppaient pas leur mort dans un lamba. On allongeait tout simplement le corps sur un rocher, pour le recouvrir de pierres. Plus tard, les tombes mégalithiques firent leur apparition. Elles sont de véritables symboles d’énergie, pensées et intégrées aux systèmes funéraires, sociaux et religieux.

Par exemple, au moment de la fermeture de la sépulture, rompre une ficelle reliée au cadavre était un symbole fort, marquant la séparation avec la veuve.

Les TSIVORY sont des cénotaphes commémorant les parents morts au loin, dont le corps n’a pas pu être ramené.

Les Bara prenaient le temps pou s’occuper de leur mort. Les cérémonies, très riches en détails, se déroulaient en trois étapes sur plusieurs jours :

extrait du “Les rites de l’au-delà” Jean Pierre Mohen - éd. Odile Jacob 1995-2010 p116 - p118

Ces rituels permettent donc d’assurer que le mort a réussi, dans son premier lieu de sépulture, le passage entre la vie terrestre et le monde des morts. Fin du grand voyage vers le royaume de l’au-delà. Dorénavant, le proche trône au panthéon des ancêtres.

Un rituel spécifique était réservé au souverain Bara. Ses sujets enveloppaient la dépouille royale dans une peau de zébu, avant de la déposer dans des cavernes secrètes. On retrouve aussi cette coutume au Rwanda.

article du 06.03.2012

Sources :

  • MOHEN, Jean Pierre (06.09.1995). Les Rites de l'Au-delà Odile Jacob