Malgré l’éloignement de toute civilisation, cette ethnie du Sud semble quand même croire à une existence divine, ce qui suscite quelques questionnements :
Les Bara croient-ils à l’existence de Dieu ?
Comment Dieu agit-Il d’après leurs croyances ?
Sont-ils polythéistes ?
Où Dieu se trouve-t-Il, selon eux ?
Essayons de découvrir et comprendre leur croyance à l’existence de Dieu.
LEUR CROYANCE A L’EXISTENCE DE DIEU :
Cette croyance des Bara à l’existence de Dieu transparaît au quotidien à travers leurs mœurs et leur langage.
Quand les femmes ou les enfants se chamaillent, ils se lancent des imprécations telles que : « Que Zanahary (le Créateur) te rappelle à lui ! » ou « Que Zanahary te tue ! » Ce qui fait penser qu’il existe un Zanahary qui reprend la vie.
Si malgré la morale, un enfant persiste dans une attitude irrespectueuse envers ses parents, de guerre lasse, ces derniers seront amenés à le maudire suivant ce rituel : La mère arrose ses coudes d’eau et l’asperge en direction du ciel ; elle lave aussi ses seins en projetant l’eau vers le haut. Puis elle dit enfin : « Le même sang coule dans nos veines, oui, tu es chair de ma chair ; mais ce que tu me fais subir est insupportable et Zanahary entend, Ndriananahary voit : alors reste en vie, porte-toi bien, aie plein d’enfants, sois prospère, mais ce que tu me fais là, que tes enfants te le fassent à leur tour ! » Cela montre la croyance des Bara en un Zanahary qui voit tout et qui punit en conséquence.
Les accusations injustifiées, sans témoins, pour une mauvaise action (vol, etc.) se résolvent par une conjuration. Soit, on appelle Dieu pour qu’Il envoie la foudre sur le malfaiteur, s’il est réellement coupable et qu’un scorpion vienne le piquer sur le champ ; mais, qu’Il le protège en cas d’innocence. Il arrive aussi qu’on contraigne un accusé à nager dans une eau profonde infestée de crocodiles tout en invoquant Dieu, qui selon le cas, le laissera se faire dévorer, ou bien l’aidera à traverser sain et sauf jusqu’à l’autre rive s’il n’a rien commis.
Cela indique encore une fois, leur croyance à l’existence de Dieu. Celui qui ne tolère pas les malfaisants et garde la vie sauve aux justes.
Le Fati-dra (1) est un serment qui lie deux ou plusieurs personnes qui se porteront assistance en toutes circonstances. C’est un acte difficile qui vise à réconcilier les cœurs des personnes en rupture. Ou fusionner des individus d’origines différentes.
Appelé aussi vakira* en dialecte bara mitaky, le fati-dra (ou fatidra) est un rituel pour sceller la confiance entre deux personnes - ici, un Mahafaly de passage et un Bara - comme le montre cette séries de photographies de Faublée en 1939. Photothèque du Musée d'Ethnographie de Genève ©
Alors, on invoque Dieu, omniscient. A celui qui ose transgresser ce serment, Dieu tuera sept membres de sa famille, et lui-même mourra. Cette pratique démontre leur croyance en un Dieu réconciliateur de tous les hommes, qu’il soit juif ou grec ; mais qui punit celui qui rompt cette union.
Ils citent les proverbes ci-dessous pour évoquer la présence du Tout-Puissant à travers l’Univers :
Face à une déception : “L’homme propose, Dieu dispose”
Le respect d’autrui : “ On ne trompe pas les sots, car on craint Zanahary”
Devant l’échec d’un soin du guérisseur (ombiasa) : “Zanahary entre par la fenêtre, l’ombiasa par la porte ; Zanahary retire la vie par la tête, l’ombiasa retient le corps par les pieds ; Zanahary est Tout-Puissant car le malade décède, Il a eu raison de sa vie ...”
Pour faire la différence entre Dieu et un devin guérisseur : « Le devin occupe le cœur des hommes, les remèdes sont au cœur des plantes ; mais Zanahary, situé au-delà du ciel, porte son regard omniprésent ici-bas ».
A travers tous les contes Bara, surtout ceux racontés par les grand-mères aux tout-petits, transparaît leur foi en Dieu. D’autres récits se portent sur la création du premier homme, ses rapports avec Dieu jusqu’à l’avènement de la mort qui perdure de nos jours (voir chapitre III). Ceux-ci sont tellement passionnants et similaires à la Genèse. Tout en justifiant l’unique origine de tous les hommes.
Bien que les Bara aient leur idée sur l’existence de Dieu, les aléas de leur vie difficile, les empêchent d’avoir une Foi éclairée.
L’IMAGE DIVINE SELON LEURS CROYANCES :
Seul Dieu représente la perfection, d’ailleurs Il en est l’origine. D’où la description par les Bara des qualités humaines comme suit : « Cet homme beau ou bon, telle l’incarnation du Zanahary n’a pas été enfanté par l’homme mais, sûrement, est une œuvre du CREATEUR ». De même, en parlant d’un animal : « Ce zébu est divin, tellement sa robe est magnifique ». Et enfin, à la personne rescapée d’un désastre de dire : « J’y ai échappé car Zanahary qui est bon et qui n’aime pas le malheur m’a préservé. »
Pour les Bara « Dieu est le plus puissant en terme de savoir-faire » et « Même si l’homme réalise un chef-d’œuvre, il n’égalera jamais Dieu ; car de Lui seul proviennent le sang et la vie. » Les Bara disent la même chose des vazaha en voyant la technologie importée par ces derniers : photographies, montre-réveil et diverses machines...
Comme tous les croyants de toutes les nations, les Bara n’échappent pas à la crainte de Dieu : Le Noble Souverain (Andriana) tellement craint et respecté, qu’ils n’oseraient même pas Le prier à « descendre dans leurs cœurs pour les guider » comme le font les chrétiens !
C’est pour cela que, jadis, il était inconcevable d’ériger une église ou un temple à proximité d’une habitation Bara car « on y invoque quotidiennement Dieu » et que « cette demeure d’un Dieu sévère attirerait la foudre. »
Si dans un nouveau village deux ou trois décès surviennent à la suite, cela entraînera aussitôt l’abandon des lieux car « Zanahary y est présent et reprend toute vie.» Alors, on ira reconstruire ailleurs.
De l’entendement d’un Dieu Juste dépendra la réalisation d’une conjuration, qui fera l’entière satisfaction de l’officiant et du concerné.
A propos d’une personne ingrate : « Tu rends par le mal le bien que nous t’avons fait, mais Dieu saura tous nous récompenser - ou punir. »
Avant d’affronter un rival, un souverain invite son peuple, prêt à combattre, à offrir cette guerre au Dieu de la Justice selon le rituel du « tatalefo » :
Il appose de l’or ou de l’argent sur le fusil qu’il élève au-dessus de sa tête, ensuite il se tourne vers l’Est en criant : « Toi, Zanahary au-dessus de nos têtes, Toi qui est omniscient, je t’appelle pour départager nos différends. » « Si Monseigneur… nous déclare une guerre parce que nous lui avons manqué de respect, alors sa cause sera juste : ses sagaies et fusils nous vaincront. Et nos armes ne seront que boue et eau, inoffensifs. » « Mais si mes intentions étaient justes, et que je cherchais uniquement à œuvrer pour la paix et le bien-être de mon royaume ; alors nos armes seront redoutables, et les siennes ne cracheront que de l’eau et de la boue ».
Après ces incantations, le souverain ouvre le feu en direction de l’ennemi, qui souvent, bat aussitôt en retraite. Mais ce dernier sera surtout impressionné par les formules magiques du « tatalefona » !
Ce recours au Dieu Justicier est fréquent chez les Bara et leur évite de s’entre-tuer inutilement suite à des querelles insignifiantes.
EN COMBIEN DE DIEUX CROIENT-ILS ?
« Dieu n’est pas unique » selon eux, « car un Dieu pour tous est aussi présent en chaque personne » Et le sort de chacun dépendra de la nature de cette divinité en lui. Celui qui a en lui le Dieu de la Compassion, et n’aime pas ôter une vie, vivra vieux. Mais, celui qui dispose du Dieu Sévère, et qui ne pense qu’à éliminer, disparaîtra jeune.
Ils disent ne pas connaître les noms de toutes ces divinités, cependant on en distingue six au sommet du panthéon de leurs dieux :
Ndriananahary ou Zanahary
Ndrianakatsakatse
Ndrianafotrea
Ndrianaboabo
Ndrianatomoa
Ndrianabolisy
article du 05.03.2012
Parmi ces dieux, seul le premier Dieu CREATEUR est Tout-Puissant et omnipotent, et Il est à l’origine du ciel et de la terre ; les autres sont ses Aides. Ces derniers peuvent tout de même apporter une bénédiction à celui qui la demande.
LA SITUATION DE CES DIEUX :
L’histoire des Bara n’indique pas avec précision la localisation des divinités. Cependant, ces six Dieux principaux ne sont pas ici-bas mais dans le ciel. Ils y accèdent à l’aide d’une échelle en corde d’or. On dit que l’endroit où ils se trouvent est un pays merveilleux. Leur demeure est tout en métal. Les trônes sont en argent. On y retrouve absolument tout ce qui est agréable sur terre. On ne saura décrire tout ce qu’il y existe comme beaux objets décoratifs dans une demeure, en possession de ces dieux. On dit aussi qu’il y a d’innombrables esclaves. Ils sont tous là pour les servir.
Et même s’ils semblent lointains, il leur arrive de descendre sur terre pour entendre les lamentations et les demandes, que ce soit le jour ou la nuit.
De même, la nuit à travers les rêves, ils interviennent pour communiquer avec les devins et les oracles.
A lire :
REJASSE, Céline (2011) Vakirà Bara et baptême catholique. Un rituel inculturé à Madagascar (in Revue de l’histoire des religions, 1) pages 71-92.
P. RALAHIZAHY, Pierre Marie Jérôme (2000) D’une Alliance culturelle à l’Alliance chrétienne : le vakirà bara et le sacrement du baptême (in Mémoire de maîtrise en théologie correspondant à la licence canonique de théologie - Institut Catholique de Madagascar - Ambatoroka-Antananarivo).
COURNOT, Louis (16.10.1897) La Famille à Madagascar Audience - Cour d'Appel d'Angers p 17 (1)